Rapport
Session of 8 janvier 2002

Sur le projet de décret fixant les actes professionnels accomplis par les orthophonistes

MOTS-CLÉS : compétence professionnelle, législation et jurisprudence. orthophonie, législation. responsabilité légale.
KEY-WORDS : liability, legal.. professional competence, legislation and jurisprudence. speech therapy, legislation and jurisprudence

D. Pellerin

RAPPORT au nom de la Commission XV (Éthique et responsabilités professionnelles) sur le projet de décret fixant les actes professionnels accomplis par les orthophonistes

Denys PELLERIN Par lettre du 18 mai 2001, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité, direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, sous-direction des professions paramédicales et des personnels hospitaliers, sollicite l’avis de l’Acadé- mie nationale de médecine sur un projet de décret concernant les orthophonistes.

Ce projet de décret fait suite à une série de textes qui ont été précédemment soumis à l’avis de notre compagnie. Ils concernaient notamment les kinésithé- rapeutes et les infirmiers. J’avais eu l’honneur de vous les rapporter au nom de la Commission XV qui les avait étudiés. Un décret concernant les orthoptistes a fait à cette tribune l’objet d’un rapport de notre confrère Yves Pouliquen.

Le présent projet de décret concernant les orthophonistes comporte deux dispositions majeures :

— il abroge l’article 1er du décret no 65-240 du 25 mars 1965 portant règlement d’administration publique et réglementant les professions d’orthophoniste et d’orthoptiste. Cet article faisait référence à l’obligation d’une prescription médicale indiquant à la fois la nature du traitement et le nombre de séances.

Or, le décret portant modification du précédent décret d’actes des orthoptistes exclut ces derniers du dispositif, qui, par conséquent, n’a plus d’existence légale.

Néanmoins, sans qu’il soit nécessaire que le fait soit rappelé dans le nouveau texte, les dispositions de l’article L. 4341-1 du Code de la santé publique établissent clairement que les orthophonistes ne peuvent pratiquer leur art que sur ordonnance médicale. Le décret y fait expressément référence ;

— ce projet de décret est appelé à se substituer au décret no 83-766 du 24 août 1983 qui fixe la liste des actes professionnels accomplis par les
orthophonistes. C’est ce point qui a particulièrement retenu l’attention de notre commission qui s’est à cette occasion enrichie de la participation de nos confrères neurologues, psychiatres et ORL, que je tiens à remercier.

L’article 1er précise ce qu’est l’orthophonie

Je le cite : « l’orthophonie consiste à prévenir, à évaluer et à traiter les déficiences et troubles de la voix, de l’articulation, de la parole, ainsi que ceux associés à la compréhension du langage oral et écrit, à sa réalisation et à son expression, à dispenser l’apprentissage d’autres formes de communication non verbale permettant de compléter ou de suppléer ces fonctions ».

Il appelle de la part de notre commission la prise en compte de deux remarques :

— « l’évaluation » par l’orthophoniste ne doit être pratiquée que par des moyens non vulnérants ;

— l’orthophoniste ne peut avoir l’ambition de « traiter ». Il lui appartient, en revanche, de prendre en charge la rééducation des déficiences et troubles mentionnés ci-dessus.

L’article 2

Calqué sur le récent décret concernant l’exercice professionnel des masseurskinésithérapeutes, il précise la notion de bilan. Ce bilan est établi par une évaluation des capacités, des déficiences et des troubles énumérés à l’article 1.

Dans le projet qui nous est soumis il est fait distinction en deux paragraphes du bilan établi « dans l’exercice de son activité » et « dans le cadre de la prescription médicale ».

Dès lors que l’activité de l’orthophoniste ne peut s’exercer que dans le cadre de la prescription médicale, la commission XV a fermement demandé que ces deux paragraphes soient inversés. Dès lors la formulation acceptable deviendrait :

— « Dans le cadre de la prescription médicale, il établit un bilan qui comprend l’évaluation des capacités, des déficiences et des troubles énumérés à l’article 1er, le diagnostic orthophonique et les objectifs des soins, ainsi que le choix des actes et techniques qui lui paraissent les mieux appropriés ».

— « Dans l’exercice de son activité, l’orthophoniste prend en compte les dimensions pathologique, psychologique, sociale, économique et culturelle de chaque patient à tout âge de la vie ».

— « Le compte rendu de ce bilan est adressé au médecin prescripteur
accompagné de toute information en sa possession et de tout avis susceptible de lui être utile pour l’établissement du diagnostic médical, pour l’éclairer sur l’aspect technique de la rééducation envisagée et lui permettre l’adaptation du traitement en fonction de l’état de santé de la personne et de son évolution ».

L’article 3

Comme dans les autres textes réglementaires qui concernent les professions paramédicales, cet article dresse une liste des actes professionnels que l’orthophoniste est habilité à accomplir. Si l’on peut approuver qu’y figurent certains actes relevant d’indications récentes tenant compte de l’évolution des techniques et de certaines situations nouvelles justifiant une rééducation spécialisée, des redondances, quelques incohérences et impropriétés de termes ont été relevées dans cette liste.

La commission a proposé que les principales indications soient regroupées d’une manière plus cohérente. Il est ainsi proposé que soient distinguées :

Les indications de la rééducation orthophonique chez l’enfant — l’éducation précoce et la rééducation des fonctions du langage chez le jeune enfant porteur de divers handicaps, qu’ils soient moteurs, sensoriels ou mentaux ;

— l’éducation précoce et la rééducation des troubles de l’articulation, de la parole et du langage oral, quelle qu’en soit l’origine ;

— la rééducation des troubles de la phonation, liés aux divisions palatines, aux incompétences vélo-pharyngées.

Les indications d’ordre ORL — la rééducation vélo-tubo-tympanique ;

— la rééducation des fonctions oro-faciales entraînant des troubles de l’articulation et de la parole ;

— l’éducation, la rééducation et la conservation de la voix, de la parole et du langage dans les déficiences auditives, quelle qu’en soit l’origine ;

— la démutisation dans les surdités précoces ;

— l’apprentissage de la lecture labiale ;

— la rééducation du langage dans les surdités, dans le cas d’implants cochléaires ou d’autres dispositifs de réhabilitation ou de suppléance de la surdité ;

— l’apprentissage de systèmes alternatifs et augmentatifs de la communication.

Les indications relevant de la rééducation postopératoire ou postréanimation prolongée — la rééducation des troubles de la déglutition, de la dysphagie, des apraxies et dyspraxies bucco-linguo-faciales ;

— l’apprentissage de la voix oro-oesophagienne, de la voix trachéooesophagienne et de l’utilisation de toute prothèse phonatoire.

La rééducation des dysarthries neurologiques et la rééducation des fonctions du langage — atteintes au cours des lésions cérébrales localisées ou de lésions dégéné- ratives du vieillissement cérébral (aphasie, alexie, agnosie, agraphie, acalculie).

L’article 4

Il prévoit qu’en tant que de besoin, la rééducation orthophonique peut être l’objet d’un accompagnement familial, ainsi que de conseils appropriés à l’entourage du patient.

L’article 5

Il prévoit, comme cela avait été pour les infirmiers, que dans son domaine de compétence, l’orthophoniste peut proposer des actions de prévention, d’éducation sanitaire ou de dépistage, les organiser ou y participer au sein d’équipes pluridisciplinaires.

Ces deux articles n’appellent pas de remarque.

L’article 6

Également calqué sur les textes précédents, il prévoit que l’orthophoniste peut participer à des actions de formation initiale ou continue des orthophonistes et éventuellement d’autres professionnels, voire à des actions de recherche dans le domaine de l’orthophonie. Il prévoit aussi que l’orthophoniste puisse participer à des actions de lutte contre l’illettrisme.

A ce sujet la Commission XV a insisté pour que l’intervention de l’orthophoniste ait bien été chaque fois précédée, en ce cas, d’un examen médical permettant d’identifier une cause organique éventuelle à cet illettrisme. En l’absence de cause organique, la participation de l’orthophoniste à une action de lutte contre l’illettrisme est une action éducative ou sociale mais pas, à proprement parler, un acte professionnel entrant dans le cadre de l’orthophonie. Elle ne peut en aucune façon justifier, a posteriori , la demande à un médecin d’une prescription médicale.

La Commission XV propose à notre compagnie d’approuver le projet de décret soumis à son avis sous réserve de la prise en compte des remarques formulées.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 8 janvier 2002, a adopté ce rapport à l’unanimité.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 1, 147-151, séance du 8 janvier 2002