RAPPORT
Au nom de la Commission XI (Climatisme — Thermalisme — Eaux minérales).
Sur la demande d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage ‘‘ César ’’ situé sur la commune de Cauterets (Hautes-Pyrénées).
Jean-Pierre NICOLAS *
CALENDRIER 11 septembre 1996 et 10 juillet 2000 : demande d’autorisation présentée par M.
le Président de la Commission Syndicale de la Vallée de Saint-Savin.
Lettres du Préfet des Hautes-Pyrénées au Ministre Délégué à la Santé.
(23 mars 1998-21 février 2001-28 juin 2001) Avis favorable de la part :
— de la DDASS — 19 novembre 1996-21 février 2001.
— du Conseil départemental d’Hygiène (Hautes-Pyrénées) 25 février 1998 et 17 mai 2001.
— de la DRIRE, 12 janvier 1998 et 28 mars 2001.
Analyse du Laboratoire d’Etudes et de Recherche en Hydrologie de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments sur les prélèvements effectués le 13 juin et le 22 novembre 2001.
Avis de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, réunion du 30 septembre 2003.
23 octobre 2003 : lettre de la Direction Générale de la Santé — Sous Direction de la Gestion des risques des milieux au Secrétaire Perpétuel de l’Académie Nationale de Médecine.
ACTUELLE DEMANDE
Par lettre en date du 23 octobre 2003, le Ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes Handicapées, Sous direction de la gestion des risques des milieux, Bureau des eaux, sollicite l’avis de l’Académie nationale de médecine sur la demande d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage ‘‘ César ’’ situé sur la commune de Cauterets (Hautes-Pyrénées), en application des dispositions de l’article R 1322-5 du Code de la Santé Publique.
En ce qui concerne le nombre de curistes (9000 annuellement) Cauterets est la première station thermale des Hautes-Pyrénées. L’utilisation de ses eaux est sans doute très ancienne. En 1598, la reine de Navarre, Marguerite de Valois attestait déjà les vertus thérapeutiques de ses eaux. Ce n’est, cependant, qu’à partir du e XIX siècle, qu’avec la construction des thermes « Griffons » et « Raillère » au sud de la ville et « Rocher » et « César » au nord, que l’exploitation de ses sources a pris un réel essor.
Actuellement, la station est toujours constituée de 4 établissements thermaux répartis en deux secteurs distincts.
Au groupe Sud, les thermes de « Griffons » et de la « Raillère », situés en direction du célèbre Pont d’Espagne, sont alimentés par la source « Mauhourat » (forage Fc1). Cette source recaptée par forage en 1989, pour une meilleure adaptation à la demande a été autorisée pour une exploitation à l’émergence et après transport par arrêté Ministériel du 24 juin 1994. (Rapport du Professeur P. Delaveau — séance du 31 mai 1994).
Au groupe Nord, les thermes de « César » et du « Rocher » sont alimentés par la source « César ». Le captage de cette source constitué par le forage (Fc2) a été réalisé en 1992. Cet ouvrage a recapté la source du même nom qui a alimenté les thermes de « César » et du « Rocher » depuis plus d’un siècle et produit une eau sulfurée sodique à 55° C destinée à des soins ORL et rhumatologiques.
L’objet de cette demande concerne l’exploitation de ce nouveau captage et le transport à distance de l’eau.
Il concerne donc la mise à niveau du groupe Nord à l’instar de ce qui a été fait pour les groupes Sud en 1994 afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement en eau minérale tant en qualité qu’en quantité de la station et de faire, dans cet établissement construit en 1843, agrandi en 1932, un réaménagement destiné à en faire un therme pilote.
CONTEXTE HYDROGÉOLOGIQUE
Remarquablement bien expliqué dans le dossier établi par le BRGM, la ville de Cauterets est située à environ 1000 m d’altitude, à la partie supérieure de la Vallée de Saint-Savin, près de la jonction du Val de Jeret et de celle du Lutour.
Les eaux minérales de ses sources proviennent du massif granitique dit de Cauterets, constitué de roches cristallines ou métamorphiques dures et cassantes où l’eau ne circule que par des fissures.
Il faut remarquer que les sources du groupe Sud « Mauhourat » et du groupe Nord « César » sont des émergences de circuits hydrothermaux qui appartiennent à un système aquifère unique, le corps granitique de Cauterets. Il conviendrait donc d’étendre le périmètre de protection de « César » (défini par décret portant déclaration d’intérêt public du 25 août 1861), de façon à englober la totalité des émergences.
TÊTE DE CAPTAGE
Le forage Fc2 de la source « César » est situé au lieu dit ‘‘ Le Haougara ’’ à une altitude de 950 m à l’est de la ville.
L’hypothèse du circuit de l’eau minérale est la suivante : l’eau de pluie s’infiltre au sud du massif à une altitude supérieure à 2000 m, circule dans un batholite de granit fissurisé, se minéralise en profondeur et remonte en surface par des réseaux de fractures, pour jaillir à une altitude d’environ 1000 m au terme d’un voyage de 5000 ans.
La conception et la tête de captage sont réalisées dans les règles de l’art.
Le forage est constitué par un tube en inox cimenté jusqu’à 83 m de profondeur.
L’équipement de forage comprend en dépit de l’artésianisme, une pompe immergée d’un débit maximal de 30 m3/h placée à 70 m du forage.
Compte tenu de l’ensemble des constatations et de l’évolution de la demande en eau au cours de l’année, le régime d’exploitation du captage peut être fixé comme suit :
— débit moyen d’exploitation annuel, 14 m3/h.
— débit moyen journalier, 18 m3/h soit 432 m3/j.
— débit maximum instantané, 30 m3/h.
Les caractéristiques du forage, notamment sa profondeur, assurent une bonne protection de la ressource en l’isolant des eaux superficielles ; le périmètre sanitaire d’émergence est constitué par l’abri construit autour du captage pour protéger la tête de forage. Le périmètre de protection de la ressource a été attribué par décret impérial en date du 25 août 1861.
TRANSPORT
L’eau à 55° C est acheminée par gravitation jusqu’à un premier local technique de l’établissement thermal ‘‘ Le Rocher ’’ par une canalisation calorifugée en inox puis l’eau est dirigée soit vers le local technique no 2 de l’établissement thermal ‘‘ Le Rocher ’’, soit vers les thermes ‘‘ Le Rocher ’’, soit vers le local technique de l’établissement thermal ‘‘ César ’’ via une canalisation en acier inoxydable calorifugée. L’eau est ensuite refroidie soit à 45° C, soit à 20° C en fonction de sa destination vers les postes de soins : réseaux ORL, réseaux de balnéothérapie.
La désinfection des réseaux est prévue par traitement thermique pour la partie en acier inoxydable du réseau et par traitement chimique pour la partie aval PCV des réseaux et des postes de soins.
QUALITÉ DE L’EAU
Des prélèvements ont été recueillis les 13 juin et 22 novembre 2001. Les analyses ont été effectuées conformément à l’article R.1322-4 du Code de la santé publique par le Laboratoire d’Etudes et de Recherches en Hydrologie de l’Agence Française Sanitaire des Aliments (AFSSA).
Caractéristiques physico-chimiques
Eau hyperthermale 55° C, faiblement minéralisée (résidu sec à 180° C :
258 mg/L) alcaline (pH 8,9), avec un profil type chlorure sodique, c’est également une eau sulfurée et silicatée. Il faut noter la présence de fluor (2,28-2,68 mg/L) et de traces d’arsenic (14 µg/L) et d’ammonium (0,30 mg/L).
Effectuées à cinq mois d’intervalle, ces analyses fournissent des résultats quasi identiques et leurs caractéristiques se maintiennent après refroidissement, transport et stockage.
Eléments traces
La recherche de métaux et métalloïdes n’a pas révélé d’éléments à des seuils élevés.
Contaminants
La recherche de composés organiques volatils et semi-volatils, de pesticides organochlorés, et d’ hydrocarbures s’est révélée négative sur l’ensemble des prélèvements.
Radioéléments
Les analyses de radioactivité réalisées le 13 février 2003, sur des échantillons prélevés le 11 février 2003 par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire mettent en évidence du potassium naturel, mais les activités alpha globale et bêta globale à l’émergence sont inférieures aux valeurs guides, respectivement de 0,1 Bq/L et de 1 Bq/L recommandées par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Analyses bactériologiques
Les analyses réglementaires du Laboratoire d’Etudes et de Recherches en Hydrologie de l’AFSSA effectuées sur des prélèvements réalisés à l’émergence et après transport à distance les 19 juin et 22 novembre 2001 n’ont pas mis en évidence de contamination bactériologique (ni de Pseudomonas aeruginosa , ni de
Legionella pneumophila ) mais des analyses réalisées à ces mêmes dates aux points d’usage en balnéothérapie des thermes ‘‘ César ’’ et ’’Le Rocher ’’ ont montré des contaminations par Pseudomonas (stutzeri).
Il conviendra donc d’assurer une désinfection satisfaisante des installations et de prévoir un contrôle bactériologique renforcé.
CONCLUSIONS
Au vue des informations figurants dans le dossier, la Commission XI, réunie le 2 mars 2004 -sous la présidence du Professeur Claude Boudène- propose à l’Académie de donner un avis favorable à la demande d’exploitation de l’eau de captage « César » après transport à distance, à la condition :
— de prévoir une gestion adaptée et un contrôle bactériologique renforcé des points périphériques en balnéothérapie des thermes ‘‘ César ’’ et ‘‘ Le Rocher ’’, — que le débit annuel moyen de captage reste limité à 14 m3/h, le débit moyen journalier à 18 m3/h et le débit instantané à 30 m3/h, — qu’en raison de ses teneurs en arsenic et en fluor, l’eau de captage ‘‘ César ’’ ne soit consommée que dans le cadre d’une cure thermale.
Elle attire l’attention sur le fait qu’une révision du périmètre de protection de la source ‘‘ César ’’ afin d’englober la totalité des émergences de Cauterets devra se faire en s’appuyant sur une étude bien argumentée.
L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 9 mars 2004 prend acte des quatre conditions proposées par la Commission XI et donne un avis favorable provisoire d’un an, à charge à la station de prouver dans un an que ces conditions ont été respectées.
*
* *
L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 9 mars 2004, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité, moins une abstention.
Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 3, 551-556, séance du 9 mars 2004