Published 14 March 2023

Mardi 14 mars 2023

Séance « Thérapeutique ciblée : 20 ans après ses débuts dans les sarcomes et la leucémie myéloïde chronique »

Résumé de la séance*

* Par Brigitte Dréno, François Guilhot, Pierre Miossec, Jean-Baptiste Ricco, Dominique Vuitton

L’Académie nationale de médecine propose de discuter au cours d’une même séance les résultats du traitement sur le très long terme de deux maladies rares et aussi différentes que sont la leucémie myéloïde chronique (LMC) et les tumeurs stromales gastro-intestinales dites GIST. Mais ce qui rapproche ces deux maladies c’est leur décryptage moléculaire et leur traitement initial commun.

Les GIST présentent des mutations oncogéniques activatrices sur une dizaine de gènes, en particulier sur les oncogènes KIT (70% des GIST primaires) et PDGFRA. La protéine codée par le gène KIT est un récepteur tyrosine kinase. La LMC résulte d’une translocation réciproque entre les chromosomes 9 et 22, la partie 22q- étant nommée chromosome Philadelphie. La juxtaposition des gènes BCR et ABL conduit à la surexpression de la protéine kinase chimérique Bcr-Abelson et au développement de l’hémopathie.  Ces 2 anomalies moléculaires, véritables signatures de ces maladies, sont toutes deux sensibles à l’imatinib, et cet inhibiteur de tyrosine kinase, testé il y a 20 ans, a ouvert le champ de la thérapie ciblée en cancérologie.

L’imatinib a été proposée la première fois à une patiente finlandaise présentant un GIST KIT + métastatique lourdement prétraitée en mars 2000 sur une hypothèse basée conjointement sur la découverte de la protéine KIT à la surface des GIST et l’efficacité in vitro de l’imatinib sur la protéine KIT. Depuis ce cas qui a remarquablement bien répondu, l’imatinib a obtenu l’autorisation de mise sur le marché en Europe en Juin 2002 dans les GIST  KIT+ localement avancés inopérables et/ou métastatiques. Plus de 90% des patients traités par imatinib en situation de rechute bénéficient de cette thérapie ciblée en première ligne de traitement et leur médiane de survie est passée de 18 mois avant 2000 à plus de 75 mois en 2023. La résection chirurgicale complète en monobloc de ces tumeurs est toujours indiquée en 2023 puis un traitement adjuvant par imatinib est proposé uniquement aux patients à haut risque de récidive.La résistance à l’imatinib dans la maladie avancée découle principalement de la sélection de clones résistants porteurs de mutations de résistance. Les GIST résistants à imatinib répondent au sunitinib en deuxième ligne, au régorafénib en troisième ligne, au ripretinib en 4e ligne et à l’avapritinib pour les mutations D842V de PDGFRA.

La preuve du concept de ciblage de BCR::ABL1 par l’imatinib dans la LMC fut apportée à partir de 1998 dès son administration à l’homme en phase 1 . La première autorisation de mise sur le marché (AMM) fut délivrée de manière accélérée en 2001 à 400 mg/jour en phase chronique et à 600mg/jour en phase avancée puis pour la phase chronique nouvellement diagnostiquée en 2002 suivie d’une AMM pédiatrique en 2003. Dans les années 1995s, avant commercialisation de l’imatinib, le principal traitement de la LMC était l’interféron. La survie globale était de 50 à 59 % à 5 ans. En 2003, un essai français prospectif randomisé testant 2 doses d’imatinib, ou des associations, a montré avec un suivi médian de 14,1 ans, une survie globale estimée à 82% à 17 ans. Des résistances peuvent survenir et on dispose actuellement d’inhibiteurs dits de 2e génération tels le dasatinib, le nilotinib et le bosutinib, le ponatinib   actifs contre la plupart des mutations et d’un inhibiteur allostérique plus puissant et plus sélectif, l’asciminib. Malgré ces progrès, la guérison définitive n’est pas toujours acquise, car les cellules souches leucémiques sont un réservoir quiescent qui n’est éliminé par aucun des inhibiteurs actuellement disponibles. Dans certains cas cependant, en cas de réponse moléculaire profonde et durable, les patients ont pu arrêter leur traitement.

Programme de la séance et synthèses en vidéo

Introduction par Thierry FACON (Membre correspondant de l’ANM)

Communications

Traitement par imatinib des tumeurs stromales gastro-intestinales, 20 ans après par Axel LE CESNE (Département international, Institut Gustave Roussy, Groupe Sarcome Français. Membre correspondant de l’ANM)

Traitement des résistances moléculaires et des sous types rares de GIST en 2023 par Jean-Yves BLAY (Cancérologie médicale, sarcomes et GIST, Centre Léon Bérard, Lyon. Membre correspondant de l’ANM)

Traitement par imatinib de la leucémie myéloïde chronique 20 ans après par Delphine REA (Hématologie, Hôpital Saint-Louis, APHP, Paris )

Leucémie myéloïde chronique, 20 ans d’analyses ciblées sur l’imatinib par Joëlle GUILHOT (« France Intergroupe de la Leucémie Myéloïde Chronique » (FI-LMC))

Conclusion par Richard VILLET (Membre de l’ANM)