Communication scientifique
Session of 21 octobre 2003

Stratégie diagnostique et thérapeutique du Syndrome de Zollinger-Ellison associé à une néoplasie endocrine multiple de type I (NEM I) : l’ expérience du Groupe d’études et de Recherches sur le Syndrome de Zollinger-Ellison (GRESZE) : Bichat 1958-1999)

MOTS-CLÉS : carcinoïde. polyadenomatose endocrinienne type i. pronostic.. tumeur glande endocrine. zollinger-ellison, syndrome
Diagnostic and therapeutic strategy in patients with Zollinger-Ellison Syndrome and multiple endocrine neoplasia type I (MEN-I)
KEY-WORDS : carcinoid tumor. endocrine gland neoplasms. multiple endocrine neoplasia type i. prognosis.. zollinger-ellison, syndrome

M. Mignon

Summary

About 25 % of patients with ZES have MEN 1. Except diarrhoea, less frequent in patients with ZES-MEN 1 than in sporadic ZES, and specific MEN 1-related signs, clinical characteristics are similar in both ZES types. Acid output and gastrin levels are also similar whether in the basal state or after secretin stimulation. Primary hyperparathyroidism (PHPT) exists in the majority of ZES-MEN 1 patients, 30 % have pituitary adenoma (prolactinomas for half), 30 % adrenal involvement, 25 to 30 % have EC-Lomas ; bronchial and thymic carcinoids have probably been underevaluated. Gastrinomas are multiple predominantly located in the duodenal wall, but also in the pancreas in association with clinically silent endocrine tumors. The spread of the disease : metastases to the liver (LM), mediastinum, bones, is evaluated at best by Octreoscan. Endoscopic ultrasonography evaluates the number, size and anatomical characteristics of gastrinomas. Patients without LM have an excellent prognosis. Surgery never cures ZES, but is necessary in case of associated life-threatening condition such as insulinoma and has been advocated to prevent LM development in patients with large pancreatic tumor(s). However although, indeed, the size of the tumor, when located in the pancreas > 3 cm, favours metachronous LM occurrence, surgery, in our experience, has not been able to prevent LM development. Hepatic malignancies remain however the most pejorative prognostic determinant for survival and raise the most difficult therapeutic challenge. Surgery is the best option whenever feasible ; specific chemotherapy and chemo-embolisation have not conclusively achieved definite successes. Long-term octreotide treatment, however, has been shown recently to obtain tumour stabilisation. Internal irradiation with 90 Ytrium-labelled octreotide is a new promising option, presently under evaluation (Novartis European trial). Preliminary results are promising.

le développement des MH chez des patients qui ont des tumeurs pancréatiques de taille supérieure à 3 cm. Cependant, bien que la taille de la tumeur, quand elle est de siège pancréatique, favorise l’apparition de MH métachrones, la chirurgie, dans notre expérience, n’a jamais été capable de prévenir le développement des MH métachrones. Les MH restent cependant l’élément pronostique le plus péjoratif pour la survie et soulèvent les difficultés thérapeutiques les plus grandes. La chirurgie est la meilleure option quand elle est faisable :

la chimiothérapie spécifique et la chimioembolisation n’ont pas obtenu de résultats définitivement concluants. Le traitement au long terme par l’Octréotide vient d’être récemment montré comme capable d’obtenir une stabilisation tumorale. L’irradiation interne avec l’Octréotide marquée au 90 Ytrium est aujourd’hui un outil prometteur en cours d’évaluation (essai européen Novartis). Les résultats préliminaires en sont encourageants.

INTRODUCTION

Le syndrome de Zollinger-Ellison (SZE) décrit en 1955 est, rappelons-le, caractérisé par l’association — d’ulcères digestifs de sièges divers, graves, souvent multiples et
récidivants, — d’une hypertrophie des glandes et de la muqueuse gastriques, avec hypersécrétion et hyperacidité très importantes, — souvent de diarrhée et — lié à la présence de tumeurs des îlots de Langerhans du pancréas, non secrétrices d’insuline, le plus souvent malignes, et qui, produisant en abondance de la gastrine, sont à l’origine de la maladie ulcéreuse. Le SZE peut être associé à d’autres atteintes endocriniennes, principalement des parathyroïdes, de l’hypophyse et des surrénales définissant alors le syndrome de Wermer ou Néoplasie Endocrinienne Multiple de type I (NEM I), affection rare, héréditaire, autosomique dominante liée à une anomalie du chromosome 11 (q 13) au gène récemment cloné.

Une étape fondamentale dans la prise en charge du SZE est la recherche d’une NEM I ; pour plusieurs raisons :

— d’abord parce que les endocrinopathies associées peuvent nécessiter un traitement spécifique et vont influencer le traitement du SZE ; la parathyroïdectomie devra toujours être pratiquée avant l’éventuelle chirurgie du gastrinome ;

— le dépistage familial du SZE et de la NEM I doit toujours être envisagé ;

— la prise en charge du SZE chez ces patients diffère de façon marquée du traitement du gastrinome sporadique ;

— enfin, l’évolution du SZE peut être très différente lorsque la NEM I est présente.

La stratégie diagnostique et thérapeutique que nous présentons s’appuie sur l’expé- rience et le suivi de 77 patients porteurs d’un SZE —NEM I à l’Hôpital Bichat et à l’Inserm U.10 (Paris) de 1958 à 1999.

Cette série de SZE-NEM I appartient à une population plus large de SZE suivis par notre groupe (240 cas au recensement de 1999).

Diagnostic du NEM I dans le SZE

La NEM I est présente chez environ 25 % des cas de SZE [1, 2].

Les symptômes liés au SZE ne diffèrent pas entre les 2 groupes à l’exception de la diarrhée qui semble moins fréquente chez les patients porteurs d’un SZE associé à une NEM I que chez les patients ayant un SZE sporadique (Tableau). De la même manière les débits acides et les niveaux de gastrinémie à l’état basal ou au cours d’un test à la secrétine ne diffèrent pas entre les groupes.

Le programme de dépistage du NEM I chez ces patients inclut une évaluation clinique et biologique.

L’approche clinique

Elle comporte la recherche d’éléments qui vont suggérer l’association avec un insulinome, une néphro-lithiase et une histoire familiale d’ulcère peptique ou de maladie endocrine.

TABLEAU. — Principales caractéristiques cliniques de 45 patients porteurs d’un SZE associé à une NEM I par référence à des patients avec SZE sporadique :

Série de Bichat-Claude Bernard, 1959-1989 (n = 172 — Révision 1989).

Tableau extrait de Mignon et al [1] et reproduit avec la permission de l’éditeur du World Journal of Surgery.

SZE-NEM I

SZE sporadiques

Nombre de patients 45 127 Age (moyenne fiDS) 43,8 fi 11,6 47,8 fi 13,27 Sexe ratio H/F l,8 2,3 Symptômes*

86,7 % 90 % • maladie ulcéreuse • diarrhée 26,4 % 53,4 % • vomissements 2 % 0 • hyperinsulinisme 13 % 0 • hyperparathyroïdisme 78 % 0 • hyperprolactinémie 15,5 % 0 • compression du chiasma optique 6,6 % 0 42 % 55 % Malignité • métastases hépatiques 26 % 30 % • autres métastases**

16 % 25 % * Ces caractéristiques ont été confirmées lors de la révision de 1999 à l’exception de la diarrhée plus fréquemment notée (40 %) et de l’hyperparathyroïdisme (91 %) [9].

** Essentiellement métastases ganglionnaires. Ces patients peuvent avoir aussi des métastases hépatiques.

L’évaluation biologique

Elle comporte :

— une mesure de la calcémie et de la phosphorémie ainsi que du taux sérique de Parathormone (PTH), (3 jours de suite), un test de charge en calcium, des dosages (3 jours de suite) de prolactinémie, une imagerie de la selle turcique (au mieux IRM), des électrolytes sanguins, un cortisol plasmatique à 8 et 18 heures ainsi qu’un débit urinaire sur 24 heures du cortisol ;

— un scanner de la surrénale, un dosage de la glycémie à jeûn avec dosage de l’insulinémie et du C-peptide et, si nécessaire, une épreuve de jeûne sur 24 heures.

— le dépistage génétique, quand il est disponible, doit être proposé à la famille du patient.

Ainsi, chez les patients qui sont porteurs d’un SZE, le diagnostic de NEM I est basé sur soit la présence d’une autre endocrinopathie retrouvée dans les NEM I soit la
présence d’un deuxième type de tumeur dans le pancréas différent dans sa secrétion de la gastrine, comme c’est le cas par exemple pour l’insulinome soit encore la présence dans la famille d’atteinte endocrine du type de celles rencontrées dans le NEM I.

L’hyperparathyroïdisme primaire (HPTP)

C’est la plus fréquente des endocrinopathies rencontrées chez ces malades. D’après les données les plus récentes, la prévalence de l’HPTP chez ces patients avec NEM I atteint 90 %, voire plus. Dans ce type d’HPTP, les 4 glandes sont atteintes ; le diagnostic d’HPTP peut être fait avec un retard de plusieurs années, ou, au contraire, être présent avant que le diagnostic de SZE soit fait [3]. L’HPTP avec calcémie normale peut exister au moment du diagnostic de SZE : ainsi dans un travail de notre groupe, l’utilisation du test de charge en calcium a permis de démasquer l’HPTP chez 5 patients sur 8 alors qu’ils étaient, en basale, normocalcé- miques, normophosphorémiques et avec des taux de parathormone normaux [4].

Comme l’HPTP est l’endocrinopathie associée la plus fréquente, nous recommandons qu’un test de charge en calcium soit pratiqué chaque fois qu’il n’y a pas les signes typiques, cliniques et biologiques d’HPTP chez tout patient porteur d’un SZE étant donné l’importance pour la prise en charge thérapeutique du malade de ce dépistage.

Dans notre série, 9 % des SZE sans autres endocrinopathies associées au NEM I ou histoire familiale de NEM I, avaient une HPTP normocalcémique.

Autres endocrinopathies

Les données concernant les autres types d’endocrinopathies chez ces patients sont rares. Dans notre expérience (révision 1989) [1] sur 45 patients avec SZE et NEM I, 31 % avaient une atteinte hypophysaire (la moitié d’entre eux avaient une hyperprolactinémie), 35 % avaient une atteinte surrénale dont 13 % avaient un hypercorticisme modéré ; les autres étant non fonctionnels. Les insulinomes symptomatiques coexistaient avec les gastrinomes dans 13 % de nos patients. Comme les syndromes d’atteintes endocrines symptomatiques sont rares (8 insulinomes parmi les 45 patients avec SZE) et parce qu’il existe une grande fréquence d’élévation multiple des hormones sans aucun symptôme, il a été recommandé que le dépistage d’autres types de secrétions hormonales pancréatiques soit limité aux patients qui développent de nouveaux symptômes après une évaluation initiale négative [5].

Le développement d’un syndrome de Cushing sévère avec un pronostic très péjoratif est rarement observé dans le SZE (5 %), il est dû à une production ectopique d’ACTH par les métastases et est indépendant du NEM I.

Etant donné la prévalence importante de HPTP dans la population générale, une grande prudence doit être observée avant d’affirmer le diagnostic de NEM I chez les parents d’un SZE qui présenterait un HPTP, notamment en cas de sujet âgé et
lorsque cette HPTP est liée à un simple adénome parathyroïdien. Une grande prudence doit également être observée en présence d’une masse surrénale isolée (incidentalome) ou d’une tumeur hypophysaire isolée [6]. Les prévalences respectives de l’atteinte surrénale isolée et de l’atteinte hypophysaire isolée peuvent atteindre, dans la population générale, 2 % à l’imagerie scannographique pour l’atteinte surrénale et 10 % pour l’étude en IRM pour l’atteinte hypophysaire.

Le risque d’EC-Lomes

Les carcinoïdes fundiques gastriques à cellules argyrophiles essentiellement constitués par des cellules entérochromaffines-like (EC-Lomes) sont fréquemment observés chez les patients porteurs de SZE-NEM I [7]. Leur prévalence est de 29,5 % dans notre expérience (et 24 % dans celle du NIH) [2]. Les EC-Lomes sont très rarement trouvés dans les cas de SZE sporadiques : 3 cas seulement ayant été décrits dans la littérature. Des pertes alléliques au niveau du locus du gène NEM I ont été notées chez un malade porteur de SZE-NEM I suggérant qu’ils sont une manifestation phénotypique du NEM I [8] ; cependant, à notre connaissance, ils n’ont jamais été observés chez des patients porteurs de NEM I sans syndrome de SZE suggérant que l’hypergastrinémie chronique est le facteur clé pour leur développement. Les EC-Lomes, lorsqu’ils sont multiples, peuvent représenter aujourd’hui une des rares indications à la gastrectomie totale chez ces patients mais le traitement par l’octréotide semble également capable de faire régresser ces EC-Lomes.

D’autres tumeurs endocrines ont été occasionnellement observées chez les patients avec NEM I mais pas spécifiquement chez les patients porteurs d’un SZE tels que des phéochromocytomes, des tumeurs carcinoïdes de l’intestin, du poumon, du thymus et du médiastin.

TRAITEMENT DU SZE-NEM I

Comme il a déjà été mentionné, toutes les atteintes endocrines associées au SZE doivent recevoir un traitement spécifique. Nous focaliserons ici notre propos sur les problèmes spécifiques des tumeurs endocrines de la région duodéno-pancréatique chez les patients porteurs d’un SZE-NEM I.

Localisation des tumeurs

Chez ces patients, les tumeurs endocrines sont le plus souvent multiples. Elles peuvent être situées à la fois dans la glande pancréatique et le duodénum. Plusieurs types de tumeurs endocrines peuvent coexister avec les gastrinomes. Chez ces patients, il a été suggéré que les gastrinomes sont préférentiellement localisés dans le duodénum. Dans notre expérience cependant, des gastrinomes pancréatiques étaient retrouvés dans plus de la moitié des cas [1].

Chez les patients porteurs d’un SZE-NEM I, les MH sont présentes au moment du diagnostic chez 6 % des patients selon la statistique américaine de Weber et al [2]et se développent au cours du suivi chez 9 à 10 % des malades [2, 9]. Les MH seront détectées au mieux par l’IRM ou l’octréoscan qui ont des sensibilités respectives de 71 et 82 % [10].

L’échoendoscopie (EE) est la technique de référence pour la détection des tumeurs pancréatiques : sa sensibilité est supérieure à 75 % et peut atteindre 90 à 100 %. Les gastrinomes duodénaux peuvent être détectés également par une endoscopie digestive (40 à 50 %) et par l’EE (50 %). La sensibilité de l’EE pour la détection des ganglions lymphatiques tumoraux péri-pancréatiques a été évaluée à 62 % [11].

octréoscan et EE sont complémentaires, comme nous l’avons montré dans une série de SZE sporadiques avec gastrinomes duodénaux et envahissement ganglionnaire tumoral : la réalisation couplée de l’octréoscan et de l’EE a augmenté la détection tumorale de façon extrêmement sensible pouvant amener le taux de détection à 90 % [11].

A l’inverse de l’EE, l’octréoscan ne peut pas mesurer et localiser de façon précise les tumeurs bien que ce soit des données fondamentales pour poser les indications chirurgicales. Cependant, l’octréoscan seul donne des informations majeures pour apprécier la dissémination de la maladie ; c’est la principale indication de l’octréoscan.

Dans notre série de 18 patients avec SZE-NEM I, l’octréoscan a eu un impact décisif pour le traitement de 22 % de ces patients démontrant essentiellement la présence de tumeurs qui n’avaient pas été précédemment décelées. Ces tumeurs le plus souvent correspondaient à des MH ou des « carcinoïdes » pulmonaires ou thymiques.

D’une manière générale, dans le SZE, l’octréoscan modifie le traitement dans une proportion allant de 32 à 47 % des patients avec SZE. L’octréoscan doit donc être pratiqué systématiquement chez les patients porteurs d’un SZE qu’il soit ou pas associé à une NEM I.

Traitement du (des) gastrinome(s)

Utilisant des critères stricts (retour à la normale des valeurs de gastrinémie à l’état basal et sous secrétine, retour à la normale de la secrétion acide en basale et sous secrétine, négativité des explorations d’imagerie médicale) il a été bien établi que la chirurgie ne guérit jamais le SZE chez ces patients [13]. La seule façon d’obtenir une guérison qui soit définitive chez ces patients serait de pratiquer une duodénopancréatectomie totale mais cette intervention majeure est déconseillée par les chirurgiens qui font autorité dans ce domaine [12, 14] en raison de la morbidité et de la mortalité qui sont élevées dans ces situations.

La chirurgie vise d’abord à réséquer les tumeurs qui mettent en jeu le pronostic vital, comme les insulinomes, et ensuite de réduire le risque de métastases hépatiques secondaires [9]. Deux séries rétrospectives récentes conduites essentiellement chez
des patients avec un SZE sporadique ont suggéré en effet que la chirurgie pouvait réduire le risque de MH métachrones.

Un travail récent multicentrique mené à Bichat par notre équipe chez 77 patients avec SZE-NEM I (sans MH synchrones au moment du diagnostic) a montré en effet que les MH se développaient dans une proportion de 10 % après un suivi médian de 7,2 années et que la chirurgie n’avait malheureusement pas d’influence significative sur le développement de ces MH non plus que sur la survie des patients [9]. Le seul paramètre associé au risque de développement de MH métachrones était la taille supérieure ou égale à 3 cm des lésions pancréatiques primaires.

Les MH se sont développées chez 36 % des patients qui avaient des tumeurs de grande taille et chez moins de 6 % chez ceux qui, au contraire, avaient des tumeurs plus petites. Ceci suggère donc très fortement que les tumeurs pancréatiques de grande taille (égales ou supérieures à 3 cm) devraient être réséquées. Cependant, dans notre expérience toutes les grosses tumeurs avaient été réséquées avant le développement des MH métachrones et tous les malades qui ont développé des MH métachrones avaient été opérés précédemment [9]. Ainsi, puisque les MH se développement rarement quand les tumeurs pancréatiques primaires mesurent moins de 3 cm, la chirurgie ne devrait pas être pratiquée systématiquement.

D’autres études sont cependant nécessaires pour évaluer si la chirurgie du pancréas ne pourrait pas être limitée aux gastrinomes dont la taille augmenterait au cours d’évaluation successives (8-12 mois d’intervalle).

Ainsi, en accord avec le groupe de RT Jensen au NIH à Washington (12), notre recommandation actuelle, au regard de la chirurgie dans le SZE-NEM I, est de réséquer uniquement les insulinomes associés et les tumeurs pancréatiques de taille égale ou supérieure à 3 cm et d’éviter une chirurgie agressive, particulièrement la duodéno-pancréatectomie chez les autres patients parce qu’une gastrectomie totale peut toujours être nécessaire dans le cas de développement d’EC-Lomes multiples de l’estomac.

Traitement des métastases hépatiques (MH)

Les MH, mais pas les ganglions lymphatiques métastatiques, restent les déterminants du pronostic les plus péjoratifs pour la survie et soulèvent les options thérapeutiques les plus difficiles [2, 13, 14]. La chirurgie est la meilleure option lorsqu’elle est possible ([5]. Selon JA Norton [14], les MH localisées méritent la résection, les localisations secondaires bilatérales devraient faire envisager une transplantation hépatique à condition qu’il n’y ait pas de dissémination extra-hépatique et que ceci puisse être réalisé sans une mortalité péri-opératoire excessive.

Une chirurgie en deux temps des MH a été récemment proposée par une équipe parisienne afin de réaliser une exérèse la plus exhaustive possible des MH avec un risque minimum d’insuffisance hépato-cellulaire [16]. Les principes de cette chirurgie sont d’enlever séparemment les métastases localisées dans les lobes gauche et
droit et d’entraîner l’hypertrophie des segments hépatiques destinés à être conservés par une ligature des branches contro-latérales de la veine porte.

Habituellement la première étape chirurgicale consiste à enlever la tumeur primitive et toutes les métastases qui sont localisées dans le lobe gauche du foie ainsi que les métastases du lobe droit pour celles qui sont facilement et sans risque réséquables.

La branche droite de la veine porte est aussi liée au cours de ce temps au niveau du pédicule hépatique pour entraîner l’atrophie du lobe droit et une hypertrophie compensatrice du lobe gauche. Cette hypertrophie compensatrice entraîne presque un doublement de la taille du lobe gauche. La deuxième étape chirurgicale consiste à enlever toutes les métastases restantes du foie droit grâce à une hépatectomie droite étendue [16].

Les chimiothérapies spécifiques (Streptozotocine-5FU ou Streptozotocine Adriamycine) n’ont été capables que d’apporter des rémissions de courte durée dans un nombre limité de cas ; il en est de même des chimio-embolisations.

Un traitement au long terme par l’octréotide cependant semble avoir été récemment montré comme étant capable d’obtenir une stabilisation tumorale mais le suivi dans cet essai qui ne porte que sur 14 patients avec MH et tout type de gastrinome (sporadique ou SZE-NEM I) est encore trop court pour en tirer des conclusions définitives [17]. L’irradiation interne avec l’octréotide marqué à l’ytrium 90 est aussi une option prometteuse actuellement en cours d’évaluation (essai européen Novartis) : les résultats préliminaires s’annoncent bien [18].

Pronostic du SZE-NEM1

En l’absence de MH synchrones et pourvu que les SZE-NEM I soient traités de façon adéquate et régulièrement suivis, le pronostic chez ces patients est excellent et probablement meilleur que dans les formes sporadiques de SZE [2,9,12,14]. La probabilité de ne pas développer de MH métachrones chez les SZE-NEM I est de 96 % (IC 95 % 88-100) à 10 et 15 ans [9].

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DISCUSSION

M. René MORNEX

Existe-t-il des gastrinomes ectopiques ? Le gastrinome est-il le plus souvent la première expression de la maladie ?

Des gastrinomes ectopiques existent : ovaires, pylore, vésicule biliaire, myocarde et même des primitifs hépatiques, péritoine. L’hyperparathyroïdisme primaire ou une hypoglycé- mie organique peuvent être les premières manifestations alors que le SZE n’a pas encore fait parler de lui : s’en méfier tout particulièrement s’il existe un ulcère digestif haut et/ou une diarrhée.

M. Claude DREUX

Vous avez signalé la présence de cellules entérochromaffines secrétant de l’histamine dans les syndromes de Z.E. N’existe-t-il pas également des sécrétions de sérotonine, comme dans les tumeurs carcinoïdes du grêle, qui pourraient être responsables des diarrhées observées fréquemment dans les Z.E. ? N’y aurait-il pas d’association de ces tumeurs à celles du Z.E.

dans le cadre des NEM de type 1 ?

Les cellules qui secrètent l’histamine sont exclusivement localisées dans le fundus gastrique. Ces cellules sont en effet satellites des cellules acido-sécrétrices et appelées EC-L (entérochromaffines-like pour les différencier des cellules à sérotonine). La prédisposition génétique (altération du gène ménine) est associée à l’hypergastrinémie pour que se développent les carcinoïdes fundiques, mieux appelées EC-lomes.

M. Michel BOUREL

Quelle hérédité imaginez-vous pour les NEM I ? Pourquoi un pronostic si différent selon la localisation viscérale de la NEM 1 ? Quelle expression thérapeutique avec l’octréotide radioactive ?

Le mode de transmission de la NEM 1 est autosomique dominant, la pénétrance est très forte. Je n’ai pas d’explication définitive à la deuxième question de Monsieur Bourel :

peut-être est-ce en rapport avec le délai diagnostique ? Pour l’instant, l’octréothérapie métabolique ou irradiation interne avec l’octréotide marquée à l’Indium puis à l’Ytrium n’a fait l’objet que d’essais préliminaires ; les malades concernés étaient souvent en fin d’évolution clinique : les résultats sont encourageants. Le Lutétium, comme nouveau marqueur, ou l’association Ytrium — Lutetium devrait permettre de réelles avancées thérapeutiques.

M. Michel HUGUIER

Quelle place pour l’échographie per-opératoire ?

L’exploration per-opératoire comporte toujours une échographie du foie et de la région duodénopancréatique mais aussi une endoscopie digestive haute pour repérer par transillumination les gastrinomes de la sous-muqueuse duodénale souvent très petits. L’expé- rience du chirurgien de ce type de tumeur est aussi primordiale.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 7, 1249-1260, séance du 21 octobre 2003