Communication scientifique
Session of 24 octobre 2006

Traitements ciblés anti-cytokines dans l’arthrose

MOTS-CLÉS : arthrose. cartilage.. facteur de nécrose tumorale-alpha. interleukine i
Targeted anti-cytokine therapies for osteoarthritis
KEY-WORDS : cartilage.. interleukin i. osteoarthritis. tumor necrosis factor-alpha

Xavier Chevalier, Bénédicte Mugnier, Gilles Bouvenot

Résumé

Les cytokines pro inflammatoires comme l’interleukine-1(IL-1) β et à un moindre degré le TNF α jouent un rôle prépondérant dans les mécanismes de destruction du cartilage au cours de l’arthrose. L’utilisation d’antagonistes de l’IL-1 β ou d’inhibiteurs spécifiques de cette cytokine, administrés par injection intra articulaire chez l’animal, a permis de montrer une diminution de la progression de la maladie arthrosique. Un premier essai chez l’homme utilisant 50 à 150 mg de l’antagoniste de l’IL-1 β (IL1-ra) injecté en intra articulaire (une injection unique) n’a pas permis de mettre en évidence un effet antalgique à un et trois mois de suivi. Néanmoins, un effet précoce antalgique a pu être démontré avec la dose de 150mg d’IL-1 ra. Des cas ponctuels de l’utilisation d’anti-TNF α ont été rapportés dans la gonarthrose et dans l’arthrose digitale. Cibler les cytokines au cours de l’arthrose apparaît une approche thérapeutique séduisante, mais qui nécessite d’être validée en tenant compte du rapport bénéfice risque de ces traitements.

Summary

Proinflammatory cytokines such as interleukin-1 beta and, to a lesser extent, tumor necrosis factor (TNF) alpha, play a key role in the destruction of the cartilage matrix in osteoarthritis. Intraarticular injection of specific IL-1 inhibitors or antagonists has been shown to slow disease progression in animal models of osteoarthritis. A first randomized placebocontrolled trial of a IL-1 beta antagonist (a single intraarticular injection of 50 or 150 mg) had no analgesic effect during 3 months of follow-up. However, 150 mg of IL-1 ra had an early analgesic effect. Anti-TNF alpha therapy has also been tested in isolated cases of digital and knee osteoarthritis. Cytokine targeting in osteoarthritis is thus an appealing approach but one that needs to be validated in terms of the risk-benefit ratio.

L’arthrose, la plus fréquente des affections rhumatologiques, affecte, au-delà de 55 ans, plus de 50 % de la population. Elle est caractérisée par une destruction progressive du cartilage articulaire, à laquelle s’associent des remaniements de l’os sous chondral et des épisodes d’inflammation de la membrane synoviale. Son origine est considérée comme plurifactorielle, conséquence conjointe du vieillissement des chondrocytes, du stress biomécanique et de prédispositions génétiques [1].

TRAITEMENTS DISPONIBLES À CE JOUR

Nous ne disposons à ce jour que de traitements symptomatiques, visant essentiellement à diminuer la douleur et de ce fait à améliorer le handicap fonctionnel :

antalgiques de niveau 1 et 2, anti-inflammatoires non stéroïdiens. Ces thérapeutiques, notamment les anti-inflammatoires, ne sont pas dénuées d’effets secondaires, gastro-intestinaux, rénaux, cardiovasculaires. Les traitements adjuvants comprennent les infiltrations de corticoïdes ou d’acide hyaluronique, des mesures non pharmacologiques telles que les recommandations hygiéno-diététiques et la rééducation.

Jusqu’à présent aucun traitement n’a démontré de façon formelle un effet de chondroprotecteur sur le cartilage. Bien que la classe, dite « des anti-arthrosiques à action lente », ait montré dans certaines études un effet sur la vitesse du pincement de l’interligne articulaire, notamment dans la gonarthrose et la coxarthrose, leur mécanisme d’action, leur biodisponibilité et leur pénétration dans le cartilage articulaire restent incertains. Un traitement « anti-arthrosique » se doit de cibler directement les voies métaboliques altérées et, par conséquent nécessite une meilleure compréhension des bases moléculaires à l’origine de la pathologie.

CYTOKINES PRO-INFLAMMATOIRES :

CIBLES POTENTIELLES DANS LE TRAITEMENT DE L’ARTHROSE

Rationnel de l’utilisation d’anti-cytokines dans le traitement de l’arthrose :

Bien que l’arthrose ait été initialement considérée comme une affection non inflammatoire, il est maintenant clairement démontré qu’elle est associée à une production accrue de cytokines et de facteurs de croissance, intéressant la membrane synoviale, le cartilage et l’os sous-chondral [2]. Les événements initiaux ne sont pas bien connus, mais le chondrocyte apparaît comme un acteur central. Après une phase initiale où il augmente ses capacités de synthèse, surviennent des altérations méta-
boliques, avec modifications qualitatives et quantitatives de la matrice synthétisée, accélération du catabolisme aboutissant à un stade ultime à l’apoptose chondrocytaire. Ces évènements sont induits par des cytokines pro inflammatoires, des écosanoïdes et des radicaux libres dérivés de l’oxygène, majoritairement synthétisés par le chondrocyte lui-même [3, 4]. De ce fait, les inhibiteurs de ces molécules peuvent être envisagés comme des cibles thérapeutiques dans l’arthrose [5]. Ce sont les inhibiteurs des cytokines pro inflammatoires pour lesquels la recherche est la plus avancée [6-8].

Anti-TNF et anti-IL1 sont utilisés depuis plusieurs années dans le traitement des rhumatismes inflammatoires, polyarthrite rhumatoïde (PR), rhumatisme psoriasique, spondylarthrite ankylosante, Nous bénéficions ainsi d’un certain recul pour juger de leur puissance anti-inflammatoire mais aussi d’expérience concernant leurs effets secondaires.

Leur utilisation dans les rhumatismes inflammatoires a montré que l’inhibition d’une seule cytokine pouvait radicalement modifier l’évolution d’une pathologie complexe poly-viscérale et que la cytokine « dominante » variait en fonction de la pathologie considérée (par exemple l’inhibition de l’IL-1 est plus efficace dans le traitement de l’arthrite juvénile chronique que dans celui de la PR).

Une étape centrale est donc d’identifier les principales cytokines pro inflammatoires impliquées dans la physiopathologie de l’arthrose, si possible en fonction de son stade. Il a été montré que l’IL-1β, le TNFα, mais aussi l’IL6, l’IL-18, l’IL-17 et l’IL-8 jouaient un rôle clé [9]. Nous nous concentrerons ici sur les inhibiteurs de l’IL-1β et du TNFα, pour lesquels des résultats préliminaires ont été obtenus.

Anti-Interleukine 1

Rôle de l’interleukine 1 dans le processus de dégradation du cartilage

Depuis sa découverte dans les années 1960 comme facteur pyrogène endogène, de très nombreux travaux ont montré l’implication majeure de l’interleukine 1 (IL-1) dans le processus arthrosique [2, 10] La principale IL-1 incriminée au cours de l’arthrose est l’IL-1β soluble alors que le rôle de l’IL-1β membranaire reste à déterminer. L’IL-1β agit par l’intermédiaire d’un récepteur transmembranaire de type 1. Pour être activé, ce récepteur de type 1 nécessite l’agrégation d’une autre molécule : l’IL-1 racp. Le récepteur de type 2 fonctionne comme un decoy récepteur (non actif) [10].

In vitro , un des effets majeurs de l’IL- β sur le chondrocyte est sa capacité à inhiber la synthèse du collagène de type 2, des protéoglycanes et des glycosaminoglycanes.

[2]. En revanche, l’IL-1 favorise la synthèse de composants normalement absents de la matrice cartilagineuse tels que la fibronectine et la ténascine (dédifférenciation du chondrocyte), menant progressivement à la transformation en fibrocartilage [11].

D’autre part, l’IL-1 induit la dégradation des composants matriciels en augmentant
l’expression et l’activité des métalloprotéinases (MMP). Elle stimule la production de NO et de radicaux libres, impliqués dans l’apoptose du chondrocyte. Enfin l’IL-1 peut induire la production de prostaglandines pro inflammatoires (PGE2 notamment) participant à la genèse des phénomènes douloureux et à l’auto entretien des phénomènes inflammatoires [2].

Dans l’articulation arthrosique

L’IL-1 n’est pas exprimée dans le cartilage normal [12]. Elle l’est par contre dans le cartilage arthrosique, codistribuée avec des métalloprotéinases, principalement dans les zones superficielles. Ces zones se caractérisent par une réduction des protéoglycanes et une augmentation des cellules en apoptose [13]. Il existe une défaillance des systèmes de contrôle de l’action de l’IL-1 au cours de l’arthrose : les récepteurs solubles de l’IL-1, ainsi que les antagonistes de l’IL-1R sont produits en quantités insuffisantes, comparativement à la production d’IL-1 β.

Expérimentation animale

Le rôle de cette cytokine dans l’arthrose a été mis en évidence dans des modèles expérimentaux d’arthrose. Ainsi, il a été montré que l’injection intra articulaire d’IL1 dans la patte avant du lapin entraînait une perte de protéoglycanes dans les couches les plus superficielles du cartilage. Dans des modèles expérimentaux d’arthrose dans différentes espèces animales, le blocage de l’IL1 est réalisé par administration intra articulaire d’un anticorps monoclonal anti-IL-1, ou d’un antagoniste naturel de l’IL1, l’IL1-ra. Ces traitements s’accompagnent d’une réduction des lésions histologiques et d’une diminution de l’activité de certaines enzymes notamment de la collagénase [14, 15]. Des résultats encourageants ont également été obtenus par thérapie génique (transfection du gène de l’IL1-RA dans les synoviocytes, ensuite injectés en intra articulaire) [16].

Inhibition de l’IL-1 dans la gonarthrose chez l’homme ; essais cliniques

Etude ouverte princeps

La première étude ouverte visant à étudier la tolérance de l’injection intra articulaire de l’Anakinra, antagoniste du récepteur de l’IL-1 a été effectuée chez quinze patients atteints de gonarthrose [17].

La tolérance était définie par la survenue d’une douleur et d’un épanchement dans les trois jours suivant l’injection intra articulaire de 150 mg d’Anakinra. Aucune réaction douloureuse n’a été rapportée. Aucune réaction systémique biologique (numération) n’est survenue Par ailleurs, le traitement s’est accompagné d’une amélioration significative de la douleur, évaluée sur une échelle visuelle analogique, et sur les scores de Womac. L’effet était plus marqué pendant le premier mois mais restait significatif à l’analyse finale au troisième mois.

Etude randomisée contre placebo

Pour confirmer l’effet de l’IL1-RA, une étude multicentrique randomisée contre placebo a été menée, comparant deux doses d’IL1-RA, 50 mg et 150 mg, en injection intra articulaire unique, chez des patients présentant une gonarthrose symptomatique de stade 2, 3 dans la classification de Kellgren et Lawrence. Le critère d’analyse principal était une modification du score global de Womac au premier mois, le suivi des patients étant assuré sur trois mois Les critères secondaires prenaient en compte le jugement du patient et du médecin, différents indices de qualité de vie, des paramètres pharmacocinétiques et, une analyse de la membrane synoviale par IRM [18].

Les patients inclus (âge moyen 62 ans, avec en majorité une surcharge pondérale) présentaient une arthrose symptomatique fémoro-tibiale interne de stade 2-3 (classification de Kellgren&Lawrence), rebelle aux antalgiques usuels. Le seul antalgique autorisé au cours de l’essai était le paracétamol. 170 patients ont été randomisés. Les résultats globaux de cette étude étaient négatifs : pas de différence significative entre le placebo, le groupe à 50 mg et le groupe à 150 mg, ni sur le score global de Womac à un mois, ni sur l’un quelconque des critères secondaires. Néanmoins une analyse post-hoc à J4, a montré qu’à J4 il existait une différence significative entre le score Womac du groupe injecté avec 150 mg d’IL1-Ra et le placebo (p= 0.05) ainsi qu’une tendance à l’amélioration de l’ensemble des autres paramètres. Aucune modification des marqueurs de dégradation du cartilage, étudiés à M1, n’a été notée. L’analyse en IRM de la membrane synoviale chez sept patients, dont six avaient reçu une injection de 150 mg d’Anakinra, a objectivé une réduction significative du score d’inflammation globale Au total, si les résultats de cette étude apparaissent au premier abord décevants, ils semblent indiquer une tendance à l’amélioration précoce, mesurable au quatrième jour dans le groupe des patients ayant reçu une injection unique à 150 mg.

Avenir du concept de l’inhibition de l’IL-1 dans l’arthrose

En dépit de résultats négatifs, qui peuvent s’expliquer par la courte demi vie de l’antagoniste de l’IL-1ra, cette étude ouvre des perspectives encourageantes sur le concept d’inhibition de l’IL 1 dans l’arthrose. En effet, si l’Anakinra n’apparaît pas comme le produit d’avenir dans l’arthrose, des produits qui bloqueraient l’IL1 avec un effet rémanent plus important, seraient plus intéressants.

Il existe d’autres stratégies pour inhiber l’IL1 : récepteurs solubles (IL1 traps), inhibiteur de l’ICE qui convertit la forme inactive de l’IL1 en forme active.

Des résultats encourageants ont été obtenus chez l’animal concernant ces diffé- rents produits, en montrant une réduction de l’évolution des lésions arthrosiques [19].

Anti-Tumor-Necrosis-Factor α :

Rôle du TNF α dans le processus de dégradation du cartilage :

Le TNFα, initialement identifié par son effet nécrotique sur les cellules tumorales, est une des principales cytokines pro inflammatoires. Si son rôle dans la physiopathologie de la PR a été abondamment étudié, celui qu’il joue dans les phénomènes arthrosiques est moins clair. Sa concentration est plus élevée dans le liquide synovial d’articulations arthrosiques que dans celui d’articulations contrôles [20]. Après fixation sur ses récepteurs membranaires, TNFRI et TNFRII, également augmentés sur les chondrocytes issus d’articulations arthrosiques la forme trimérique du TNFα active les facteurs de transcription AP1 et NFKB aboutissant à l’induction de gènes pro inflammatoires et immunomodulateurs [20]. Toutefois le TNFα semble surtout contrôler les phénomènes inflammatoires, en amont de l’IL-1, cruciale pour la synthèse des MMPs et la destruction articulaire [20].

In vitro

L’adjonction du récepteur soluble du TNFα à des cultures d’explants articulaires arthrosiques s’accompagne d’une réduction de l’expression des MMP, d’une réduction du clivage du collagène de type II et de la libération d’agrécanes. Cette diminution est significativement plus élevée que pour les explants de cartilage contrôles mais n’est pas systématique. Elle s’accompagne dans certains cas d’un renouvellement des protéines matricielles [3].

Inhibiteurs du TNF α dans l’arthrose, chez l’homme ; cas cliniques :

L’usage d’anti-TNF dans le traitement l’arthrose est moins avancé que celui des inhibiteurs de l’IL-1. En fait la littérature ne fait état pour l’instant que de cas isolés.

Dans un cas, une gonarthrose bilatérale est spectaculairement améliorée après deux injections de 40mg d’adalimumab. La régression des symptômes s’accompagne d’un quasi disparition de la synovite et de l’œdème médullaire à l’IRM. L’effet est maintenu avec une ré-administration toutes les trois à six semaines [21]. Le second cas concerne une arthrose digitale érosive réfractaire à plusieurs thérapeutiques. La réponse clinique à une perfusion unique d’infliximab (5mg/kg) est spectaculaire dès la première semaine et se maintient à quatre mois de suivi [22].

THÉRAPIE GÉNIQUE

Les essais évoqués précédemment laissent penser que l’administration intra articulaire de cytokines anti-inflammatoires soit bénéfique dans le traitement de l’arthrose. Toutefois leur efficacité est limitée par la faible demi-vie de ces protéines.

Différents facteurs de différenciation stimulant la chondrogénèse, tels que le Trans-
forming Growth Factor, TGFβ, les Bone Morphogenic Proteins, BMP-2, BMP4, BMP-7, BMP-9, l’Insulin-Growth-factor, IGF1…[23, 24], ont été identifiés. Mais leur administration locale, sous forme soluble ou liée à des matrices synthétiques est aussi réduite du fait de leur courte demi-vie. La thérapie génique est une approche qui permettrait de palier à cet obstacle Le principe général consiste à transférer à l’aide d’un vecteur, viral, liposome ou nano particule, le gène (l’ADN) codant pour la cytokine ou le facteur de croissance dans une cellule destinée à l’articulation. Deux stratégies existent : le transfert ex vivo où du cartilage est prélevé, ses cellules modifiées in vitro , puis réimplantées. La technique alternative, le transfert in vivo , consiste à administrer directement le vecteur au receveur. Chacune de ces stratégies comporte des avantages et des inconvénients [25].

Si les essais dans des modèles animaux concernant l’usage de la thérapie génique dans le traitement de la PR sont nombreux, seulement quatre essais ont été effectués dans l’arthrose. Un seul essai chez l’homme de faisabilité et de tolérance de la thérapie génique par transfection de synoviocytes avec le gène de l’IL-1ra dans les articulations métacarpophalangiennes de patients souffrant de PR [25]. Les transferts des gènes codant pour l’IL-1Ra ou l’IL-10 ont été effectués dans des modèles expérimentaux d’arthrose chez l’animal [14-16]. Malgré les faibles niveaux d’expression de la molécule thérapeutique dans le liquide synovial, un ralentissement de la progression de l’arthrose est généralement rapporté. Les vecteurs les plus efficaces, l’adénovirus et le lentivirus, ne sont pas utilisables chez l’homme, du fait de l’induction d’une forte réaction inflammatoire et d’un risque de mutagénèse, respectivement. Ce sont les adéno-associated virus qui offrent le meilleur compromis efficacité-sécurité. Déjà étudiés chez l’homme pour le traitement de la PR [26], leur utilisation dans l’arthrose est pour l’instant probablement prématurée.

TRAITEMENTS INNOVANTS DANS L’ARTHROSE :

QUELLE VOIE D’ADMINISTRATION ?

La voie d’administration optimale pour ces nouveaux traitements, qu’il s’agisse de biothérapie ou de thérapie génique, reste à déterminer. Si la membrane synoviale et l’os sont correctement accessibles par voie systémique, ce n’est pas le cas du cartilage articulaire, structure avasculaire. D’un autre côté, l’espace clos représenté par l’articulation offre la possibilité, par administration locale du principe thérapeutique d’obtenir in situ des concentrations élevées tout en assurant une exposition systémique minimale. L’injection intra articulaire permet également l’administration de substances à faible biodisponibilité orale telles que des protéines recombinantes ou des vecteurs viraux. Bien sûr, elle comporte également des inconvénients pratiques : risque pris lors d’injections multiples, difficulté d’accès aux articulations de petite taille, accélération de la clearance. Un exemple en est l’administration intra articulaire de l’IL-1Ra dans le genou arthrosique. Une étude récente a montré que le
soulagement n’était que très temporaire [18]. L’hypothèse d’une clairance très rapide du produit est proposée. Aussi, il est nécessaire de tester de nouvelles formes galéniques ; des formulations lipidiques (liposomes), des micro et nano particules, des hydrogels sont actuellement en cours de développement.

TRAITEMENTS INNOVANTS DANS L’ARTHROSE : RAPPORT BENEFICERISQUE

C’est une question cruciale dans une pathologie qui n’est pas greffée d’une morbidité lourde et qui n’engage pas le pronostic vital. On ne peut être que très exigeant en ce qui concerne le profil de tolérance d’un inhibiteur de l’IL-1. Il est donc nécessaire de pouvoir disposer en clinique humaine de thérapeutiques ayant un excellent rapport bénéfice risque. L’utilisation d’anti-cytokines (anti TNF α) au cours de la polyarthrite rhumatoïde a mis en évidence la possibilité d’induire des accidents infectieux notamment de tuberculose et nécessite une vigilance maintenue au long cours en ce qui concerne la possibilité d’émergence de cancers notamment hématologiques. Au cours de l’arthrose il faudra donc limiter ces risques systémiques en privilégiant la voie intra articulaire et en limitant le nombre des injections. Il s’agit cependant de populations très différentes de celles des rhumatismes inflammatoires notamment sur le plan de l’immunité, ce qui pourrait garantir un meilleur profil de tolérance.

CONCLUSION

L’utilisation thérapeutique d’anti-cytokines apparaît comme une voie d’avenir séduisante. Cependant de nombreuses étapes restent à franchir pour démontrer leur efficacité et leur sécurité d’emploi en clinique humaine.

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier le professeur C.J. Menkes qui nous a sollicités pour ce travail et dont les conseils ont été, comme il se doit, judicieux.

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DISCUSSION

M. Claude JAFFIOL

Quelle est la place de l’insulinorésistance comme facteur pathogénique dans le développement de l’arthrose particulièrement fréquente dans le diabète de type II ?

Les relatives entre insulinorésistance et arthrose restent à explorer. Il est probable que ce facteur d’insulinorésistance soit associé à la production de certaines adipokines qui, elles, peuvent influencer (au moins in vitro ) le métabolisme du chondrocyte. Les relations entre tissu adipeux et insulinorésistance sont majeures. Elles pourraient via un effet systémique retentir à terme sur le cartilage.

M. Charles-Joël MENKES

Les anticytokines sont-elles particulièrement indiquées dans les formes atrophiques, érosives et évolutives de l’arthrose ?

C’est effectivement dans cette situation la plus inflammatoire de l’arthrose que ces cytokines sont produites en abondance et que, par conséquent leur inhibition semble la plus indiquée. Néanmoins s’il s’agit d’une administration intra-articulaire, il faudra tenir compte en présence d’un épanchement, d’un potentiel effet de dilution du produit injecté.

Il faudrait aussi envisager d’utiliser plusieurs anticytokines.


* Rhumatologie, Hôpital Henri Mondor, 51 Avenue du Mal de Lattre de Tassigny. 94101 Créteil Cedex. ** Immunologie — Inserm-CNRS, Université de la Méditerranée — Marseille. *** Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. Tirés à part : Professeur Xavier CHEVALIER, même adresse. Article reçu et accepté le 9 octobre 2006.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 7, 1411-1420, séance du 24 octobre 2006