Published 3 June 2014

Communiqué

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Vieillissement et chutes

 

Jean Dubousset*

 

La station debout et la marche bipède humaine résultent d’un alignement ostéo-articulaire harmonieux qui se maintient dans le mouvement grâce à une commande neurologique automatique, réflexe, modulée, volontaire, acquise  par un apprentissage dans l’enfance (contrairement à beaucoup d’autres mammifères) et qui  s’accompagne d’ailleurs de nombreuses   chutes à cet âge. Ainsi, l’équilibre peut-il être défini comme « la stabilité dans le mouvement ». La perte de cette fonction, progressive ou soudaine, fortuite ou accidentelle définit la chute, favorisée par le vieillissement.                                                                                                                          L’allongement de la durée de vie de la population (1) est associé à une augmentation continuelle  du nombre de chutes liées à l’âge. On estime qu’un tiers  de la population de plus de 65 ans et la  moitié de celle de plus de  80 ans chutent au moins une fois par an,  ces chutes étant la cause de 90% des fractures observées à ces âges (2) qui sont pour beaucoup le début de la perte  d’autonomie .70000 fractures de l’extrémité supérieure du fémur ont été observées en 2010 et 150000 sont prévisibles en 2050.Les conséquences vitales de ces chutes restent importantes  (20 à 30% de mortalité à 2 ans sont encore observées chez le sujet âgé après fracture du col du fémur  malgré les progrès considérables de l’anesthésie, des techniques chirurgicales et de la gériatrie) ( 3).Sans parler des  conséquences personnelles et sociétales ,  les coûts sont en augmentation constante. Pour les 70000 fractures du col du  fémur observées en 2010 le coût  estimé avoisinait   le milliard d’euros (4).  Les recommandations de la Haute autorité de santé  d’octobre 2009 (« avoir chuté et être âgé de 80 ans ») étant limitées à un âge avancé,  toutes ces raisons amènent l’Académie nationale de médecine,( dans la continuité du rapport de Jean Pierre Michel (5) sur la Fragilité, émanant de cette même commission XIII) à formuler les recommandations suivantes, différentes selon qu’elle s’adressent à un patient ayant déjà chuté ou à un sujet n’ayant pas chuté, mais entrant dans la deuxième moitié de son existence :

A- Si le patient est  vu après la première chute, le médecin traitant doit être conscient de la gravité possible  des causes de cet accident. Il s’efforcera : 1/de corriger les facteurs extrinsèques  en conseillant au patient des aménagements de son logement ; 2/ de rechercher une cause favorisante par un examen médical approfondi des fonctions sensorielles et sensitives (vision, audition, équilibre, proprioception), du système nerveux, du squelette, du cœur et des vaisseaux et de la fonction rénale,  un bilan de l’état nutritionnel et endocrinien,  et, enfin, la recherche d’addictions et de prise médicamenteuse  excessive. Au terme de ce bilan, il conseillera ou prescrira les mesures de correction et de prévention  découlant des résultats des examens  précédents.

B : Si le patient n’a pas encore chuté, c’est à partir de  45 ans, âge de  début de la presbytie que tout patient, mais aussi tout médecin doit penser au risque de chutes et recommander :

1/un examen de la vision par un ophtalmologiste                                                                                                     2/une  auto évaluation de l’équilibre effectuée par le patient grâce à des manœuvres simples : appui monopodal  alternativement droit  puis gauche pendant 5 secondes les  yeux ouverts ,  marche de  4 mètres devant s’effectuer   en 4 secondes  avec, comme conséquence en cas d’anomalie  l’envoi du patent à un médecin spécialisé en ORL,  médecine physique ,  chirurgie orthopédique  , ou neurologie ;                             

 3/la pratique régulière  et disciplinée d’une activité musculaire suffisante de façon répétée (6) telle la marche 1/2h par jour (moitié rapide et moitié modérée), le vélo, la natation, la danse individuelle ou collective, la gymnastique  de santé comme le Tai Chi )avec un chaussage approprié, l’apprentissage de la chute de même que celui sont  du passage de la  position assise au sol  à la position debout  particulièrement recommandés ;                                                                                                                                                                    4/ le maintien d’une activité intellectuelle,  ludique, artistique ou professionnelle  le plus longtemps possible ;                                                                                                                                                                             5/un apport nutritionnel quotidien correct en protéines (1g/kg/), calcium (1200mg)  et vitamine D (800 à 1200 UI au fur et à mesure du vieillissement ) ;                                                                                                                                              

 6/ La limitation et la réduction  de l’usage répétitif des médicaments  psycholeptiques, anxiolytiques et hypnotiques (benzodiazépines), antalgiques, voire anticoagulants , ainsi que  les poly-médications  dans les maladies chroniques avec  le souci de  réserver les prescriptions aux seuls médicaments  indispensables en choisissant des substances à action courte après avoir soupesé  bénéfice thérapeutique et  risque d’effets indésirables, ce qui est particulièrement évident  avec les prescriptions hormonales à ne retenir que dans des cas clairement sélectionnés ;

 7/ la prise en charge des suites de toute maladie ou accident survenus à un moment quelconque de la vie, avec l’aide des spécialistes compétents, doit être effective  dans le but de retrouver une fonction la plus proche possible de l’état antérieur à l’accident..

Les municipalités et les entreprises de transport doivent prévoir les aménagements urbains nécessaires à la prévention des chutes (rampes, escaliers mécaniques, sols non glissants).

Afin de sensibiliser la population au risque de chutes et à ses conséquences  considérables en termes de santé publique, un spot Télé de dépistage, voire une journée nationale consacrée à ce problème,  pourrait être proposée au Ministère de la santé.

1- Blanpain N., C. O,. Projections de population à l’horizon 2060.Un tiers de la population âgé de plus de 60 ans .NSEE Première, 2010. 1320.

2- Ménage Elodie,   Chute de la personne âgée, quel  bilan pour quels objectifs ?Thèse de Médecine 2013, Université Pierre et Marie Curie, Faculté Pierre et Marie Curie Paris 6, soutenue le 13/11/2013.  

3-  Merloz  P. Ortho-gériatrie, Bulletin des orthopédistes francophones,),sept 2013, N° 74, 5- 7

4-Oberlin P, Mouquet MC, les modalités de prise en charge des fractures de l’extrémité supérieure du fémur en France de 1998 à 2009  DREES : Etudes et résultats, 2011,774-782.

5- Michel JP. Importance du concept de FRAGILITÉ pour détecter et prévenir les dépendances «évitables» au cours du vieillissement. En ligne dans : http://www.academie-medecine.fr/articles-du-bulletin/publication/?idpublication=100309

6- Bazex J, Pene P , Rivière R. Les activités physiques et sportives — la santé — la société. Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 7, 1429-1442.

 

*au nom d’un groupe de travail incluant Bernard Lechevalier, Patrice Tran Ba Huy, Regis Gonthier de la commission XIII ( Handicap, président Paul Vert) de l’Académie nationale de médecine