Communication scientifique
Session of 5 février 2008

VEGF, anti-VEGF et pathologies

MOTS-CLÉS : dégénérescence maculaire. facteurs de croissance endothéliale. néovascularisation pathogène. rétinopathie diabétique.. tumeurs
VEGF, anti-VEGF and diseases
KEY-WORDS : diabetic retinopathy.. macular degeneration. neoplasms. neovascularization. vascular endothelial growth factors

Pierre Corvol

Résumé

L’angiogenèse est un domaine en plein développement. En quelques années seulement, plusieurs des principaux déterminants responsables de la genèse des vaisseaux, de leur croissance et de leur différenciation en artère, veine ou vaisseaux lymphatiques ont été identifiés. Le rôle de l’angiogenèse dans la croissance tumorale, dans la rétinopathie proliférative et dans certaines maladies inflammatoires a été établi par des stratégies inhibant le développement des vaisseaux. À l’inverse, promouvoir la croissance des capillaires dans les territoires ischémiques semble être une stratégie prometteuse bien qu’un long chemin reste encore à parcourir. La création de vaisseaux a pour but d’apporter aux tissus et aux cellules l’oxygène et les nutriments nécessaires à leur fonctionnement. L’hypoxie est le facteur déterminant de l’angiogenèse. Au cours de la vie adulte, le réseau vasculaire est stable et les processus d’angiogenèse sont généralement éteints. L’endothélium qui borde la lumière des vaisseaux sanguins est quiescent. Lors de certaines circonstances pathologiques, une angiogenèse active se met en jeu. Cette néoangiogenèse fait intervenir les mêmes mécanismes moléculaires que ceux mis en jeu lors de l’angiogenèse embryonnaire. Le Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF) joue un rôle essentiel lors de la vasculogenèse — la toute première étape de la formation des vaisseaux — et de l’angiogenèse normale et pathologique. L’inhibition du VEGF en pathologie tumorale et oculaire est une voie thérapeutique prometteuse.

Summary

Angiogenesis is a rapidly growing research field. Most of the important vascular growth factors have been identified in the space of a few years, as well as factors responsible for the differentiation of arteries, veins and lymphatic vessels. The role of angiogenesis in tumor growth, exsudative retinopathies and some inflammatory diseases has been established in animal models and in the clinical setting. Angiogenesis is necessary for oxygen and nutrient delivery to tissues. Hypoxia is a major determinant of angiogenesis. During adult life the vascular network is remarkably stable and there is no active angiogenesis. The endothelium is quiescent, except in some physiological circumstances such as the female reproductive cycle and muscular exercise. The same molecular and cellular mechanisms as those that occur during embryonic angiogenesis are involved in physiological and pathological neoangiogenesis. Vascular endothelial growth factor (VEGF) plays a major role, and VEGF inhibition is a promising therapeutic approach to some tumoral and ocular diseases.

L’ANGIOGENÈSE PHYSIOLOGIQUE

Vasculogenèse et angiogenèse embryonnaire

Le développement d’un plexus capillaire primitif, la vasculogenèse, se fait à partir des angioblastes qui se différencient in situ à partir de cellules mésodermiques et qui migrent pour former les tubes capillaires primitifs [voir revue générale dans [1].

L’existence d’hémangioblastes, cellules possédant une double potentialité, de cellules hématopoïétiques souches et de cellules endothéliales, semble bien établie chez l’embryon et même chez l’adulte où circulent de telles cellules progénitrices.

L’angiogenèse intervient à un stade plus tardif et comporte plusieurs phases : les cellules endothéliales se libèrent de la membrane basale et de la matrice extracellulaire, migrent, prolifèrent, se différencient et se stabilisent (remodelage), créant ainsi de nouveaux vaisseaux par bourgeonnement à partir du vaisseau parental. Les cellules péri-endothéliales (péricytes au niveau des capillaires et cellules musculaires lisses au niveau des artérioles et des veinules) s’organisent pour former le vaisseau définitif.

Angiogenèse physiologique chez l’adulte

Au cours de la vie adulte, le réseau vasculaire est stable et les processus d’angiogenèse sont généralement éteints. L’endothélium qui borde la lumière des vaisseaux sanguins est quiescent et l’on estime à 0,01 % la proportion de cellules endothéliales de l’organisme se divisant. Seules quelques conditions particulières provoquent la réactivation des phénomènes permettant une néovascularisation. Ainsi, lors de l’exercice physique prolongé, l’augmentation de la consommation d’oxygène au niveau du muscle squelettique provoque une hypoxie locale qui est compensée par la formation de capillaires, permettant ainsi de rétablir l’oxygénation correcte du muscle.

Une néoangiogenèse intense est également observée à la suite d’une blessure et le bourgeonnement des anses capillaires à partir des tissus sains avoisinant participe activement à la réparation tissulaire. Les organes du système reproductif féminin
(ovaire, utérus et placenta) font partie des rares tissus adultes présentant une croissance et une régression périodique et rapide. Ces phénomènes s’accompagnent de changement équivalent du flux sanguin et ces tissus sont donc le siège d’une angiogenèse particulièrement dynamique. La croissance et la maturation du corps jaune s’accompagnent d’une invasion vasculaire intense. La néovascularisation de l’endomètre prépare l’implantation de l’embryon et permettra, après formation du placenta, les échanges physiologiques entre le système maternel et le système fœtal.

Tout au long de la gestation, le placenta présentera ensuite lui-même une angiogenèse importante permettant de satisfaire les demandes métaboliques croissantes du fœtus en développement.

Au cours de ces dernières années, la fonction de plusieurs gènes impliqués dans les phénomènes de vasculogenèse et d’angiogenèse, aussi bien embryonnaire qu’adulte, a été élucidée. Le plus important d’entre eux est le Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF) qui est impliqué dans l’angiogenèse physiologique et pathologique et dont on peut bloquer l’action par différentes stratégies qui ont montré leur efficacité dans le traitement du cancer et de certaines pathologies oculaires.

LE SYSTÈME DU VEGF

VEGF et isoformes du VEGF

Le Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF) est le prototype du facteur de croissance vasculaire [voir revue générale dans [2]. Isolé à partir de milieux conditionnés de cultures de cellules endothéliales, il provoque, in vitro , une migration et une prolifération des cellules endothéliales. Il induit l’expression de protéases comme la collagénase et les activateurs du plasminogène (tPA et uPA) qui permettent la dégradation de la matrice extracellulaire. Cette activité est auto-limitée par l’induction par le VEGF de l’inhibiteur de l’activateur du plasminogène (PAI-1). Le VEGF augmente la perméabilité capillaire (il a d’abord été identifié comme un facteur de perméabilité vasculaire) et favorise la formation de structures capillaires en trois dimensions en culture cellulaire. In vivo , il est capable d’entraîner la formation de néovaisseaux.

Il existe différents types de VEGF. Le premier étudié et le plus important est le VEGF-A ou VEGF. Le VEGF existe sous plusieurs isoformes issues de la transcription alternative d’un gène unique qui aboutit à la formation de quatre protéines de poids moléculaire de 121, 165, 189 et 206 kDa chez l’homme. Les formes les plus fréquemment rencontrées sont les VEGF 121, 165 et 189. Toutes contiennent une séquence signal qui permet la sécrétion de VEGF. Le VEGF 121 est une protéine acide, soluble, diffusible et qui ne se lie pas à l’héparine. Les VEGF 165 et 189 sont des molécules basiques, du fait de la transcription d’un exon codant pour des résidus lysine et arginine. Le VEGF 165 est secrété et se lie à la surface des cellules endothéliales et à la membrane extracellulaire. Les VEGF 189 et 206 sont séquestrés
dans la matrice extracellulaire dont ils sont libérés par l’héparine ou les héparinases.

La libération de ce VEGF latent, potentiellement actif, se fait grâce au clivage protéolytique post-traductionnel déclenché par le VEGF lui-même, via l’augmentation du tPA et de l’uPA.

D’autres facteurs, relativement proches de la structure du VEGF, ont été isolés : les VEGF-B (167 et 186 kDa), C et D. Le Placental Growth Factor (PlGF) est, lui aussi, apparenté au VEGF. Les VEFF C et D sont impliqués dans la lymphangiogenèse.

Récepteurs et co-récepteurs du VEGF

Il existe deux récepteurs du VEGF, VEGF-R1 (Flt-1) et VEGF-R2 (Flk-1/KDR). Il s’agit de récepteurs à activité tyrosine kinase dont la partie extracellulaire, qui lie le VEGF, comporte sept domaines de type immunoglobuline [3]. Comme dans le cas des autres facteurs de croissance, ces récepteurs à tyrosine-kinase sont dimérisés par des ponts disulfures. Le VEGF se lie à ses récepteurs sous la forme d’un homodimère. Par ailleurs, le récepteur VEGF-R1 lie également le PlGF et le récepteur VEGF-R2, le VEGF-C. Un troisième récepteur a été isolé récemment, VEGF-R3 (Flt-4), qui lie en particulier le VEGF-C. Le système VEGF-R3/VEGF-C joue un rôle important dans l’élaboration des vaisseaux lymphatiques.

Un co-récepteur inattendu du VEGF a été découvert, la neuropiline-1. La neuropiline-1 est une protéine impliquée dans les interactions cellulaires et/ou moléculaires. Elle lie la sémaphorine-3, protéine intervenant dans le guidage des axones neuronaux lors du développement et qui agirait par chemo-répulsion. La co-expression de la neuropiline-1 et du récepteur VEGF-R2 augmente l’activité chimiotactique du VEGF 165.

Il existe une forme soluble du récepteur R1 du VEGF (sFlt-1) dépourvue du septième domaine de type immunoglobuline, de la région transmembranaire et de la région cytosolique. Ce récepteur soluble lie le VEGF avec une affinité équivalente à celle du récepteur R1, inhibe in vivo et in vitro l’activité du VEGF et se comporte comme un inhibiteur du VEGF au niveau extracellulaire. Présent dans le plasma humain, où il est produit par le trophoblaste villeux et extra-villeux, sFlt-1 est relargué dans la circulation maternelle et jouerait un rôle dans le contrôle de la balance angiogenèse/antiangiogenèse dans la décidua. Son rôle dans l’angiogenèse placentaire irait en croissant au cours de la gestation, comme semble le montrer son expression accrue au fur et à mesure de la grossesse.

Le système VEGF lors de l’angiogenèse embryonnaire

L’inactivation des gènes du VEGF et de ses récepteurs R1 et R2 chez la souris par recombinaison homologue entraîne une létalité embryonnaire et des anomalies majeures du développement vasculaire. L’inactivation du gène du VEGF est létale à 10,5 jours de vie embryonnaire, même à l’état hétérozygote, et provoque un retard de
la différenciation endothéliale, une diminution du bourgeonnement capillaire, un assemblage anormal des vaisseaux avec quasi-absence de vaisseaux de taille moyenne et un élargissement de vaisseaux de petit calibre.

L’inactivation du récepteur VEGF-R2 empêche la formation de cellules endothé- liales et entraîne l’absence d’hématopoïèse primitive et définitive dans le sac vitellin, ce qui est un argument en faveur d’une origine cellulaire commune aux cellules endothéliales et sanguines L’inactivation du VEGF-R1 provoque aussi une létalité à 8,5 jours et une anomalie de la formation des vaisseaux. Des études in vitro et in vivo suggèrent un rôle prédominant du domaine extracellulaire du récepteur VEGF-R1 qui pourrait agir comme un récepteur de clairance, au moins dans la régulation de l’angiogenèse embryonnaire.

Rôle post-natal du VEGF

Le rôle du VEGF dans l’angiogenèse post-natale a été étudié par inactivation génique ciblée, par administration d’anticorps bloquant ou d’inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase du récepteur. Le VEGF joue un rôle dans l’angiogenèse cardiaque post-natale, l’angiogenèse du corps jaune ovarien et l’angiogenèse osseuse. Il exerce aussi exerce un effet tonique sur la fonction endothéliale.

Le VEGF possède une action neurotrophique et aurait un effet sur la survie des cellules gliales. L’un des effets les plus spectaculaire de la baisse de production du VEGF par mutation sélective d’une élément régulant son expression est l’apparition d’un syndrome neurologique chez la souris rappelant la sclérose latérale amyotrophique. Il est vraisemblable que l’hypoperfusion des cellules de la corne antérieure de la moëlle, en réponse à la baisse du VEGF, aboutit à une souffrance traduite par un déficit moteur [4].

RÉGULATION PAR L’HYPOXIE DE L’ANGIOGENÈSE

L’hypoxie joue un rôle déterminant dans l’initiation des processus de vasculogenèse et d’angiogenèse. On peut même penser que, téléologiquement, elle est en grande partie le primum movens du développement des conduits (vaisseaux, trachée) apportant l’oxygène à tous les tissus de l’organisme. L’hypoxie entraîne une série de réponses systémiques et locales : accélération du débit cardiaque, vasodilatation, hyperventilation et production accrue d’érythrocytes grâce à la synthèse d’érythropoïétine.

Sur le plan cellulaire, l’hypoxie fait basculer la phosphorylation oxydative aérobique en un métabolisme anaérobique avec expression sélective de gènes de la glycolyse, de la gluconéogenèse et du transport du glucose. Une grande partie de ces réponses cellulaires sont coordonnées par un facteur transcriptionnel inductible par
l’hypoxie, Hypoxia Inducible Factor-1 alpha (HIF1α). HIF1α contrôle à son tour la transcription de gènes comme l’érythropoïétine, le VEGF et différents gènes de la glycolyse. Il agit en s’hétérodimérisant avec un autre facteur transcriptionnel ubiquitaire, HIF1β (encore appelé ARNT). HIF1α est exprimé de façon ubiquitaire et est induit lors de l’hypoxie par un mécanisme post-traductionnel. La partie C-terminale de la protéine comporte en effet un domaine sensible à l’oxygène qui, dans des conditions de normoxie, est hydroxylée par une prolyl-hydroxylase puis rapidement ubiquitinylée et dégradée dans le protéasome. Cette dégradation rapide est médiée par le facteur Von Hippel Lindau (VHL) qui lie HIF1α et induit son ubiquitination [5]. Lorsqu’il existe une hypoxie, HIF1α est protégé de la dégradation, migre dans le noyau, et s’hétérodimérise avec HIF1β pour induire ensuite l’expression de ses gènes cibles.

ANGIOGENÈSE PATHOLOGIQUE ET VEGF

Cancer et VEGF

Pour se développer, les tumeurs cancéreuses consomment de l’oxygène et des nutriments apportés par les vaisseaux. Leur croissance ne peut se concevoir sans le développement d’une vascularisation appropriée, qu’il s’agisse de détournement de vaisseaux pré-existants ou de la formation de novo de vaisseaux tumoraux. De là est née l’hypothèse qu’en détruisant les vaisseaux irriguant la tumeur, on pourrait stopper la croissance des cellules cancéreuses et, à tout le moins, stabiliser la tumeur, hypothèse énoncée par J. Folkman dés 1971 [6].

La découverte du VEGF a joué un rôle déterminant dans la validation du concept du traitement anti-angiogénique en pathologie tumorale. Les connaissances sur le VEGF, en même temps que se développaient celles des différents acteurs intervenant dans la formation des capillaires, des artérioles et des lymphatiques, sont à l’origine d’une recherche particulièrement active [7].

Le switch angiogénique : passage d’un phénotype vasculaire « dormant » à une angiogenèse active

Vaisseaux normaux et vaisseaux tumoraux s’opposent par leur activité ; les premiers peuvent être considéres comme « dormants », les seconds comme particuliè- rement actifs. En cas d’ischémie et de tumeur, la cellule endothéliale passe d’un état dormant à un état actif « angiogénique », transition appelée « switch angiogénique ». Elle devient capable de se diviser, de migrer, d’établir des connections avec les cellules avoisinantes. Elle exprime des facteurs de croissance, des récepteurs de surface, des molécules d’adhésion, des molécules de survie (molécules antiapoptotiques), des métalloprotéases qui lui permettent de progresser grâce à la dégradation de la membrane basale qui les entoure et de la matrice extracellulaire.

Le remaniement des vaisseaux tumoraux suit l’activation de la cellule endothéliale :

dilatation des vaisseaux et détachement des péricytes qui enchâssent les capillaires, bourgeonnement vasculaire avec formation et maturation de nouveaux vaisseaux.

Ces derniers s’établissent par division des capillaires préexistants, recrutement de nouveaux péricytes, élaboration d’une membrane basale.

Ainsi constitué, le réseau vasculaire tumoral s’oppose point par point au réseau vasculaire normal [8]. Le réseau normal est organisé, stable et sa localisation est appropriée. La perméabilité des capillaires est contrôlée et dépend de la structure de l’endothélium propre au tissu. Le flux sanguin du réseau vasculaire normal est bien régulé. Au contraire, le réseau vasculaire tumoral est désorganisé, anarchique, instable. Il existe des lacs vasculaires, des hémorragies et un passage de liquide plasmatique dans le secteur interstitiel du fait d’une perméabilité capillaire accrue.

Des shunts artério-veineux s’établissent concourant à un flux sanguin irrégulier, non contrôlé par les agents vaso-actifs. Enfin, la couverture des capillaires par les péricytes est insuffisante. Ces anomalies de structure s’accompagnent d’anomalies fonctionnelles : hétérogénéité des flux sanguin et lymphatique, élévation de la pression interstitielle intra-tumorale, baisse de la pression partielle d’oxygène dans la tumeur et acidose. En conséquence, le micro-environnement tumoral est profondément perturbé du fait de cette vascularisation anormale, d’une fibrose interstitielle et d’une contraction de la matrice extracellulaire interstitielle intra-tumorale.

L’hypoxie et l’acidose contribuent à la production de facteurs angiogéniques par les cellules tumorales, au développement de néo-vaisseaux et à l’accroissement de la tumeur. Ainsi s’établit un cercle vicieux favorisant la progression tumorale.

Rôle du VEGF dans la vascularisation tumorale

Le VEGF « active » les cellules endothéliales en induisant leur prolifération, leur migration et leur survie. Il accroît la perméabilité vasculaire de l’endothélium. Le VEGF agit sur d’autres types cellulaires : il inhibe les cellules dendritiques présentatrices d’antigènes, mobilise les macrophages et les cellules progénitrices des cellules endothéliales, l’ensemble favorisant le développement du réseau vasculaire et d’un micro-environnement favorable à la croissance des cellules tumorales.

L’induction du VEGF par l’hypoxie tumorale a été montrée peu après la découverte du VEGF dans le glioblastome, une tumeur cérébrale particulièrement vascularisée : le VEGF se trouve à proximité des zones hypoxiques de nécrose tissulaire et est synthétisé dans les cellules cancéreuses [9]. D’autres facteurs que l’hypoxie stimulent la production de VEGF et l’angiogenèse : les cytokines IL-6, IL-1α, la baisse du glucose intracellulaire et l’acidose, des oncogènes, des facteurs de croissance comme le TGFα et β, le PDGF, le FGF.

Stratégies anti-angiogéniques dirigées contre le VEGF. Résultats expérimentaux

Plusieurs arguments théoriques plaident en faveur d’une stratégie antiangiogénique dans le cancer [10]. Une telle thérapeutique s’attaque aux cellules endothéliales activées par le VEGF et ne concerne donc pas l’endothélium normal qui est quiescent. A priori — mais ceci reste à prouver sur le long terme chez l’homme — les vaisseaux normaux ne devraient pas être affectés. Les vaisseaux tumoraux sont facilement accessibles par voie systémique ; ils sont stables sur le plan génétique, à l’inverse des cellules cancéreuses qui sont soumises à de nombreuses mutations. Les agents anti-tumoraux conventionnels et la radiothérapie peuvent agir de façon synergique avec une thérapie anti-angiogénique. Une telle thérapie pourrait s’appliquer à l’ensemble des vaisseaux tumoraux, quel que soit le type de cancer concerné alors que la chimiothérapie est individualisée en fonction du type de tumeur. Toutefois des réserves doivent être émises : d’autres facteurs de croissance vasculaire que le VEGF existent et peuvent compenser sa perte ou son inactivation ; l’endothélium tumoral peut développer des stratégies de survie le rendant relativement résistant aux traitements anti-angiogéniques ; les récepteurs des facteurs de croissance vasculaire peuvent être mutés et devenir résistants aux inhibiteurs pharmacologiques ; il est possible qu’existe une hétérogénéité génétique ou épigénétique de l’endothélium des vaisseaux tumoraux rendant incertaine l’efficacité d’une thérapeutique anti-angiogénique universelle.

Plusieurs stratégies anti-angiogéniques ont été développées et évaluées dans des modèles de tumeurs expérimentales et sont, pour la plupart, en cours d’essais thérapeutiques chez l’homme. Un anticorps monoclonal anti-VEGF « humanisé », le bevacizumab, inhibe les différentes formes du VEGF avec une haute affinité. La demi-vie de son action est de 17 à 21 jours. Une forme soluble humanisée du récepteur R-1 utilise le même principe. Des inhibiteurs de l’activité tyrosine-kinase du récepteur du VEGF ont été développés par plusieurs compagnies pharmaceutiques. Certains seraient spécifiques de l’activité tyrosine-kinase du récepteur du VEGF, d’autres inhibent aussi d’autres récepteurs tyrosine-kinase possiblement impliqués d’ailleurs à la fois dans la néo-angiogenèse et la croissance tumorale.

L’effet du blocage du VEGF dans la croissance de tumeurs expérimentales a été étudié chez la souris dépourvue de système immunitaire dans différents modèles expérimentaux dont le cancer du colon chez la souris. Les cellules cancéreuses coliques humaines expriment le VEGF ainsi que les métastases hépatiques de ce cancer. L’administration d’anti-VEGF inhibe la croissance des tumeurs coliques humaines chez la souris nude ainsi que celle des métastases hépatiques [11] . Cette démonstration expérimentale d’un effet thérapeutique d’une stratégie anti-VEGF dans le cancer du colon avec métastases hépatiques a permis, entre autres, le développement avec succès de cette thérapie dans le cancer colique métastasé chez l’homme.

Anti-VEGF dans le cancer chez l’homme : premiers résultats

Le développement clinique d’inhibiteurs de l’angiogenèse en cancérologie a jusqu’à présent été conçu en associant la thérapeutique anti-angiogénique à un traitement anti-cancéreux conventionnel (chimiothérapie, radiothérapie). Il n’est pas démontré que donné isolément, par lui-même, un traitement anti-angiogénique soit efficace.

Pour l’instant, il semble donc préférable d’associer une thérapeutique cytotoxique à la thérapeutique anti-angiogénique qui est cytostatique. Plusieurs avantages peuvent être attendus de cette association : action sur des cibles cellulaires différentes avec possible effet additif ou synergique, absence de résistance croisée aux médicaments, absence d’effets des cytostatiques sur l’hématopoïèse. Les premiers essais prometteurs ont été rapportés dans le cancer du rein métastasé. En comparant un traitement standard associé à un placebo versus le même traitement standard associé au béracizumab, une amélioration de la survie sans progression du cancer a été observée [12]. Un autre essai a étudié la survie globale de patients porteurs d’un cancer du colon métastasé. La médiane de survie des patients traités par placebo était de 15,6 mois et celle des patients recevant en plus le bevacimuzab de 20,3 mois, soit un gain de quelques cinq mois supplémentaires d’espérance de vie [13]. De nombreuses études sont en cours de réalisation avec le bévacizumab ou des inhibiteurs des tyrosine kinases des récepteurs du VEGF ou d’autres facteurs de croissance dans les cancers avancés du sein, du poumon, du rein. Le site du NIH http://www.cancer.gov/clinical http://www.cancer.gov/clinical trials/developments/ anti-angio fournit les informations concernant les essais cliniques en cours. En attendant les résultats des phases II et III, on peut conclure provisoirement que la preuve du concept d’efficacité d’un traitement anti-angiogénique en thérapeutique cancéreuse est bien étayée expérimentalement et chez l’homme.

La thérapeutique anti-angiogénique est dans l’ensemble bien tolérée. Elle est dépourvue des effets myélotoxiques de la chimiothérapie conventionnelle. Toutefois, on observe des effets secondaires cardiovasculaires et rénaux, notamment une hypertension artérielle et une protéinurie. L’élévation de la pression artérielle, mesurée en ambulatoire, est systématique chez tous les patients initialement normo ou hypertendus traités par un inhibiteur de la tyrosine-kinase du VEGF-2 [14]. La baisse de la production de monoxyde d’azote sous anti-VEGF pourrait être responsable de l’élévation tensionnelle.

Les limites de l’efficacité de la thérapeutique anti-angiogénique peuvent être dues à une résistance des cellules tumorales, endothéliales ou du stroma tumoral ou encore à une surexpression de facteurs angiogéniques additionnels. L’efficacité du traitement anti-angiogénique dans certaines formes de cancer prouve-t-elle pour autant que l’hypothèse de départ est définitivement prouvée ? Les anti-VEGF agissent-ils en bloquant la formation de néo-vaisseaux tumoraux comme proposé initialement ?

En fait, il est possible que d’autres mécanismes soient à l’œuvre. Il a été notamment proposé que les traitements anti-angiogéniques pourraient rétablir les caractéristi-
ques d’une vascularisation tissulaire normale dans la tumeur. L’organisation anarchique des vaisseaux tumoraux et leur perméabilité accrue aboutit à une élévation de la pression interstitielle, une hypoxie, une pénétration faible et hétérogène des produits anti-cancéreux. Le traitement anti-angiogénique supprimerait les capillaires immatures et normaliserait les autres vaisseaux, le tout permettant un retour vers la normale de la pO , de la pression interstitielle et de l’apport des produits 2 anti-cancéreux. Ce concept de normalisation de la vascularisation tumorale par les stratégies anti-angiogéniques est, en partie, étayé par des arguments expérimentaux et cliniques [15]. Il doit être validé en clinique humaine, notamment grâce à l’imagerie vasculaire (RMN, PET scan) et à l’utilisation de marqueurs d’hypoxie en PET (18-fluoromisonidazole) Pathologie oculaire et anti-VEGF

La néovascularisation intraoculaire qui apparaît dans de nombreuses affections ischémiques rétiniennes, telles que la dégénérescence maculaire liée à l’age (DMLA) sous sa forme humide et la rétinopathie diabétique, résulte de la mise en jeu de plusieurs facteurs de croissance qui stimulent l’angiogenèse des vaisseaux choroï- diens sous-rétiniens (DMLA) ou rétiniens (rétinopathie diabétique). L’hypothèse d’un rôle aggravant, voire causal, des facteurs de croissance vasculaire a été émise depuis longtemps et il était donc logique d’évaluer l’efficacité de traitements antiangiogéniques locaux dans ces pathologies [16].

Dégénérescence maculaire liée à l’âge

La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), sous sa forme dite « floride » ou « humide » représente 10 % de l’ensemble des DMLA ; elle est responsable de la quasi-totalité des pertes de la vision dans cette maladie. Elle s’accompagne d’une prolifération des vaisseaux choroïdiens.

Le traitement par anti-VEGF dans la DMLA s’avère particulièrement efficace. Le premier essai thérapeutique positif a été conduit avec le pegaptamib, un aptamère qui bloque l’action du VEGF au niveau de son récepteur R2. Administrée par voie intra-vitrée, il stabilise la vision tandis que les patients traités par placebo ont une chute progressive de la lecture. Plus récemment, le traitement par anticorps antiVEGF, toujours par voie intra-vitrée, a donné lieu à des résultats spectaculaires de stabilisation, voire même d’amélioration de la vision.

Rétinopathie diabétique et VEGF

Au cours de la rétinopathie diabétique, il existe une efflorescence de nouveaux vaisseaux avec formation de microanévrysmes. La baisse de la vision provient de cette prolifération vasculaire qui entraîne des hémorragies du vitrée et la production d’exsudats à partir de vaisseaux dont la perméabilité est accrue. Lorsque les
vaisseaux deviennent fibreux, des phénomènes de traction se produisent sur la rétine et provoquent un détachement de celle-ci aboutissant à la cécité partielle ou totale.

Le taux de VEGF est élevé dans les différents liquides oculaires, et notamment dans le vitrée, au cours des phases prolifératives de la rétinopathie diabétique. Il existe une relation entre l’élévation des taux de VEGF et la sévérité de la rétinopathie diabé- tique.

Le traitement de la rétinopathie proliférative diabétique fait appel essentiellement au laser mais l’intérêt d’un traitement par anti-VEGF lors de rétinopathies diabé- tiques sévères et résistantes est en cours d’étude.

CONCLUSION

Les connaissances fondamentales sur les mécanismes de la vasculogenèse et de l’angiogenèse ont littéralement explosé au cours de ces dernières années. Elles permettent de mieux comprendre les phénomènes de l’angiogenèse au cours du développement ainsi que l’angiogenèse physiologique et réparatrice chez l’adulte.

À l’inverse, ces mêmes mécanismes d’angiogenèse peuvent être délétères lorsqu’ils sont mis en jeu au cours d’une conversion phénotypique de la cellule endothéliale quiescente en cellule endothéliale « maligne », lors de cancers ou au cours de la rétinopathie proliférative de la DMLA chez le diabétique.

La compréhension de ces mécanismes a aboutit, en l’espace de quelques années, à la mise au point de stratégies anti-VEGF, l’un des acteurs essentiels de l’angiogenèse.

Les résultats des anti-VEGF comme traitement complémentaire aux thérapeutiques standard dans de nombreuses affections cancéreuses sont très encourageants.

Il en est de même en pathologie oculaire, dans la DMLA.

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[16] SHOJAEI F., FERRARA N. — Angiogenesis to treat cancer and intraocular neovascular disorders.

Lab. Invest. , 2007, 87 , 227-230.

DISCUSSION

M. Maurice TUBIANA

Peut-on utiliser les anti-VEGF à titre préventif pour éviter le passage d’un ancien cancer non évolutif à un cancer invasif puisque le facteur qui permet ce passage est l’angiogenèse ?

L’idée a été évoquée de les utiliser chez les personnes de plus de soixante-dix ans dont le PSA augmente sans signe clinique. Qu’en pensez-vous ?

L’utilisation des anti-VEGF en thérapeutique humaine est à son tout début. Ils ont jusqu’à présent été prescrits dans des cancers avancés et métastasés. Leur prescription à titre de prévention d’extension d’un cancer infra-clinique n’a pas été étudiée jusqu’à présent. Tout est question de rapport bénéfice / risque. Une action anti-angiogénique, à long terme, chez un sujet âgé présentant des facteurs de risque cardiovasculaire n’est certainement pas dénuée de risque.

M. Christian NEZELOF

Le cal d’une fracture représente un exemple très remarquable d’une angiogenèse chez l’homme. Sait-on si cette angiogenèse réparatrice est différente dans son expression molé- culaire de l’angiogenèse associée au développement d’une tumeur ?

Le VEGF est critique dans la réparation de l’os suivant une fracture. Le VEGF induirait l’expression d’une molécule de signalisation extracellulaire dans les angioblastes, le

CCN1 qui attirerait des cellules endothéliales et favoriserait l’angiogenèse. Il n’y a pas d’argument pour dire que ce processus serait fondamentalement différent de celui de l’angiogenèse tumorale.

M. Jacques ROCHEMAURE

Les inhibiteurs de l’angiogenèse ont-ils leur place dans le traitement de certaines tumeurs rares telles que l’hémangio-endothéliome pulmonaire ?

À ma connaissance, il n’y a pas eu d’essai dans cette indication. A priori, il semblerait logique d’utiliser des anti-VEGF dans les tumeurs hypervascularisées, telles que les hémangiomes.

M. Paul VERT

En néonatalogie, nous sommes confrontés aux rétinopathies du prématuré (12 à 20 en-dessous de 28 semaines d’âge gestionnel) qui sont liées à une angiogenèse proliférative, consécutive à une séquence hyperoxie, vasoconstrictive des artères rétiniennes, ischémie.

Peut-on espérer là une application des traitements par anticorps anti-VGEF ?

La rétinopathie du prématuré est effectivement liée à une angiogenèse réactionnelle mais excessive et inadaptée. Le VEGF et d’autres facteurs angiogéniques sont clairement impliqués. Il existe un modèle bien établi de rétinopathie hyperoxique chez la souris qui permet d’étudier l’effet de différents agents anti-angiogéniques dans cette pathologie.

M. Pierre RONDOT

Peut-on espérer différencier, au point de vue biologique, l’angiogenèse des métastases de l’angiogenèse des tumeurs primitives, diagnostic souvent posé en clinique ?

Il n’y a pas de marqueur établi, pour le moment, de l’angiogenèse des métastases vis-à-vis de l’angiogenèse tumorale. Une recherche active a trait aux gènes qui pourraient être exprimés spécifiquement dans la cellule endothéliale lors du switch angiogénique en cas de tumeur. De tels gènes pourraient être des cibles privilégiées pour le traitement des vaisseaux tumoraux ainsi que des marqueurs diagnostiques ou pronostiques.

M. Charles-Joël MENKÈS

L’action anti-inflammatoire des anti TNF peut-elle être considérée, au moins en partie, par une action anti-angiogénique ?

Il existe une participation angiogénique importante au cours des maladies inflammatoires. Un traitement anti-angiogénique s’avère efficace dans de nombreux modèles expérimentaux de pathologie inflammatoire (arthrite aiguë declenchée chez le lapin, par exemple). Le TNF alpha est lui aussi impliqué dans les maladies inflammatoires. VEGF et TNF alpha sont régulés par le facteur nucléaire de transcription (NF)-kappa B. Il est possible que les anti-TNF alpha (ou les inhibiteurs de NF-kappa B) puissent agir, en partie du moins, via une action anti-angiogénique.

M. Jean-Louis MONTASTRUC

Plusieurs essais cliniques ont présenté un possible risque thrombotique, les anti VEGF, notamment dans le DMLA. Quel est votre avis sur la réalité de cet effet indésirable et son mécanisme éventuel ?

Des thromboses artérielles et veineuses ont été rapportées avec les stratégies antiangiogéniques utilisées dans le cancer, en sachant que le cancer par lui-même confère un risque supplémentaire de manifestation thrombo-emboliques. Les évènements thromboemboliques attribués à la thérapie anti-angiogénique sont variés : accidents vasculaires cérébraux, infarctus du myocarde, accident ischémique transitoire, etc. Le VEGF joue un rôle dans la production de NO et de prostacycline. La suppression du VEGF ou l’inhibition de son activité peut conduire ou prédisposer à des complications thromboemboliques. Des cas de microangiopathie thrombotique rénale ont été décrits.

M. Georges DAVID

L’utilisation de thérapeutiques anti-angionéniques ne provoque-t-elle pas des troubles du cycle menstruel ? Quelles sont les conséquences, en expérimentation animale, de l’utilisation des traitements anti-angionégiques sur la gestation notamment sur l’implantation embryonnaire et sur le développement de l’embryon ?

À ma connaissance, les stratégies anti-angiogéniques n’ont pas concerné les patientes en période d’activité génitale. Dès 1998, Ferrara et coll. ont montré que l’inhibition du

VEGF par la forme soluble du récepteur R1 du VEGF supprimait complètement l’angiogenèse du corps jaune chez la rate, entraînant une inhibition du développement du corps jaune et de la production de progestérone. La maturation de l’endomètre était aussi perturbée. Le même groupe a découvert un facteur angiogénique spécifiquement synthé- tisé par les glandes endocrines (ovaires, surrénales) qu’ils ont dénommé « endocrine gland derived vascular growth factor » . Ce facteur (EG-VEGF) favorise la sécrétion hormonale stéroïdienne en fenestrant la barrière endothéliale. VEGF et EG-VEGF pourraient agir de façon coordonnée pour réguler les phases folliculaire et lutéale du cycle ovarien. Ces facteurs pourraient être impliqués dans des pathologies ovariennes telles que l’ovaire polykystique ou le syndrome d’hyperstimulation ovarienne.

M. André VACHERON

Qu’en est-il, à l’heure actuelle, de l’utilisation du VGEF dans les artériopathies oblitérantes des membres inférieurs ?

Le VEGF a été initialement proposé par Jeff Isner comme thérapeutique dans l’ischémie critique des membres inférieurs chez l’homme dès 1994-1995. Le VEGF administré était un plasmid « nu » codant pour le VEGF A. Les résultats apparaissaient spectaculaires sur des critères cliniques et artériographiques. Les études randomisées en double aveugle et contre placebo dans cette pathologie se sont révélées décevantes. Actuellement, d’autres approches sont évaluées dans le traitement de l’ischémie critique des membres inférieurs telles que l’administration de protéines angiogéniques recombinantes (FGF) et la thérapie cellulaire.


* Médecine vasculaire, Hôpital européen Georges Pompidou, 24, rue Leblanc, 75015 Paris. Inserm U36/U833, Collège de France, 11, place Marcelin Berthelot, 75005 Paris. Tirés-à-part : Professeur Pierre CORVOL, même adresse

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 2, 289-302, séance du 5 février 2008