Communication scientifique
Session of 19 septembre 2017

Sur quels arguments peut-on prendre en charge un acte de chirurgie robotique sans preuves de sa supériorité ?

Jacques BELGHITI *, Evangelos XYLINAS *

Résumé

La prostatectomie totale chirurgicale reste le traitement de choix pour un cancer localisé. Quel que soit l’approche chirurgicale de la prostatectomie il existe un risque important d’incontinence urinaire et d’impuissance postopératoire. En dépit de son coût très élevé, l’approche laparoscopique assistée par robotique se développe massivement sans arguments en faveur d’une réduction des complications et d’une diminution des récidives. À la suite d’une saisine du ministère de la santé, la HAS a évalué en 2016 les dimensions cliniques, organisationnelle ainsi que l’efficience de la prostatectomie robot-assistée afin de statuer sur sa prise en charge par la collectivité. Sur la base des données de la littérature, des recommandations des sociétés savantes et des conclusions d’un groupe de travail, le document élaboré par la HAS confirme que : (a) l’approche mini-invasive, incluant la laparoscopie standard et la voie robotique, réduit les pertes sanguines opératoires et diminue la durée d’hospitalisation ; (b) toutes les approches chirurgicales ont un taux similaire de dysfonction urinaire et sexuelle en postopératoire ; (c) aucune approche chirurgicale n’apporte un bénéfice oncologique et (d) il existe une équivalence des résultats cliniques entre la laparoscopie standard et la voie robotique. En dépit de ces résultats, la HAS s’est prononcée en faveur d’une prise en charge de la prostatectomie robotique. Les arguments qui ont conduit à cette décision incluent l’adhésion massive des chirurgiens urologues en faveur de cette approche qui améliore la vision en 3 dimensions du champ opératoire, facilite la gestuelle avec un meilleur confort que la laparoscopie standard. Bien que le nombre d’études comparatives à fort niveau de preuves soit limité, il n’existe pas de données montrant un sur-risque de complications ou une réduction du bénéfice carcinologique de l’approche robotique. Enfin le remboursement de cet acte va permettre d’ implémenter des procédures de contrôle de qualité dans les établissements utilisateurs, de contrôler l’information partagée avec les malades et surtout obtenir un registre pour évaluer les incidents techniques, les complications et les résultats carcinologiques à long terme d’une pathologie dont l’exérèse chirurgicale reste discutée. L’absence de supériorité ne doit pas être un argument pour se figer sur des procédures classiques et la décision de la HAS vise à contrôler une véritable innovation.

Summary

Total surgical total prostatectomy remains the treatment of choice for localized cancer. Whatever the surgical approach there is a significant postoperative risk of urinary incontinence and sexual impotence. Despite its high cost, the robotic-assisted laparoscopic approach developed massively in several countries without arguments for reducing complications
and decreasing recurrences. Before considering reimbursement of this procedure, the HAS evaluated in 2016 the efficacy and efficiency of this procedure. Based on literature data, scientific societies’ recommendations andworking group conclusions, theHASconcluded that: (a) the minimally invasive approach, including standard laparoscopy and robotic
procedures, reduced operative blood loss and decreased the length of hospital stay ; (b) all surgical approaches have a similar rate of postoperative urinary and sexual dysfunction ; (c) no surgical approach provides an oncological benefit and (d) there is an equivalence of clinical outcomes between standard and robotic laparoscopy. Despite these results, HAS
advocated for a reimbursement of robotic prostatectomy approach. The arguments that led to this decision included the huge enthusiasm of urological surgeons in favor of this approach, which improves the 3-dimensional vision of the surgical field, facilitates gestures with better comfort than standard laparoscopy. Although the number of comparative studies with a high level of evidence remains limited, there are no data showing an over-risk of
complications or a reduction in the oncological benefit of the robotic approach. In addition,the reimbursement of this procedure will facilitate quality control procedures, will allow to control the information shared with the patients and, above all, to obtain a register to evaluate technical incidents, complications and long — term oncological results of a pathology whose surgical excision remains debated. The absence of superiority should not
be an argument to freeze on conventional procedures and the decision of the HAS aimed to control a real innovation.

* Membre de l’Académie de nationale de médecine, Chirurgien, Professeur des Universités. Ancien membre du collège de la HAS. Electronic address ** Département d’urologie, Hôpital Cochin, Assistance Publique Hôpitaux de Paris, Paris Descartes University, Paris, France.

Bull. Acad. Natle Méd., 2017, 201, nos 7-8-9, 1071-1078, séance du 19 septembre 2017