Published 6 March 2018

Suivi du rapport sur les médicaments falsifiés

 

Le 8 décembre 2015, un rapport sur les médicaments falsifiés est publié à l’initiative de l’Académie Nationale de Médecine. Ce rapport est co-signé par l’Académie de Pharmacie, l’Académie Vétérinaire et les trois Ordres Professionnels (médecins, pharmaciens, vétérinaires).
Le 5 avril 2016, les trois Académies et les trois Ordres Professionnels respectifs signent un manifeste afin de réveiller les consciences et dénoncer l’inaction des acteurs impliqués contre ce trafic mortifère.

Marc Gentilini et Yves juillet font le point sur le suivi du rapport ces deux dernières années.  Ils rappellent le caractère très lucratif de ce trafic puisque, si un dollar investi dans le trafic de la drogue rapporte entre 10 et 20 dollars, un dollar investi dans le trafic des faux médicaments rapporte entre 200 et 450 dollars.
Ils indiquent qu’en septembre 2016 le conseil de l’IAP (Inter Academy Partnership for Health) a adopté le principe d’une position commune et décidé de créer un groupe de travail animé par Yves Juillet, destiné à définir cette position. Celle-ci qui a été finalisée par le groupe de travail doit encore être ratifiée par le Conseil de l’IAP ainsi que par chacune des Académies-membres.

Les recommandations suivantes sont édictées:

  • L’IAP attire l’attention sur le combat nécessaire contre ce fléau en matière de santé publique, demande la mise en place d’un programme de prévention et de lutte contre ce risque, recommande que la définition adoptée par l’OMS en mai 2017 soit utilisée à l’échelle mondiale, souligne le droit inaliénable du patient à la santé et demande que cette activité soit reconnue comme criminelle et poursuivie comme telle.
  • L’IAP insiste sur la surveillance des chaînes de distribution et la garantie de leur qualité, affirme l’importance de la mise en garde du public vis-à-vis des achats en ligne (Internet), dénonce l’insuffisance des ressources consacrées à cette lutte qui doit être considérée comme prioritaire, insiste sur le rôle de l’OMS dans cette lutte et appelle à ce que les gouvernements soutiennent les actions de l’OMS y compris sur le plan financier mais aussi la tiennent pour responsable des progrès à accomplir.

La mise en application d’une directive européenne spécifique sur ces faux médicaments aura lieu en 2019.

 

 

Séance dédiée : “La machine (semi-)intelligente au service du malade et du médecine : exemple de l’hémodialyse”

 

Les progrès attendus d’une machine semi-intelligente au service du malade et du médecin en prenant l’exemple de l’hémodialyse ont fait l’objet de cette séance qui a comporté trois communications de Thierry Petitclerc (néphrologie, AURA, Paris), Philippe Brunet (néphrologie, Hôpital de la Conception, Marseille) et Pierre Simon (CH de Saint-Brieuc).

En introduction, Bernard Charpentier, organisateur de la séance, évoque le chemin parcouru depuis le premier rein artificiel de Willem Kolff en 1945 jusqu’aux machines actuelles miniaturisées et efficaces, véritables ordinateurs. Quarante mille patients sont dialysés en France; la prévalence de l’insuffisance rénale terminale explose après 75 ans, augmentant de 10% par an et est multipliée par 2 après 85 ans tous les 5 ans.

L’insuffisance rénale est une maladie chronique dont souffre plusieurs millions de personnes en France et dans le monde. Les progrès réalisés au XXe siècle, associant mesures d’hygiène, agents pharmacologiques anti infectieux, protecteurs du système cardio-vasculaire, ont permis de maîtriser des causes majeures de destruction rénale notamment par agents infectieux ou toxiques et accès d’hypertension maligne sur hypertension artérielle non traitée. Actuellement, les causes de l’insuffisance rénale terminale sont dominées par les maladies dégénératives du vieillissement: diabète, maladies vasculaires chroniques. La transplantation rénale n’est pas toujours possible et de nombreux patients sont traités par dialyse chronique jusqu’à leur décès soit hémodialyse soit dialyse péritonéale. Bien que ces deux techniques permettent une survie équivalente, la France est parmi les pays européens un de ceux où l’hémodialyse à domicile et la dialyse péritonéale ont la prévalence la plus faible: 7,2% (respectivement 6,5% et 0,7%) des patients en 2014.

Les idées fortes développées par les orateurs:

1- Les machines d’hémodialyse sont devenues semi-intelligentes (T. Petitclerc)

Les progrès technologiques récents ont amélioré l’efficacité, la tolérance et la sécurité de l’hémodialyse. Parmi les différents types de logiciels disponibles (une vingtaine environ), 3 sont mis en exergue par Thierry Petitclerc :
– logiciels de mesure, permettant de calculer la valeur d’un paramètre non directement mesurable et d’en évaluer le suivi; par exemple, la clairance de l’urée  dont le suivi est un des critères d’assurance-qualité du traitement; ce même logiciel mesure également la conductivité plasmatique.
– logiciels d’asservissement, contrôlant automatiquement un paramètre en fonction des variations d’un autre; par exemple, la  quantité de calcium à réinjecter pour rétablir la coagulation du sang.
– logiciels de rétrocontrôle, constituant une boucle de rétrocontrôle régulant la variation du paramètre mesuré; par exemple, la prescription automatique de la concentration en sodium du dialysat optimal pour chaque patient (paramètre technique) remplacé par la prescription de la natrémie souhaitée en fin de séance (paramètre clinique).
Avancées technologiques majeures du début de ce siècle, ces logiciels donnent l’illusion de machines intelligentes capables de prescription à la place du néphrologue; en réalité, elles ne font qu’obéir aux consignes du médecin et ne ressentent pas la fatigue qui peut conduire à l’erreur, légitimant l’appellation de machines semi-intelligentes.

2- Développer la dialyse à domicile (P. Brunet)

Philippe Brunet décrit les pistes, propose des leviers d’action pour développer la dialyse à domicile et se demande si l’autonomie des patients est possible vis-à-vis d’un organe artificiel.
La France se distingue des autres pays européens par une désaffection croissante de la dialyse à domicile alors que la qualité de cette modalité de dialyse et son coût moindre pour la société sont démontrés; les obstacles au développement de la dialyse péritonéale et de l’hémodialyse à domicile ont été identifiés: méconnaissance des indications, formation insuffisante des néphrologues, rentabilité insuffisante pour les néphrologues libéraux, disponibilité insuffisante des infirmières; ils ont été progressivement éliminés. Ces techniques sont aujourd’hui à maturité, maîtrisables par un grand nombre de patients leur donnant la satisfaction de gérer leur traitement, d’acquérir une autonomie psychologique, d’améliorer leur qualité de vie. Cependant, les limites des mesures incitatives professionnelles rendront nécessaires des incitations réglementaires ou financières.

3- Développer la télé-dialyse (P. Simon)

Poursuivant cette même thématique de pensée, Pierre Simon montre les avantages de la télé-dialyse dans la prise en charge au domicile du patient assurant à distance la surveillance des séances de dialyse par télé-médecine. Les pratiques de télé-médecine qui caractérisent la télé-dialyse sont la télé-surveillance médicale, la télé-consultation et la télé-expertise. Le moniteur d’hémodialyse est connecté à la plate-forme et envoie en temps quasi-réel les principaux paramètres biologiques et cliniques de la séance permettant au néphrologue du centre ambulatoire de suivre, d’évaluer la qualité de la séance, de dialoguer avec le patient. Cette démarche, en accord avec la volonté des pouvoirs publics de développer la télé-médecine et la télé-surveillance au domicile, est justifiée par trois objectifs: éviter l’hospitalisation, améliorer la qualité de vie des patients stabilisés dans leur traitement, réduire d’environ 20% le coût global d’une séance d’hémodialyse.
Ces différents outils de l’ère numérique renforceront la relation patient-médecin si une réflexion éthique accompagne ces innovations et bénéficieront aux patients dont la qualité de vie sera améliorée tout en renforçant la sécurité de leur prise en charge.