Rapport
Session of 11 janvier 2005

Sur la demande d’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage « Empereur (F3) » et après mélange avec l’eau du captage « Blondel » sous le nom de mélange « Clerville », situés sur la commune de Rochefort-sur-Mer (Charente-Maritime)

MOTS-CLÉS : . eau minéralisée. rochefort-sur-mer. source ‘‘ blondel ’’. source ‘‘ clerville ’’. source ‘‘ empereur (f3) ’’

Patrice Queneau*, Bernard Graber-Duvernay

Sur la demande d’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage « Empereur (F3) » et après mélange avec l’eau du captage « Blondel » sous le nom de mélange « Clerville », situés sur la commune de Rochefort-sur-Mer (Charente-Maritime).

Patrice QUENEAU*, Bernard GRABER-DUVERNAY Par lettre de la Direction générale de la santé en date du 30 juillet 2004 et en application des dispositions du code de la Santé publique — notamment l’article R1322-5, l’Académie nationale de médecine a été saisie d’une demande d’avis sur l’autorisation d’exploiter en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage « Empereur F3 » et après mélange avec l’eau du captage « Blondel » sous le nom de mélange « Clerville », situés sur la commune de Rochefortsur-Mer (Charente-Maritime).

Historique

La ville de Rochefort est construite sur un méandre du fleuve Charente à une dizaine de kilomètres de son estuaire et à 30 Km au sud de La Rochelle.

Son entrée dans le thermalisme est originale : elle a tenu à la présence d’un hôpital maritime au e XIX siècle et à la décision de Napoléon III, ou en son nom, de faire procéder à un forage dans l’enceinte de cet hôpital à la recherche d’eau potable. Les travaux terminés en 1866 ont duré 6 ans. Ils atteignirent une
nappe artésienne à 856 m de profondeur mais l’eau se révéla trop minéralisée pour servir à la consommation. Sous l’influence de la vogue thermale de l’époque, les médecins de l’hôpital décidèrent alors de l’utiliser au traitement des malades. Le captage dut être abandonné en 1896 en raison des dépôts qui avaient fini par l’obstruer.

Il fallut attendre 1952 pour que soit pratiqué un nouveau forage, logiquement baptisé « L’Empereur », profond de 854 m et destiné à l’alimentation d’un premier établissement thermal construit en matériaux légers à des fins expé- rimentales. L’expérience se révéla sans doute satisfaisante puisqu’un bâtiment en dur remplaça rapidement le premier et qu’il fut agrandi par étapes avant d’être remplacé par le complexe thermal actuel construit à partir de 1985 tandis que le forage l’Empereur était rechemisé en 1976.

Bientôt, l’activité thermale se développant, ce captage se révéla insuffisant et il fallut le doubler en 1989 par le forage « Blondel », situé à 29 m du premier et de même profondeur (855 m) qui ramena une eau de même composition apte à être mélangée à la première sous le nom de mélange « Clerville ». L’autorisation d’exploitation et de mélange a été accordée par un arrêté ministériel du 01 septembre 1995 après avis favorable de l’Académie nationale de médecine émis dans sa séance du 13 juin 1995 1.

Mais la productivité du forage « Blondel » se révéla décevante du fait d’interférences avec le forage « Empereur » trop proche et il apparut nécessaire d’ajouter un nouvel accès à la ressource thermale en prenant garde cette fois-ci de pratiquer le forage à distance suffisante du premier — ce qui fut obtenu non par l’éloignement du puits mais par une déviation du forage de 25° vers le sud-ouest de façon à ce que la zone captée soit distante d’au moins 150 mètres de celle des anciens forages. Ce nouveau forage dit « F3 » fut réalisé pendant l’hiver 1999-2000 et son raccordement aux thermes eut lieu à la fin 2000. Les essais se révélèrent assez satisfaisants pour permettre de se passer du forage « Empereur » qui fut désaffecté et seulement dévolu à un rôle de piézomètre de l’aquifère après équipement de capteurs de niveau.

Finalement, ce dernier captage prit le nom de « Source Empereur (forage F3) » et c’est lui qui fait l’objet de la présente demande.

Rappelons que la station de Rochefort-sur-Mer dispose de l’agrément pour les orientations thérapeutiques Rhumatologie, Dermatologie-Stomatologie, et Phlébologie. Son eau est sulfatée sodique et calcique, hyperthermale (42°).

Seront envisagés successivement la qualité d’eau minérale naturelle de l’eau de la Source « Empereur (forage F3) » à l’émergence, son absence de 1. BOUDE`NE Claude. Rapport sur la demande d’autorisation d’exploiter comme eau minérale, à l’émergence, après transport à distance et mélange sous le nom de Clerville, l’eau des sources l’Empereur et Blondel, situées à Rochefort-sur-Mer (Charente-Maritime). Bull.

Acad. Natle Méd., 1995, 179, no 6, 1147-1166, séance du 13 juin 1995.

modification par le transport à distance, et son aptitude au mélange avec l’eau du forage « Blondel ».

Qualité d’eau minérale naturelle de l’eau de la Source Empereur (forage F3) à l’émergence

Les conditions d’attribution de la qualité d’eau minérale naturelle sont la stabilité et l’innocuité d’une eau provenant d’un aquifère protégé et la mise en évidence de ses propriétés thérapeutiques ou d’une parfaite ressemblance avec une eau déjà agréée.

1.1. Stabilité de la ressource Elle a été vérifiée par quatre prélèvements effectués à 1 mois d’intervalle, au premier trimestre 2001, et par les prélèvements du 8 décembre 2002 et 24 mai 2003 qui ont tous analysé en même temps les caractéristiques physicochimiques et l’état bactériologique de l’eau. Elle dépend aussi des caractéristiques de l’aquifère, de ses conditions d’exploitation et de la qualité du forage qui garantissent la stabilité dans le temps.

État physico-chimique de l’eau.

Pour tous les paramètres étudiés, les données se sont montrées parfaitement stables aux variations de mesure près : T° entre 42°,9 et 43°,6 ; conductivité entre 6730 et 7070 S/cm ; pH entre 6,9 et 7,2 ; résidu sec entre 5723 et 5924 mg/L ; sulfates entre 3250 et 3385 mg/L ; chlorures entre 520 et 536 mg/L ; sodium entre 1080 et 1150 mg/L ; calcium entre 550 et 580 mg/L ;

magnésium entre 103 et 108 mg/L.

Protection de l’aquifère

Situé dans les calcaires dolomitiques et les formations sablo-argileuses du Lias inférieur, au-dessus du socle paléozoïque, d’une épaisseur de 20 à 35 m, l’acquifère est protégé des infiltrations superficielles par une épaisse couverture marno-calcaire de 750 m.

Cet aquifère est captif avec une pression statique de 10 mètres au-dessus du sol avant sa mise en exploitation. Les conditions de son alimentation ne sont pas claires.

La minéralisation de l’eau provient essentiellement du lessivage des terrains gypseux du Trias avec des temps de séjour prolongés (30.000 ans pour Popoff).

Conditions de l’exploitation

Les conditions de l’exploitation ont été établies par les observations au cours d’un pompage de longue durée entre décembre 2000 et janvier 2002 portant sur le débit, la conductivité et la température.

Il en a été conclu qu’un débit d’extraction de 50 m3/h est en adéquation avec les possibilités de reconstitution de l’aquifère. Il doit être appliqué au pompage cumulé des deux captages, « Empereur F3 » et « Blondel », en raison des interférences hydrauliques qui existent entre eux.

Qualité du forage

Le forage F3 de la Source « Empereur » présente une longueur forée de 875 m pour une profondeur par rapport au sol de 848 m (en raison de l’obliquité du trajet). Il est tubé en acier jusqu’à 44 mètres puis par tubes inox de diamètre décroissant avec la profondeur (de 245 mm à 144 mm).

Il est équipé d’une électropompe immergée de 50 m3/h ; la crépine d’aspiration est placée à 150 m de profondeur, suspendue à la colonne d’exhaure et reliée par un câble inox à la tête de puits. Les pièces en contact avec l’eau sont toutes en acier inox 316L.

La tête de puits est à l’abri dans un local technique de 12 m2 en tôles d’acier, boulonné sur la dalle du sol et démontable pour permettre les opérations lourdes sur l’ouvrage. Les environs des thermes sont imperméabilisés et les eaux de pluie sont collectées et évacuées par un réseau.

Dans ses attendus, le document de l’Afssa 2 considère que « la conception et l’équipement du captage « Empereur (F3) » sont réalisés dans les règles de l’art. » 1.2. Innocuité de l’eau Du point de vue physico-chimique

Les caractéristiques physico-chimiques de l’eau de Rochefort sont indiquées dans le tableau donné en annexe.

Du point de vue chimique, le document de l’Afssa note la présence de bore, de fluor, d’arsenic et d’antimoine « à des concentrations supérieures aux valeurs limite fixées par la directive 2003/40/CE du 16 mars 2003 » [B 2,8 mg/L ;

F 3 mg/L ; As 75 g/L ; Sb 30 g/L].

Du point de vue d’une toxicité actinique, l’Afssa remarque que « les activités alpha globale et bêta globale sont inférieures aux valeurs guide respectivement de 0,1 Bq/L et 1 Bq/L recommandées par l’OMS et que la dose totale indicative pour une consommation de 730 L par an est estimée à 0,11 mSv. » (0,1 pour l’OMS).

L’Afssa ne tire pas de conclusions négatives pour l’usage thérapeutique de l’eau à condition que son emploi n’ait lieu « que dans l’établissement thermal et sous contrôle médical. » 2. CES/RAP No 2002-SA-0192. Réunion du 6 avril 2004. Avis définitif en date du 23 juin 2004.

Du point de vue bactériologique

Les six prélèvements mentionnés plus haut, dont les quatre du premier trimestre 2001 sont dus à la DDASS de la Charente-Maritime, ont tous été négatifs pour Legionella toutes espèces, Pseudomonas aeruginosa , et les germes de contamination fécale sauf sur le prélèvement du 26-02-01 où a été mise en cause une contamination de l’échantillon postérieure au prélèvement.

1.3. Identité avec les eaux agréées de la station L’eau de la Source « Empereur (forage F3) » est identique à celle que ramènent les captages « Empereur » et « Blondel » déjà accrédités dans les orientations thérapeutiques de la station comme le montre le tableau de l’annexe pour le captage « Blondel » et pour le mélange des deux eaux.

Transport à distance

L’autorisation de transport à distance est subordonnée à la vérification de l’absence de modification de l’état physico-chimique et bactériologique de l’eau au terme de son trajet.

Conditions du transport

Le transport de l’eau est bref puisque la distance est de 30 m entre l’exhaure du forage « Empereur (F3) » et le local technique où s’effectue le mélange avec l’eau du captage « Blondel » dans une bâche souple de 35 m3.

Ce trajet est assuré par une conduite en PVC de qualité alimentaire de 90 mm de diamètre.

C’est une conduite de même type qui amène ensuite l’eau du mélange au sous-sol des thermes distant de 45 mètres.

Conservation des propriétés de l’eau

Aucune contamination n’a été relevée aux analyses portant sur le mélange et donc à l’issue du transport.

Il n’est pas apparu non plus de modification de la composition chimique de l’eau, d’ailleurs hautement improbable après un trajet aussi court.

Mélange

Ne peuvent être mélangées que des eaux de même profil physico-chimique provenant du même aquifère.

C’est manifestement le cas des eaux des captages « Empereur (F3) » et « Blondel » qui ont rigoureusement les mêmes caractéristiques physicochimiques aux variations de mesures près.

Aucune restriction ne doit être apportée concernant la proportion de chacune des eaux qui peut varier à l’infini sans aucune conséquence sur les propriétés de leur mélange.

Conclusion

Au vu des données et des arguments présentés, la Commission XI réunie le 9 novembre 2004 à 10 heures 30, sous la Présidence du Professeur Claude Boudène, propose de rendre un avis favorable , confirmant celui de l’Afssa.

ANNEXE

Données de l’analyse chimique des trois eaux prélevées le même jour (24/05/2003)

Empereur Blondel Clerville émergence émergence mélange T° 43,1 42,4 43,2 pH 6,90 6,90 6,85 conductivité à 25° en µS/cm 6690 6790 6760 alcalinité 17,7 16,6 17,3 silice en mg/L 20,8 21,1 20,9 CO2 libre en mg/L 49 46 48 carbone organique total en mg/L 0,4 0,5 0,6 résidu sec à 180° en mg/L 5748 5874 5818 résidu sulfaté en mg/L 5900 5924 5904 Anions mg/L meq/L mg/L meq/L mg/L meq/L Br 2,3 0,029 2,3 0,029 2,3 0,029 HCO3 215 3,529 203 3,223 212 3,467 SO4 3269 68,063 3368 70,125 3294 68,584 Cl 512 14,442 515 14,526 508 14,329 NO3 <1 <1 <1 NO2 <0,04 <0,04 <0,04 F 2,92 0,154 3,02 0,159 2,94 0,155 PO4 <0,1 <0,1 <0,1 Total anions 86,217 88,162 86,563 Cations mg/L meq/L mg/L meq/L mg/L meq/L Ca 527 26,297 535 26,697 538 26,846 Mg 110 9,052 112 9,216 113 9,298 K 45,5 1,164 47,8 1,223 46,2 1,182 Na 1112 48,369 1146 49,848 1129 49,109 Li 1,3 0,180 1,3 0,186 1,3 0,180 Fe 1,6 0,056 1,4 0,051 1,6 0,056 Mn 0,072 0,003 0,076 0,003 0,072 0,003 Sr 10,1 0,231 11,1 0,253 11,3 0,258 NH4 2,7 0,150 2,6 0,142 2,7 0,151 Total cations 85,502 87,618 87,082 Traces en g/L en g/L en g/L Al <6 <6 <6 Sb 25 32 27 As 70 78 72 Ba 23 21 20 B 2855 2955 2865 Cd <0,5 <0,5 <0,5 Cr <2 <2 <2 Cu <3 <3 <3 HG <1 <1 <1 Ni <2 <2 <2 Pb <3 <3 <3 Se <1 <1 <1 Zn <25 <25 <25 En gras, les éléments toxiques à des doses dépassant les seuils autorisés.

S’est révélée négative la recherche d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (6 espèces), de pesticides organo-chlorés (11 espèces) et de polychlorobiphényles (6 espèces).

Laboratoire d’Hydrologie-Environnement, Université de Bordeaux II.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 11 janvier 2005 a adopté le texte de ce rapport moins une abstention.

* Membre titulaire de l’Académie nationale de médecine.

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 1, 135-142, séance du 11 janvier 2005