Published 5 June 2018

Cette séance lilloise, introduite par Jean-Louis WÉMEAU, membre de l’Académie nationale de médecine, se compose de cinq communications par des orateurs lillois.

 

Les mille premiers jours de la vie : rôle des professionnels pour préserver le capital santé des adultes de demain (Pr Laurent STORME, Pôle Femme-Mère-Nouveau-né, Hôpital Jeanne de Flandre, CHRU de Lille).

Le « capital santé » de chaque individu est influencé par son environnement au cours des périodes critiques de la vie fœtale ou de la petite enfance. Ce concept est connu sous le nom « Origines Développementales de la Santé et des Maladies » (Developmental Origins of Health and Disease DOHaD). Cet exposé décrit les principaux facteurs de l’environnement fœtal susceptibles de programmer des maladies chez l’adulte : i) Le petit poids de naissance. Il expose à des risques cardiovasculaires, en particulier l’hypertension artérielle (du fait d’anomalies rénales, d’une activation de l’axe corticotrope et d’un dysfonctionnement vasculaire). Il existe aussi un risque accru de morbidité neurodéveloppementale et psychiatrique ainsi que de troubles respiratoires de type dysplasie broncho-pulmonaire. Ii) Toxiques de l’environnement. Le distilbène, qui fut utilisé pour prévenir la menace d’accouchement prématuré, a été associé à un très fort risque de cancer du vagin et de l’utérus à l’âge adulte. Les perturbateurs endocriniens, présents notamment dans l’alimentation, tels les phtalates et le bisphénol A, traversent facilement la barrière placentaire. Ils favoriseraient l’obésité et le diabète de type 2. Iii) Le stress maternel « toxique ». Ce stress, essentiellement de nature sociale (précarité, divorce, agression verbale) augmenterait la survenue de troubles cognitifs modérés et du comportement. Ce constat justifie la mobilisation des professionnels de santé afin d’améliorer l’environnement de la mère et de l’enfant. Favoriser l’activité physique pendant la grossesse et lutter contre la précarité féminine sont parmi les mesures de première importance pour prévenir le développement de pathologies chroniques à l’âge adulte.

 

Quel est le poids des gènes dans l’obésité ? (Pr Philippe FROGUEL, CHRU de Lille, UMR 8199 Université de Lille-CNRS-Institut Pasteur de Lille et Imperial College London).

Si l’obésité est favorisée par l’environnement (alimentation inappropriée, sédentarité), elle l’est aussi par les gènes ainsi que le montre une très forte concordance (70%) du phénotype obèse chez les jumeaux monozygotes.  Cette influence de la génétique peut être considérée à deux niveaux : i) L’obésité non syndromique monogénique. Elle est liée à des mutations de gènes qui, tous, sont impliqués dans la voie de la leptine-mélanocortine (MSH). Rappelons que la leptine est une hormone produite par les cellules adipeuses qui se fixe sur l’hypothalamus au niveau d’un récepteur spécifique, ce qui active la production de MSH laquelle enclenche un processus de contrôle négatif de l’appétit. Dans les populations d’origine européenne, les mutations les plus fréquentes, à transmission autosomale dominante, concernent le récepteur membranaire de la MSH (MC4R). ii) L’obésité commune. Elle est multifactorielle impliquant facteurs environnementaux et facteurs génétiques. Les études pangénomiques par puces à ADN (Genome Wide Association Studies ou GWAS) ont identifié plus de 250 gènes prédisposant à l’obésité commune. La fonction de ces variants reste grandement à élucider. Si certains sont situés à proximité de gènes connus pour modifier le comportement alimentaire, de nombreux autres semblent impliqués dans des gènes du cerveau intervenant dans des mécanismes de récompense et d’addiction. Sur le plan thérapeutique, la leptine recombinante, disponible depuis 2015, expose à l’apparition d’autoanticorps et est d’indication très restreinte.  Une nouvelle génération d’agonistes du récepteur MC4R semble utile dans certaines obésités monogéniques. C’est la connaissance des voies métaboliques contrôlées par les gènes de l’obésité qui permettra de mieux comprendre l’obésité et ses complications…et ainsi de progresser vers une médecine de précision de l’obésité.

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Entretien avec le Pr. Philippe Froguel le 5/06/2018 à Lille :

 

La greffe du pancréas endocrine (Pr François PATTOU, Service de chirurgie générale et endocrinienne, Hôpital Claude Huriez, CHRU de Lille).

La greffe d’îlots de Langerhans est une option thérapeutique en cas de diabète de type 1 sévère, l’objectif étant de ne plus recourir à l’insuline et donc, particulièrement, de supprimer le risque d’hypoglycémie. Les Prs. Jean Lefebvre, endocrinologue, et Charles Proye, chirurgien, ont été des pionniers lillois dans ce domaine. Les grandes étapes ont été : 1994 isolement d’îlots de Langerhans, 1995 études précliniques, 1998 études cliniques pilotes, 2003 essais cliniques. Cette allogreffe consiste, à partir de donneurs d’organes, d’isoler les îlots et de les injecter par voie portale afin qu’ils se colonisent dans le foie. Cette technique permet une restauration de l’homéostasie glycémique, avec disparition très rapide du risque hypoglycémique, et rétablissement différé (dans les trois semaines) d’une glycémie moyenne normale. L’étude TRIMECO, qui vient d’être publiée dans le Lancet, est la première étude randomisée multicentrique comparant la greffe d’îlots versus l’insulinothérapie chez 50 malades atteints de diabète de type 1 sévère, avec l’originalité du recours éventuel à une deuxième voire troisième greffe. Des résultats très favorables ont été obtenus quant à la baisse de l’hémoglobine glyquée, la suppression de l’insuline exogène et la qualité de vie. L’efficacité a été confirmée sur une période de cinq années en termes tant d’indépendance à l’insuline (plus de 60%) que de neuropathie et de qualité de vie.  En conclusion : i) la greffe de pancréas endocrine permet une homéostasie normale du glucose ; ii) Lorsque la fonction initiale du greffon est suffisante les résultats de l’allogreffe d’îlots durent pendant des années (avec quelques cas de recul à 10 ans) ; iii) les progrès pourront provenir de la prévention du rejet, du site d’implantation (muscle), et de la source cellulaire utilisée.

Entretien avec le Pr. François Pattou le 5/06/2018 à Lille :

Oxygène et cicatrisation (Pr Daniel MATHIEU, Centre d’Oxygénothérapie Hyperbare, Pôle de Réanimation, UMR 1190, CHRU de Lille).

La cicatrisation d’une plaie nécessite la participation coordonnée de plusieurs types cellulaires dans un processus intégré de détersion, d’angiogenèse et de réparation tissulaire. L’oxygène joue un rôle essentiel dans le déroulement normal de ce processus, l’hypoxie d’une plaie étant reconnue comme un facteur majeur de retard à la cicatrisation. L’oxygène permet en effet la production énergétique requise par la cicatrisation afin d’accroître la défense antibactérienne, la prolifération cellulaire et la synthèse de collagène. Il a été récemment proposé que le rôle cicatriciel de l’oxygène faisait aussi intervenir trois « vagues » biochimiques jouant un rôle dans la signalisation cellulaire. Ces vagues conduisent à la production de trois types d’intermédiaires réactifs : les radicaux libres, les oxydes nitriques (N0) et l’acide lactique. Ces intermédiaires vont, chacun pour leur part, influencer les processus de chémotaxie/recrutement cellulaire et de régulation génique/synthèse des protéines impliqués dans la cicatrisation.  Le principe de l’oxygénation hyperbare est de fournir un apport extérieur d’oxygène afin d’amplifier ses effets pro-cicatrisants. L’effet bénéfique de l’oxygénothérapie hyperbare dans la prise en charge des retards de cicatrisation reçoit donc là une explication physiopathologique satisfaisante.

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Cancer de la prostate : rôle clé de l’IRM  dans l’émergence de la simple surveillance du cancer de prostate et des traitements partiels, (Pr Arnauld VILLERS, Service d’urologie, (CHRU Lille)

Dans ces dernières années, l’imagerie de la prostate par IRM a modifié l’approche diagnostique et la gradation du cancer de la prostate au stade localisé. La performance élevée de l’IRM a conduit, au-delà de la meilleure détection de cancer par biopsie ciblée, : 1-à étudier son utilisation pour décider ou non d’une biopsie en cas de PSA suspect, 2- à surveiller simplement par PSA des patients porteurs d’un micro-foyer biopsique non visible à l’IRM et à faible risque de progression 3- à traiter partiellement la prostate par ultra-sons focalisés en cas de tumeur visible à l’IRM, évitant les conséquences fonctionnelles du traitement de toute la prostate par chirurgie ou radiothérapie.

Les résultats, en 2018, ont montré que la stratégie d’IRM avant biopsie et de réalisation d’une biopsie ciblée uniquement en cas de lésion à l’IRM, était supérieure à celle des biopsies en cartographie standard chez les hommes présentant un risque de cancer de la prostate et n’ayant jamais eu de biopsie auparavant. L’indication de biopsie pourrait donc ne concerner que les seuls patients avec IRM suspecte. Pour les patients évalués initialement par IRM et dont la prise en charge se résume à une surveillance active, la cinétique du PSA semestriel est performante en tant que test diagnostique pour la progression tumorale. Les biopsies systématiques, actuellement recommandées au cours du suivi, pourraient être évitées. Enfin l’hémi-ablation par ultra-sons focalisés est une option de traitement permettant une rémission pour 70 % des patients à 5 ans. Les patients avec récidive peuvent recevoir un traitement standard de toute la prostate. L’IRM permet donc de diminuer le sur-diagnostic et le sur-traitement des cancers de prostate à faible risque de progression. Il s’agit là d’arguments majeurs pour une politique de dépistage du cancer de prostate.

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Entretien avec le Pr. Arnauld Villers le 5/06/2018 à Lille :