Résumé
L’amalgame dentaire est actuellement obtenu par malaxage à parties égales de mercure et d’un mélange de poudres d’argent, d’étain et de cuivre. Il a été utilisé en France, depuis plus de 150 ans après sa découverte par REGNART en 1918, comme produit d’obturation présentant l’avantage d’une pose facile et d’une longévité en bouche pouvant atteindre 30 ans. Depuis plusieurs années, l’attention des hygiénistes a été conjointement attirée par les récents développements sur la toxicité du mercure, surtout sous forme organique, et par les possibilités de libération de ce métal en bouche après corrosion des anciens amalgames de type « gamma 2 » contenant des proportions trop importantes d’étain. Il est donc essentiel d’évaluer cet apport de mercure à l’organisme des porteurs d’amalgames, comparativement à celui provenant d’autres sources, notamment alimentaires, par consommation de produits de la mer. C’est la catastrophe de Minamata qui révéla la neuro-toxicité particulièrement préoccupante du méthylmercure contenu dans la chair de poisson, et incita, dès 1972, le Comité mixte FAO/ OMS d’experts des additifs alimentaires et contaminants à fixer pour la première fois une DHTP (Dose Hebdomadaire Tolérable Provisoire) pour les métaux lourds, dont le mercure total (minéral et organique). Les nombreuses données publiées dans la littérature, bien que souvent discordantes, permettent de penser que le port d’un nombre limité d’amalgames (<8) serait responsable d’un apport de mercure total très inférieur à sa DHTP et notablement plus faible que celui dû à une consommation normale de poisson. De plus le mercure est libéré par l’amalgame sous une forme minérale qui est éliminée dans sa presque totalité par les fèces sans avoir été transformée en méthylmercure lors de son transit intestinal. Enfin le problème de l’impact du mercure de l’amalgame sur l’environnement a été discuté, compte tenu de l’évolution rapide des techniques de thanatopraxie et de l’accroissement spectaculaire du pourcentage des crémations au cours des derniè- res décennies.
Summary
Dental amalgam is currently prepared by mixing an equal amount of mercury with a mixture of silver, tin and copper powders. Amalgam has been used as a occlusive product by French dentists for more than 150 years, since its discovery by Regnart in 1918, having the twin advantages of simple manipulation and excellent durability (up to 30 years in situ). Attention has focused in recent years on the toxicity of mercury, especially in organic form, potentially released in the mouth by corrosion of dental fillings composed of older « gamma 2 » amalgam, which contained an excessive proportion of tin. It is crucial to determine the potential toxicity of mercury derived from dental amalgam, notably in comparison with that derived from other sources such as food (e.g. seafood consumption). The Minamata catastrophe revealed the severe neurotoxicity of methylmercury contained in fish, and led the joint FAO/WHO Expert Committee on Food additives and contaminants to fix the first PTWI (Provisional Tolerable Weekly Intake) for heavy metals, including total mercury (mineral and organic forms). Abundant published data, although often conflicting, suggest that a person with a limited number of amalgam fillings (<8) would be exposed to amounts of total mercury far below the PTWI, and even lower than that resulting from normal fish consumption. Moreover, mercury is released from amalgam in mineral form, and is almost totally eliminated in the stools, without being transformed into methylmercury during transit through the gut. Finally, the possible environmental impact of amalgam-contained mercury has been discussed, especially given the rapid evolution of embalming techniques and the spectacular increase in cremations in recent decades.
RECOMMANDATIONS — après avoir pris connaissance des plus récentes données toxicologiques concernant la toxicité du mercure et du méthylmercure, et notamment leur risque éventuel sur le développement neuronal du jeune enfant, — après avoir noté les progrès considérables réalisés dans la fabrication de l’amalgame, dans le but de limiter au maximum la libération en bouche du mercure par un phénomène de corrosion, — après avoir réévalué le rapport bénéfice/risque des nouveaux amalgames au mercure en regard de celui apporté par les matériaux de substitution proposés pour les remplacer, — après avoir été informée des mesures de prévention proposées par le Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France, le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes et du récent avis de l’American Dental Association ,
L’Académie nationale de médecine formule les recommandations suivantes :
pour les patients, étant donné l’évaluation favorable du rapport bénéfice/risque en rapport avec les progrès réalisés dans la composition des amalgames actuellement sur le marché, l’interdiction de leur emploi ne se justifie pas, non plus que leur retrait systématique en bouche ;
en cas de forte prévalence carieuse et de lésions étendues chez l’enfant, l’adolescent, et le jeune adulte, l’amalgame reste le matériau le mieux adapté, l’observation de lésions lichénoïdes peut témoigner d’une intolérance au mercure justifiant la dépose de l’amalgame.
pour les professionnels, les amalgames de nouvelle génération (dits non-gamma 2) doivent être exclusivement utilisés ;
utiliser ces nouveaux amalgames sous un conditionnement en capsules pré-dosées, et proscrire, pour leur pose, l’emploi d’un condenseur à ultra-sons afin d’éviter la formation d’aérosols favorisant la dispersion de mercure dans l’atmosphère ;
éviter la pose et la dépose d’un amalgame pendant la grossesse et l’allaitement ;
ne pas poser un amalgame au voisinage d’autres restaurations métalliques ;
effectuer le fraisage et le polissage d’un amalgame sous refroidissement, aspiration, et champ opératoire ;
récupérer les déchets d’amalgame par la pose d’un séparateur, rendue obligatoire, sous un délai de 3 ans, par l’arrêté du 30 mars 1998.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 24 juin 2003, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité.
Le rapport, dans son intégralité, peut être consulté sur le site www.academie-medecine.fr
Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 6, 1183-1185, séance du 24 juin 2003