Rapport
Séance du 23 novembre 2004

Sur la demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence, après transport à distance et après mélange sous le nom « Axéenne », l’eau des captages « Puits d’Orlu » et « Jardins du Coustou » » situés sur la commune d’Ax-les-Thermes (Ariège)

MOTS-CLÉS : eau minéralisée. source « jardins du coustou » (ariège).. source « puits d’orlu » (ariège)
KEY-WORDS : mineral waters.

Eugène Neuzil (au nom de la Commission XI - climatisme, thermalisme, eaux minérales)

RAPPORT au nom de la Commission XI (Climatisme, Thermalisme, Eaux minérales)

Sur la demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence, après transport à distance et après mélange sous le nom « Axéenne », l’eau des captages « Puits d’Orlu » et « Jardins du Coustou » situés sur la commune d’Ax-les-Thermes (Ariège).

Eugène NEUZIL *

Par lettre en date du 5 août 2004 adressée à Monsieur le Secrétaire perpétuel, la Direction Générale de la Santé (Sous-direction de la gestion des risques des milieux, bureau des eaux) soumet pour avis à l’Académie nationale de Médecine le dossier relatif à la demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence, après transport à distance et après mélange sous le nom « Axéenne », l’eau des captages « Puits d’Orlu » et « Jardins du Coustou » situés sur la commune d’Ax-les-Thermes (Ariège).

SITUATION GÉOGRAPHIQUE

Lorsqu’on se rend en Andorre en empruntant la route nationale 20, on entre, au sud du département de l’Ariège, dans le Sabarthès, l’ancienne circonscription carolingienne de Sabert. Après Tarascon, on pénètre dans le Val d’Ariège et, remontant le cours de cette rivière, on arrive bientôt à Ax-les-Thermes. Cette petite ville pyrénéenne de 1500 habitants est située à 720 mètres au-dessus du niveau de la mer, aux confluents de l’Ariège et de la Lauze, puis de l’Oriège, deux affluents qui enserrent la ville thermale. Ax-les-Thermes est adossée à des massifs granitiques, où culminent au Nord le Signal de Chioula (1507 m) et, à l’Est, la Dent d’Orlu (2222 m) ; ces massifs protègent la ville des vents froids,
lui assurant ainsi, malgré son altitude, un climat agréable, modéré tout en restant tonique.

LE THERMALISME AXÉEN

Le nom même de la ville d’Ax rappelle la richesse en sources de cette localité et de ses environs immédiats. L’abondance de l’eau, souvent très chaude, avait frappé les Romains, grands amateurs de thermes, qui s’étaient fixés dans cette région : la transposition du latin « aquae », devenu « Acquae » puis « Acq s » a finalement donné « Ax ». La petite bourgade aux soixante sources a accueilli depuis deux millénaires des malades attirés par l’abondance des eaux, leur variété, leur sulfuration, leur température (qui pour certains griffons est la plus élevée de toutes les sources pyrénéennes) et par leurs vertus thérapeutiques mises à profit dans l’amélioration de plusieurs états pathologiques.

Les débuts

Les premiers témoignages écrits sur le thermalisme à Ax remontent au Moyen-Age, lorsque Saint-Louis fit construire en 1250 un hôpital et un bassin (le « Bassin des Ladres », qui existe toujours), destinés à soigner les soldats qui avaient contracté la lèpre en Palestine. La crénothérapie, sous la forme de bains, de douches ou encore de prise orale de l’eau des fontaines, s’est poursuivie tout au long des siècles. Au Siècle des Lumières, période riche en publications décrivant les eaux minérales et leur utilisation médicale [1], l’ouvrage de Sicre [2], le livre de 142 pages rédigé par Pilhes [3], ainsi que l’article de Maudinat [4], sont consacrés aux eaux chaudes et sulfureuses d’Ax.

Le 19ème siècle

Le thermalisme évolue progressivement vers sa forme actuelle avec la naissance d’organismes de contrôle et la construction d’installations thermales permettant l’hébergement des curistes. A Ax, parmi les nombreuses sources d’eau sulfurée disséminées dans la ville, 58 captages sont recencés, dont 18 autorisés par arrêtés ministériels. Les sources sont regroupées en quatre groupes :

• Sources du Breilh, autorisées le 5 mars 1821 ;

• Sources du Modèle, autorisées le 21 avril 1868 ;

• Sources du Teich ;

• Sources du Couloubret, toutes deux autorisées le 7 mars 1878.

À l’Académie de médecine, ces sources ont fait l’objet d’un rapport de Gobley devant la Commission des eaux minérales [5] et d’une communication de Garrigou [6].

FIGURE 1. — Situation géographique des forages et des établissements thermaux.

Chaque groupe de sources correspond à un établissement thermal particulier, dont l’emplacement est indiqué sur le plan de la figure I.

La situation du thermalisme axéen à la fin du l9e siècle est bien analysée dans l’article de Rotureau [7] : l’auteur nous fournit la liste et la composition chimique de l’eau des 39 sources captées et exploitées pour le traitement des malades.

Les problèmes de pollution

Si la production de la totalité des sources utilisées, d’environ 60 m3/h, suffisait aux besoins des quatre établissements thermaux, des problèmes de pollution sont apparus au cours des cinquante dernières années. L’eau des sources provient du massif granitique d’Ax, lui-même inclus dans le massif migmatitique de gneiss de l’Aston. Les eaux météoriques s’infiltrent dans le massif jusqu’à une profondeur d’environ 4000 mètres ; elles s’y échauffent, se minéralisent et, après un séjour évalué à 8000 années, se transforment progressivement en eaux thermales, qui remontent rapidement dans les fractures du granite en conservant une température élevée. Pour parvenir aux griffons situés dans la vallée où se trouve la ville d’Ax, elles doivent traverser une nappe alluviale de 15 à 20 mètres d’épaisseur, formée par les apports fluvio-glaciaires déposés par les trois rivières qui confluent dans la ville, l’Ariège, la Lauze et l’Oriège. La traversée de la nappe alluviale est possible, car l’eau thermale pénètre dans l’eau froide sous forte pression. Pour les eaux les plus chaudes, le passage rapide à la pression atmosphérique entraîne des précipitations minérales ; ce concrétionnement favorise la formation de conduits pour l’eau thermale à l’intérieur de la nappe alluviale, mais il n’est pas suffisamment complet : une partie de l’eau thermale se perd dans les alluvions tandis qu’une autre atteint la surface en ayant eu des contacts avec l’eau froide, dans l’environnement particulièrement agressif du sous-sol urbain. De 1955 à 1964, certaines sources font l’objet de suspensions d’autorisation pour cause de pollution. De petits travaux de recaptage n’améliorent pas la situation, pas plus que les trois forages peu profonds, de 24 m, 30 m et 64 m, exécutés en 1984.

Restructuration et modernisation des sources et des établissements

La commune d’Ax-les-Thermes se porte acquéreur des établissements thermaux du « Teich » et du « Couloubret » ; elle crée la Société d’Economie Mixte Thermale et Touristique d’Ax (SEMTT AX) et donne ces deux établissements en location-gérance à la Société Thermale d’Ax-les-Bains (STAX) du groupe EUROTHERMES. L’établissement thermal du « Modèle », situé dans la résidence du « Grand Tétras » (ancien Hôtel Royal Thermal), fait partie du patrimoine propre de la Société Thermale d’Ax-les-Thermes. Cette dernière exploite depuis 1994 les trois établissements thermaux de la station, le petit établissement thermal du Breilh ayant cessé toute activité.

Depuis l’instauration de ce nouveau cadre partenarial, les établissements thermaux ont fait l’objet depuis 1987 de programmes successifs de restructuration et de modernisation, dont la maîtrise d’ouvrage a été assurée respectivement par la SEMTT AX et la STAX, en fonction de la nature des investissements ou de l’élément du patrimoine concerné.

Pendant l’intersaison 1987-1988, les Thermes du Teich et du Couloubret sont entièrement rénovés, ceux du Breilh font également l’objet d’aménagements.

On réalise quatre forages d’exploitation ; le premier, le forage F7 ou « Puits d’Orlu », descend à 80,50 m de profondeur et présente un débit artésien de 17 m3/h ; les anciens captages sont déconnectés des Thermes. En 1995, un nouveau forage de production (FP1 ou « Jardins du Coustou », de plus gros diamètre et plus profond (167,50 ni), fournit un débit artésien légèrement plus faible, de 14 m3 /h. Des installations de pompage ont été installées depuis le 25 mars 1997 dans le captage « Jardins du Coustou » et depuis le 25 février 1999 dans le captage « Puits d’Orlu ».

LES EAUX DES FORAGES F7 ET FP1 ET LEUR MÉLANGE

Les eaux des sources « Puits d’Orlu » (F7) et « Jardins du Coustou » (FP1) présentent des caractéristiques physico-chimiques très voisines dont les valeurs à l’émergence sont données dans le Tableau I ; on pouvait s’y attendre en raison de leur provenance de la même ressource hydrique. Ce sont des eaux très chaudes (leur température dépasse 70° C.), oligométalliques et peu minéralisées (résidu sec dépassant à peine 200 mg/l) ; elles sont alcalines (pH de 9,2), riches en soufre (sulfures et sulfates) ; leur teneur en sodium est voisine de 50 mg/l ; pauvres en magnésium, assez riches en silice, elles renferment 3 mg/l de fluor, 6 µg/l d’arsenic, 191 µg/l de bore. Elles sont dépourvues d’hydrocarbures halogénés et d’hydro-carbures polycycliques aromatiques. Leur radioactivité est très faible. Ces eaux, de température élevée à l’émergence, sont évidemment conformes à l’exigence de pureté bactériologique.

Après leurs émergences, situées dans des abris formant périmètres sanitaires de protection, les eaux thermales sont conduites par des canalisations en acier inoxydable (5 et 15 m de longueur respectivement, pour les forages FP1 et P7) vers une bâche où s’effectue leur mélange ; la bâche est logée dans l’abri du forage FP1. La conception et l’équipement des captages « Jardins du Coustou » ’’ et « Puits d’Orlu » ont été réalisés dans les règles de l’art. Le mélange des eaux de ces deux sources ne pose aucun problème en raison de leur origine commune, de la similitude et de la stabilité dans le temps de leurs paramètres physico-chimiques. L’ « Eau Axéenne » ainsi réalisée est utilisée dans les trois établissements thermaux précités (*). Partant du local technique de mélange, une canalisation de 245 mètres conduit l’eau axéenne à l’établissement du Grand Tétras où elle est stockée et répartie en deux circuits : l’un fournit, sans la refroidir, l’eau à usage ORL ; l’autre passe par un échangeur qui amène l’eau à 40° C. pour alimenter les installations de balnéothérapie. Une * L’Établissement thermal du Couloubret n’a pas été ouvert en 2004.

TABLEAU 1. — Caractéristiques physico-chimiques des eaux des forages FP1 et F7 et de leur mélange (eau « Axéenne »).

deuxième canalisation, plus courte, relie la bâche de mélange à l’établissement du Teich et à son local technique.

L’eau axéenne est également amenée aux quatre fontaines thermales publiques, au Bassin des Ladres ainsi que, par contrat municipal, à l’Hôpital Saint-Louis (3 m3 /h toute 1’année).

Le débit des deux forages (débit global moyen annuel de 61 m3 /h) a permis de recevoir à Ax en 2003 plus de 7000 curistes, répartis dans deux indications thérapeutiques principales, la rhumatologie (et les séquelles de traumatisme) ainsi que les affections des voies respiratoires.

Le volumineux dossier de la société ANTEA (Agence Midi-Pyrénées) réalisé en 1998 a été consulté par la Commission XI pour préparer ce rapport. Après un survol du contexte hydrogéologique des sources d’Ax, ce dossier comprend quatre chapitres techniques très complets relatifs aux émergences, au transport et au mélange, au stockage et à la distribution ainsi qu’aux analyses des eaux.

Une mission d’assistance technique de l’exploitation a été ensuite confiée à la même société ANTEA avec comme objectifs :

— une aide à la maintenance des installations de mesure de débit, de conductivité et de température ; la pression est contrôlée à l’émergence des forages FP1 et F7 mais également au niveau de la nappe alluvionnaire, grâce aux deux piézomètres F5 et F4 ;

— s’assurer de la qualité de l’eau fournie aux Thermes par télésurveillance et par des visites régulières ;

— la surveillance de l’évolution de la ressource.

Un compte rendu détaillé de cette mission a été publié en octobre 2003.

Antérieurement à la présente demande, des demandes analogues d’autorisation d’exploiter ont été présentées :

— en janvier 1999 devant la Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (DDASS) de l’Ariège ;

— le mois suivant, devant le Conseil départemental d’Hygiène de l’Ariège ;

— en mai 1999, devant la Direction régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (DRIRE).

Ces trois organismes ont émis un avis favorable, sous réserve de contrôles qui ont été depuis pris en compte et régulièrement effectués.

Enfin, le 1er juillet 2004, l’Agence française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) s’est inquiétée du mélange éventuel des eaux thermales avec les eaux de la nappe alluviale, à des profondeurs inférieures à celle des forages, lorsque la pression des eaux froides de la nappe alluviale, en période de hautes eaux de l’Ariège et de ses affluents, risque de dépasser celle des eaux chaudes profondes. L’AFSSA recommande :

— Sur le plan administratif, d’introduire dans les meilleurs délais une demande de Déclaration d’intérêt Public des captages ainsi qu’une demande d’inscription des contraintes dans le plan local d’Urbanisme d’Ax-les-Thermes ;

— Sur le plan du contrôle technique de la fourniture des eaux thermales aux établissements d’Ax-les-Thermes, la création d’un réseau de suivi piézométrique en continu dans un secteur d’une centaine de mètres autour de chacun des deux captages ;

— Demande que, dans l’attente des résultats de cette étude, le débit maximal du captage FP1 soit limité à 40m3 /h et que le captage F7 ne soit exploité que par artésianisme.

La Commission XI réunie le 9 novembre 2004 sous la présidence du professeur Claude Boudène, a noté avec satisfaction que la concentration actuelle de l’exploitation thermale d’Ax-les-Thermes sur deux forages apporte un progrès réel par rapport à la situation antérieure en éliminant tous les captages d’eau mélangée pour ne conserver que deux captages d’eau pure d’origine profonde et de température dépassant 70° C. Elle suit les avis émis par la Direction départementale des Affaires Sanitaires et Sociales et par le Conseil Départemental d’Hygiène de l’Ariège, ainsi que par la Direction régionale de 1’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement. Elle propose à l’Académie de donner à son tour un avis favorable à la présente demande, avis favorable accompagné de quatre recommandations :

— Prendre en considération les remarques de l’AFSSA sur un contrôle piézométrique plus large et permanent des forages et des eaux de la nappe alluviale ; le rapport critique final devra porter sur un minimum de deux saisons thermales ;

— Dans l’attente des résultats de cette étude, limiter le débit maximal du forage « Jardins du Coustou » à 40 m3/h et n’exploiter le captage « Puits d’Orlu » que par artésianisme ;

— Indiquer sur les fontaines publiques que l’eau thermale de Dax, en raison de sa teneur élevée en fluor, ne convient pas aux nourrissons ni aux enfants de moins de sept ans pour une consommation régulière ;

— Montrer l’efficacité des eaux d’Ax en rhumatologie et dans le traitement des affections des voies respiratoires en suivant, au plus près possible, les directives données pour une évaluation contrôlée des résultats thérapeutiques [8].

BIBLIOGRAPHIE [1] PATISSIER Ph. —

Bull. Acad. Royale Méd ., 1838-1839, 3 , 475-529, Rapport fait au nom de la Commission des Eaux minérales pour l’année 1837.

[2] SICRE A. — 1 vol., Toulouse, 1760, Des eaux de Dax.

[3] PILHES. — 1 vol., 142 p., Larroire, Pamiers, 1787.Traité analytique et pratique des eaux de Dax et d’Ussat.

[4] MAUDINAT. — J. de Médecine , juillet 1788. Observations et réflexions sur les eaux d’Ax.

[5] GOBLEY. —

Bull. Acad. Impériale Méd ., 1868, 33, 67-68, Rapport sur les eaux d’Ax (Ariège).

[6] GARRIGOU F. — Bull. Acad. impériale Méd ., 1868, 33, 476-479, Observations sur les eaux sulfureuses chaudes des Pyrénées ; cause de leur formation ; installations des divers établissement de la station d’Ax (Ariège) ; Conclusions pratiques.

[7] ROTUREAU. — Ax (Eaux minérales d’) in A. Dechambre, Dictionnaire encyclopédique des

Sciences Médicales , Asselin et Masson, Paris t.7, AST-AZZ, pp. 617-626.

[8] BANWARTH B., BOUVENOT G., QUENEAU P. — Évaluation clinique du thermalisme.

In

P. QUENEAU.

Médecine thermale. Faits et preuves. Bonnes indications. Bonnes pratiques .

1 vol., 282 p., Collection Abrégés de Médecine, Masson, Paris 2000 ; pp. 31-35.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 23 novembre 2004, a adopté ce rapport à l’unanimité.

* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 8, 1469-1477, séance du 23 novembre 2004