Dans son introduction, Richard Villet indique que les communications de cette séance bi-académique concernent des fonctions et des pathologies du pelvis chez l’homme et chez la femme. Il souligne l’importance de sortir d’une prise en charge compartimentale selon l’organe et la spécialité qui le concerne pour privilégier une prise en charge globale du pelvis et du périnée cohérente sur les plans embryologique, anatomique et physiopathologique: cette lecture légitime le terme de pelvi-périnéologie ainsi que l’illustreront les quatre communications de la séance.
Attention, émotion, cognition et miction par Gérard AMARENCO, Paris, Hôpital Tenon.
Le cycle continence-miction permet le stockage à basse pression des urines dans la vessie qui se laisse passivement distendre grâce à ses propriétés visco-élastiques et grâce à l’occlusion mécanique de la jonction vésico-urétérale. Le rôle régulateur du système nerveux est essentiel: centres encéphaliques activateurs et inhibiteurs, centres sacrés siège de l’automatisme vésical somatique (nerf pudendal efférent) et parasympathique (nerf pelvien afférent). Le rôle du microbiome urinaire est mal connu mais ses dysrégulations sont probablement à l’origine de nombreuses pathologies. Anatomiquement contigus, vessie et rectum ont un contrôle neurologique commun et réciproque, expliquant des dysfonctionnements partagés et une sensibilisation croisée vessie-rectum. Le rôle des zones profondes sous-corticales encéphaliques régissant attention, cognition et émotion est important, intervenant dans de nombreuses dysrégulations mictionnelles de nature psycho-émotionnelle (anxiété dépression, stress, peur), de nature psycho-sensorielle (contact avec l’eau, froid), de nature psycho-comportementale: miction déclenchée par des stimuli extra-vésicaux dite miction cognitive comme la miction d’opportunité. Ce concept de miction cognitive ouvre des perspectives thérapeutiques médicamenteuses ou faisant appel à des techniques de reconditionnement spécifique ou de neuromodulation.
Reconstruction après exentération pelvienne antérieure par Gilles HOUVENAEGHEL, Marseille, Institut Paoli Calmettes.
Résumé :
Les exentérations pelviennes antérieures pour cancer gynécologique sont réalisées le plus souvent en cas de récidive locale ou locorégionale pelvienne ou pour des tumeurs localement évoluées, habituellement après radiothérapie et curiethérapie. Elles représentent une partie des exentérations pelviennes qui peuvent être également postérieures ou totales. Les gestes de reconstruction réalisés dans le même temps opératoire dépendent du type d’exentération pelvienne réalisée.
Les objectifs sont de préserver au mieux les fonctions urinaire, digestive et si possible sexuelle, tout en diminuant le risque de complications postopératoires et en préservant la meilleure qualité de vie possible.
Les reconstructions urinaires les plus utilisées étaient initialement des dérivations trans-intestinales non continentes type Bricker et plus souvent actuellement des dérivations trans-intestinales continentes avec réservoir selon la technique de Miami qui utilise le colon ascendant et la dernière anse grêle. L’objectif du comblement pelvien par épiplooplastie ou lambeau musculo-cutané de grand droit est d’éviter la descente des anses grêles dans le pelvis, facteur de fistules digestives ou d’occlusions intestinales.
Les meilleurs résultats fonctionnels sont obtenus avec les plasties vaginales digestives et avec les plasties hémicirculaires utilisant un lambeau de grand droit de l’abdomen. Le taux de survie globale est corrélé à la nature curative de l’exentération pelvienne et la qualité de vie postopératoire est corrélée à la réalisation des gestes de reconstruction. Les programmes de réhabilitation permettent d’améliorer la durée d’hospitalisation et de raccourcir le délai de réhabilitation.
Endométriose pelvienne : de la résection à la préservation rectale par Jean-Jacques TUECH, Rouen, Hôpital Charles Nicolle.
L’endométriose digestive est définie par une infiltration endométriosique de la musculeuse pariétale du tube digestif. L’endométriose concerne 10 à 15% des femmes en âge de procréer et est la première cause d’infertilité. Les localisations rectale et de la charnière recto sigmoïdienne sont les plus fréquentes. Deux approches chirurgicales existent dans leur prise en charge :
– l’approche radicale a pour objectif la résection complète des implants digestifs d’endométriose par exérèse colo-rectale segmentaire.
– l’approche conservatrice guidée par les symptômes vise à réaliser chaque fois que possible une exérèse sélective afin d’éviter les séquelles fonctionnelles digestives. Le shaving rectal consiste en une exérèse sélective du nodule d’endométriose sans ouverture de la lumière du rectum, par résection de la séreuse et de la musculeuse et le respect de la muqueuse. Elle diminue le risque de fistule postopératoire, préserve le méso-rectum; la prévalence de la récidive symptomatique est inférieure à 4 %; à trois ans, 57 % des patientes désireuses de grossesse avaient réussi à concevoir. La résection discoïde consiste en une résection complète d’un segment de paroi intestinale en cas de nodule infiltrant la totalité de l’épaisseur de la paroi digestive. Globalement, il n’y a pas de différence entre les deux approches radicale et conservatrice sur les résultats postopératoires mais les complications postopératoires majeures sont moins fréquentes après approche conservatrice. L’exérèse du rectum expose au risque de séquelles fonctionnelles digestives et la récidive est plus fréquente après stratégie conservatrice, justifiant la prescription systématique d’une aménorrhée thérapeutique postopératoire à long terme. En l’absence de consensus, la stratégie chirurgicale doit tenir compte du risque de complications d’une résection du rectum et de ses séquelles postopératoires digestives, être adaptée aux désirs de la patiente: soulagement des symptômes digestifs et des douleurs pelviennes, désir ultérieur de grossesse, acceptation d’un traitement médical postopératoire prolongé. La résection rectale doit être évitée chaque fois que possible chez la femme jeune atteinte d’une maladie bénigne.
Les bases de données médicales et les innovations technologiques peuvent améliorer la pertinence du diagnostic précoce du cancer de la prostate par François RICHARD, Paris, Hôpital Pitié-Salpêtrière.
Résumé :
L’information complète du patient, une prescription adaptée du PSA et une prévention du sur-diagnostic et du sur-traitement sont les clés de la pertinence du diagnostic précoce du cancer de la prostate. Les données du SNIRAM (Système National d’Informations Inter Régimes de l’Assurance Maladie) indiquent les progrès à faire pour corriger les sur-prescriptions au-delà de 75 ans: il est nécessaire de clarifier le message, vis-à-vis des médecins et du public, en expliquant l’inutilité du dosage du PSA après 75 ans plutôt que de condamner le dosage quel que soit l’âge.
L’utilisation actuelle de systèmes informatiques fusionnant les images IRM et échographiques permet de s’affranchir, en partie, de la variabilité interindividuelle pour orienter le praticien vers la cible IRM. Ces logiciels guident les images échographiques pour la qualité des biopsies et l’I.R.M. multiparamétrique avec ses possibilités de détection des lésions et de caractérisation de l’agressivité tumorale permet de diminuer les risques de sur-diagnostic et de sur-traitement. Plusieurs nouvelles possibilités thérapeutiques (surveillance active, traitements focaux) vont dans le même sens. Ces données récentes contribuent à définir les indications où l’I.R.M. prostatique, validant la stratégie de réalisation d’une IRM avant la première série de biopsies et la réalisation de biopsies ciblées si l’IRM est suspecte. Elles permettent à la fois de ne pas sous-estimer l’agressivité tumorale d’un cancer cliniquement significatif et d’éviter de surestimer les cancers localisés de petit volume et de bas grade cliniquement non significatifs peu visibles à l’IRM. Une confirmation par des biopsies ciblées pour les lésions suspectes d’agressivité est indiquée tandis que les lésions cliniquement non significatives seraient simplement surveillées. Ces cancers à faibles risques évolutifs représenteraient plus de 30% des cancers précédemment diagnostiqués par des biopsies systématiques.