Rapport
Séance du 20 juin 2006

06-18 Importance de la communication dans la relation soignant-soigné

MOTS-CLÉS : communication. empathie. relations médecin-malade
Importance of communication in the patient-caregiver relationship
KEY-WORDS : communication. empathy. physician-patient relations

Jean-Marie Mantz et Francis Wattel (au nom d’un groupe de travail et de la Commission XV(Ethique et Responsabilité professionnelle)

Résumé

La plupart des litiges voire des conflits qui surviennent entre soignants et soignés résultent d’un manque ou d’une insuffisance de communication. La qualité des premiers contacts, les informations que le patient, inquiet, attend sur sa maladie, son traitement, son avenir, la confiance qu’il porte à son médecin s’en trouvent compromises de même, à terme, que la relation médecin-malade elle-même. Les principales causes de cette carence sont une prise de conscience insuffisante de l’importance de l’information du malade, un manque de temps et une formation quasi inexistante du personnel soignant à la communication. Il est urgent de remédier à cette situation en veillant à la qualité de l’accueil, particulièrement en urgence, à la formation à la communication de tous les acteurs de santé et en permettant aux médecins de consacrer l’essentiel de leur temps aux malades, aussi bien en milieu hospitalier que libéral. La population elle-même, instruite par les médias, devrait également participer à cette véritable ‘‘ culture de la communication ’’, gage d’une qualité essentielle de la relation médecin-malade, la confiance partagée.

Summary

Most misunderstandings between patients and caregivers arise from poor communication. The quality of the first contact, the information that patients receive about their illness, their therapy and their future, and their trust in their physician, are these all crucial. The reasons for inadequate communication include underestimation of the importance of appropriate patient information, time restrictions, and the lack of specific courses for caregivers. The quality of patient management during admission, particularly to emergency units, should be an immediate focus for improvement. Communication courses should be organized throughout the healthcare system, and physicians must be more available for their patients. This applies both to hospital and community healthcare activities. A true ‘‘ culture of communication ’’ should be nurtured in order to strengthen mutual trust.

IMPORTANCE DE LA COMMUNICATION DANS LA RELATION SOIGNANTSOIGNÉ

Dans le contexte d’une médecine de plus en plus technique et performante, la relation médecin-malade s’est profondément modifiée au cours des dernières décennies et continue à se transformer sous nos yeux [1].

Gardienne de la tradition française de la qualité de la médecine et du respect des valeurs humaines, l’Académie nationale de médecine se préoccupe de ce problème.

Rappel historique

Longtemps un certain paternalisme médical a prévalu, le médecin imposant au malade, parfois sans explication, la décision qu’il jugeait la meilleure. Les termes de « prescription », « d’ordonnance » reflètent bien cet état d’esprit.

La notion de « consentement aux soins » apparaît dans la jurisprudence française dès 1936. Reprise en 1957 dans une loi Californienne (Informed Consent) elle a rapidement bénéficié d’un consensus International. Devenue la pierre angulaire de l’éthique occidentale [2] et reconnaissant au patient le droit d’être clairement et totalement informé [3] et celui d’accepter ou de refuser [18] les examens ou les traitements qui lui sont proposés elle a sonné le glas du modèle paternaliste.

Progressivement la société a modifié ses normes, privilégiant la notion de contrat de soins officialisée par toute une série de dispositions légales [3] reconnaissant au malade des droits de plus en plus étendus et imposant au médecin des contraintes de plus en plus lourdes.

De malade confiant dans la décision médicale le patient est devenu partenaire autonome, puis codécideur, enfin usager consommateur de soins.

La dérive est manifeste. Cette médecine judiciarisée, contractualisée et consumériste porte en elle une triple menace :

— Elle introduit un climat de méfiance entre le corps médical et les malades.

L’Académie nationale de médecine a déjà exprimé ses craintes à ce sujet [4] notamment dans l’avis formulé à propos de la loi no 2002-303 du 4 mars
soit lors de la prise de rendez-vous, à l’accueil, en salle d’attente, en consultation ou en milieu hospitalier [8-11].

Quelles sont les Causes de cette carence ?

Elles sont multiples :

L’asymétrie de la relation entre le professionnalisme d’un praticien formé et l’amateurisme d’un patient dépendant.

Le manque d’écoute et de parole « Le médecin est par excellence un être de communication, c’est-à-dire d’écoute et de discours, ces voies qui font pénétrer au cœur de la dignité des hommes qui se confient à lui » [12].

Mais la façon dont l’information est présentée par le médecin influence, fût-ce à son insu, la réaction du patient. « Quand le savoir passe des lèvres du médecin à l’oreille du patient, il prend une connotation nouvelle. Ce qui est connaissance pour le médecin devient vérité sur son destin pour le malade » [13].

La plupart des malentendus, des litiges, voire des conflits qui surviennent entre soignants et soignés sont liés à une carence de communication : manque d’écoute qui prive le médecin d’informations essentielles, non seulement sur les symptômes ressentis par le malade mais aussi sur son état d’esprit, ses croyances, son inquiétude ; manque d’explications qui laisse le malade aux prises avec ses questions, ses doutes, ses angoisses.

• La raison majeure de cette « rencontre du silence » entre le malade et le médecin est sans doute le manque de temps lié, entre autres, à l’hypertechnicité chronophage et déshumanisante de la médecine actuelle, à l’inadé- quation des effectifs médicaux et paramédicaux par apport aux besoins et aux tâches administratives de plus en plus lourdes qui accablent le médecin [14].

• Ces causes varient en fonction des particularités de chaque malade, [15] de l’âge, de la personnalité de chacun [16] (les médecins n’échappent pas non plus à la tyrannie de leurs gènes, exacerbée parfois par le poids de la fatigue), du type de pathologie en cause (aigu ou chronique), du statut administratif (migrant, sans domicile fixe…) de l’environnement (familial, institutionnel…), des différents modes d’exercice de la médecine (libérale, hospitalière, générale, spécialisée, scolaire, carcérale…).

• Ces causes varient également selon les disciplines, chacune donnant à la communication une tonalité particulière comme l’indiquent les témoignages recueillis auprès de spécialistes de différentes disciplines et figurant en annexe de ce rapport.

Précisons à ce propos que si en médecine et en chirurgie traditionnelles la relation médecin-malade se déroule encore le plus souvent dans l’esprit du « colloque singulier », ces mêmes disciplines rencontrent des difficultés 2002
Bull. Acad. Natle Méd. , 2006, 190 , no 9, 1999-2011, séance du 20 juin 2006 particulières lorsqu’elles abordent des activités de pointe ou d’innovation (chirurgie cardiaque, transplantation d’organes, téléchirurgie…). La diversité des spécialités impliquées, l’inaccessibilité des locaux, la multiplicité des intervenants, la dilution des responsabilités sont autant d’obstacles à la communication avec le malade, sa famille ou leur représentant.

Influence des médias

Internet par exemple, prodigieux moyen d’information, comporte de graves inconvénients dont on commence seulement à mesurer l’ampleur : l’usager découvre d’innombrables informations qui ne sont ni triées, ni hiérarchisées, ni évaluées et qu’il a tendance à mettre en concurrence avec celles données par le médecin. Plus grave encore, Internet favorise l’automédication débridée offrant au patient la possibilité de puiser sans contrôle dans un éventail illimité de thérapeutiques plus ou moins valables.

Quant à la presse écrite ou télévisée, il convient de distinguer parmi les journalistes ceux qui visent le scoop, confondant trop souvent vérité et approximation, exclusivité et indiscrétion et ceux qui, souvent médecins euxmêmes, se spécialisent dans les émissions médicales, contrôlent leurs sources et remplissent pleinement leur mission d’information.

LES REMÈDES LÉGAUX

Plusieurs lois ont été récemment promulguées dans le but d’améliorer l’information du patient ou de faciliter l’expression de sa volonté.

Précisons cependant que la loi n’est pas l’éthique. Aucune disposition légale ne peut couvrir l’infinie variété des cas particuliers et ne dispense de l’engagement personnel du médecin.

Les intermédiaires messagers

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients et à la qualité du système de santé [3] garantit à toute personne la possibilité d’être accompagnée dans des choix difficiles par une « personne de confiance » et d’être assurée que sa volonté sera respectée même si elle ne peut l’exprimer elle-même.

En toute logique le médecin traitant devrait être cette personne de confiance privilégiée prévue par la loi.

Les directives anticipées

Le « testament de vie » rédigé par le patient en prévision de sa fin de vie a été remis à l’ordre du jour par la loi du 22 avril 2005 sous la forme de « Directives anticipées » [3] : Ces Directives peuvent être considérées comme un instrument intéressant de communication différée dans le temps : « La décision est
prise par le médecin en charge du patient après concertation avec l’équipe de soins et sur l’avis motivé d’au moins un médecin appelé en qualité de consultant ». Elle « prend en compte les souhaits que le patient aurait antérieurement exprimés », ainsi que « l’avis de la personne de confiance qu’il aurait désignée et celui de la famille ou, à défaut, celui d’un de ses proches. » Le dossier médical partagé (DMP)

Introduit par la loi du 4 mars 2002 il constitue le support de la décision médicale partagée, nouvelle donne de la relation médecin-malade. On ne saurait cependant minimiser les difficultés de l’entreprise [17] — Difficultés techniques : quelles données faut-il inclure ? Les seuls faits avérés ? Les hypothèses ? Une trop grande exhaustivité des données rend l’utilisation du dossier difficile.

— Une surconsommation de temps administratif est inévitable.

— Difficultés psychologiques : résonance alarmante pour le malade de certains mots (Cancer, Sida, Alzheimer…) même s’ils ne sont mentionnés qu’à titre d’hypothèse ; problèmes médicaux intra-familiaux touchant à la vie privée de chacun des membres.

— Le cadre juridique du DMP n’est pas encore défini : qui est propriétaire du dossier ? Le patient a-t-il droit à la rétention d’informations, au remords ?

— Problèmes éthiques enfin concernant le respect de la confidentialité, compromis par la multiplicité des accès informatiques et des utilisateurs potentiels. Pour l’instant aucun mode de stockage de l’information ne garantit une sécurité absolue.

Bien des progrès devront encore être accomplis avant que soit éliminé le coté négatif de cette boîte de Pandore qu’est le DMP actuel qu’une information médicale bien faite devrait rendre superflu.

Des dispositions légales suffisent-elles à enrayer la dérive des comportements ? Certainement pas. Déjà en 1748 Montesquieu, dans « l’Esprit des lois », lançait cet avertissement : « Lorsqu’on veut changer les mœurs et les manières il ne faut pas les changer par les lois ».

NOTRE RÉFLEXION n’a pas pour but de contraindre les acteurs de santé à s’en tenir à la simple application des règlements, mais de les convaincre de l’importance de l’engagement de chacun dans la voie de la communication.

Les remèdes proposés concernent :

— la prise de conscience par l’ensemble des acteurs de la gravité de l’enjeu et des lacunes de notre organisation actuelle.

— l’approche « empathique » du patient et de sa famille.

— une meilleure gestion du temps des soignants.

— la formation du personnel de santé et des patients à la communication.

Le détail de ces propositions est indiqué au chapitre « Recommandations ».

CONCLUSION

Préoccupés par la déshumanisation et la judiciarisation de la médecine et soucieux de conserver à la pratique médicale sa qualité et son éthique, les membres du groupe de travail et de la Commission XV soulignent dans ce rapport l’importance de la communication dans la relation soignant-soigné.

La communication , vectrice et messagère de l’information, est la clé de la relation médecin-malade. Les témoignages de spécialistes de différentes disciplines (annexe) concordent sur ce point.

Or, sauf exception, cette communication se fait mal, que ce soit à domicile, en consultation ou en milieu hospitalier.

Les conséquences de cet état de fait convergent toutes vers une perte plus ou moins complète et plus ou moins durable de la confiance du patient en son médecin, pouvant aller jusqu’au refus de soins [18]. Le nomadisme médical est une des formes de ce changement de mentalité.

Les causes de cette situation sont nombreuses :

— Certaines paraissent hors de portée car elles tiennent à la nature de l’homme : personnalité de chacun, asymétrie de la relation, ou à l’évolution hyper technique de la médecine.

— D’autres sont plus accessibles : défaut d’écoute, de parole et d’échanges entre les interlocuteurs, temps insuffisant consacré au malade, manque de formation à la communication des personnels de santé. Elles inspirent les principales recommandations que nous pouvons formuler.

RECOMMANDATIONS — Prise de conscience :

Tout progrès dans ce domaine de la relation soignant-soigné suppose la prise de conscience de tous les acteurs de l’importance de l’enjeu et des insuffisances des pratiques actuelles.

Le remède ne passe pas par la promulgation de nouvelles lois mais par un véritable changement de mentalité de la société.

 

Dans le domaine médical la communication est un des moyens privilégiés de cette mutation.

Quelques propositions sont faites dans ce sens :

— L’empathie :

De tous les modèles (paternaliste, autonomiste, scientiste, légaliste, contractuel) de relation médecin-malade qui ont été proposés, le modèle empathique est sans doute celui qui permet le mieux de situer les interlocuteurs, proches sans familiarité, respectueux l’un de l’autre sans condescendance ni apitoiement.

L’attitude empathique ne consiste pas à « se mettre à la place de l’autre », ce qui pourrait faire perdre au médecin son identité et sa clairvoyance, mais à s’intéresser à la personne du patient et à s’efforcer de percevoir ce qu’il ressent.

Celle attitude d’attention s’apparente davantage à une alliance, à un compagnonnage qu’à un contrat.

Elle est particulièrement de mise dès les premiers contacts entre le patient anxieux et le monde des soins car de l’ambiance au secrétariat d’accueil, en consultation, en service hospitalier dépend le déroulement ultérieur, harmonieux ou chaotique, de la relation.

— La communication non verbale peut-être, elle aussi, facteur d’empathie.

Il faut avoir été soi-même demandeur de soins pour connaître la valeur d’un geste amical, d’un regard complice, d’un sourire.

Enfin trop souvent l’écran d’un ordinateur est interposé entre le patient et le médecin.

— L’information du patient et de sa famille [19] est essentielle : vraie, claire, nuancée, ajustée au degré de compréhension de chacun, éventuellement réitérée, elle demande de la part du médecin une attention particulière car elle est chargée, pour le malade, de tous les espoirs et de toutes les appréhensions, qu’il s’agisse de la révélation d’un diagnostic, de la proposition d’un examen complémentaire ou du choix d’un traitement.

C’est un art difficile d’écouter patiemment, humblement, de conduire un dialogue, d’informer sans aller au-delà de ce que le malade veut savoir.

L’information doit être donnée en langage intelligible, en termes mesurés, sans jamais sous-estimer la résonance de certains mots dans l’esprit du patient anxieux et de sa famille. Une difficulté supplémentaire tient aux controverses épistémologiques au sujet de certaines maladies (autisme, schizophrénie, maladie d’Alzheimer) et aux divergences de vues concernant leur traitement.

L’annonce d’une maladie grave, à fortiori d’un pronostic fatal, ne doit en
aucun cas être assénée mais délivrée progressivement, par touches successives, sans jamais tuer l’espoir [18, 19].

En ce qui concerne le « dossier médicale partagé », faire comprendre à un patient que la médecine n’est pas une science exacte est une mission délicate. La connaissance de son patient est, pour le médecin responsable du dossier, un impératif. Dans toute équipe médicale hospitalière un seul médecin doit remplir les fonctions de coordinateur du dossier et d’interlocuteur du patient en relation étroite avec le médecin traitant.

— La gestion du temps

Encore le médecin doit-il disposer du temps nécessaire pour accomplir cette mission. Cela suppose l’adéquation des effectifs médicaux et paramédicaux aux besoins, l’organisation interne des services hospitaliers, avec programmation rigoureuse des tâches de chacun et refus de sacrifier aux tâches administratives le domaine de la relation, sans pour autant céder à la tentation du « transfert de compétences ».

Ces préoccupations doivent être présentes à l’esprit des responsables d’unités de soins et des futurs « chefs de pôles », ces entités médicoéconomiques de la nouvelle « gouvernance hospitalière ».

Elle concerne également le médecin traitant à la fois consultant, conseiller, thérapeute, partenaire de contrats, conciliateur, orienteur, acteur de santé publique…

— La formation des soignants et des patients :

A la suite du rapport Cordier [22] l’Académie nationale de médecine a déjà pris position [23] sur cette importante question.

Le sens de la communication est rarement inné. Il s’acquiert, se perfectionne à travers un parcours semé d’obstacles qu’un apprentissage sérieux doit permettre de surmonter.

Qui faut-il former ? La réponse est simple : tous les acteurs de santé.

Actuellement la formation à la communication est quasi inexistante dans la plupart des établissements d’enseignement. Il est temps de l’assurer dans les facultés de médecine, les écoles d’infirmières, de kinésithérapeutes, de diététiciennes.

• En ce qui concerne les étudiants en médecine , il ne saurait être question de minimiser l’importance de la compétence technique. Jean Bernard l’a rappelé avec beaucoup de fermeté : « Le grand malheur pour un malade c’est d’être soigné par un médecin ignorant… La conscience sans la science est inutile, la sensibilité, même sincère, qui cache l’incompétence est dangereuse ».

Mais l’affirmation inverse des dangers de la « science sans conscience » est tout aussi vraie.

Ainsi l’objectif des études médicales doit-il être placé sous le signe de
l’harmonisation entre les acquisitions scientifiques et techniques d’une part, relationnelles d’autre part.

Ces dernières doivent être prises en compte dès les premières années, imprégner toutes les études de médecine et au-delà, dans le cadre de la Formation Médicale Continue [24].

Il serait important également que les directives européennes récentes concernant la réforme LMD (Licence, Master, Doctorat) de l’Enseignement Supérieur tiennent compte de cette dimension humaine de la médecine. Mais c’est surtout au contact des malades, au niveau des stages hospitaliers, dans les unités de soins palliatifs et chez le praticien que l’enseignement de la pratique de la communication prend toute son efficacité [25].

L’évaluation de cette formation est un problème important et difficile qui relève de l’évaluation des pratiques professionnelles en général. En ce qui concerne les pratiques médicales on ne dispose pas pour le moment de critères validés mais d’intéressantes études de performances sont en cours dans différents hôpitaux sur la base d’audits cliniques ou d’enregistrements vidéo.

L’épreuve des « cliniques » d’autrefois, passée en fin d’études et permettant d’observer le comportement effectif du candidat en présence du malade, mérite d’être rétablie.

Les enseignants eux mêmes sont au cœur du problème. Ce sont eux qui, à l’amphithéâtre, au cours des stages, au lit du malade, forment l’étudiant par l’exemplarité de leur discours et de leur comportement. Leur aptitude à la communication devrait, là encore, être évaluée, aussi bien pour le recrutement des cadres que lors des opérations de promotion.

Les infirmières, les aide-soignantes, les kinésithérapeutes passent plus de temps que les médecins auprès des malades et recueillent bien souvent leurs confidences. Ces personnels doivent être préparés dans leurs écoles respectives à cette dimension de leur future activité.

Dans certains services hospitaliers, au Canada en particulier, des réunions hebdomadaires regroupent, en présence du chef de service, tous les acteurs de santé qui échangent leurs témoignages, leurs préoccupations et leurs suggestions, pour le plus grand bien des malades et de leurs familles.

Cette pratique devrait être généralisée.

Le personnel administratif ne peut être dispensé de ces préoccupations et devrait bénéficier, lui aussi, d’une formation spécifique.

Le patient lui-même enfin demeure le personnage central de la démarche médicale. Il doit également être formé [26, 27]. Il ne saurait ignorer que parallèlement aux droits qui lui sont justement reconnus il doit prendre conscience des choix restrictifs qu’imposent souvent les contraintes éco-
nomiques ; conscience aussi de ses responsabilités à la fois médicales et civiques, l’amenant à éviter la surconsommation médicale et à s’impliquer directement dans la prise en charge de sa maladie, surtout si elle a tendance à la chronicité. Les malades chroniques constituent en effet 80 % de la clientèle du généraliste [29].

A ce propos et dans le but d’éviter les litiges qui peuvent survenir au sujet de la prise en charge ou du remboursement d’une prestation, on ne peut que souhaiter, comme le suggère (art. 24) la loi du 13 Août 2004 relative à l’assurance maladie, que le médecin-conseil soit perçu par le patient non seulement comme un contrôleur mais aussi — son titre même l’indique — comme un conseiller.

Enfin la Haute Autorité de Santé récemment mise en place pourrait constituer la structure institutionnelle de référence garantissant la défense de la médecine, des soignés et des soignants.

Les médias , intermédiaires de masse, jouent un rôle considérable dans la façon dont le public perçoit la médecine. Par impacts répétés, les journaux, la radio, la télévision finissent par modeler l’opinion des lecteurs, auditeurs ou spectateurs. Un colloque récent [29] a montré qu’un dialogue fructueux entre médecins et journalistes est possible et mérite d’être poursuivi si l’on veut concilier le droit légitime des citoyens à l’information et le nécessaire respect des valeurs éthiques essentielles.

Tous ces efforts devraient contribuer à promouvoir une véritable « culture de la communication », fondée sur l’attention au malade aussi bien en milieu hospitalier (réunions de service, diffusion des directives afin que tous les acteurs parlent d’une même voix, accueil des familles, mise à disposition de la charte du patient hospitalisé, d’un livret explicatif qui ne doit pas cependant se substituer « au colloque singulier », personnalisation de la prise en charge d’un même malade en évitant de multiplier les intervenants successifs) qu’en médecine libérale, urbaine ou rurale (développement des cabinets de groupe, des « maisons médicales », des réseaux de soins fondés sur la coordination multidisciplinaire). Alors la relation médecin-malade retrouvera sa qualité première, qu’elle n’aurait jamais dû perdre, la confiance partagée.

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[29] Éthique, Médecine et Médias — 2e forum alsacien d’éthique médicale, Strasbourg, 2005 (sous presse).

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L’Académie saisie dans sa séance du mardi 20 juin 2006, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité.

Ce rapport, dans son intégralité avec les annexes, peut être consulté sur le site www.academie-medecine.fr

* Membre de l’Académie nationale de médecine. ** Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. *** Constitué de : Mme A. BAROIS, MM. P. BANZET, J. DUBOUSSET, B. GLORION, P. GODEAU, M. GOULON, Jr LE GALL, D. LOISANCE, J.M MANTZ, J.B PAOLAGGI, D. PELLERIN (président), P. QUENEAU, A. SAFAVIAN, P. VAYRE, F. WATTEL.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 9, 1999-2011, séance du 20 juin 2006