Communication scientifique
Session of 5 juin 2007

Vaccination contre la varicelle et contre le zona

MOTS-CLÉS : vaccin contre la varicelle. vaccin contre le virus de l’herpes zoster
Immunization against varicella and zoster
KEY-WORDS : chickenpox vaccine. herpes zoster vaccine

Daniel Floret

Résumé

Les deux vaccins contre la varicelle disponibles en France sont des vaccins vivants atténués et dérivés de la souche Oka, utilisée au Japon depuis 1974. Ils sont indiqués chez les sujets sains à partir de douze mois selon un schéma à une dose jusqu’à douze ans. Au-delà, deux doses sont recommandées, espacées de quatre à huit semaines. Ces vaccins entraînent une séroconversion dans plus de 95 % des cas et le maintien des anticorps au-delà de cinq ans. L’efficacité de ces vaccins est de 85 % pour toute varicelle, de près de 100 % contre les formes sévères. En post exposition, ils évitent la maladie dans 95 % des cas et les formes sévères dans près de 100 %. Aux Etats-Unis où la vaccination des enfants est recommandée depuis 1995, un taux de couverture de l’ordre de 80 %, a réduit l’incidence de la maladie de l’ordre de 85 %, dans toutes les tranches d’âge, et principalement les enfants de un à quatre ans. Les problèmes de tolérance sont limités à des réactions locales bénignes et une fièvre modérée. Des questions restent cependant posées : la durée de protection est inconnue. Un schéma à deux doses semble plus à même d’éviter les varicelles des vaccinés (3 à 4 % par an). On craint surtout qu’un taux de couverture insuffisant ne déplace l’âge de la maladie vers l’adolescent et l’adulte jeune, chez qui la maladie est plus grave. Enfin la vaccination généralisée pourrait à terme entraîner une augmentation de l’incidence du zona. Ces problèmes semblent commencer à apparaître aux Etats-Unis. La France a adopté vis-à-vis de cette vaccination des recommandations restrictives qui seront vraisemblablement révisées lors de la mise à disposition d’un vaccin rougeole-rubéole-oreillons-varicelle. Le vaccin contre le zona (vivant atténué préparé avec le même souche à forte concentration) présente une efficacité modérée pour la prévention du zona et surtout des algies post zostériennes chez le sujet de plus de soixante-dix ans. Ce vaccin n’est pas actuellement recommandé en raison des incertitudes sur la durée de protection et du risque potentiel de retarder le zona à un âge où les algies sont plus fréquentes.

Summary

Two vaccines against varicella-zoster virus are available in France. These live attenuated vaccines are derived from the Oka strain used in Japan since 1974. They are indicated for healthy subjects from 12 months of age, at a dose of one injection until 12 years of age, and two injections 4-8 weeks apart for older children and adults. Seroconversion occurs in 95 % of cases and the antibodies persist beyond 5 years. Clinical efficacy is about 85 % against all forms of varicella and nearly 100 % against severe forms. Post-exposure vaccination within 3 days may also prevent the disease. A universal immunization program against varicella was implemented in the USA in 1995. Now, with vaccine coverage at about 80 %, the incidence of the disease has been reduced by 85 %, with the largest decrease in 1- to 4-year-olds. Tolerability is generally good, with only mild reactions at the injection site and moderate fever. The length of protection is not yet known. A two-dose schedule seems advisable to avoid breakthrough varicella, which occurs in 4 % of vaccinees each year. Insufficient coverage is expected to lead to later disease onset, with more severe cases in adolescents and adults. Universal immunization could also increase the incidence of zoster. These problems indeed seem to be emerging in the United States. France has adopted restrictive guidelines on VZV vaccination, but they are expected to be revised when the combined MMR-V vaccine becomes available. Zoster vaccine, prepared with the same strain but at a higher concentration, has moderate efficacy on zoster and on post-zoster neuralgia in patients over 70. This vaccine is not yet recommended in France, because the length of protection is not known and there is a potential risk of delaying the occurrence of zoster and, thus, of increasing the risk of post zoster neuralgia.

La varicelle est une affection hautement contagieuse essentiellement infantile affectant 553 000 à 751 000 sujets chaque année [1], dont 59 % ont moins de cinq ans et 89 % moins de dix ans.

L’incidence du zona augmente de façon importante après l’âge de 60 ans : en France [2], elle est de 2°/°° chez les moins de 50 ans, de 5,6 de 50 à 69 ans, de 10,5 de 70 à 79 ans et de 11,1 à partir de 80 ans. Le zona peut se compliquer de douleurs post zostériennes, et ce d’autant plus qu’il survient à un âge avancé (6 % des cas avant 65 ans et 22 % après 75 ans). Les autres complications surviennent surtout chez les patients très âgés et les immunodéprimés.

LA VACCINATION CONTRE LA VARICELLE

Les vaccins

Deux vaccins contre la varicelle disposent d’une AMM en France : Varivax® et Varilrix®. En outre, un vaccin quadrivalent rougeole- rubéole- oreillons- varicelle, Proquad® vient d’obtenir une AMM européenne. Il s’agit de vaccins vivants fabriqués à partir d’une souche atténuée, la souche Oka préparée au Japon où le vaccin est utilisé depuis 1974.

Il existe peu de différences entre ces deux produits : le nombre de passages sur culture cellulaire, le vaccin de GSK est un peu plus fortement chargé en antigènes. Ils doivent être administrés par voie sous-cutanée, de préférence dans la région deltoï- dienne.

L’AMM française a repris le schéma vaccinal des USA : une dose chez le nourrisson à partir de un an et chez l’enfant jusqu’à douze ans. A partir de treize ans, deux doses sont recommandées, espacées de quatre à huit semaines.

Le vaccin Proquad® comporte une charge antigénique nettement plus élevée que ® Varivax pour la valence varicelle et une valence oreillons augmentée (par rapport au ROR), nécessaires à l’obtention d’une bonne immunogénicité. En Europe, ce vaccin est indiqué à partir de douze mois avec un schéma à deux doses (au moins un mois d’intervalle et préférentiellement dans les trois mois) ou une dose de Proquad® suivie d’une dose de vaccin varicelle monovalent.

Immunogénicité

Une seule dose de Varivax® administrée à des nourrissons et des enfants de douze mois à douze ans permet d’obtenir après quatre à six semaines une séroconversion dans 98,3 % des cas [3].

Chez les enfants ayant eu une séroconversion, 99,1 % restaient séropositifs après un an. Ce pourcentage s’élève jusqu’à 100 % après six ans, probablement du fait de contacts avec le virus sauvage dans une situation où il continue à circuler [4].

Ce vaccin stimule par ailleurs l’immunité cellulaire entraînant une réponse lymphocytaire proliférative spécifique chez plus de 95 % des sujets vaccinés [5].

Après une dose de Varilrix®, une séroconversion est obtenue chez plus de 98 % des enfants de douze à trente-six mois et 97 % des enfants de cinq à sept. Les anticorps ont persisté pendant au moins sept ans chez les enfants vaccinés entre douze et quinze mois [6, 7].

Chez les adultes et les adolescents de plus de treize ans vaccinés avec Varivax®, le taux de séroconversion est de 75 % à 95 % après une première dose mais s’élève à 99 % après une seconde dose et les anticorps persistent chez 97 % des sujets vaccinés pendant au moins cinq ans [8].

Varilrix® entraîne une séroconversion chez 100 % des adultes après deux doses et 96 % restent séropositifs un an plus tard [9].

Une réponse acceptable n’a été obtenue que chez environ 80 % des sujets vaccinés avec Proquad®, ce qui a motivé un refus d’AMM à une dose par les instances européennes. L’administration d’une seconde dose 90 jours plus tard produit un effet rappel multipliant par quatre la moyenne géométrique des anticorps. Par contre, la réponse sur les autres valences est équivalente à celle obtenue par l’administration simultanée du vaccin trivalent ROR et de Varivax®.

Efficacité clinique

Les essais cliniques

Le suivi pendant neuf ans des enfants immunisés avec une seule dose de Varivax® [3, 10] a révélé la survenue de 2,5 % de varicelles par an contre 14,8 % chez des témoins historiques. La majorité des varicelles observées comportaient moins de cinquante éléments. Après exposition au sein du foyer familial, 8,8 à 16 % des enfants ont présenté une varicelle, le plus souvent bénigne, alors que le taux admis d’attaque après exposition intrafamiliale est estimé à 86,6 % [11], soit un taux d’efficacité de 81,3 à 88,5 %.

Varilrix® produit des résultats comparables : une dose de vaccin administrée à des enfants de dix à trente mois suivis pendant deux ans et demi procure une protection de 88 % contre la varicelle et de 100 % contre les formes sévères de la maladie [12].

Efficacité en post exposition

Dix enfants avec un risque de développer la maladie de 86 % ont été vaccinés avec Varivax® dans les trois jours suivant l’apparition d’une varicelle chez un autre enfant de la fratrie [13]. Cinq ont présenté la varicelle, bénigne dans tous les cas.

Dans un foyer, les enfants vaccinés dans les trois jours après un contact de varicelle ont été protégés dans 95,2 % contre toutes les formes de la maladie et 100 % contre les formes modérées à sévères [14]. Enfin, dans une étude en double aveugle contre placebo incluant des enfants soumis à un contact intrafamilial de varicelle, l’efficacité est de 100 % contre les formes modérées à sévères de la maladie, de 67 % contre les formes bénignes si la vaccination a lieu dans les cinq jours après le contage et de 90 % si le vaccin a été administré dans les trois jours [15].

Influence sur l’épidémiologie de la maladie

La vaccination a été introduite aux États-Unis en 1995 après une période de suivi épidémiologique de cinq ans qui a montré que la varicelle représentait quatre millions de cas annuels (90 % chez les jeunes enfants), était à l’origine de 11 000 hospitalisations par an (60 % chez les jeunes enfants) et en moyenne de 105 décès annuels, 45 % concernant les jeunes enfants [16]. Dans la période post vaccinale, une surveillance épidémiologique a été mise en place par le « Central for Diseases Control » (CDC) dans trois districts représentant une population de 1 241 375 personnes [16]. Entre 1997 et 2000, parallèlement à l’augmentation de la couverture vaccinale, l’incidence de la varicelle a été divisée par quatre à cinq (tableau I). La réduction d’incidence (tableau II) va de 76 à 86 %, elle porte sur toutes les tranches d’âge mais bénéficie plus particulièrement à la tranche des 1-4 ans où elle est de 87 à 91 %.

En parallèle, durant les quatre premières années de la vaccination, le taux d’hospitalisation pour varicelle a baissé de 0,42 à 0,32 cas pour 100 000 ainsi que la durée

TABLEAU no 1. —

Évolution de l’incidence de la varicelle entre 1997 et 2000 en fonction de la couverture vaccinale dans les 3 zones surveillées par le CDC (d’après Seward [16])

Incidence Couverture.Vaccinale Incidence Couverture.Vaccinale.

1997 1997 2000 2000 10,3 / 1000 40 % 2,5/1000 82 % Californie Texas 4,7/1000 23 % 0,6/1000 74 % Philadelphie 4,1/1000 43 % 0,9/1000 84 % TABLEAU no 2. — Réduction d’incidence (%) de la varicelle selon les tranches d’âge dans les trois zones surveillées par le CDC (d’après Seward [16])

Age (an.) Antelope Valley Travis County*

West Philadelphia < 1 73 87 87 1-4 88 91 87 5-9 71 80 87 10-14 51 78 89 15-19 60 85 78 20+ 77 74 54 Total 76 86 86 * Travis County : 1995 à 2000 moyenne d’hospitalisation [17]. La mortalité annuelle par varicelle est passée de cent cinq à cinq cas en 2001 et six en 2002[18].

Tolérance

La tolérance globale de ces vaccins est bonne.

Après Varivax® [3], 20 % des enfants de moins de 13 ans ont présenté des effets secondaires essentiellement locaux : œdème localisé, douleur au point d’injection, hématome, induration et raideur. Quinze pour cent ont présenté de la fièvre. Chez les adolescents et les adultes, des signes locaux sont observés dans 25 % des cas après la première dose, 32 % après la seconde. Après chacune des doses, 10 % des vaccinés ont présenté de la fièvre.

Le profil de tolérance de Varilrix® est peu différent : chez les enfants de moins de treize ans, 11 % ont présenté des douleurs localisées, 22 % de la rougeur et un œdème et 11 % de la fièvre. Chez les adolescents et les adultes, des signes locaux sont observés dans 12 % des cas après la première dose, 16 % après la seconde, la fièvre est observée respectivement dans 29 et 20 % des cas.

Proquad® a une réactogénicité plus forte liée, semble-t-il, à une potentialisation de la valence rougeole se traduisant par un taux plus élevé (37,2 %) de fièvre et d’éruptions morbilliformes (3,2 %). Toutefois, cet effet s’atténue à la seconde injection.

Les éruptions « varicelliformes » (varicelles vaccinales) se manifestent entre cinq et vingt-six jours après la vaccination. Elles peuvent apparaître autour du point d’injection ou être « généralisées », avec toutefois en moyenne cinq éléments. Après Varivax®, les éruptions locales sont observées dans 3 % des cas chez les enfants, et respectivement 3 % et 1 % après les premières et secondes doses chez l’adolescent et l’adulte. Les éruptions dites généralisées surviennent dans 4 % des cas chez l’enfant, respectivement 5 % et 1 % après les premières et secondes doses chez l’adolescent et l’adulte. Après Varilrix®, 1 % des enfants présentent une éruption varicelliforme et respectivement 0,9 et 1,3 % des adultes après les premières et secondes doses.

La transmission du virus vaccinal à l’entourage

Lorsque les vaccins de première génération étaient administrés aux sujets leucémiques en rémission, les vaccinés ayant présenté une éruption de varicelle contaminaient les sujets réceptifs de leur entourage dans 15 % des cas [19].

En six ans de surveillance de Varivax® et sur cent-quatorze dossiers de transmission possible du virus vaccinal à des personnes contact, le virus vaccinal n’a été retrouvé que dans trois cas.

Le risque de transmission à l’entourage semble corrélé avec l’intensité de la varicelle vaccinale, d’où sa rareté lorsque le vaccin est administré chez des sujets immunocompétents.

Vaccin et grossesse

L’administration des ces vaccins vivants est contre indiquée durant la grossesse, d’autant que VZV peut être responsable de fœtopathies. Le CDC a mis en place un registre pour répertorier les administrations « accidentelles » de vaccin durant la grossesse [20]. En 2002, 58 femmes enceintes avaient reçu le vaccin au cours des premiers et seconds semestres. Deux grossesses se sont soldées par un avortement spontané précoce. Aucun cas de varicelle congénitale n’a été noté parmi les 56 autres naissances vivantes. Trois nouveau-nés présentaient des malformations non liées à la varicelle, nombre non différent du chiffre attendu.

Poids de la maladie et recommandations françaises

La varicelle représente une charge indiscutable du fait du nombre de sujets affectés, qui représentent grossièrement une tranche d’âge chaque année. L’incidence des complications (sous estimée par un réseau sentinelle) est classiquement de 4 %. Il s’agit avant tout de surinfections cutanées, liées essentiellement au staphylocoque (les plus fréquentes) et au streptocoque (les plus graves). Elles sont le plus souvent bénignes (pyodermites) mais certaines formes peuvent laisser des séquelles esthéti-
ques (varicelles gangréneuses), imposer des gestes chirurgicaux (dermo épidermites) ou mettre en jeu le pronostic vital (fasciite nécrosantes) lorsque l’infection locale se complique d’une septicémie ou d’un choc toxique streptococcique. Les autres complications les plus fréquentes sont neurologiques, notamment les encéphalites et pulmonaires, soit par surinfection bactérienne, soit liées au virus, essentiellement chez les immunodéprimés. Les fœtpathies varicelleuses sont graves mais ne repré- sentent que quelques cas par an. Le taux de complications est deux fois plus élevé après l’âge de quinze ans. En moyenne 3 500 hospitalisations sont liées à la varicelle chaque année, dont 75 % chez des sujets de moins de seize ans. De 1979 à 2000, 12 à 31 cas de décès par varicelle par an ont été répertoriés, la majorité (61 %) concernant des sujets de quinze ans ou plus. Enfin, les complications graves et les décès affectent essentiellement les sujets antérieurement sains [21].

En dépit de ces données, la France, en 2004, a adopté vis-à-vis de la vaccination contre la varicelle des recommandations très restrictives [22] : la vaccination géné- ralisée n’est pas recommandée chez l’enfant. Les recommandations vaccinales concernent l’adulte en post exposition dans les trois jours suivant le contact (sans nécessairement de sérologie préalable). Font l’objet de recommandations vaccinales les professionnels de santé : étudiants, personnels en poste dans les services accueillant des sujets à haut risque de varicelle grave et personnels de la petite enfance. La vaccination est également recommandée pour toute personne (dont les enfants) vivant au contact d’un immunodéprimé. Dans tous ces cas, la vaccination s’applique à des personnes sans antécédent de varicelle (ou dont l’histoire est douteuse) avec une sérologie négative. La vaccination est enfin recommandée chez les enfants candidats à une transplantation d’organe solide.

Les raisons qui ont abouti à ce choix se réfèrent à certaines limites et interrogations concernant le vaccin.

Les limites des vaccins

Les deux vaccins n’ont obtenu une AMM que chez les sujets sains.

Le dossier d’enregistrement de Varivax® mentionne l’utilisation du vaccin chez un nombre limité d’enfants atteints de leucémie en rémission, de tumeur solide et d’un syndrome néphrotique.

Ces études montrent que le vaccin est immunogène (73 % de séroconversion après deux doses chez les leucémiques, 89 % pour les cancers). Il n’y a pas d’étude d’efficacité et 45 % des enfants leucémiques vaccinés pendant une phase d’interruption thérapeutique ont présenté une éruption post vaccinale. Actuellement aux Etats-Unis, les enfants leucémiques peuvent être vaccinés dans un cadre compassionnel.

Une étude réalisée chez 41 enfants infectés par le VIH a montré que le vaccin était immunogène et bien toléré. Le vaccin est recommandé par l’Advisory Committee for Immunization Practices pour les enfants VIH séropositifs de stade N1 ou A1 avec un taux de CD4S10 25 %.

Il existe également pour Varilrix® une expérience d’utilisation chez les sujets immunodéprimés ou atteints de pathologies chroniques. Chez les enfants leucémiques, le taux de séroconversion va de 68 à 95 % mais le taux d’anticorps chute après douze mois et l’efficacité est de 75 à 82 % [23]. Chez des enfants porteurs de différents types de tumeur solide [24], la séroconversion n’est obtenue que dans 30 à 65 % des cas.

Les effets secondaires se limitent à de la fièvre et 10 à 20 % d’éruptions. Chez les greffés rénaux vaccinés par une dose trois à 124 mois après la greffe, le taux de séroconversion est de 65 % à 4-8 semaines et 94 % trois à six mois après la vaccination. La plupart restent séropositifs 2 ans plus tard. Un enfant sur 17 a présenté une varicelle vaccinale bénigne et trois enfants une varicelle liée au virus sauvage, également bénigne deux à quatre ans après la vaccination [25].

Plus de 530 enfants en attente de transplantation d’organe ont été vaccinés par une à deux doses de Varilrix® un mois à quatre ans avant une greffe rénale [25, 26] : 60 à 95 % étaient séropositifs six semaines après la vaccination, 85 % après six mois et 75 % après deux ans. La varicelle est survenue chez 10 à 15 % des vaccinés et un zona chez 7 % comparés à respectivement 45 et 32 % chez les non vaccinés. L’expérience est plus limitée chez les enfants en attente de transplantation hépatique, avec des résultats décevants [27]. Les données concernant les transplantés médullaires sont très limitées [28]. Enfin chez les enfants atteints de syndrome néphrotique et vaccinés par une dose de Varilrix® six semaines après l’arrêt des corticoïdes, le taux de séroconversion est de 85 % à huit semaines, la séropositivité se maintenant à deux ans [29].

Les questions autour de la vaccination

Bien que les faits accumulés accréditent l’efficacité de ces vaccins et l’intérêt de la vaccination, un certain nombre de questions restent posées. L’évolution récente de l’épidémiologie de la varicelle aux Etats-Unis [30] vient confirmer le bien fondé des réserves exprimées par la plupart des pays européens vis-à-vis de la vaccination universelle des enfants contre la varicelle.

Depuis 2004 en effet, l’incidence de la varicelle a cessé de baisser, voire même remonte dans les zones américaines surveillées par le CDC. Au Texas notamment, en 2003 et 2004, on observe une augmentation du nombre absolu de cas de varicelles dans les tranches d’âge 1-4 ans, 5-9 ans et 10-14 ans. En outre, des épidémies ont été observées dans des écoles bénéficiant d’un taux de couverture vaccinale de 96 à 100 %.

La durée de protection et le schéma vaccinal

La durée de protection reste mal connue. Dans une étude de suivi sur huit ans [31] le taux d’efficacité est de 87 %, dont 97 % la première année et 84 % pour la période 2-8 ans. L’efficacité est significativement meilleure chez les enfants vaccinés après quinze mois, comparés à ceux vaccinés entre douze et quinze mois.

Le taux de couverture vaccinale au Japon (qui vaccine depuis 1974), est mal connu mais probablement faible. Les enquêtes portant sur dix à douze ans rapportent des taux divergents de varicelles chez les vaccinés, allant de 20 % [32] à 34,2 % [33].

D’après les études d’efficacité, on peut s’attendre à des taux annuels de 3 à 4 % de varicelle chez les vaccinés, et de 5 à 20 % après contage intrafamilial, tout en notant que la circulation persistante du virus entretient l’immunité par les rappels naturels et majore l’efficacité du vaccin. Le fait nouveau, dans l’expérience américaine, est l’augmentation très notable, à partir de huit ans après la vaccination, de l’incidence des varicelles chez les sujets vaccinés [30, 34], fait interprété comme témoignant d’une protection insuffisante procurée par le schéma vaccinal à une dose.

Contrairement à ce que l’on observe avec les autres vaccins vivants, l’administration d’une seconde dose de vaccin varicelle procure un véritable effet « booster », multipliant par dix à douze la moyenne géométrique du taux d’anticorps [35, 36]. Une étude plus récente [37] montre que, sur une période de dix ans, le risque de présenter une varicelle malgré la vaccination est 3,3 fois plus élevé chez les sujets n’ayant reçu qu’une injection, comparé à ceux qui en ont reçu deux.

Le déplacement de l’âge de la maladie

L’expérience de la rougeole a montré qu’une couverture vaccinale insuffisante entraînait un déplacement de l’âge de la maladie. Alors que les données initiales de l’expérience américaine concernant la varicelle étaient rassurantes, les enquêtes récentes [30] confirment que les Etats-Unis se trouvaient bien alors dans la phase de « lune de miel » : dans la région d’Antelope Valley (Californie), le pic d’incidence de la varicelle est passé de 3-6 ans en 1995 à 9-11 ans en 2004.

Cette évolution épidémiologique non souhaitable est au moins en partie attribuable au schéma vaccinal de sorte que l’ACIP en juin 2006 a recommandé le passage à un schéma vaccinal à deux doses [29].

Le zona

Lors du suivi des enfants vaccinés par Varivax® [38, 39] douze cas de zona ont été répertoriés, soit une incidence de 14 cas /100 000 personnes/ année, comparée à un risque de 68/100 000 personnes/année après varicelle. Chez l’adolescent et l’adulte, l’incidence est de 16 cas/100 000 personnes/ année. Après Varilrix®, un zona a été observé chez 0,7 % des sujets vaccinés, ce qui représente une incidence de 7,7 cas/ 10 000 enfants-mois [40].

Le vaccin peut donc être responsable de zona mais le risque est quatre à cinq fois moins élevé qu’après une infection par le virus sauvage.

Par ailleurs, il est clairement démontré que les adultes vivant au contact d’enfants et soumis à des contacts avec le virus sauvage de la varicelle ont un risque diminué de présenter un zona [41]. Ces contacts entraînent des rappels naturels qui entretien-
nent l’immunité contre le VZV et préviennent la survenue du zona. La vaccination universelle contre la varicelle, en réduisant la circulation du virus, pourrait donc supprimer ces rappels et augmenter l’incidence du zona, ce qui est objectivé par un modèle mathématique [42]. Alors qu’aucun signal de ce type n’était jusque là observé [43], une étude réalisée sans le Massachusetts [44] montre qu’entre 1999 et 2003, l’incidence du zona est passée de 2,77 à 5,27/ 10 000, soit une augmentation de 90 %, statistiquement significative dans les tranches d’âge 25-44 ans et pour les plus de 65 ans.

Le rapport coût/bénéfice

Diverses études médico-économiques ont établi dans divers pays l’intérêt de la vaccination universelle contre la varicelle [45-47]. En contraste, intégrant l’augmentation du nombre de cas de zonas, le modèle de Brisson [48] prédit à terme une annulation du bénéfice initialement lié à la réduction du nombre de cas de varicelles.

Une récente évaluation a été récemment réalisée pour le vaccin Varivax® [49] : cette étude montre que la vaccination de routine des enfants contre la varicelle réduit les coûts, à la fois pour l’Assurance Maladie et pour la société (en intégrant les pertes de salaire liées aux arrêts de travail) si la couverture vaccinale est supérieure à 70 %.

Pour un taux de couverture vaccinale de 45 %, le bénéfice persiste pour la société mais l’assurance maladie enregistre un surcoût. Il est cependant à noter que ces études ont été faites avec un schéma vaccinal à une dose.

Au total

Les données récentes issues de l’expérience américaine justifient a posteriori les craintes qui ont amené en France à la formulation de recommandations restrictives vis-à-vis de ce vaccin. Les travaux de modélisation de l’Institut de Veille Sanitaire suggèrent qu’un taux de couverture vaccinal de 90 % est nécessaire pour éviter l’augmentation secondaire des cas dans les tranches d’âge plus âgées, perspective non réaliste vu la réputation de bénignité de la maladie.

Toutefois, la mise à disposition d’un vaccin quadrivalent ROR-V risque de changer la donne : par rapport au R-R-O, ce vaccin offrira l’avantage le protéger contre une maladie de plus sans injection supplémentaire ni problème de tolérance. Il est par contre improbable que le vaccin quadrivalent remplace totalement le vaccin trivalent. A l’inverse, en l’absence de recommandation, la perspective d’une protection supplémentaire risque de favoriser la vaccination « sauvage ». Ainsi, quelque soient les recommandations, on risque d’aboutir à un taux de couverture vaccinale dans des zones non souhaitables déplaçant l’âge de la maladie. De ce fait, l’hypothèse actuelle de travail est celle d’une évolution des recommandations en vue d’une protection des adolescents non immuns et des femmes en âge de procréer, qui de ce fait auront un risque augmenté de présenter une varicelle grave.

LA VACCINATION CONTRE LE ZONA

Le vaccin contre le zona est un vaccin vivant atténué préparé à partir de la souche Oka. La différence essentielle par rapport aux vaccins varicelle réside dans une concentration en antigène environ dix fois plus élevée.

Actuellement, un seul vaccin (Zostavax®) a obtenu une AMM pour la prévention du zona et des douleurs post-zostériennes chez le sujet de plus de 60 ans. Cette AMM a été obtenue sur la foi d’une étude contrôlée versus placebo ayant inclus 38 546 personnes âgées de plus de 60 ans. Cette étude [50] a montré que la vaccination réduit de 50 % l’incidence du zona, avec une efficacité de 63,9 % dans la tranche d’âge 60-69 ans, mais de seulement 37,6 % chez les sujets âgés de plus de 70 ans. La vaccination ne réduit pas de manière significative les douleurs de la phase aiguë.

L’incidence des douleurs post zostériennes dans la tranche d’âge 60-69 ans est 6,6 % chez les sujets vaccinés contre 6,9 % dans le groupe placebo. L’efficacité est plus marquée chez les sujets de plus de 70 ans (9,8 % contre 18,5 %). En dehors de manifestations locales bénignes, le vaccin n’a pas entraîné d’effets indésirables notables.

Les autorités françaises de santé [51] ont estimé que dans l’état actuel des connaissances la vaccination contre le zona ne pouvait être recommandée. Les raisons invoquées ont été que le vaccin congelé était seul disponible. Le vaccin est surtout efficace pour la prévention des algies post zostériennes qui peuvent par ailleurs être prévenues pas l’administration précoce d’antiviraux. Par ailleurs, la durée de protection n’est pas connue, notamment la nécessité éventuelle d’un rappel à 70 ans. La crainte est que l’administration du vaccin se contente de retarder la survenue du zona à un âge plus avancé, avec un risque plus élevé de douleurs post zostériennes.

Au total

La France a globalement adopté une attitude globalement restrictive vis-à-vis de la vaccination contre la varicelle et le zona, position d’attente plus qu’un réel rejet de vaccins qui ont tout de même fait la preuve de leur efficacité et de leur bonne tolérance. Cette attitude est d’ailleurs peu différente de celle adoptée en Europe [52] où seules l’Allemagne, et certaines régions de l’Italie et de l’Espagne ont adopté des recommandations plus larges.

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sante.gouv.fr/htm/pointsur/vaccins/index.htm [52] PINOT DE MOIRA A., NARBONE A. — Varicella Zoster virus vaccination policies and surveillance strategies in Europe. Eurosurveillance, 2005, 10, 43-5.

DISCUSSION

M. Pierre AMBROISE-THOMAS

La fréquence et la gravité du zona chez le sujet âgé sont-elles en relation avec une immuno-dépression de l’âge ? La logique le suggère. Les preuves existent-elles ? Les vaccins anti-varicelle sont à virus vivant. Quel est le risque de voir sequestré le virus dans des ganglions puis d’assister à distance à une réactivation génératrice de zona ?

La survenue du zona est en effet liée à une baisse de l’immunité au virus de la varicelle.

Cette baisse peut être liée à une immunodépression induite (corticothérapie, chimiothé- rapie..). L’age est également à l’origine d’une baisse de l’immunité. On sait en outre que les contacts avec le virus de la varicelle entretiennent cette immunité. Les personnes âgées ont probablement moins de « chance » de rencontrer le virus. Ce qui est certain, c’est que l’incidence du zona augmente avec l’âge, de même que l’incidence de ses complications,
notamment des algies post zostériennes. Concernant le risque pour la souche vaccinale d’entraîner le zona, celui-ci a été étudié : la souche OKA peut, en effet, être à l’origine de zona mais le risque observé est environ quatre fois plus faible que celui crée par la souche sauvage.

M. Jacques BATTIN

Que pensez-vous de l’expérience sicilienne d’éradication de la varicelle et les candidats à une corticothérapie ne seraient-ils pas aussi des candidats à une vaccination préventive pour éviter le risque des varicelles hémorragiques lors de cette thérapeutique ?

La Sicile est en effet une des régions européennes (avec l’Allemagne et quelques régions espagnoles) à avoir entrepris un programme de vaccination universelle contre la varicelle.

Il n’est pas certain que la surveillance épidémiologique soit aussi fiable que ce qui est réalisé par le CDC aux Etats-Unis. Surtout, la Sicile doit connaître le phénomène bien connu de la « lune de miel ». L’introduction d’un nouveau vaccin dans une population vierge entraîne un effondrement de l’incidence de la maladie. Par contre, en l’absence (probable en Sicile) de couverture vaccinale optimale estimée à 90 %, du fait de la chute de la circulation du virus, les sujets réceptifs (ayant échappé à la fois à la vaccination et à le maladie) s’accumulent, ce qui va secondairement se traduire par une ré augmentation de l’incidence, aux dépens des sujets plus âgés, chez qui la maladie est plus grave. C’est bien ce que l’on observe aux Etats-Unis. Concernant la corticothérapie le premier point est que les vaccins actuels de varicelle n’ont d’AMM que pour les sujets sains. Pour ce qui est de vacciner en préventif, cela semble difficile : il convient de respecter un délai d’au moins un mois entre la vaccination et la mise en route d’un traitement déprimant l’immunité. Comme, en outre, on admet actuellement que la vaccination nécessite deux doses à au moins un mois d’intervalle, cela diffère singulièrement le début de la corticothérapie.

M. Pierre BÉGUÉ

Le Conseil supérieur d’hygiène publique a-t-il tenu compte du risque encouru par la population si une vaccination contre la varicelle devient incontrôlable ? Pour éviter que les nourrissons soient irrégulièrement vaccinés contre la varicelle, quel serait l’intérêt à ne recommander chez eux que le seul vaccin quadrivalent (quadruple rougeole, rubéole, oreillons et varicelle), ce qui permettrait d’espérer une ouverture plus satisfaisante ?

On sait qu’il faut obtenir un taux de couverture vaccinale de 90 % pour éviter le déplacement de l’âge de la maladie. Il n’est pas raisonnable de penser que le remplacement du ROR par le ROR-V permette d’obtenir ce taux car, après de longues années de campagnes actives, le taux de couverture vaccinale à deux ans pour le ROR n’est que de 87 % (et à une dose). Il est en effet possible que la vaccination varicelle devienne incontrôlable. On peut regretter que les médecins français soient si peu respectueux des recommandations officielles. Si le taux de couverture vaccinale augmentait de façon importante, cela prouverait que les médecins, comme le public ne considèrent plus (comme c’est le cas actuellement) la varicelle comme une infection bénigne et les recommandations pourraient être reconsidérées dans ce sens.

M. Paul VERT

Grossesse et varicelle sont un problème pratique qui n’est pas rare. Même si les embryofœtopathies sont rares (probablement sous-évaluées du fait de fausses couches) le risque de retarder l’âge de la maladie ne risque-t-il pas d’augmenter la prévalence des accidents gravidiques ou périnatals ? Les lésions vésiculeuses post-vaccinales laissent-elles des tâches achromiques comme celles de la varicelle sur les peaux noires ? L’eczéma de l’enfant constitue-t-il une indication de la vaccination ?

Les embryopathies de la varicelle sont en effet graves mais rares en France. Les estimations sont de 1,5 à 3,5 cas an. Plus fréquentes et moins bien connues sont également les varicelles maternelles de fin de grossesse qui exposent à des contages du nouveau né et des varicelles potentiellement graves. Il est clair que si l’âge de la maladie se décale, ce problème va s’accentuer. C’est la raison pour laquelle on s’oriente vers une recommandation de la vaccination chez les femmes en âge de procréer et ayant un projet de grossesse, alors qu’elles n’ont pas d’antécédents de varicelle. La varicelle comporte effectivement un risque plus élevé de cicatrices sur les peaux noires (mais aussi sur les peaux jaunes, ce qui explique que cette vaccination soit utilisée depuis longtemps au Japon). L’eczéma est en effet considéré comme un facteur de risques de varicelle compliquée, ce qui n’est pas tout-à-fait exact car ceci ne ressort d’aucune des grandes études qui s’est attachée à la recherche des facteurs de risques de complications de la varicelle chez les enfants. En fait, ce qui est certain c’est qu’un sujet qui présente une varicelle sur une peau antérieurement lésée voit ses lésions prédominer là où existaient les lésions anté- rieures. Ceci peut être impressionnant chez un sujet présentant un eczéma étendu mais en définitive, les complications ne sont pas plus fréquentes. Parfois aussi, les médecins confondent varicelle et herpès qui lui, peut engendrer des complications sévères chez l’eczémateux (syndrome de Kaposi). Il n’y a pas de recommandations particulières de ce vaccin chez l’eczémateux, vaccin qui, on le rappelle n’a d’AMM que chez le sujet sain.

M. Michel ARSAC

Dans cette statistique américaine, a-t-on relevé des encéphalites chez les vaccinés et, si oui, combien ?

L’incidence classique de l’encéphalite de la varicelle est de 1,4 à 4 cas/100 000 aux Etats-Unis. Cette complication grave affecte plus particulièrement les adultes et les petits nourrissons.

M. Bernard SALLE

Actuellement, les pouvoirs publics ne légifèreront pas sur toutes nouvelles vaccinations ;

simplement des recommandations seront faites. La varicelle atteint le fœtus quand une femme enceinte contracte une primo infection. Les vaccinations ne permettraient-elles pas de diminuer l’embryopathie et la faoetopathologie varicelleuse ?

Les embryo fœtopathies de la varicelle sont graves mais heureusement rares : on estime que le nombre de cas annuels en France est de 1,5 à 3 cas. Ceci étant, si la couverture vaccinale contre la varicelle évolue dans le sens que nous craignons, le nombre de cas
risque d’augmenter. De ce fait, les prochaines recommandations de vaccination devraient cibler les femmes en âge de procréer, sans antécédent de varicelle et ayant un projet de grossesse. On devrait également recommander la vaccination en post partum des femmes séronégatives.


* Université Claude Bernard LYON 1 — Service d’Urgence et de Réanimation Pédiatrique — Hôpital Édouard Herriot — Place d’Arsonval 69437 Lyon Cedex 03. Tirés à part Professeur Daniel FLORET, même adresse Article reçu le 12 mars 2007 et accepté le 14 mai 2007

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, no 6, 1051-1067, séance du 5 juin 2007