Rapport
Session of 20 juin 2006

06-09 Le prématuré de moins de 28 semaines, sa réanimation et son avenir

MOTS-CLÉS : éthique médicale.. naissance prématurée/mortalité. nourrisson très faible poids naissance/ croissance et développement
Management and outcome of highly premature infants
KEY-WORDS : infant, very low birth weight/ growth and development. medical, ethics.. premature birth/mortality

Bernard Salle et Claude Sureau, au nom d’un groupe de travail

Résumé

Les progrès techniques et thérapeutiques au cours des dernières années ont diminué la mortalité des prématurés de moins de 28 semaines d’aménorrhée (

Summary

Technological and therapeutic advances have led to a reduction in the mortality of highly premature infants (those born before 28 weeks of pregnancy), but the frequency of mid-term and long-term sequelae has increased among survivors. The infants who are now most at risk are those born before 25 weeks. Relevant guidelines have been issued in France and in other European countries. In the view of the French National Academy of Medicine, newborns with a gestational age of at least 25 weeks may legitimately be resuscitated, but the familial context and the parents’ wishes must be taken into account before delivery. In contrast, the Academy considers it unreasonable to attempt to save such highly premature neonates if the treatments are disproportional to the expected benefits in terms of quality of life. Before 25 weeks of gestation, the decision to resuscitate should be made jointly by the parents and the medical team. The long-term development of all infants born before 28 weeks of gestation, and especially their neurological outcome, should be routinely monitored.

INTRODUCTION

Depuis les années 1960 les avancées médicales et scientifiques ont permis de maintenir en vie des prématurés d’âge gestationnel de plus en plus bas. Dans ces conditions, les risques de morbidité et de séquelles doivent être redoutés chez ces enfants car ils sont augmentés, en particulier les enfants dont la prématurité est extrême, c’est-à-dire nés à moins de 28 semaines d’aménorrhée (SA).

L’incidence de l’extrême prématurité en France est bien connue : 1,6 % des naissances vivantes concernent des enfants de moins de 32 semaines d’aménorrhée ou moins de 1 500 g et 0,4 à 0,5 % des naissances vivantes des enfants de moins de 28 semaines SA ou moins de 1 000 g de poids de naissance (statistique 2003). Depuis 1993, selon les recommandations de l’OMS, tout enfant naissant avec un âge gestationnel supérieur à 22 semaines SA ou un poids de naissance supérieur à 500 grammes doit être déclaré à l’état civil ; mais ce n’est que depuis 2001 qu’une telle déclaration est effectuée en France, que l’enfant naisse vivant ou mort-né.

La prise en charge de l’extrême prématurité reste encore non consensuelle dans notre pays [1-3] et les statistiques sur les résultats à court, moyen et long terme sont peu nombreuses ; la mortalité des prématurés de moins de 28 SA est de l’ordre de 25 à 30 %, tous âges gestationnels confondus, mais les séquelles restent importantes même si les techniques de soins se sont considérablement améliorées ces dernières années et se maintiennent entre 15 à 20 %.

Cette situation a conduit l’Académie nationale de médecine à mettre en place un groupe de travail sur « le prématuré de moins de 28 SA, sa réanimation et son avenir ».

Rappel des acquis dans la prise en charge des grands prématurés :

— La néonatologie est un des domaines de la médecine où les résultats sont les plus démonstratifs et actuellement personne ne remet en question le bénéfice des soins intensifs chez les nouveau-nés dont les progrès conjoints à ceux de l’obstétrique et de l’anesthésie ont transformé le regard sur l’enfant à naître.

— Le fœtus bénéficie d’une meilleure surveillance durant la grossesse grâce à l’échographie, l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal, le calcul des indices de souffrance fœtale et l’amnioscopie dans certaines circonstances.

— En néonatologie, sur le plan technique, les progrès depuis les années 1980 ont été considérables dans le sens d’une plus grande efficacité et d’une moindre agressivité : la corticothérapie anténatale (même dans des circonstances obstétricales qui peuvent déséquilibrer l’état de la femme enceinte :

toxémie gravidique, rupture prématurée des membranes, diabète maternel etc.) a diminué de 50 % la fréquence de la maladie des membranes hyalines et le risque d’hémorragies intraventriculaires. Les nouvelles méthodes de ventilation artificielle (ventilation assistée par oscillation (OHF) ou pression positive continue nasale (CPAP), surfactants exogènes ont permis de diminuer la fréquence des dysplasies broncho-pulmonaires.

L’échographie cérébrale transfontanellaire (ETF), l’IRM et l’EEG numérisé ont permis de mieux surveiller les complications cérébrales survenant à la naissance. La nutrition parentérale adaptée pour le prématuré de très petit poids (inférieur à 1 200 grammes) et une alimentation adéquate après la période post néonatale permettent une croissance extra utérine proche de celle du fœtus.

— Il a été mis en place une organisation des soins périnatals par la publication en Octobre 1998 des décrets dits de sécurité périnatale organisant sur l’ensemble du territoire des maternités en fonction des risques prévisibles encourus par la mère et son enfant (niveau 1, 2 et 3 selon la présence ou non d’une réanimation néonatale). Cela a abouti à la création de réseaux dans les différentes régions de France qui ont pour but de repérer les grossesses à risque et ainsi de favoriser le transfert des mères de préférence aux transferts des nouveau-nés dans les maternités en fonction de l’existence ou non d’une unité de soins intensifs ou de réanimation néonatale (niveau 2 ou 3). Une coopération obstétrico-pédiatrique optimale a ainsi été mise en place entre les différentes maternités du réseau et le service de réanimation néonatale.

— Le souci d’humanisation des soins au sein des services de néonatologie est actuellement au premier plan des préoccupations : ouverture des services 24h sur 24h, approche relationnelle des parents de très grands prématurés par le personnel médical et paramédical avec l’aide ou non d’un(e) psychologue, réflexion approfondie avec les parents sur les décisions médicales avant et après la naissance, mise en place des soins de
développement (NIDCAP) et surveillance de l’enfant après la sortie du service de néonatologie.

— Mais malgré les progrès dans la prise en charge obstétricale et néonatale, ceux-ci peuvent laisser derrière eux des victimes ; ce sont les enfants qui ont survécu aux prix de séquelles qui peuvent handicaper plus ou moins lourdement leur vie et celle de l’entourage familial ; les parents et la fratrie peuvent vivre un véritable calvaire pouvant entraîner des relations difficiles dans le couple et même le défaire, retentir sur la personnalité et le travail scolaire des frères et sœurs. La leucomalacie péri-ventriculaire illustre parfaitement cette situation de crainte d’une survie avec un handicap plus ou moins sévère.

PRISE EN CHARGE EN SALLE DE NAISSANCE

Si elles sont possibles, comme c’est le cas d’une naissance programmée ou survenant dans des délais raisonnables, les décisions à prendre sont difficiles et lourdes de conséquences ; elles doivent être élaborées au cours d’un dialogue d’abord entre les médecins (accoucheurs et néonatologues), puis avec les parents afin de prendre des mesures adaptées dans le meilleur intérêt de l’enfant [4].

L’évaluation de l’âge gestationnel peut être difficile dans ces circonstances en l’absence d’une échographie précoce ou malgré celle précédant de peu l’accouchement ne permettant qu’une estimation approximative du poids fœtal ; un écart de quelques jours à une à deux semaines à cette période a un impact déterminant sur les chances de survie et l’apparition de séquelles.

Le choix entre prolonger la grossesse malgré un environnement intra utérin hostile (hypertension maternelle, rupture prématuré de la poche des eaux) ou l’interrompre représente toujours un dilemme délicat.

Enfin les décisions doivent être fondées sur l’expérience du centre de néonatologie concernant le traitement et la prise en charge de ces extrêmes prématurés appuyée par les statistiques du service et celles de la littérature, nationale ou internationale.

Les méthodes de réanimation et la surveillance cardio-pulmonaire en salle de naissance ne font pas l’objet d’un consensus international sur certains actes :

oxygénation systématique ou non, intubation systématique ou non pour assurer une bonne ventilation et par la même une oxygénation adéquate des tissus, surveillance de la pression artérielle, utilisation systématique de surfactant, décision d’arrêt de la réanimation sont autant d’éléments controversés.

Certains services refusent de prendre en charge des prématurés de moins de 25 semaines de gestation révolues, c’est-à-dire à un poids inférieur à 700 grammes (enquête française de 2004 [1], certains services américains ou européens, décision nationale en Hollande etc.).

Mais si l’équipe obstétricale et néonatale décide de prendre en charge un prématuré aux limites de la viabilité, c’est-à-dire à moins de 25 semaines de gestation, il y a actuellement en France un consensus sur la nécessité d’informer les parents de façon claire et objective sur les modalités de l’accouchement (césarienne ou pas) sur la prise en charge en salle de naissance, sur le pronostic en terme de mortalité en salle de naissance et dans le service de néonatologie et sur la morbidité en fonction de l’âge gestationnel et du poids de naissance. Tous ces éléments sont fondés sur les résultats de l’équipe périnatale et du service de néonatologie. De plus, et ceci est primordial, les parents doivent être mis au courant des mesures qui peuvent être prises durant la réanimation du nouveau-né en salle de naissance et de la possibilité d’échec de cette réanimation ; par la suite ils doivent être avertis du pronostic vital dépendant des complications en période néonatale (pulmonaires ou cérébrales), de la possibilité de séquelles majeures si l’enfant survit et présente des complications en période néonatale.

En cas d’accouchement rapide ou inopiné, la discussion entre médecins et surtout l’entretien avec les parents est plus difficile voire impossible ; la mère est parfois seule et peut ne pas être en mesure de prendre les décisions. C’est le cas de mères immigrées ou de mères en détresse.

L’état de l’enfant pendant la première demi-heure suivant la naissance engage les décisions de l’équipe néonatale ; en cas d’échec de la réanimation initiale dans un délai de 15 à 30 minutes, ne pas poursuivre la réanimation devant des chances de survie inexistantes ou laissant présager des lourdes séquelle doit être l’obsession du néonatologue ; mais il doit informer ensuite les parents de ces difficultés et des raisons de l’échec de cette réanimation. De plus, la cessation des soins est envisageable en cas de difficultés d’adaptation à la vie extra utérine chez un nouveau-né aux limites extrêmes de la viabilité, c’est-à- dire à un âge gestationnel inférieur à 25 semaines d’aménorrhée comme d’ailleurs cela se réalise pour un enfant plus âgé sur le plan gestationnel.

Se discute ici la stratégie d’attente en salle de naissance : doit-on réanimer à titre systématique les enfants à la naissance, quels que soient son âge gestationnel et son poids, et suivre l’évolution en unité de néonatologie en se réservant la possibilité d’interrompre les soins en cas de signes laissant présager une évolution défavorable ou un handicap futur [5] ? Cette stratégie est adoptée dans la plupart des centres de périnatologie aux Etats-Unis ; on réanime l’enfant quel que soit son âge gestationnel ou son état clinique jusqu’à la certitude que la poursuite du traitement n’est pas bénéfique pour lui, voire nuisible ; cette certitude est acquise dans l’unité d’hospitalisation. Cette démarche apparemment séduisante permet de s’affranchir de la subjectivité individuelle lors de l’évaluation de l’enfant en salle de naissance, mais sous-entend que l’on puisse disposer d’outils efficaces et sûrs pour juger de l’évolution future des nouveau-nés, ce qui n’est pas démontré actuellement. La réanimation d’attente n’est justifiée que si les possibilités de survie ne sont pas nulles,
c’est-à-dire si l’âge gestationnel est supérieur à 25 semaines d’aménorrhée ou le poids supérieur à 700 grammes. Pour le CCNE, cette réanimation d’attente est légitime si elle permet par la suite de mettre un terme à l’obstination thérapeutique avant qu’elle ne devienne un acharnement ; dans cette situation l’arrêt de la réanimation est ici assimilé à l’arrêt de l’acharnement thérapeutique. Cette réanimation d’attente n’a pas le consensus de la plupart des néonatologues français, car il lui est reproché de reculer inutilement le moment de la décision d’arrêt de soins.

LES SOINS DANS L’UNITÉ DE NÉONATOLOGIE ET L’AVENIR DES GRANDS PRÉMATURÉS

La mortalité dépend de l’âge gestationnel et doit faire considérer uniquement les enfants nés vivants, quelque soit le lieu de naissance. Dans notre expérience et celle de la littérature nationale et internationale, elle est de moins de 50 % après 25 SA ou d’un poids supérieur à 700 grammes, de 10 à 20 % entre 26 et 28 SA (poids entre 800 et 1 000 grammes) et après 28 semaines c’est-à-dire à un poids supérieur à 1 000 grammes la mortalité actuellement est de moins de 10 % [1, 6-10].

La morbidité surtout pulmonaire après la période néonatale (dysplasie broncho-pulmonaire) reste encore importante. Les chiffres sont variables selon les équipes et selon les pays mais peuvent atteindre 10 à 15 % des enfants de moins de 28 SA lorsqu’ils atteignent 36 semaines de gestation.

La rétinopathie ( fibroplasie rétro lentale), fréquente autrefois, ne se voit que dans 3 à 5 % des enfants survivants.

La croissance staturo-pondérale est normale dans la grande majorité des cas (plus de 95 %) ; la poursuite du rattrapage se fait dans les trois premières années de vie et rarement après 4 ans. Des études récemment publiées ont montré que la plupart des enfants entre 12 et 18 ans ont une taille correspondant à ce que l’on attendait compte tenu de la taille des parents.

Il y a encore peu d’études dans la littérature internationale [11-12] ou française [8-10] sur le devenir à long terme de populations notables d’enfants très prématurés. Les statistiques concernent la plupart du temps des cohortes d’un seul centre de néonatologie avec des reculs excédant rarement deux ans ;

certaines études apparaissent avec un recul de dix ans. Les troubles cognitifs ou d’apprentissage au moment de la scolarité sont de mieux en mieux évalués.

Enfin les techniques de prise en charge ont évolué au fil des ans ce qui rend difficile une interprétation des données ou des statistiques sur des prématurés nés il y a plus de dix ans.

Le taux d’infirmités motrices cérébrales de sévérité variable dans toutes les statistiques est de l’ordre de 10 à 20 % mais augmente avec la baisse de l’âge gestationnel. Ces taux stables depuis quinze ans ont tendance à diminuer
actuellement dans des rapports récents mais le nombre d’enfants atteints a augmenté en valeur absolue du fait de la diminution de la mortalité. Chez l’enfant à terme, le taux de séquelles est en France de 1 % ; elles concernent soit des enfants présentant des malformations ou des anomalies génétiques, soit des enfants ayant eu une souffrance périnatale.

Les troubles cognitifs sont fréquents et sont proportionnels au degré de prématurité notamment chez le petit garçon ; les perturbations portent sur la mémoire, la concentration, la capacité à traiter des informations complexes, l’intégration visio-motrice. Ces troubles cognitifs ne sont pas l’apanage exclusif des enfants porteurs de séquelles sensitivo-motrices ou de développement.

Les études longitudinales ne permettent pas de spéculer sur une amélioration tout au long de l’enfance. Ils affectent essentiellement les prématurés de moins de 28 semaines.

Les difficultés scolaires sont la conséquence des complications énumérées ci-dessus ; elles peuvent être présentes chez la moitié des enfants concernés en Europe ou en Amérique du Nord.

Les troubles de comportement se voient chez 20 à 25 % des enfants ; ils se manifestent sous forme d’anxiété, d’état dépressif avec troubles de l’attention et hyperactivité. Ils sont rapportés sans aucun doute à la grande prématurité mais le mécanisme n’est pas encore élucidé.

D’où les questions : existe-t-il des arguments cliniques ou biologiques qui permettent de prédire ces déficits ? s’améliorent-ils en fonction du temps ?

L’imagerie cérébrale (ETF ou IRM cérébrale) sur laquelle on fondait de grands espoirs reste décevante. En effet, dans une cohorte récente, des enfants de moins de 27 semaines présentent des séquelles alors que l’échographie transfontanellaire est normale ; au contraire, des enfants présentant des hémorragies intraventriculaires de stade avancé (3 et 4) étaient totalement indemnes de séquelles lors du suivi à long terme. Volpe [13] écrivait en 2003 que les lésions de la substance blanche cérébrale étaient beaucoup plus fréquentes qu’on ne le pensait, non pas des lésions importantes de leucomalacie périventriculaire, mais des micro lésions, parfois cellulaires, perturbant l’organogenèse cérébrale. En témoigne la fréquence des anomalies de la substance blanche observée à l’IRM durant l’enfance. Les techniques modernes telles que l’IRM de diffusion mettent en évidence des lésions de la substance blanche inconnues jusqu’alors et dont on ne sait pas actuellement le retentissement.

Il semble que d’autres facteurs jouent un rôle dans la genèse de ces séquelles :

nutrition durant les premiers jours de vie, lésions cérébrales anténatales, effet délétère de la dexaméthasone administrée pendant le premier mois de vie, thérapeutiques iatrogènes, infections avant l’accouchement surtout en cas de rupture prématurée des membranes, troubles biologiques durant les premiers
jours de vie, etc. Le milieu joue un rôle important (niveau socio-économique et socio-culturel des parents, éducation de la mère) ; mais il est amplifié par la prématurité.

Une étude australienne récente [14] démontre que dans un groupe important de prématurés (568) ayant bénéficié de toutes les techniques de prise en charge moderne, les séquelles sensitivo-motrices n’ont pas diminué et les performances dans le domaine cognitif ne se sont pas améliorées.

La conclusion de ce chapitre sur la prise en charge de l’extrême prématurité dans l’unité de néonatologie ne peut être simpliste. Il existe une hétérogénéité des comportements des équipes en France comme l’a montré l’enquête de O.

Claris [1]. L’âge gestationnel n’est pas un critère absolu car difficile à apprécier.

Le retard de croissance intra utérin, c’est-à-dire un poids de naissance insuffisant en fonction de l’âge gestationnel, ne peut en aucun cas être aussi un critère de décision. En effet, il est certain que dans la plupart des statistiques, la mortalité et la morbidité sont augmentées en cas de retard de croissance intra-utérin. Il est difficile de trancher entre prendre en charge activement à tout prix (même en dehors de la motivation discutable d’améliorer les performances du service d’obstétrique et de néonatologie en terme de survie) ou de se contenter de soins palliatifs laissant quelques chances aux plus robustes. En revanche, on ne doit pas démissionner au prétexte des troubles moteurs, sensoriels ou cognitifs qui peuvent survenir pour abandonner ces enfants.

Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) a souligné en 2000 que des efforts sont nécessaires pour ne pas occulter la faiblesse de l’investissement social dans la prise en charge des enfants handicapés en France et appelé à la responsabilité de la société pour la correction de cette carence [15].

Il existe des recommandations dans certains pays comme dit plus haut : en Hollande pas de réanimation en-dessous de 25 semaines d’aménorrhée [13] ;

en Suisse et en Belgique, en Italie, des tentatives de recommandations ont été faites [16-20] ; en France, Elie Azria dans sa thèse a essayé de donner des recommandations à partir d’une statistique personnelle [18].

ARRÊT DE RÉANIMATION OU DÉCISIONS DE FIN DE VIE

Les questions sont essentielles : peut-on arrêter une technique de survie telle que la ventilation artificielle chez un enfant présentant des complications cérébrales importantes (hémorragies intraventriculaires sévères ou intraparenchymateuses, leucomalacie périventriculaire étendue témoignant d’une isché- mie cérébrale) dont on sait le pronostic redoutable chez l’enfant ? Doit-on s’acharner à maintenir en vie un prématuré quelles qu’en soient les conséquences pour le futur enfant ? Si ce prématuré n’est pas en assistance respiratoire, c’est-à-dire autonome, et présente des lésions cérébrales irréversibles qui entraî- neront des handicaps sévères, doit-on mettre un terme à sa vie ?

Il faut savoir que le pronostic neurologique est prévisible lorsque les lésions cérébrales sont importantes, comme dit plus haut. Mais entre 23 et 26 semaines, le pronostic neurologique à long terme semble bien moins prédit par l’ETF, l’EEG ou même l’IRM car des séquelles peuvent être observées sans lésions majeures apparentes. L’EEG chez le prématuré, même en cas de lésions cérébrales étendues avec destruction d’une grande partie des hémisphères, n’est jamais plat contrairement à l’adulte et le critère EEG seul ne peut être pris en compte. Enfin une IRM peut être difficile à réaliser compte tenu de l’état de l’enfant et de son poids. L’échographie doppler cérébral ne peut pas chez le prématuré affirmer la mort cérébrale.

Qui doit décider : les médecins seuls ou l’équipe médicale ? Quelle place pour les parents ? Quelle est l’avis de la société car il existe indiscutablement un aspect économique ? L’avis de l’Académie sur ces questions semble primordial.

Le CCNE et le groupe d’études en néonatologie d’Ile-de-France ont répondu à ces questions [15] : pour le CCNE le rôle essentiel des parents est souligné. La banalisation de l’attitude consistant à mettre un terme à la vie du nouveau-né pose une question éthique majeure ; elle peut inciter à négliger les facteurs à l’origine de la situation et donc leur prévention ; elle engage la responsabilité médicale. Le CCNE ne cache pas que l’arrêt médicalisé de vie est une transgression évidente de la loi. Mais il considère que, si on ne peut pas l’approuver, au moins doit-on la comprendre.

Seule l’équipe médicale peut décider de la poursuite ou de l’arrêt de la réanimation mais la discussion doit être la plus large possible impliquant l’équipe soignante.

L’information et l’accompagnement des parents tout au long de la discussion sont essentiels ; il ne faut pas imposer la réanimation en salle de naissance. Si les parents acceptent une réanimation, il ne faut pas non plus leur imposer l’arrêt de réanimation, ce qui sous-entend l’acceptation de la mort. Ils doivent adhérer à la décision médicale sans éprouver de sentiment de culpabilité.

Il n’est pas acceptable non plus que l’enfant subisse une agonie prolongée ; il est légitime de ne pas le laisser souffrir qu’il soit ou non sous assistance respiratoire.

Le respect strict de ces procédures : prise de décision, information et d’accompagnement des parents, réalisation de l’acte, attention au devenir du corps, constitue une obligation. Le caractère procédurier de la décision donne à celle-ci une dimension symbolique au sein de laquelle est représentée la nature transgressive de l’acte d’arrêt de vie ; le rituel de la décision donne à la transgression une légitimité.

Il ne faut pas enfin sous-estimer les innovations médicales, fruits de la recherche, qui repoussent toujours un peu plus les limites de la viabilité.

Depuis les années 1980, ces améliorations technologiques ont permis de
diminuer la mortalité de ces prématurés nés au-dessous de 28 semaines de gestation sans augmenter le pourcentage des séquelles graves ou modérées.

En fonction des innovations assurant une meilleure prise en charge en salle de naissance ou dans l’unité de néonatologie, les recommandations pour assurer ou non la survie de ces extrêmes prématurés doivent être révisées régulièrement. Rappelons que dans les années 1970-1975, il paraissait déraisonnable de mettre en ventilation artificielle un prématuré de moins de 1 500 grammes !

ÉTHIQUE EN RÉANIMATION NÉONATALE

Le postulat du raisonnement éthique est de remettre en question telle ou telle attitude à la lumière des données scientifiques établies les plus récentes, le rapport perte de chance/gain de vie dans des conditions normales pouvant évoluer.

Comme indiqué plus haut, rien ne doit freiner la recherche dans la mesure où ce concept même de recherche est bien fondé (hypothèse, démarche et évaluation) et n’est pas confondu avec l’exploit individuel ou du service. Le médecin choisit objectivement une attitude à la lumière de ses données personnelles, confrontées aux données de la littérature.

En 2001, le groupe d’études en néonatologie d’Ile-de-France a saisi le Comité Consultatif National d’Ethique sur le problème particulier d’un enfant prématuré ayant été guéri de sa détresse respiratoire initiale mais qui, à l’âge de trois semaines présentait des leucomalacies périventriculaires bilatérales étendues laissant présager de lourdes séquelles. A la suite de cette saisine, le CCNE a publié un rapport qui a été présenté en séance publique lors des journées annuelles d’éthique les 28 et 29 Novembre 2000. Pour le CCNE, la tâche de la réflexion éthique consiste à établir des modes de relation entre les personnes et les institutions concernées par l’enfant en détresse en prenant en compte la complexité humaine de situations souvent tragiques… La réflexion est centrée sur les implications éthiques d’un double impératif qui prescrit de prévenir autant que possible les détresses vitales à la naissance et de faire face avec compassion, justesse et humanité si elles surviennent malgré tout [15].

La fédération nationale des pédiatres néonatologistes a publié un rapport consensuel affirmant la position des praticiens de la réanimation néonatale [5].

Le fœtus n’a aucune personnalité juridique (Cour de cassation dans un arrêt du 30 juin 1999) ; la portée de cette jurisprudence a été précisée par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation dans un arrêt du 29 juin 2001. Bien que le fœtus n’ait aucune personnalité juridique, pour les néonatologues, le fœtus est un patient au même titre que le nouveau-né et doit être traité comme un sujet à qui des soins adaptés et proportionnés doivent être donnés ; cette reconnaissance se concrétise dans l’engagement quotidien des équipes de néonatologie et d’obstétrique devant la décision d’une naissance prématurée.

L’information donnée aux parents est primordiale ; les recommandations de l’ANAES stipulent que « l’information doit être hiérarchisée, reposer sur des données valides, présenter les bénéfices attendus, présenter ensuite les inconvénients et les risques graves y compris exceptionnels et enfin être compréhensible ». Le médecin doit expliquer les raisons de la stratégie qu’il propose. Selon le code de déontologie dans l’article 42 l’information doit être loyale, claire et appropriée c’est-à-dire simple et intelligible. Mais, par ailleurs, l’article 43 stipule que le médecin est le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage.

Si l’information est exposée au cours d’un entretien individuel, c’est au médecin de fournir la preuve de l’information qui a été délivrée même s’il n’est jamais stipulé qu’un écrit est obligatoire. Comme nous l’avons souligné, la discussion avec les parents repose avant la naissance sur l’expérience de l’équipe obstétricale et médicale et les données statistiques du service et n’est pas adaptée au cas particulier de l’enfant à naître. Enfin la détresse des parents devant une situation douloureuse modifie leur capacité de raisonnement, voire de réceptivité au message du ou des médecins. Le premier entretien, avant la naissance si possible (voir plus haut), doit être assuré par un médecin expérimenté bien au fait des aléas de la réanimation néonatale. Il doit inspirer confiance et convaincre les parents que la priorité de l’équipe reste la santé de l’enfant et de son devenir, qu’elle est fondée sur la vérité et la transparence et qu’elle n’est pas motivée par le désir d’assurer la survie de l’enfant à tout prix et ainsi d’améliorer les statistiques du service.

Rappelons, en outre, les articles du Code de santé publique article 1110-5, 1111-2 ou 1111-4 modifié dans la loi du 22 avril 2005 sur l’information du malade et l’article L-1111-10 la décision du malade est inscrite dans son dossier médical [22]. Le Code déontologie médicale dans l’article 35 sur l’intégrité du corps humain et 36 sur l’information au malade et le pronostic. L’article 43 du Code de déontologie stipule que le médecin doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt de la santé est mal compris ou mal préservé par son entourage. Dans l’article 37, il est dit qu’en toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade, l’assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et dans l’article 38 le médecin doit accompagner le mourant dans ses derniers moments et assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin.

L’ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE CONSIDÈRE — Qu’après 25 semaines d’aménorrhée, l’expérience médicale et les données de la littérature justifient la mise en œuvre de soins destinés à favoriser la survie du prématuré en salle de naissance puis en unité de néonatologie.

Néanmoins, il est indispensable de toujours tenir compte avant la naissance, du contexte familial (âge de la mère, parité), de la compréhension
des difficultés que les parents vont avoir à surmonter, de leur niveau culturel et social, de leur religion, de la capacité morale et matérielle de la famille et enfin de la fratrie. De même, il faut préciser aux parents le choix du mode d’accouchement et pourquoi. Si les conditions sont réunies, il faut tout tenter pour sauver la vie d’un tel prématuré, mais il n’est pas acceptable de s’acharner de façon déraisonnable à sauver cette vie si les traitements entrepris viennent à être disproportionnés par rapport au bénéfice attendu en termes de durée et de qualité de vie. Il faut rappeler qu’une naissance à ces âges gestationnels bas oblige, dans la mesure du possible, à transporter la mère et non le nouveau-né dans un centre de niveau 3. Le transport in utero augmente les chances de survie et diminue les complications néonatales ; la prise en charge en salle de naissance se réalisera dans de meilleures conditions (équipe pluridisciplinaire habituée à une prise en charge de prématurissimes). Les complications survenant soit à la naissance soit pendant l’hospitalisation et compromettant le pronostic à long terme doivent conduire à l’interruption des soins en acceptant l’éventualité de la mort et en la rendant la moins douloureuse possible. Dans ce cadre, l’acharnement thérapeutique doit être évité. Les décisions d’interruption de soins doivent rester d’ordre médical et nécessitent concertation au sein de l’équipe ; mais l’information, l’opinion et l’accompagnement des parents doivent être une pratique constante et essentielle dans la décision. Il doit y avoir une cohérence de la part de l’équipe médicale au sujet de l’information donnée aux parents Il serait souhaitable qu’un document général précisant les motifs d’arrêt de réanimation soit disponible au sein du service de néonatologie. Les parents doivent adhérer à la décision médicale sans éprouver un sentiment de culpabilité ou avoir l’impression de porter seul le poids de cette décision. Il n’est pas admissible que lors de l’arrêt thérapeutique (ventilation artificielle) l’enfant subisse une agonie prolongée ; il parait légitime d’administrer des médicaments sédatifs pour éviter toute souffrance en phase terminale.

— Qu’à et avant 25 semaines SA, (poids inférieur à 700 grammes) il faut savoir que les séquelles dans cette catégorie d’extrême prématurité sont importantes et plus fréquentes chez les survivants car supérieures à 30 %. Les données les plus récentes de la littérature démontrent qu’à l’heure actuelle un enfant de moins de 23 semaines d’aménorrhée révolues n’a aucune chance de survie.

Deux étapes successives doivent être envisagées. En salle de naissance, il n’y a pas à l’heure actuelle de consensus en Europe et en France sur le maintien en vie d’un tel prématuré en toutes circonstances, c’est-à-dire sur une réanimation d’attente systématique. Il s’agit d’une décision individuelle fondée sur l’expérience de l’équipe obstétricale et néonatale basée sur leurs résultats et les données anamnestiques de ce cas particulier et prise après information et accord des parents. Ultérieurement, au cours de l’hospi-
talisation, si la réanimation a été efficace en salle de naissance, l’équipe doit tenir compte des complications qui peuvent handicaper de façon sévère le futur enfant et adapter sa conduite à tenir en fonction de celles-ci.

— Que l’on doit recenser en permanence les informations sur les résultats à court, moyen et long terme publiés dans la littérature. Toute amélioration technique ou thérapeutique (par exemple prévention des complications cérébrales ou pulmonaires) doit faire réviser l’attitude de l’équipe obstétricale et néonatale sur la prise en charge de prématurés de moins de 25 SA.

Cependant il paraît encore difficile de fixer une limite arbitraire et irréversible de viabilité.

— Que le respect de ces procédures édictées concernant la discussion, la prise de décision, l’information, l’opinion et l’accompagnement des parents lors de la réalisation de l’acte doit être un élément essentiel et obligatoire de la démarche médicale permettant de justifier sur le plan éthique une telle attitude.

— Que les enfants survivants bénéficient un suivi neurologique et du développement par une équipe pluridisciplinaire pour déceler et prendre en charge les complications neurologiques même minimes. Cela est nécessaire quelque soit le niveau culturel et social de la famille. Cela implique que les autorités de tutelle et administratives de l’hôpital facilitent la mise en place d’un suivi dans le cadre du service de pédiatrie avec un personnel médical et paramédical connaissant le développement neurologique et psychomoteur (médecins, psychologues, kinésithérapeutes, etc.) De même, les CAMPS sont habilités à prendre en charge les prématurés handicapés mais doivent travailler en relation avec le service de néonatologie ; malheureusement leur nombre dans certains départements sont insuffisants.

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[21] Mémoire présenté par Elie Azria intitulé « Procédures décisionnelles en situation d’extrême prématurité » (Paris septembre 2004).

[22] Loi no 2005-370 du 22 Avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 20 juin 2006, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité.

* Membre de l’Académie nationale de médecine ** Groupe de travail : MM. Claude SUREAU (Président), Bernard SALLE (Rapporteur), Paul VERT. Membres extérieurs : Mmes Huguette Le FOYER DE COSTIL, Carmen RAUCH, MM. Michel DEHAN, Olivier CLARIS, François GOFFINET, Loïc MARPEAU, Damien SUBTIL

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 6, 1261-1274, séance du 20 juin 2006