Rapport
Session of 21 juin 2005

05-13 Sur la demande d’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage « Minérale » situé sur la commune de Niederbronn-lesBains (Bas-Rhin)

MOTS-CLÉS : eau minéralisée.

Claude Molina au nom de la Commission XI (Climatisme — Thermalisme — Eaux Minérales)

RAPPORT 05-13

Au nom de la Commission XI (Climatisme, Thermalisme, Eaux Minérales)

Sur la demande d’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage « Minérale » situé sur la commune de Niederbronn-les-Bains (Bas-Rhin).

Claude MOLINA*

Par courrier en date du 10 Mars 2005, la Direction Générale de la Santé, (DGS) Bureau des Eaux, sollicite une nouvelle fois l’avis de l’Académie nationale de médecine sur cette demande. En effet lors des séances du 30 Juin 1992 et du 18 Avril 2000, notre Assemblée sur les rapports de Claude Laroche, avait réservé son avis, d’une part en 1992 dans l’attente de précisions sur les travaux de rénovation, puis en l’an 2000 en l’absence de nouvelles analyses réglementaires. Depuis, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) a transmis à la DGS, en date du 22 Février 2005 un nouvel avis circonstancié, s’appuyant sur la position du Comité d’Experts « Eaux » de la Direction d’Evaluation des Risques Nutritionnels et Sanitaires.

HISTORIQUE

La station de Niederbronn-les-Bains est située à 45 kilomètres de Strasbourg dans le Parc naturel des Vosges du Nord. Elle est orientée essentiellement, en hydrothérapie externe, vers le traitement des maladies rhumatismales et les séquelles de traumatismes ostéo-articulaires et comporte :

— Un établissement hospitalier de convalescence de 115 lits.

— Un établissement saisonnier ouvert neuf mois par an, avec traitement quasi exclusif en piscines (bains, douches, bassin de mobilisation). Il existe en outre une buvette publique.

Connue depuis l’Antiquité sous le nom de « Romaine », la source a connu son âge d’or sous le Second Empire. Après l’annexion de l’Alsace et de la Moselle par l’Allemagne, l’introduction en France de l’eau minérale de cette source fut autorisée en 1893. Par la suite, entre les deux Guerres la station connut une période d’activité réduite, malgré son classement en station hydrominérale en 1926. Les combats de la Libération en 1945 endommagèrent gravement l’établissement thermal et le captage. Et en 1952, notre Compagnie accorde une première autorisation d’exploitation. C’est en 1987 que la Caisse régionale d’assurance maladie d’Alsace-Moselle ouvre l’établissement hospitalier et un établissement thermal rénové.

En 1992, le rapport de Claude Laroche émet des réserves sur le bon état du périmètre sanitaire d’émergence de la source, compte tenu de la proximité des réseaux d’égouts et insiste sur la nécessité de travaux de rénovation.

En 1999 un rapport technique fait le bilan des travaux réalisés par la ville à savoir : remplacement des réseaux d’assainissement des eaux usées, une réhabilitation des collecteurs dans le Parc du Casino et un renforcement des mesures sanitaires de protection de la source. Ce rapport, transmis à la DDASS obtient l’accord de la DRIRE.

Soumis à nouveau à notre Assemblée, le dossier est rejeté, suite au rapport complémentaire de Claude Laroche, en date du 18 Avril 2000, en l’absence de nouvelles analyses : physico-chimique, bactériologique et de radioactivité après les travaux de rénovation.

ÉTAT ACTUEL DU DOSSIER

Un rapport détaillé de l’AFSSA en date du 22 Février 2005 nous est communiqué ; il en ressort les conclusions suivantes :

Captage : l’eau du captage « Minérale » répond aux dispositions générales et aux exigences sanitaires applicables aux eaux minérales naturelles ;

mais elle doit être exploitée uniquement à son débit d’ artésianisme hydrostatique classique, qui est de l’ordre de 9 à 13,5 m3/h (à l’exclusion de tout pompage direct).

Transport : les installations de captage et de transport à distance (bien que ne correspondant plus, selon l’AFSSA, dans leur conception et leur équipement aux règles actuelles de l’art) permettent d’assurer une exploitation dans des conditions sanitaires satisfaisantes sans modification de ses caractéristiques essentielles, mais la nature (gréseuse) des matériaux de conduites de transport nécessite une vérification de leur parfaite étanchéité .

Notons que les canalisations passent au-dessus des conduites d’acheminement des eaux usées et sont donc peu susceptibles de contamination, mais
au-dessous de la rivière (d’où risque d’infiltration en cas de crue, pallié par un clapet anti-crue) Enfin le périmètre d’émergence est satisfaisant depuis les travaux de rénovation.

Analyses réglementaires

Les caractéristiques physico-chimiques de l’eau (Analyses effectuées entre le 18 Octobre 2000 et le 3 Mai 2001) Quoique présentant une bonne stabilité et une température constante de 18°, elle est fortement minéralisée , (residu sec : 5g/L) avec un profil majoritairement chloruré sodique et calcique, mais une concentration d’ arsenic supé- rieure à la valeur limite fixée par la directive Européenne 2003/40/CE du 16 Mai 2003 et recommandée par l’OMS de 10 µg/l d’eau de boisson : Elle est de 40 à 79 µg/l dans les multiples analyses effectuées en 2001.

Il en est de même du bore , dont la concentration tourne autour de 1500 µg/l, supérieure à la limite fixée par l’AFSSA en 2001 de 1000 µg/ l.(1mg) Le potassium est à 111 mg/L.

Enfin les teneurs en fer dissous, (1,2 à 12mg/L) en arsenic et en cuivre (20 à 35 µg/L) risquent, selon l’AFSSA, d’altérer la stabilité de l’eau dans son transport à distance, par suite de phénomènes de précipitation/relargage tandis que l’ammonium (0,72 mgL) peut être oxydé en nitrite.

Radioactivité

Les activités α- globale de 1,36 fi 0,36 Becquerel/L et β —globale de 4,58 fi0,99 Bq/L sont supérieures aux valeurs guides de l’OMS qui sont respectivement de 0,1 Bcq/L et de 1 Bcq/L pour les eaux de consommation.

Ces considérations chimiques et de radioactivité incitent l’AFSSA à demander la fermeture de la buvette publique.

Contrôles bactériologiques

Sur les divers examens pratiqués de l’eau, à l’émergence et après transport, aucune trace de Pseudomonas ou de Legionella n’a pu être constatée ;

Par contre à trois points d’usage (baignoires) on a noté la présence de Pseudomonas fluorescens et d’un Ochrobacter (bactéries dont la pathogénicité est incertaine) d’où la recommandation de l’AFSSA de mesures efficaces de nettoyage et désinfection et de contrôle bactériologique renforcé, au niveau des zones de soins.

DISCUSSION

Si l’on se range volontiers à l’avis favorable de l’AFSSA concernant le captage (à savoir artésianisme pur) et le transport de l’eau de la source « Minérale » de Niedelbronn-les-Bains, (vérification de l’étanchéité des canalisations), ainsi qu’un contrôle bactériologique renforcé au niveau des zones de soins, les considérations chimiques concernant l’arsenic et le bore ainsi que la radioactivité méritent discussion.

En effet, selon le rapport de Claude Boudène sur « Le risque sanitaire lié à la présence d’arsenic dans l’eau minérale naturelle alimentant les établissements thermaux ( Bull. Acad. Natle Méd., 2001 , 185, 1587-1599), il convient « pour calculer la charge en Arsenic à laquelle a été soumise le curiste et pouvoir en évaluer le risque, de la comparer à la Dose Hebdomadaire Tolérable Provisoire (DHTP) en tenant compte de la conduite du traitement, de ses modalités d’administration et de sa durée. » Dans le cas particulier de l’hydrothérapie externe, « il conviendrait d’évaluer l’apport cutané en fonction de la surface corporelle concernée, du temps d’exposition et du coefficient de pénétration cutanée de l’arsenic et enfin ce qui est du ressort du médecin, de procéder à la détermination du rapport bénéfice/risque. » Il en est de même pour toute eau thermale contenant un élément potentiellement toxique. C’est le cas du bore. Il faut donc, en respectant une marge de sécurité indispensable, éviter de surenchérir certains risques. C’est dire que la buvette publique doit être réservée aux curistes et ne pas être considérée comme source d’eau potable pour toute la population Quant à la radioactivité légèrement supérieure aux normes, elle entre dans le cadre des faibles doses de rayonnements ionisants, thème du rapport de Maurice Tubiana et André Aurengo sur « La relation dose-effet et l’estimation des effets cancérogènes des faibles doses » ( à paraître en 2005 ) et du rapport de la Commission XIII intitulé : « Energie Nucléaire et Santé » (G. de Thé :

Bull.

Acad. Natle Med., 1999, 183, no 6, 1233-1234 ). Ces deux rapports émettent des réserves sur la notion de limite individuelle et la relation linéaire sans seuil, (RLSS) d’autant que les unités utilisées sont nombreuses, peu parlantes, et s’expriment par des nombres faussement impressionnants (tels que les Becquerels), « source d’annonces inquiétantes au détriment d’ informations rassurantes ».

De sorte que si l’on peut, en vertu du fameux principe de précaution, fermer la buvette au public, cette recommandation ne s’applique pas aux curistes et l’ensemble des réserves de l’AFSSA sur les considérations physico-chimiques ne concerne pas les soins externes qui constituent l’essentiel de l’activité thérapeutique de la station.

L’AFSSA outrepasse le domaine thérapeutique de l’eau minérale naturelle en attirant aussi l’attention de l’Administration sur les éventuels risques radioactifs pour le personnel de l’établissement et leur évaluation par poste de travail.

CONCLUSION

La Commission XI réunie le 31 Mai 2005 sous la présidence de Claude Boudène émet les conclusions suivantes :

sous conditions • d’un captage exclusif à son débit d’artésianisme, • d’une vérification annuelle d’étanchéité des canalisations, • d’analyses bactériologiques régulières de l’eau minérale et des zones de soins, • d’une buvette réservée aux curistes, la Commission XI autorise l’exploitation en tant qu’eau minérale naturelle l’eau du captage de Niederbronn-les-Bains.

Elle souhaiterait avoir de plus amples informations sur l’efficacité thérapeutique des soins prodigués.

Elle attire l’attention de l’Administration sur la nécessité d’une réglementation de la qualité de l’eau au niveau des zones de soins.

Elle préconise enfin, comme l’AFSSA, la surveillance du personnel de la station suivant les recommandations du Code du travail, mais aussi des rapports de l’Académie nationale de médecine.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 21 juin 2005, a adopté le texte de ce rapport avec huit voix contre et cinq abstentions.

* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 6, 1319-1323, séance du 21 juin 2005