Published 7 April 2025

Les séances de l’Académie*

*Résumés rédigés par Catherine Adamsbaum, Bernard Bauduceau, Nathalie Cartier Lacave, Jacques Delarue, Jacques Hubert, Jean-Pierre Richer

Mardi 1er avril 2025

Ce qu’il faut pour mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030 au Cambodge par Saphonn VONTHANAK (Membre correspondant étranger), Cambodge

Le Cambodge a été salué pour ses efforts remarquables dans la lutte contre le VIH/SIDA, notamment une réduction de la prévalence chez les adultes de 2 % en 1998 à 0,8 % en 2008, avec une couverture antirétrovirale >90 % dès 2010. En 2023, environ 76 000 personnes vivent avec le VIH dans le pays, avec une prévalence de 0,5 % dans la population générale âgée de 15 à 49 ans.

Épidémiologie actuelle (2023)

– 1 200 nouvelles infections chez les adultes en 2023.

– 86 % des nouvelles infections surviennent dans des populations clés : travailleurs du sexe, hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, transgenres, usagers de drogues. Parmi ces patients, 89 % connaissent leur statut, 98 % sont sous traitement et 98 % ont une charge virale supprimée

Mais des défis persistent :

– Prévalence élevée et recrudescence des IST chez les homosexuels et transgenres depuis 2010.

– Faible application de la prophylaxie pré-exposition (PrEP : 44 %)

– Diagnostic tardif persistant dans la région Asie-Pacifique.

– Enfants vivant avec le VIH moins bien traités.

– Dépendance aux financements internationaux.

Pour mettre fin au SIDA comme menace de santé publique d’ici 2030, le Cambodge mise sur une approche communautaire et digitale avec :

– Éducation mobile via fourgons et actions de sensibilisation,

– Promotion du dépistage et de la prévention (préservatifs, lubrifiants, PrEP, tests VIH/IST),

– Dépistage différencié en centres, mobile, en pharmacie ou en autotest,

– Utilisation des réseaux sociaux, apps de rencontre, sites web pour éducation et orientation,

– Cartographie des zones à risques et dépistage ciblé,

– Intégration du VIH dans la couverture santé universelle pour un meilleur accès aux soins.

Conclusion

Grâce à cette stratégie centrée sur les populations les plus exposées, l’accessibilité des services de prévention et de traitement, l’innovation digitale, et l’intégration au système de santé universel, le Cambodge est en bonne voie pour éliminer le VIH comme menace de santé publique d’ici 2030.

 

L’exoscopie 3D-4K en chirurgie de la tête et du cou : simple évolution ou révolution ? par Thierry VAN DEN ABBEELE (Service d’Oto-Rhino-Laryngologie pédiatrique, DMU Innov-RDB, AP-HP, Hôpital Robert-Debré, Université de Paris-Cité)

La chirurgie ORL, et plus encore chez l’enfant, nécessite une visualisation fine, stable et agrandie des structures. Depuis 2019, le service ORL pédiatrique de l’hôpital Robert Debré explore une alternative au microscope traditionnel : l’exoscope 3D-4K, un dispositif vidéo haute définition qui retransmet l’image opératoire sur un écran en 3D.

Qu’est-ce qu’un exoscope 3D-4K ?

– Une caméra externe, positionnée au-dessus du champ opératoire, sans contact direct avec le patient.

– Connecté à une colonne vidéo, il fournit une image agrandie, en ultra haute définition (4K) et en trois dimensions.

– Certains modèles avancés intègrent un zoom optique et un bras robotisé

Une expérience pédiatrique riche : 2400 interventions entre 2019 et 2023, du nouveau-né à l’adolescent :

– Otologie : implants cochléaires, tympanoplasties…

– Chirurgie endoscopique laryngée, cervicale, plastique, orale…

– Résultats positifs : excellente visibilité, confort postural pour le chirurgien, très bon outil pédagogique pour la formation, aboutissant à l’extension de son usage à toute la chirurgie ORL pédiatrique depuis septembre 2020.

Atouts majeurs de l’exoscope

– Confort ergonomique accru : posture « tête haute » pour le chirurgien.

– Visibilité partagée : tous les membres de l’équipe voient la même image.

– Outil pédagogique de choix, surtout en pédiatrie.

Limites actuelles

– Zoom moins performant que les microscopes à fort grossissement

– Coût élevé pour les modèles les plus avancés.

L’exoscope ouvre la voie à de nouvelles extensions :

– Fluorescence (ICG), visualisation de la vascularisation,

– Chirurgie guidée par image (ganglions sentinelles, navigation),

– Intégration potentielle de réalité augmentée et intelligence artificielle.

Conclusion

 

L’exoscope 3D-4K s’impose progressivement comme un outil de choix en chirurgie ORL pédiatrique, alliant qualité d’image, ergonomie et potentiel pédagogique. Il ne remplace pas encore totalement le microscope, mais s’en approche… et ouvre de belles perspectives pour les années à venir.

 

 

 

 

Réalité Augmentée pour la laparoscopie en chirurgie gynécologique oncologique par Lise LECOINTRE (Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Département de Chirurgie Gynécologique, Strasbourg)

Dans la chirurgie des cancers de l’endomètre, l’identification des ganglions sentinelles est une étape-clé. Pourtant, leur détection bilatérale échoue encore dans 10 à 35 % des cas. C’est dans ce contexte qu’une équipe strasbourgeoise a développé un système alliant réalité augmentée (RA) et robotique, pour guider l’œil du chirurgien en temps réel. Ils évaluent la pertinence et la précision du système qu’ils ont développé.

Le principe est simple : à partir d’imageries préopératoires (scanner), un modèle 3D est créé puis reprojeté dans le champ opératoire. Résultat : les structures cibles, parfois peu visibles à l’œil nu, sont mises en évidence directement à l’écran.

La pratique est plus complexe, nécessitant :
D’une part la localisation spatiale de la caméra. Les auteurs ont utilisé pour cela un robot collaboratif porte optique : l’Endo-Cobot chez Axilum® Robotics
D’autre part un recalage de l’image (ajustement de l’image de synthèse projetée sur la vue endocopique réelle per-opératoire) en temps réel et en continu.

Une validation préclinique du dispositif technique, in-vivo, en condition opératoire utilisant un recalage extrinsèque a permis d’envisager de développer des algorithmes de recalage intrinsèque utilisables sur l’humain :
le chirurgien désigne la position des repères anatomiques (artères, uretères …) dans certaines images lors de la dissection chirurgicale et le système calcule automatiquement le recalage à partir des données anatomiques d’un scanner pré opératoire.

Un essai clinique pilote sera mené sur dix patientes, et devrait permettre de valider l’ergonomie et la fiabilité du dispositif en conditions réelles, avec une amélioration notable de la visualisation par rapport à la chirurgie standard.

En associant guidage visuel, robotisation et assistance intelligente, cette technologie est une promesse d’une véritable médecine de précision et personnalisée pour les cancers gynécologiques.

 

 

 

 

Rôle des lymphocytes T résidents mémoires dans les maladies inflammatoires du système nerveux central par Roland LIBLAU (Laboratoire d’Immunologie, Hôpital Purpan, CHU de Toulouse. Équipe « Neuro-immunologie » Institut Toulousain des Maladies Infectieuses et Inflammatoires Inserm UMR1291 – CNRS UMR5051 – Université Toulouse III, CHU Purpan, Toulouse)

 

Pourquoi certaines maladies neurologiques, comme la sclérose en plaques s’installent-elles dans la durée ? Pourquoi, même en l’absence d’agression extérieure évidente, l’inflammation persiste, progresse, et finit par causer des dégâts irréversibles ?

Une piste de réponse se trouve du côté de notre système immunitaire, et plus précisément d’une population de cellules longtemps ignorée : les lymphocytes T résidents mémoires, ou TRM.

Ces cellules, une fois installées dans un tissu — ici le cerveau ou la moelle épinière — n’en bougent plus. Elles restent sur place, en état d’alerte, prêtes à réagir. Le problème, c’est qu’elles peuvent aussi entretenir une inflammation chronique, même en l’absence de nouvel envahisseur.

Les travaux du Pr Roland Liblau, à Toulouse, montrent que ces TRM qu’ils soient CD8+ ou CD4+, sont très présents dans les lésions de SEP, mais aussi dans d’autres maladies neuro-immunes. On les retrouve dans le LCR, dans la substance blanche, et même dans des zones du cerveau qui semblent, à première vue, épargnées.

Dans des modèles expérimentaux chez la souris, ces lymphocytes T infiltrent des zones clés du cerveau (comme l’hypothalamus), s’y installent durablement, adoptent le profil TRM, et provoquent une perte neuronale progressive. Supprimez-les… et l’inflammation recule.

Quels enseignements pour la pratique médicale ?

Les lymphocytes TRM représentent une fraction importante de cellules infiltrant le SNC lors d’affections inflammatoires chroniques.

– Sont des acteurs centrés sur le tissu, qui ne circulent plus,

– Ont un fort potentiel inflammatoire,

– Participent activement à la chronicité du processus pathogène du SNC.

Cette avancée offre un nouveau regard sur la persistance de certains symptômes ou séquelles neurologiques. Elle ouvre aussi la voie à de futures cibles thérapeutiques innovantes, à surveiller dans les années à venir.

 

 

Imagerie moléculaire pour l’étude des répercussions pharmacocinétiques des transporteurs hépatiques par Solène MARIE (AP-HP. Université Paris-Saclay, Hôpital Bicêtre, Pharmacie Clinique, Le Kremlin Bicêtre)

Pourquoi deux patients sous le même médicament peuvent-ils réagir différemment ? Une partie de la réponse se joue dans le foie, où des transporteurs membranaires, comme les OATP (Organic Anion Transporting Polypeptides), influencent la distribution, l’élimination et parfois la toxicité des traitements. Anticiper la variabilité pourrait aider à optimiser les doses dans les populations cibles.

Pour mieux comprendre ce phénomène, le Dr Solène Marie a exploré une voie originale : l’imagerie TEP (Tomographie par Émission de Positons) avec un traceur spécifique, le glyburide marqué au ¹¹C, permettant de visualiser en temps réel la captation hépatique du médicament chez l’humain.

L’étude IsotoPK : observer le foie en action

Dans une étude clinique menée chez des volontaires sains (hommes et femmes de plus de 50 ans & hommes de moins de 30 ans), les chercheurs ont comparé l’absorption hépatique du glyburide, avec ou sans administration de rifampicine (un inhibiteur des OATP).

Résultats :

– La captation hépatique varie selon le sexe, avec une exposition hépatique potentiellement plus importante chez les femmes, non détectable à partir des données plasmatiques, ce qui peut masquer des différences cliniquement pertinentes.

– L’âge, en revanche, n’influence que très peu la cinétique hépatique du médicament,

Quels enseignements pour la pratique médicale ?

– Les OATP jouent un rôle central dans la distribution hépatique de nombreux médicaments.

– Une variabilité d’activité selon le sexe pourrait expliquer certaines toxicités hépatiques plus fréquentes chez les femmes.

– L’imagerie moléculaire ouvre la voie à une personnalisation des doses et à une meilleure anticipation des effets indésirables.

Conclusion

Grâce à cette approche innovante, non invasive et directement transposable à l’humain, il devient possible d’accéder à une pharmacocinétique “tissulaire” plus fine que les simples dosages plasmatiques. Une avancée prometteuse pour une médecine plus sûre et mieux ciblée.

 

Vidéo de la séance du 1er avril 2025