Published 24 January 2019

Conférence du Docteur Serge Blisko, Président de la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires (Miviludes)

 

Créée par décret du 28 novembre 2002, sous l’autorité du Premier Ministre, l’objet de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) concerne l’emprise mentale et les dérives sectaires; son action s’exerce dans le traitement des signalements, l’observation et l’analyse, l’aide aux victimes, la formation du grand public, la coordination des pouvoirs publics. Comme exemple de dérive sectaire, il est évoqué l’église de Scientologie condamnée pour escroquerie en bande organisée, condamnation rendue définitive par la cour de cassation en 2013. L’évolution de notre société vers le bien-être a favorisé le foisonnement de l’offre dans le domaine de la santé, du bien-être et de la vie professionnelle. Sur les 2500 signalements reçus par an, environ 50 % concernent la santé, dominés en 2016-2017 par la psychothérapie et le développement personnel, la psycho spiritualité, les mouvances évangéliques, la spiritualité orientale, les radicalités religieuses. Les motivations des « dérapeutes » sont essentiellement l’argent, le sexe et le pouvoir. En outre, les difficultés de la vie et le stress qu’elles engendrent favorisent la survivance ou la résurgence de la pensée magique dominée par l’exploitation des peurs: peur de la maladie et des effets d’un traitement, peur de la mort ou de la fin du monde ainsi que les croyances et les promesses d’une vie, d’un monde meilleur ou d’une transformation de soi. Cependant, toute dérive thérapeutique n’est pas nécessairement sectaire; elle devient sectaire lorsqu’elle essaie de faire adhérer le patient à une croyance, à un nouveau mode de pensée, témoins d’un endoctrinement, d’une sujétion psychologique qui le conduit à rompre progressivement avec la médecine conventionnelle puis sa famille et son environnement. La dérive thérapeutique à caractère sectaire s’accompagne d’un mécanisme d’emprise mentale, destiné à ôter toute capacité de discernement. La dérive sectaire est un dévoiement de la liberté de pensée d’opinion ou de religion qui porte atteinte aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes, à l’ordre public, aux lois ou règlements; elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion physiologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre. Un faisceau d’indices permet de caractériser l’existence d’un tel risque: déstabilisation mentale, exigences financières, rupture avec l’environnement d’origine, embrigadement des enfants, troubles à l’ordre public. Dans de telles situations, il convient d’avoir les bonnes réactions : interroger sur la solution prétendument miracle, être attentif à tout changement de comportement de la personne, ne pas la laisser s’isoler dans une relation exclusive avec le « praticien gourou », l’encourager à en parler avec son médecin traitant ou d’autres professionnels de santé.

En cas de doute, interroger la mission interministérielle: www.derives-sectes.gouv.fr ou miviludes@pm.gouv.fr

 

Séance dédiée : « Pathologies des voies respiratoires »

Organisateur : Patrice TRAN BA HUY

 

Dans son introduction, Patrice Tran Ba Huy, organisateur de la séance, souligne la fréquence des pathologies des voies respiratoires, en augmentation ces dernières années; si leur prise en charge est essentiellement médicale, il indique que la chirurgie a, cependant, une place dans leur traitement.

Communications

1- Apport de la chirurgie dans le traitement de la polypose naso-sinusienne. Pierre Bonfils, Paris, Hôpital Européen Georges Pompidou.

La polypose naso-sinusienne (PNS) est la forme la plus sévère de rhinosinusite chronique bilatérale caractérisée par le développement de polypes dans les cavités naso-sinusiennes, en particulier dans le massif ethmoïdal. Le plus souvent primitive, sa physiopathologie demeure méconnue et sa prévalence dans la population générale est estimée à 5 %. L’auteur rapporte les résultats d’une étude observationnelle monocentrique incluant 266 patients traités pour PNS de 2001 à 2011. Le traitement médical a associé systématiquement un lavage biquotidien des cavités nasales et des corticoïdes locaux. Une cure courte de corticoïdes per os était prescrite lorsque les symptômes devenaient invalidants. L’indication opératoire, posée dans un tiers des cas, (ethmoïdectomie endonasale bilatérale avec résection de la moitié inférieure du cornet nasal moyen), était portée en cas de symptômes invalidants malgré une consommation annuelle d’au moins trois cures de corticoïdes. Les résultats de cette étude, évalués au recul de cinq ans, montrent :

– une nette amélioration du score clinique après chirurgie, amélioration obtenue pour tous les symptômes à six mois suivie d’une détérioration significative des scores à partir de la deuxième année. Cependant, l’amélioration du résultat demeurait  nettement favorable par rapport à l’état préopératoire. Les troubles de l’odorat étaient parmi les symptômes les moins bien contrôlés par le traitement : 40 % des patients restaient hyposmiques et 30% anosmiques.

– une diminution significative du nombre de patients recevant trois cures ou plus de corticoïdes per os et une augmentation significative du nombre de patients recevant moins de trois cures par an.

– sur les données de l’examen clinique fibroscopique, une diminution du volume de la PNS, significative après la chirurgie ; le pourcentage de patients n’ayant aucun polype dans les cavités ethmoïdales passait de 0 % avant chirurgie à 68 % au terme de la cinquième année postopératoire.

– un échec du traitement chez 11 patients, soit 4,1 %, avec récidive d’une PNS invalidante.

Comparant ces résultats avec ceux de la littérature et notamment ceux de cinq méta-analyses, l’auteur souligne l’originalité de cette étude dans laquelle le patient est son propre témoin et confirme qu’un excellent résultat fonctionnel peut être obtenue dans 95 % des cas par une prise en charge médico-chirurgicale sans prendre les risques d’un surdosage en traitement corticoïde.

 

2- Muqueuse nasosinusienne et mucoviscidose. Virginie Escabasse, Créteil, Centre Hospitalier Intercommunal.

La mucoviscidose (1 naissance sur 3000) est une maladie génétique liée à des mutations de gènes CFTR dont la nature conditionne l’expression clinique et la sévérité de la maladie. Ces mutations, codant pour une protéine membranaire responsable de la sécrétion d’ions chlorure, conduisent à la déshydratation du liquide périciliaire de surface responsable d’une inflammation et d’une infection des sinus aux poumons. De nombreux arguments bactériologiques permettent d’incriminer la sphère naso-sinusiennes dans l’entretien de l’infection chronique pulmonaire caractéristique de la maladie. Une pathologie sinusienne doit être systématiquement recherchée dès le plus jeune âge et une nasofibroscopie souple systématiquement réalisée pour prélèvements bactériologiques, en particulier Pseudomonas Aeruginosa.

Afin d’améliorer le diagnostic précoce de la mucoviscidose, l’auteure et son équipe ont développé une méthode diagnostique utilisant la muqueuse sinusienne comme outil de médecine personnalisée afin de tester ex-vivo, dans des cultures primaires issues de brossage nasal, de nouveaux traitements modulateurs de CFTR.

 

3- Quel est l’impact de la pollution atmosphérique sur l’asthme de l’enfant? Véronique Houdouin, Paris, Hôpital Robert Debré.

Parler de pollution atmosphérique signifie parler de plus de 200 aérocontaminants. Les principaux polluants sont l’ozone, le NO2 et les particules fines. L’asthme est la plus fréquente des maladies chroniques de l’enfant. Outre un risque accru en cas d’asthme parental, de tabagisme in utero maternel ou d’infection post-natale par le virus respiratoire syncytial, le facteur environnemental principal expliquant l’augmentation de sa prévalence repose sur la théorie hygiéniste selon laquelle les modifications de l’environnement diminuent l’exposition aux pathogènes infectieux et modifient l’équilibre inflammatoire. La pollution atmosphérique (exposition aux particules fines) semble modifier in utero le développement pulmonaire et favoriser la sensibilisation aux aéroallergènes. Ce lien entre exposition aux agents polluants  et exacerbation de la maladie asthmatique est clairement établi. La mise en place des alertes permet d’éviter les activités extérieures inutiles en cas de niveau élevé de pollution atmosphérique. L’éviction des activités de plein air peut être, dans ces circonstances, ajoutée à la prise en charge de la crise d’asthme de l’enfant. Une corticothérapie d’entretien sous forme inhalée permettrait d’éviter ces exacerbations. L’identification d’un environnement associant tabagisme passif, pollution intérieure et extérieure, atopie familiale, risque d’infection virale doit être pris en compte dans la prévention de la survenue de l’asthme de l’enfant.

 

4- La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). François Chabot, CHU de Nancy.

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une infection fréquente (5 à 10% après 40 ans); elle représentera la troisième cause de décès dans le monde en 2040 ; elle est caractérisée par des symptômes respiratoires persistants et une limitation des débits aériens par lésions des voies aériennes et alvéolaires induites par une exposition à des particules ou à des gaz. Son incidence est associée à des facteurs de risques: tabagisme, vieillissement de la population, pollution environnementale (exposition aux particules fines) mais aussi certains facteurs individuels d’origine génétique ou liés à des anomalies du développement pulmonaire. Le sevrage tabagique est la mesure la plus efficace pour la prévention et le traitement de la BPCO. Une activité physique régulière, des programmes de réhabilitation respiratoire et les vaccinations anti-grippe et anti-pneumocoque sont recommandées. Les bronchodilatateurs inhalés sont la pierre angulaire du traitement pharmacologique: ils réduisent l’intensité des symptômes, améliorent la qualité de vie et la fonction respiratoire. Lorsqu’ils sont prescrits, les corticoïdes inhalés doivent être associés aux bronchodilatateurs bêta2mimétiques. Le choix des traitements sont guidés par la sévérité des symptômes, la fréquence et la gravité des exacerbations et les co-morbidités. La ventilation non invasive a transformé le traitement des exacerbations compliquées d’insuffisance respiratoire aiguë; elle est recommandée en première intention en l’absence de contre-indications. Des innovations thérapeutiques, en particulier les techniques endoscopiques de réduction de volume pulmonaire (valves endobronchiques, spirales ou coils, ablation par vapeur thermique), ont été récemment développées pour les patients qui présentent une dyspnée invalidante sur emphysème avec distension thoracique. Chez les patients âgés de moins de 65 ans et atteints d’insuffisance respiratoire chronique terminale, la transplantation pulmonaire améliore la qualité de vie; la médiane de survie d’une transplantation bi-pulmonaire est de 7 ans. Une meilleure connaissance des facteurs à l’origine de la BPCO et la détermination des différents phénotypes permettent d’espérer le développement prochain d’une médecine 4P: prédictive, préventive, personnalisée et participative.