Rapport
Séance du 14 mars 2006

06-08 Sur la demande d’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage « Splendid » situé sur la commune d’Allevard-les-Bains (Isère)

MOTS-CLÉS : allevard (isère).. captage splendid. eau minérale

Jean-Pierre Nicolas, au nom de la Commission XI (Eaux de consommation et thermalisme)

RAPPORT 06-08

Au nom de la Commission XI (Eaux de consommation et thermalisme)

Sur la demande d’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage ‘‘ Splendid ’’ situé sur la commune d’Allevard-les-Bains (Isère)

Jean-Pierre NICOLAS *

CALENDRIER — 7 février 2003 : Pétition présentée par le maire d’Allevard-les-Bains, qui sollicite l’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage ‘‘ Splendid ’’ à Allevard.

— 23 mai 2003 : Avis favorable de la DDASS de l’Isère.

— 3 juillet 2003 : Avis favorable du CDH de l’Isère.

— 29 avril 2003-13 janvier 2004 : Avis favorable de la DRIRE de Rhône-Alpes.

— 21 septembre 2004 et 15 mars 2005 : Analyses du Laboratoire d’études et de recherches en hydrologie de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA).

— 24 novembre 2005 : Avis de l’AFSSA, séances des 6 septembre et 4 octobre 2005.

CONTEXTE GÉNÉRAL DE LA DEMANDE

Par lettre, en date du 6 décembre 2005, le ministre de la Santé et des Solidarités sollicite l’avis de l’Académie nationale de médecine sur la demande d’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage ‘‘ Splendid ’’ situé sur la commune d’Allevard-les-Bains (Isère).

La commune d’Allevard, sur laquelle est implanté l’Etablissement thermal et le forage ‘‘ Splendid ’’, est située à 475 m d’altitude, dans le département de l’Isère, à environ 35 km au nord-est de Grenoble.

Dès le Moyen Age et pendant plusieurs siècles, le sol d’Allevard, riche en minerai de fer et en forêts est à l’origine de l’activité économique de la commune. Un tremblement de terre, le 2 janvier 1790, a fait surgir un nouvel atout ‘‘ l’eau noire ’’ à forte odeur sulfureuse. Après quelques essais rudimentaires d’exploitation, le thermalisme naît véritablement en 1838 et se développe après l’invention de la méthode d’inhalation par le Docteur Bernard Niepce (neveu de Nicephore, inventeur de la photographie), inspecteur des eaux d’Allevard qui fixe les premières indications thérapeutiques. Ami de Lamartine et chroniqueur médical au journal ‘‘ Le Figaro ’’, il fait découvrir à la haute société parisienne, les vertus des eaux d’Allevard. La station médicale accueille Nadar, Alphonse Daudet, en 1879, qui consacra soixante pages de son roman ‘‘ Numa Roumestan ’’ à Allevard, le Préfet Poubelle, le futur Pape Benoît XV, la reine Ranavalo III, Massenet, Yvonne Printemps, Germaine Lubin et le peintre Van Dongen, ce dernier y fit de très nombreux séjours les dernières années de sa vie.

L’Etablissement thermal, orienté vers des indications rhumatologiques et respiratoires , a depuis le e XIX siècle été successivement alimenté par diverses ressources :

— La source ‘‘ du Bout du Monde ’’, autorisée en 1838, déclarée d’intérêt public en 1859, a été révoquée par arrêté du 8 février 1988. Cette ressource était en effet sujette à des infiltrations d’eau qui entraînaient des variations importantes de la minéralisation au gré des saisons, incompatibles avec la nouvelle réglementation de 1957. De plus, les travaux de percement d’une galerie hydraulique E.D.F. devaient entraîner une baisse de débit et de minéralisation.

— Le forage ‘‘ Austerlitz ’’ (1983) a apporté une amélioration de la ressource en eau thermale, mais en 1994 il a été constaté une baisse de la conductivité, un tarissement de l’aquifère profond qui résultait, comme cela a été observé en 1997, d’un ensablement et d’une dégradation de la cimentation des 79 premiers mètres du forage ainsi qu’une contamination bactérienne par l’infiltration d’eaux.

— Le captage ‘‘ Splendid ’’ a été créé avec l’objectif d’accroître le débit thermal en captant une ressource en eau sulfurée qui s’ajouterait à celle du captage ‘‘ Austerlitz ’’ tout en étant la plus indépendante possible de cette dernière. Il est actuellement le seul à alimenter les thermes.

L’objectif de ce dossier concerne l’autorisation d’exploiter ce nouveau captage.

La Société anonyme d’économie mixte du Domaine thermal d’Allevard s’est engagée à statuer sur la réhabilitation ou l’abandon du captage « Austerlitz » dans un délai d’un an à compter de l’obtention de cette autorisation.

CONTEXTE GÉOLOGIQUE ET HYDROGÉOLOGIQUE

La création d’une galerie E.D.F. au sud de l’Etablissement thermal a permis de préciser la géologie locale.

Le gisement des eaux minérales d’Allevard est localisé sur le flanc oriental de la vallée du Grésivaudan, dans les terrains sédimentaires secondaires qui constituent la couverture du socle cristallin ancien du massif de Belledonne constitué essentiellement de micaschistes feldspathiques (houille métamorphisée). Le forage se situe dans des terrains marno-calcaires du Lias (Jurassique inférieur) sous une couverture d’alluvions fluvio-glaciaires quaternaires d’une épaisseur de près de 100 mètres.

Les assises du Lias sont recoupées par un grand nombre de fractures qui affectent aussi bien le socle cristallin que sa couverture sédimentaire.

La présence de calcium et de sulfates dans les eaux captées signe le contact de celles-ci avec le gypse triasique tandis que la présence de sodium et de chlorures peut s’expliquer par des infiltrations plus en profondeur au contact des niveaux pyriteux du Trias. Les sulfures proviennent de la réduction des sulfates dans le réservoir liasique.

Les analyses isotopiques (18O) permettent d’estimer que l’altitude de l’impluvium se situe entre 1200 et 1600 m.

ANALYSE DU DOSSIER DE LA DEMANDE

Constitution du captage

L’eau du captage ‘‘ Splendid ’’, profond de 172,5 m est issue d’un aquifère constitué des formations marno-calcaires du Lias. Le captage est réalisé selon les règles de l’art.

Des essais de pompage de quelques jours ont été effectués, le forage « Austerlitz » distant de 240 mètres étant lui-même ou non sollicité par pompage, afin de déterminer les conditions d’exploitation qui garantissent les stabilités hydraulique et physico-chimique.

L’essai de pompage sur « Splendid » (« Austerlitz » étant en exploitation à 6,5 m3/h) s’est avéré satisfaisant au débit de 11,4 m3/h.

Protection de la ressource

Le périmètre sanitaire d’émergence est constitué en l’état actuel par le local technique du captage. En raison de la protection naturelle dont bénéficie le captage de par sa composition géologique, les risques de pollution sont donc, semble t-il, liés essentiellement à l’environnement immédiat du forage. Le rapport de l’hydrogéologue agréé confirme la bonne protection de la ressource tant au niveau du gisement d’eau minérale que vis-à-vis des eaux superficielles. Cependant, la DRIRE demande l’installation dans les meilleurs délais d’une clôture grillagée autour du local technique de captage afin de ne permettre d’autre activité que celle de l’entretien de la source.

Transport à distance

Le transport et l’exploitation sont réalisés selon les règles de l’art dans des conditions satisfaisantes par une conduite en inox d’une longueur de 8 m enterrée et mise hors gel. Une deuxième conduite a été réalisée dans les mêmes conditions pour permettre la décharge du captage.

Analyses physico-chimiques

Conformément à l’article R.1322-4 du Code de la santé publique, le Laboratoire d’études et de recherches en hydrologie de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments a procédé aux deux prélèvements réglementaires pour analyses.

Composition et caractéristiques de l’eau

La composition de l’eau du captage « Splendid » situe cette eau dans la catégorie des eaux fortement minéralisées (résidu sec à 180° C > 1500 mg/L).

C’est une eau froide (16,7° C à 17,3° C) de profil bicarbonaté, sulfaté, sodique et calcique. Il faut également noter la présence de sulfures (2,7 à 3,7 mg/L) et de fluorures (1,79 mg/L).

Stabilité

Les analyses traduisent une relative instabilité de la minéralisation des eaux exploitées sur le site d’Allevard. L’instabilité proviendrait surtout de la variation dans le mélange qui s’opère dans les terrains, les teneurs élevées en chlorures trouvant leur origine en profondeur, les bicarbonates de calcium et de magné- sium provenant de zones plus superficielles. Cette instabilité observée au cours des différentes étapes de recherche de la ressource, peut aussi trouver son origine dans l’interférence entre les pompages sur ‘‘ Splendid ’’ et ‘‘ Austerlitz ’’.

Le transport du captage ‘‘ Splendid ’’ n’affecte pas les caractéristiques minérales de l’eau déterminées à l’émergence, à l’exception des sulfures.

Contaminants

La recherche de métaux n’a révélé aucun élément à des concentrations supérieures aux limites réglementaires.

La recherche de composés organohalogés volatils et BTEX, de pesticides organochlorés, azotés, phosphorés, de phénylurées et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques, s’est révélée négative sur l’ensemble des prélèvements.

Radioéléments

Les analyses de radioactivité réalisées le 7 février 2002 par l’IRSN, sur des échantillons prélevés le 6 février 2002, montrent la présence de potassium naturel. Les activités alpha globale et bêta globale sont inférieures aux valeurs guides respectives de 0,1 Bq/L et 1Bq/L recommandées par l’O.M.S. La dose totale indicative pour une consommation de 730 L par an est inférieure à 0,1 mSv.

Analyses bactériologiques

Les analyses bactériologiques effectuées sur des échantillons obtenus à l’émergence et après transport à distance montrent qu’il y a absence d’indicateur de contamination bactérienne. Il n’a pas été décelé de germes témoins de contamination fécale, de Pseudomonas aeruginosa , ni de Legionella pneumophila .

Évaluation thérapeutique

La Commission XI regrette que le dossier ne comporte aucun élément d’efficacité thérapeutique, mais note avec satisfaction qu’une étude clinique d’efficacité thérapeutique est actuellement en cours selon les recommandations votées en janvier 2006 par l’Académie nationale de médecine.

CONCLUSION

Au vu des informations fournies dans le dossier et après avis favorable de la DDASS, du CDH, de la DRIRE (avec quelques recommandations), des résultats des analyses réglementaires et des propositions de l’AFSSA du 24 novembre 2005, la Commission XI de l’Académie nationale de médecine, réunie le 7 février 2006 sous la présidence du Professeur Claude Boudène, donne un avis favorable à l’exploitation de l’eau de captage ‘‘ Splendid ’’, sous réserve d’être informée dans un délai d’un an à compter de l’obtention de cette autorisation, du devenir de la ressource « Austerlitz ».

Elle demande que cette eau ne soit consommée que sous contrôle médical dans le cadre d’une cure thermale en raison de sa teneur élevée en fluor.

Cet avis favorable comporte quelques recommandations dont le demandeur devra obligatoirement tenir compte afin d’assurer la protection de la ressource :

Abandon ou réhabilitation du captage ‘‘ Austerlitz ’’.

— Limitation des débits maximums à 11,4 m3/h pour le captage ‘‘ Splendid ’’ et à 6,5 m3/h pour le captage ‘‘ Austerlitz ’’ en cas de réhabilitation de ce dernier.

— Réalisation dans les meilleurs délais d’une clôture grillagée autour du local technique de captage conforme à la demande de la DRIRE.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 14 mars 2006, a adopté le texte de ce rapport moins une abstention.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 3, 747-752, séance du 14 mars 2006