Published 18 March 2025

Les séances de l’Académie*

*Résumés rédigés par Catherine Adamsbaum, Bernard Bauduceau, Nathalie Cartier Lacave, Jacques Delarue, Jacques Hubert, Jean-Pierre Richer

Mardi 18 mars 2025

Séance dédiée : « Hémorragies cérébrales spontanées »

Organisation : Didier LEYS

 

Introduction sur les hémorragies intracérébrales (HIC) spontanées.

Didier LEYS, Professeur honoraire de Neurologie, Université de Lille, Inserm 1172, Lille.

L’hémorragie intracérébrale « spontanée » est une hémorragie parenchymateuse cérébrale survenant en dehors de tout traumatisme crânien chez un patient sans lésion cérébrale préexistante connue, ou identifiée dès la première imagerie (lésion vasculaire ou tumeur). Ce qui n’élimine pas la présence de lésions méconnues cependant.

Par rapport à la tente du cervelet, elles peuvent être de localisation sus-tentorielle et cérébrales soit superficielles et dites lobaires soit profondes ; elles peuvent être sous-tentorielles dans un espace restreint et inextensible atteignant le cervelet ou le tronc cérébral.

Il s’agit d’une pathologie fréquente (15 à 25% des accidents vasculaires cérébraux) et grave avec 50 % de mortalité à 6 mois et peu d’efficacité des stratégies thérapeutiques en phase aiguë en dehors de l’admission en unité neurovasculaire et très récemment par une nouvelle technique de chirurgie mini-invasive mais s’adressant à un groupe de patients sélectionnés. Chez les survivants à 6 mois, 50 % sont dépendants et ceux qui ne sont pas déments présentent des troubles cognitifs majeurs dans les 5 ans qui suivent l’hémorragie cérébrale, dans 30 % des hémorragies lobaires et dans 15 % des hémorragies profondes.

Les facteurs de risque ou aggravant sont dominés par l’hypertension artérielle.

Deux types de lésions rendent compte de la rupture des petits vaisseaux cérébraux : classiquement l’angiopathie hypertensive responsable surtout d’hémorragies cérébrale profonde et souvent associée à l’athérosclérose ; et en augmentation de fréquence l’angiopathie amyloïde du sujet plus âgés responsable surtout d’hémorragie lobaire, aggravée par les anticoagulants prescrits pour une fibrillation atriale.

La prévention primaire mais aussi secondaire est efficace par un traitement adapté, contrôlé et suivi de l’hypertension artérielle (objectifs tensionnels).

 

Épidémiologie des hémorragies cérébrales spontanées : évolutions depuis 40 ans.

Yannick BEJOT, Service Hospitalo-Universitaire de Neurologie, CHU Dijon-Bourgogne, Registre Dijonnais des AVC, EA7460, Université de Bourgogne, France.

Les hémorragies cérébrales (HIC) spontanées représentent 15 à 25 % des accidents vasculaires cérébraux (AVC), touchant 3,4 millions de personnes avec 2,9 millions de décès chaque année dans le monde soit 44 % de la mortalité de tous les AVC. L’incidence a augmenté entre 1985 et 2016 en raison d’une augmentation du nombre de patients de plus de 75 ans et surtout de plus de 85 ans porteurs de comorbidités notamment neurologiques, de l’utilisation de traitements anticoagulants dans la prévention des complications emboliques de la fibrillation atriale et de la prévalence élevée de l’angiopathie amyloïde cérébrale et des HIC lobaires chez les sujets âgés. Pour la période 2017-2022, le taux d’attaque annuel brut (premiers événements et récidives d’HIC) est de 22,5/100 000 (22,1 chez les hommes et 22,9 chez les femmes) et le taux d’incidence annuel brut (premier épisode seul) de 18,3/100 000 (18,1 pour les hommes et 18,5 pour les femmes) au sein du Registre Dijonnais des AVC. Ce registre créé en 1985 et sans interruption, avec des critères de qualité internationaux est plus exhaustif que les données du Système National des Données de Santé (SNDS). Rapportés à la population en France en 2020, on estime à 16.400 le nombre de cas chaque année avec un taux d’attaque standardisé de 24,3/100 000 (25,1 chez les hommes et 23,9 chez les femmes) et un taux d’incidence standardisé de 19,7/100 000 (20,5 chez les hommes et 19,4 chez les femmes). Une légère diminution des taux d’attaque est cependant notée pour la période 2017-2022, pouvant traduire l’arrivée des anticoagulants oraux aussi efficaces que les antivitamine K sur le risque ischémique cérébral mais associés à une réduction de 50 % du risque d’HIC. Le pronostic vital après une HIC spontanée reste sombre, avec une mortalité à un mois de 38,8% quel que soit le sexe en raison de l’âge avancé et de la sévérité de l’HIC et une faible survie à 10 ans de 25 % (2/3 des décès dans la première année). Aucune amélioration n’est notée concernant la mortalité précoce des 48 premières heures, soulignant l’absence de progrès thérapeutique dans la phase aiguë. Entre 48h et 30 jours, une meilleure prise en charge des patients en unité neurovasculaire réduit les complications secondaires menaçant le pronostic vital. Avec le vieillissement de la population, le nombre de cas annuels pourrait dépasser 24.000 en France en 2050. Cette urgence épidémiologique appelle à améliorer le dépistage et le contrôle de l’hypertension artérielle, facteur de risque principal de la maladie, redéfinir et optimiser les stratégies d’anticoagulation chez les sujets avec fibrillation atriale, et développer de nouvelles approches thérapeutiques multidisciplinaires ciblant les différents acteurs physiopathologiques.

 

Apports de l’imagerie dans le diagnostic et le suivi des hémorragies cérébrales.

Grégoire BOULOUIS Diagnostic and Interventional Neuroradiology, CIC-IT 1415, CHRU de Tours, INSERM 1253 iBrain, Tours.

L’imagerie en urgence est cruciale dans le diagnostic, la prise en charge et le suivi des hémorragies intracérébrales (HIC) spontanées. Elle associe une imagerie parenchymateuse structurelle et une imagerie vasculaire. Selon les organisations territoriales de la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC) dont la nature ischémique ou hémorragique ne peut être différenciée en clinique, il s’agit soit d’une tomodensitométrie (TDM) sans injection dans les services d’urgences soit d’une IRM avec un protocole AVC dans les centres de recours. L’imagerie confirme la nature hémorragique d’un AVC, précise son étiologie, évalue les critères pronostics : localisation, volume initial et risque de croissance secondaire de l’hématome, diffusion intraventriculaire du sang, hydrocéphalie aiguë, signes d’engagement, œdème péri-hémorragique secondaire. En TDM, une hyperdensité spontanée intra-parenchymateuse arrondie avec effet de masse signe l’HIC. La TDM évalue le risque de croissance de l’hématome devant son caractère hétérogène et irrégulier et son extension intraventriculaire. L’angioscanner, artériel et/ou veineux identifie d’éventuelles anomalies macro-vasculaires ou des signes prédictifs péjoratifs comme l’extravasation de produit de contraste (« spot sign ») lié à la persistance d’un saignement actif. L’IRM montre le produit de dégradation du sang dans le tissu cérébral et identifie chez un patient calme (avec injection de gadolinium) des signes de microangiopathie hypertensive ou amyloïde, éliminant d’éventuelles lésions sous-jacentes (vasculaires ou tissulaire). L’œdème péri-hémorragique secondaire, de progression délétère, se traduit par un hypersignal T2/FLAIR en IRM ou une hypodensité autour de l’hématome en TDM. Des biomarqueurs caractérisent le risque évolutif comme les hypodensités encapsulées péjoratives en TDM et les microangiopathies comme en IRM : micro-saignements (microbleeds), micro-infarctus, hémosidérose corticale, anomalies de signal de la substance blanche, espaces périvasculaires dilatés… L’hémorragie survient soit au-dessus de la tente du cervelet, cérébrale superficielle dite lobaire souvent amyloïde ou cérébrale profonde souvent hypertensive, soit au-dessous atteignant le tronc cérébral ou le cervelet avec le risque de compression du 4ème ventricule. La localisation cérébrale profonde ou sous-tentorielle et le volume de l’hématome supérieur à 60 cm3 sont de pronostic défavorable. Plusieurs programmes de recherche multidisciplinaires (TIPITCH) visent à perfectionner les outils diagnostiques, pronostiques et notre compréhension de l’imagerie de l’HIC grâce à de nouvelles approches (IRM ultra-haut champ, TEP adaptée à l’étude de la neuro-inflammation, analyse volumétrique automatisée, etc.).

 

Hémorragies cérébrales spontanées : cibles thérapeutiques d’avenir en phase aiguë.

Charlotte CORDONNIER, Université de Lille, Inserm, CHU Lille, U1172 – LilNCog – Lille Neuroscience & Cognition.

Les hémorragies cérébrales (HIC) spontanées sont une urgence médicale dont le délai de prise en charge est un facteur pronostic majeur : « time is brain ». Même s’il n’existe pas de traitement spécifique efficace de l’HIC, sa prise en charge a évolué ces 10 dernières années, basée sur la compréhension de sa physiopathologie en trois étapes successives : la rupture du vaisseau et l’irruption brutale de sang dans le parenchyme cérébral ; l’expansion de l’hémorragie sur 6 heures dont le volume est un déterminant du pronostic vital et fonctionnel par déchirure des artérioles environnantes favorisée par les traitements antithrombotiques antérieurs ; l’installation de dommages cérébraux secondaires, par effet de masse et par la réponse inflammatoire désignée sous le terme d’œdème péri-hémorragique. Une intervention sur une seule cible thérapeutique n’est pas suffisante. Les stratégies thérapeutiques d’avenir associent les actions sur trois cibles principales : limiter l’expansion de l’hémorragie par la baisse rapide des chiffres tensionnels (objectif 120-139 mm Hg des recommandations internationales), par la modulation du flux sanguin par un abord endovasculaire tarissant les points de saignement (ballon) et par la correction des troubles de l’hémostase par l’utilisation d’agents hémostatiques (acide tranexamique surtout, la transfusion de plaquettes étant  délétère) ; favoriser l’évacuation de l’hématome par des approches mini-invasives d’aspiration potentiellement associées à une fibrinolyse locale et en luttant contre la densification des hématomes induite par les produits prothrombotiques (ADN, histones) de la NETose suicidaire des polynucléaires neutrophiles NETs dans le réseau de fibrine ; réduire l’œdème péri-hémorragique (et la pression intracrânienne) secondaire à la réponse neuro-inflammatoire déséquilibrée. Pour cette dernière cible, l’utilisation de diurétiques osmotiques, tels que le mannitol, ou de solutions salines hypertoniques, qui visent à réduire la pression intracrânienne par osmolarité ne sont pas recommandés de même que les corticoïdes et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Le mécanisme de neurotoxicité de l’hémoglobine au sein du tissu cérébral est du à deux composants pro-inflammatoires de l’hémoglobine : l’hème par la bilirubine son produit de dégradation et le fer responsable de mort cellulaire spécifique appelée ferroptose. Une des voies, mais protectrice pour le cerveau, de la dégradation de l’hème CD163/HèmeOxygénase-1 (HO-1) pourrait être optimisée par l’utilisation d’activateurs du facteur de transcription Nrf2 (ou NFE2L2, facteur nucléaire érythroïde 2) favorisant l’expression de HO-1 et de nombreuses protéines antioxydantes et anti-apoptotiques et réprimant les protéines pro-inflammatoires.