Published 12 March 2025

Les séances de l’Académie*

*Résumés rédigés par Catherine Adamsbaum, Bernard Bauduceau, Nathalie Cartier Lacave, Jacques Delarue, Jacques Hubert, Jean-Pierre Richer

Mardi 11 mars 2025

 

Séance dédiée : “Prise en charge actuelle de l’insuffisance cardiaque”

  Organisation : Michel KOMAJDA

 

Introduction par Michel KOMAJDA, membre de l’ANM

Les données publiées par le Système National des Données de Santé (SNDS) en 2022 mettent en évidence une prévalence de l’insuffisance cardiaque (IC) de 1 376 692 cas annuels, 181 178 hospitalisations – avec une DMS de 10,6 jours – et 24 645 décès (A Gabet et al, Archives of Cardiovascular Disease 117 (2024) 705–714). Une cohorte Ecossaise a inclus 56 658 sujets avec un suivi à 10 ans (suivi médian : 2,04 ans) en soins primaires (MA Mamas et al, European Journal of Heart Failure (2017) 19, 1095–1104). En prenant comme groupe de référence les IC (survie à 5 ans : 55,8 %), ceux-ci avaient une mortalité plus élevée de 30% que les patients porteurs d’un cancer de la prostate et de 12% plus élevée que les porteurs d’un cancer de la vessie ; en revanche leur mortalité était près de 4 fous moins élevée que celle des porteurs d’un cancer du poumon et de 23% moindre que celle des porteurs d’un cancer colorectal.  Chez les femmes (survie à 5 ans : 49,5%), la mortalité était de 35% plus élevée que les porteuses d’un cancer du sein mais meilleure que celle du cancer colorectal (– 21%), du cancer du poumon (Près de 4 fois moindre) et du cancer de l’ovaire (près de 2 fois moindre).

L’European Society of Cardiology a publié en 2021 une définition de l’IC classée en 4 stades en fonction de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) : IC avec FEVG réduite (≤ 40%), avec FEVG modérément réduite (41-49%), préservée (≥ 50%), améliorée (≤ 40% au départ puis augmentée de ≥ 10 points et une seconde mesure > 40%). (B. Bozkurt et al. Eur J Heart Fail. 2021Mar;23(3):352-380.). Sharma et al (Sharma A et al. Optimizing Foundational Therapies in Patients With HFrEF: How Do We Translate These Findings Into Clinical Care? JACC Basic Transl Sci. 2022 Mar2;7(5):504-517.) ont publié en 2022 tous les essais pharmacologiques publiés depuis 1986. On en dénombre 39. Les classes thérapeutiques concernées sont les suivantes : ACE-I / ARBs :1987 -, Betablockers : 1996 -,  MRAs : 1999 – 2011, Ivabradine : 2010, Sacubitril Valsartan : 2014, i                  SGLT2 : 2019, Vericiguat : 2020, Omecamtiv Mercabil : 2021, Semaglutide/Tirzepatide /Finerenone : 2023-2024.

La méta-analyse de Tromp et al. (Tromp, J et al. J Am Coll Cardiol HF, 2022;10(2):73-84) portant sur 75 essais (95 444 patients) s’est intéressée au bénéfice relatif des différentes classes sur la mortalité et la survenue d’une hospitalisation et a conclu que le meilleur bénéfice était obtenu par l’association : ARNi (angiotensin receptor–neprilysin inhibitors), BB (betablockers), MRA (mineralocorticoid receptor antagonists), and SGLT2i (sodium glucose cotransporter-2 inhibitors)avec un HR de 0,39. Cette association permet à un homme de 70 ans un gain d’espérance de vie de 5 ans comparée à l’absence de traitement.

Les trois options non-pharmacologiques sont : resynchronisation cardiaque, défibrillateur implantable, ablation de fibrillation atriale).

Mefford et al (Mefford et al. BMC Cardiovasc Disord (2021) 21:261) ont évalué la mortalité par IC entre 2001 et 2017 chez des patients pris en charge aux USA. Celle-ci a augmenté en Californie et est restée stable aux USA à 57,9 pour 100 000 (pourcentage de changement annuel moyen). Salah et al. (Salah HM, et al. Trends and characteristics of hospitalizations for

heart failure in the United States from 2004 to 2018. ESC Heart Fail. 2022 Apr;9(2):947-952.) ont étudié l’évolution du nombre d’hospitalisations pour IC aux USA entre 2004 et 2018. Ils concluent que celles-ci ont augmenté dans les deux sexes depuis 2013 (de 4% à 5%), tandis que la mortalité hospitalière a diminué au cours de la période d’étude (de 4% à 2,5%). Les Afro-Américains présentaient le risque le plus élevé d’hospitalisation, et les Caucasiens avaient la mortalité hospitalière la plus élevée. Kahn et al (Khan et al. Trends in 30- and 90-Day Readmission Rates for Heart Failure. Circ Heart Fail. 2021 Apr;14(4):e008335.) ont évalué le taux de ré-hospitalisation en période dite vulnérable (à 30 et à 90 j après un événement d’IC) entre 2010 et 2017 chez des patients US bénéficiant d’une assurance médicale. A 30 j, il était observé une augmentation de 14,8 à 16% (p < 0,001) ; à 90 j, le taux passait de 14,2% à 15% (p < 0,001).

Les principaux défis auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés sont : IC du sujet âgé ou très âgé, comorbidités, IC aigüe, conditions socio-économiques, adhésion aux recommandations. Ces facteurs contribuent à expliquer la stagnation de la mortalité malgré les progrès considérables de la pharmacologie de l’IC. En fait la stagnation de la mortalité chez les patients avec IC est en grande partie expliqué par l’augmentation de cause de décès non-CV selon l’étude de Conrad et al (Conrad N et al. Temporal Trends and Patterns in Mortality After Incident Heart Failure: A Longitudinal Analysis of 86 000 Individuals. JAMA Cardiol. 2019 Nov 1;4(11):1102-1111.). Conrad et al (Conrad N et al. Temporal trends and patterns in heart failure incidence: a population-based study of 4 million individuals. Lancet. 2018 Feb 10;391(10120):572-580.), dans une population de 4 millions de personnes ont mis en évidence que les personnes défavorisées sur le plan socio-économique étaient plus susceptibles de développer une IC que les personnes aisées (+ 61%), et cela plus tôt (3,51 ans) dans la vie que les personnes appartenant au groupe le plus aisé. En France, Gabet et al (Gabet A et al.  Epidemiology of heart failure in France. Arch Cardiovasc Dis. 2024 Dec;117(12):705-714.) ont mis en évidence que les personnes avec IC vivant dans les municipalités les plus défavorisées sur le plan socio-économique avaient un taux d’hospitalisation 1,6 fois plus élevé que celles vivant dans les municipalités les moins défavorisées. Par ailleurs, Savarese et al () ont mis en évidence selon les traitements un retard à l’initiation, un taux d’abandon parfois très élevé et une atteinte de l’objectif de dose parfois très éloigné de celui souhaitable.

Pour le futur, les enjeux sont les suivants : appliquer les recommandations, élaborer et mettre en place des programmes multidisciplinaires, l’éducation des patients, et la télésurveillance.

 

Traitement pharmacologique par Damien Logeart (Hôpital Lariboisière, Paris)

Vers la quadrithérapie

 A la fin des années 80, le paradigme neuro-hormonal (Packer M. The neurohormonal hypothesis: A theory to explain the mechanism of disease progression in heart failure. J. Am. Coll. Card. 1992;20:248–254.) avec la démonstration du bénéfice des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) indépendamment de leur seul effet vasodilatateur, était la base du traitement pharmacologique. En 1986, Cohn et al (Cohn JN et al. Effect of vasodilator therapy on mortality in chronic congestive heart failure. Results of a Veterans Administration Cooperative Study. N Engl J Med. 1986 Jun 12;314(24):1547-52.) ont étudié les effets d’un traitement vasodilatateur sur la mortalité chez 642 hommes souffrant d’IC congestive chronique sous traitement par digoxine et un diurétique. Ils ont reçu en double aveugle en plus de ce traitement un placebo ou de la prazosine (20 mg par jour) (un alpha-bloquant) ou la combinaison d’hydralazine (300 mg par jour) et de dinitrate d’isosorbide (160 mg par jour) (vasodilatateur artériel plus veineux). Le risque de mortalité à 2 ans chez les patients traités par hydralazine plus dinitrate d’isosorbide était de 34 % (P < 0,028). Les taux de mortalité cumulés à 2 ans étaient de 25,6 % dans le groupe hydralazine-dinitrate d’isosorbide et de 34,3 % dans le groupe placebo ; à trois ans, le taux de mortalité était de 36,2 % contre 46,9 %. La réduction du risque de mortalité dans le groupe traité par hydralazine et dinitrate d’isosorbide était de 36 % à trois ans. La mortalité dans le groupe prazosine était similaire à celle du groupe placebo. La fraction d’éjection du ventricule gauche a augmenté de façon significative à huit semaines et à un an dans le groupe traité par hydralazine plus dinitrate d’isosorbide. En résumé le traitement vasodilatateur était plus efficace que le traitement anti-hypertenseur. En 1991, Cohn et al (Cohn JN, et al. A comparison of enalapril with hydralazine-isosorbide dinitrate in the treatment of chronic congestive heart failure. N Engl J Med. 1991 Aug 1;325(5):303-10.) ont mis en évidence que l’enalapril, un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) était plus efficace sur la mortalité CV que l’association hydralazine-prazosine (18% vs 25% respectivement, p = 0,016), avec aussi une meilleure efficacité sur la FEVG. La mise en évidence de l’effet délétère de l’hyperactivation sympathique et de l’aldostérone a conduit au traitement de l’IC par les ß bloquants et les antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoides (ARM). Plus récemment le rôle de la néprilysine, une endopeptidase neutre qui hydrolyse et inactive les peptides natriurétiques (atrial natriuretic peptide ANP et brain natriuretic peptide BNP) a été mis en évidence et a conduit à utiliser son inhibiteur, le sacubitril comme traitement de l’IC. L’efficacité du sacubitril est augmentée quand il est associé à un inhibiteur de l’angiotensine (valsartan) car la neprilysine inhibe la dégradation de l’angiotensine 2, l’association constituant la classe des ARNi (inhibiteur du récepteur de l’angiotensine-neprilysine) (McMurray JJ, et al. PARADIGM-HF Investigators and Committees. Angiotensin-neprilysin inhibition versus enalapril in heart failure. N Engl J Med. 2014 Sep 11;371(11):993-1004.). Les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose rénal (SGLT2) ont été utilisés initialement à visée anti-diabétique en induisant une glycosurie (dapaglifozine et emplaglifozine en France). Les études de manière fortuite ont mis en évidence leur effet bénéfique sur la fonction cardiaque (Zinman B, et al. Empagliflozin, Cardiovascular Outcomes, and Mortality in Type 2 Diabetes. N. Engl. J. Med. 2015;373:2117–2128). La plupart des essais thérapeutiques ont d’abord été réalisés chez des patients identifiés par une FEVG £ 40%. Toutes les classes thérapeutiques précédemment mentionnées s’y sont avérées très efficaces. Dans un second temps, les essais ont inclus des patients avec une FEVG > 40% et seuls les inhibiteurs des SGLT2 et, de façon plus nuancée, les ARM y ont démontré leur efficacité. La méta-analyse de Tromp et al (Tromp, J et al. J Am Coll Cardiol HF, 2022;10(2):73-84) déjà citée a montré le bénéfice maximal sur la mortalité et les hospitalisations de l’association de l’association : ARNi, BB, MRA et SGLT2i (voir supra). L’ESC en 2021 recommande leur association en cas d’IC à FEVG réduite. Lam et al (Lam CSP, et al. Recent successes in heart failure treatment. Nat Med. 2023 Oct;29(10):2424-2437.) dans leur revue des succès récents de la pharmacologie de l’IC notent tout de même : « L’application des essais cliniques réussis à l’amélioration des résultats pour les patients est limitée par d’importantes lacunes dans la mise en œuvre des soins, un manque généralisé de sensibilisation à la maladie et une mauvaise compréhension des déterminants socio-économiques des résultats et de la manière de remédier aux disparités. Les essais cliniques en cours, les progrès de la segmentation phénotypique pour la médecine de précision et l’essor des solutions technologiques sont autant d’éléments porteurs d’espoir pour l’avenir. »

L’effet-dose a été montré pour les IEC et les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine 2 (ARA2). Il existe un effet classe pour les IEC et ISGLT2. Dans la classe des ARM, s’il y a des différences d’effets secondaires et pharmacologiques entre les ARM stéroidiens (spironolactone et eplerenone) et non stéroidiens (finerenone) ils ont la même efficacité. L’efficacité des ß-bloquants dépend de l’importance du blocage des récepteurs beta 1 adrénergiques. Les recommandations des sociétés savantes insistent sur l’utilisation des 4 molécules suivantes : carvedilol, bisoprolol, metoprolol succinate, nebivolol. L’utilité de l’effet bradycardisant a conduit au développement de l’ivabradine, un bradycardisant pur par inhibition sélective du courant pacemaker If. Un essai randomisé a montré son efficacité sur la morbi-mortalité dans l’IC avec FEVG réduite en rythme sinusal (Lechat P, Hulot JS, Escolano S, Mallet A, Leizorovicz A, Werhlen-Grandjean M et al. Heart rate and cardiac rhythm relationships with bisoprolol benefit in chronic heart failure in CIBIS II Trial. Circulation. 2001 Mar 13;103(10):1428-33). Le bénéfice sur la mortalité cardiovasculaire et sur la mortalité toute cause n’était présent qu’en cas de fréquence cardiaque ³ 75bpm.

Différents scénarios de prescription de la quadrithérapie peuvent être appliqués en fonction des différents profils cliniques en termes de pression artérielle, de fréquence cardiaque, de fonction rénale et de kaliémie.

Les diurétiques de l’anse restent la pierre angulaire du traitement des œdèmes. Depuis quelques années, l’accent a été mis sur la combinaison des diurétiques de l’anse avec les thiazidiques pour majorer l’effet natriurétique en cas de résistance à l’effet pharmacologique des diurétiques de l’anse (Rosano GMC et al. Patient profiling in heart failure for tailoring medical therapy. A consensus document of the Heart Failure Association of the European Society of Cardiology. Eur J Heart Fail. 2021 Jun;23(6):872-881), observée après utilisation prolongée de fortes doses de diurétiques de l’anse.

En dehors de l’état de choc cardiogénique, les recommandations des sociétés savantes ne proposent pas de place pour les inotropes en raison de l’absence de preuves suffisantes. Chez les patients ambulatoires, un activateur direct de la myosine cardiaque, l’omecamtiv mecarbil a été évalué dans l’essai GALACTIC vs placebo chez des patients avec FEVG ≤ 35% avec un taux de décompensation inférieur de 2% (p = 0,03) sans bénéfice sur la mortalité CV (Teerlink JR et al. Cardiac Myosin Activation with Omecamtiv Mecarbil in Systolic Heart Failure. N Engl J Med. 2021 Jan 14;384(2):105-116.). Actuellement, il n’y a pas d’AMM.

De très nombreux vasodilatateurs ont été développés, néanmoins, aucun essai randomisé n’a réussi à démontrer un bénéfice convaincant pour cette classe thérapeutique. Le vericiguat, un stimulateur de la guanylate cyclase soluble qui cible la voie NO-sGC-cGMP, chez des patients avec FEVG < 45%  a montré vs placebo une diminution de 10% d’un critère asscitaioin mortalité CV et hospitalisation (p = 0,02).  (Armstrong PW, et al. Vericiguat in Patients with Heart Failure and Reduced Ejection Fraction. N Engl J Med. 2020 May 14;382(20):1883-1893.). Actuellement, il n’y a pas d’AMM.

La prévalence de la carence martiale et de l’anémie est de l’ordre de 25 à 40% dans l’IC et associées à une aggravation pronostique. La correction de la carence martiale est bénéfique dans l’IC notamment sur la capacité fonctionnelle, qu’il y ait ou non une anémie associée. La correction par vois IV est beaucoup plus efficace que par voie orale (von Haehling S, et al. Iron Deficiency in Heart Failure. An Overview. JACC Heart Fail. 2019 Jan;7(1):36-46  Martens P, et al. Meta-Analysis and Meta-regression of the Treatment Effect of Intravenous Iron in Iron-Deficient Heart Failure. JACC Heart Fail. 2024 Mar;12(3):525-536.).

Chez les patients avec FEVG moins altérée (> 40-45%), le niveau de preuve des 4 classes thérapeutiques prônées dans l’IC sévère reste faible, mais les dernières recommandations des sociétés savantes indiquent qu’elles peuvent être prescrites. La finerenone, un ARM stéroïdien non commercialisé en France donné en add-on avec le traitement habituel, chez des patients avec FEVG > 40%, réduisait de 16% le risque de décès CV ( p = 0,007) ou d’épisodes d’aggravation de l’IC (Solomon SD et al. Finerenone in Heart Failure with Mildly Reduced or Preserved Ejection Fraction. N Engl J Med. 2024 Oct 24;391(16):1475-1485), Concernant l’IC avec FEVG préservée, les iSGLT2 réduisent la morbi-mortalité, quel que soit le niveau de FEVG (Kosiborod MN, et al. Semaglutide versus placebo in patients with heart failure and mildly reduced or preserved ejection fraction: a pooled analysis of the SELECT, FLOW, STEP-ICpEF, and STEP-ICpEF DM randomized trials. Lancet. 2024 Sep 7;404(10456):949-961.). Dans l’IC avec FEVG > 50%, seuls les iSGLT2 sont recommandés.

Chez les patients en situation d’obésité sévère avec FEVG préservée, la chirurgie bariatrique améliore les symptômes, réduit les réadmissions pour IC, inverse le remodelage du ventricule gauche et améliore sa distensibilité (Esparham A, et al. The Effect of Bariatric Surgery on Patients with Heart Failure: a Systematic Review and Meta-analysis. Obes Surg. 2023 Dec;33(12):4125-4136.). Le sémaglutide, un agoniste du GLP1 prescrit à dose anti-obésité, chez les patients en situation d’obésité avec IC à FEVG préservée avec ou sans diabète améliore les symptômes liés à l’IC et réduit de manière significative le risque d’aggravation des événements liés à l’IC (Butler J, et al. Semaglutide versus placebo in people with obesity-related heart failure with preserved ejection fraction: a pooled analysis of the STEP-ICpEF and STEP-ICpEF DM randomized trials. Lancet. 2024 Apr 27;403(10437):1635-1648.

Kosiborod MN, et al. Semaglutide versus placebo in patients with heart failure and mildly reduced or preserved ejection fraction: a pooled analysis of the SELECT, FLOW, STEP-ICpEF, and STEP-ICpEF DM randomized trials. Lancet. 2024 Sep 7;404(10456):949-961.).

 L’inflammation a été évoquée comme acteur central de l’IC à FEVG préservée (Paulus WJ, Zile MR. From Systemic Inflammation to Myocardial Fibrosis: The Heart Failure With Preserved Ejection Fraction Paradigm Revisited. Circ Res. 2021 May 14;128(10):1451-1467.). Plusieurs essais randomisés avec la colchicine, un anti-IL6 agents et d’autres anti-inflammatoires sont en cours.

En conclusion, la prise en charge dépend du niveau de la FEVG. En cas de FEVG < 40%, le traitement pharmacologique repose sur au moins 4 classes thérapeutiques : IEC ou IRAN, bétabloquants, ARM et iSGLT2. En cas de FEVG préservée, les molécules de choix sont les iSGLT2 et ARM. Les autres pistes sont les agonistes du GLP1 ou plus largement des incrétines chez les patients en situation d’obésité GLP1, les anti-inflammatoires sont une piste. Les diurétiques restent utiles selon congestion. En revanche, dans l’insuffisance cardiaque aiguë/décompensée il n’y a pas de réelle nouveauté.

 

Prise en charge actuelle de l’insuffisance cardiaque. Dispositifs implantables par Philippe Mabo (CHU de Rennes)

 Les dispositifs électroniques implantables ont 2 objectifs : a) un Objectif hémodynamique et structurel : resynchronisation cardiaque, modulation de la contractilité, stimulation du système nerveux autonome ; b) un objectif rythmique (prévention de la mort subite grâce au défibrillateur automatique implantable).

La resynchronisation cardiaque, principalement la stimulation bi-ventriculaire est la modalité de référence. La stimulation bi-ventriculaire, dont la mise en œuvre a été facilitée par le développement d’une sonde spécifique pour stimuler le ventricule gauche à partir du réseau veineux coronaire, permet ainsi de corriger l’asynchronisme électrique sous-jacent à l’asynchronisme mécanique. Cette technique de stimulation a été évaluée chez les patients présentant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) abaissée, associée à des troubles conductifs intraventriculaires, principalement le bloc de branche gauche. Chez les patients en rythme sinusal, afin de respecter le synchronisme atrioventriculaire également fondamental sur le plan hémodynamique, la stimulation atrio-biventriculaire (dite « triple chambre ») repose sur la mise en place de trois sondes de stimulation, une implantée dans l’atrium droit, la seconde dans le ventricule droit, au niveau de l’apex ou du septum interventriculaire, et la troisième dans le réseau veineux coronaire, si possible au niveau d’une branche latérale, à même de stimuler le ventricule gauche par voie épicardique. Les études de références sont : MUSTIC (2001), MIRACLE (2002), COMPANION (2004), CARE-HF (2005), REVERTSE (2008), MADIT-CRT (2009), RAFT (2010) (Daubert C, Linde C. Cardiac Resynchronization Therapy: New Perspectives. Circulation. 2024 Nov 12;150(20):1563-1566.). Elles ont montré une diminution de 20 à 37% des décès/hospitalisation. Les recommandations de l’ESC de 2021 (Glikson M, et al. ESC Guidelines on cardiac pacing and cardiac resynchronization therapy. Eur Heart J. 2021 Sep 14;42(35):3427-3520. doi: 10.1093/eurheartj/ehab364. Erratum in: Eur Heart J. 2022 May 1;43(17):1651.) préconisent : la resynchronisation est recommandée pour les patients symptomatiques atteints d’IC en rythme sinusal (RS) avec une FEVG  ≤ 35%, une durée du QRS  ≥ 150 ms, et un bloc de branche gauche (BBG) malgré une thérapeutique médicamenteuse optimisée (grade I). Elle doit être envisagée pour les patients symptomatiques atteints d’IC en RS avec une FEVG  ≤3 5%, une durée de QRS 130-149 ms et un BBG malgré une thérapeutique médicamenteuse optimisée (grade IIa). Elle doit être envisagée pour les patients symptomatiques atteints d’IC en RS avec une FEVG ≤ 35%, une durée de QRS  ≥ 150 ms sans BBG (grade IIa) ou une durée QRS 130-149 ms sans BBG (grade IIb) malgré une thérapeutique médicamenteuse optimisée.

Ces études ont également démontré une amélioration significative des paramètres échocardiographiques, témoignant d’un remodelage aussi bien structurel (réduction du diamètre ou du volume télésystolique du ventricule gauche) que fonctionnel (augmentation de la FEVG). Les registres les plus récents tendent à valider la supériorité de la resynchronisation associée à la défibrillation (Galand V, et al. CRT-pacemaker vesrus CRT-defibrillator : who needs sudden cardiac death protection ? Curr Heart Fail Rep 2020 ; 17 : 116-124).

Depuis 25 ans, de grands progrès ont été faits dans le domaine des sondes, des prothèses et des outils d’imagerie.

En termes de résultats, 60 à 70% des patients sont améliorés mais 30 à 40% ne sont pas améliorés ou s’aggravent. Cependant, dans l’étude REVERSE, les patients stabilisés avaient le même pronostic que les améliorés (Gold MR, et al. Redefining the Classifications of Response to Cardiac Resynchronization Therapy: Results From the REVERSE Study. JACC Clin Electrophysiol. 2021 Jul;7(7):871-880.). L’étude AdaptResponse comparant 2 types de resynchronisation : une classique et une avec optimisation automatique a mis en évidence que 90% des patients étaient améliorés ou stabilisés contrairement aux études antérieures (Wilkoff BL, et al. AdaptResponse investigators. Adaptive versus conventional cardiac resynchronisation therapy in patients with heart failure (AdaptResponse): a global, prospective, randomised controlled trial. Lancet. 2023 Sep 30;402(10408):1147-1157.), sans différence entre les 2 techniques.

Pour le suivi à long terme, les prothèses cardiaques implantables embarquent désormais des systèmes de télé-suivi avec pour objectif de dépister une tendance évolutive défavorable, d’anticiper une éventuelle décompensation et d’éviter une hospitalisation. Ces nouvelles modalités de télé-suivi devraient trouver leur place au sein des différents outils développés pour le suivi de l’IC chronique. La stimulation bi-ventriculaire reste le seul traitement électrique validé de l’IC chronique à fraction d’éjection altérée associée à des troubles de conduction intraventriculaire.

L’imagerie cardiaque pourrait aider à faire mieux (Galli E, Galland V, Le Rolle V, Taconne M, Wazzan AA, Hernandez A et al. The saga of dyssynchrony imaging : are we getting to the point. Front Cardiovasc Med volume 10 – 2023 hdoi.org/10.3389/fcvm.2023.1111538). Les potentiels axes d’amélioration sont : une meilleure sélection des patients en préopératoire, la recherche du site optimal de positionnement de la sonde ventriculaire gauche, l’optimisation des paramètres de programmation en post-opératoire. L’optimisation de la sélection des patients s’est attachée à rechercher des critères ECG et morphologiques, principalement échocardiographiques mais aussi par imagerie de coupes, principalement l’IRM. La présence d’une fibrose étendue à l’IRM est un facteur de non réponse (Song Y, Chen X, Yang K, Dong Z, Cui C, Zhao K et al. Cardiac MRI-derived fibrosis and ventricular dyssynchrony predict response to cardiac resynchronization therapy in patients with nonischemic dilated cardiomyoptahy. Ragiology cardiothoraci imaging 2023 ; 5 : e220127). Les résultats sont moins bons dans les cardiopathies ischémiques. Les comorbidités, notamment l’insuffisance rénale, doivent être prises en compte dans les choix thérapeutiques. D’autres biomarqueurs, qu’ils relèvent de la biologie, de l’imagerie, voire de la génétique sont susceptibles d’apporter une valeur ajoutée à l’identification des patients potentiellement répondeurs. L’intelligence artificielle et les jumeaux numériques sont susceptibles d’aider à mieux sélectionner les patients.

La sélection du site optimal d’implantation de la sonde ventriculaire gauche vise à rechercher l’activation ventriculaire gauche spontanée la plus tardive en mesurant en pratique le délai entre le début du QRS sur l’ECG de surface et le signal local enregistré par la sonde (Targeted left ventricular lead positionning to the site of latest activation in cardiac resynchronization therapy : a systematic review an meta-analysis. Fienbo DB, Bjerre HL, Hee Jung Park Frausing M, Stephansen C, Sommer A, Borgquist R et al. Europace 2023 ; 25 : 1-12). Les études d’optimisation à l’aide d’une analyse échographique peropératoire n’ont pas démontré de bénéfice réel. Les sondes multipolaires, notamment quadripolaires couramment utilisées aujourd’hui, permettent de faciliter le positionnement de la sonde. La stimulation multisite au sein du réseau veineux coronaire n’a démontré aucun bénéfice clinique significatif.

La stimulation du tissu de conduction a été évaluée comme une alternative à la stimulation bi-ventriculaire (Burri H et al. EHRA clinical consensus statement on conduction system pacing implantation : excecutive summary. Europace 2023 ; 25 : 1237-48). Cette nouvelle approche appliquée à des patients à FEVG diminuée associée à un asynchronisme ventriculaire de la resynchronisation cardiaque est promise à de nombreux développements comme le suggèrent les résultats d’une méta-analyse récente (Ferreira Felix I et al. Conduction system pacing versus biventricular pacing in heart failure with reduced ejection fraction : a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Heart Rhythm 2024 ; 21 : 881-889). La stimulation sélective du faisceau de His n’a pas démontré de supériorité par rapport à la stimulation bi-ventriculaire conventionnelle (Upadhyay GA, et al. His corrective pacing or biventricular pacing for cardiac resynchronization in heart failure. J Am Coll Cardiol 2019 ; 74 : 157-159

Vinther M, et al..  A randomized trial of His pacing versus biventricular pacing in symptomatic heart failure patients with left bundle branch block (His-Alternative). J Am Coll Cardiol EP 2021 ; 7 : 1422-1432). La stimulation de l’aire de la branche gauche est plus efficace pour réaliser une resynchronisation ventriculaire (Vijayaraman P, et al. His-Purkinje conduction system pacing optimized trial of cardiac resynchronization therapy vs biventricular pacing : HOT- CRT clinical trail. J Am Coll Cardiol EP 2023 ; 9 : 2628-2638

Jastrzebski M, et al. Left bundle branch-optimized resynchroniszation therapy (LOT-CRT) : results from an international LBBAP collaborative study group. Heart Rhythm 2022 ; 19 : 13-21.), avec cependant nécessité de confirmer les résultats à moyen et long terme.

La stimulation bi-ventriculaire par ultrasons a été évaluée dans l’étude SOLVE-CRT (Singh JP et al. Leadless Ultrasound-Based Cardiac Resynchronization System in Heart Failure. JAMA Cardiol. 2024 Oct 1;9(10):871-879.). Les patients ont été équipés du système WiSE CRT (EBR Systems), qui consiste en une électrode de stimulation endocardique LV sans sonde, stimulée par une énergie ultrasonore délivrée par un émetteur et une batterie implantés en sous-cutané. Le principal critère d’évaluation de la sécurité était l’absence de complications de type I. Le principal critère d’efficacité était la réduction du volume systolique terminal moyen du ventricule gauche. L’objectif a été atteint de manière significative.

La stimulation bi-ventriculaire sans sonde cardiaque se développe (Galand V, Polin B, Martins RP, Leclercq C. A entirely leadless cardiac resynchronization therapy. Eur Heart J 2019 ; 40 : 858-859).

Les autres modalités récentes sont la modulation de la contractilité cardiaque avec un bénéfice fonctionnel, une réduction des hospitalisations et de la mortalité estimée à partir de cohortes de référence (Kloppe A, et al. Long-term survival with cardiac contractility modulation in patients with NYHA class II or III symptoms and normal QRS duration. Int J Cardiol 2016 ; 209 : 291-295

(Abraham WT et al. A randomized controlled trial to evaluate the safety and efficacy of of cardiac contractility modulation. JACC Heart Fail 2018 ; 6 : 874-883).

La stimulation permanente des barorécepteurs induit une diminution du tonus sympathique et une augmentation du tonus parasympathique apporte une bénéfice fonctionnel durable (Zile MR et al. Baroreflex activation therapy in patients with heart failure and a reduced ejection fraction : long term outcomes. Eur Heat J of Heart Failure 2024 ; 26 : 1051-61).

Conclusion

Les dispositifs implantés sont validés pour le traitement de IC chronique, essentiellement dans sa forme à FEVG altérée. La resynchronisation cardiaque par stimulation bi-ventriculaire, a un bénéfice démontré sur la morbi-mortalité chez les patients avec des QRS larges. La stimulation du tissu de conduction, notamment de l’aire de la branche gauche, est une alternative encourageante à confirmer. En l’absence d’asynchronisme ventriculaire, d’autres approches ont été évaluées : modulation de la contractilité ou la stimulation du système nerveux autonome avec un bénéfice limité aux seules qualités de vie et aux capacités fonctionnelles. L’optimisation du traitement médicamenteux reste un prérequis.

 

Outils connectés, télésurveillance et réseaux de soin par Pascal de GROOTE (CHU de Lille)

 – Éducation thérapeutique (ETP)

Le but de l’ETP est d’informer les patients sur l’IC et ses traitements pour éviter une décompensation cardiaque, et permettre le maintien de la prise en charge en ambulatoire.

Une étude française (Juilliere Y, et al. Therapeutic patient education and all-cause mortality in patients with chronic heart failure: a propensity analysis. Int J Cardiol 2013;168:388-95.) a comparé 2347 patients soumis à une ETP vs 890 non soumis à une ETP. Les patients non éduqués étaient plus âgés, plus souvent des femmes et plus gravement atteints que les patients éduqués, ce qui est un biais de l’étude. La mortalité à 2 ans toutes causes confondues, après ajustement, était inférieure de 28 % dans le groupe des patients avec ETP (p < 0,001).

Une méta-analyse (Feltner C, et al. Transitional care interventions to prevent readmissions for persons with heart failure: a systematic review and meta-analysis. Ann Intern Med 2014;160:774-84.) incluant 47 essais randomisés avec différents types de suivi a montré, avec une évaluation à 30 jours, qu’un programme intensif de visites à domicile réduisait les réadmissions toutes causes confondues et/ou l’association réadmissions + décès. Sur une période de 3 à 6 mois, les programmes de visites à domicile et des interventions multidisciplinaire réduisaient les réadmissions toutes causes confondues. Ni la télésurveillance, ni les interventions principalement éducatives n’ont permis de réduire les taux de réadmission ou de mortalité.

Koelling et al. (Koelling TM, et al. Discharge education improves clinical outcomes in patients with chronic heart failure. Circulation. 2005 Jan 18;111(2):179-85.) ont mené un essai randomisé auprès de 223 patients et comparé les effets d’une séance individuelle d’enseignement d’une heure avec une IDE éducatrice à ceux du mode de sortie standard sans IDE. Les sujets ont été contactés par téléphone à 30, 90 et 180 jours pour recueillir des informations sur les événements cliniques, les symptômes et les pratiques d’autosoins. Après 180 jours, les sujets randomisés pour recevoir la session d’enseignement avaient un taux de ré-hospitalisation ou de décès moindre de 35%.  Le coût total était moindre de 2823 $ par patient (P = 0,035).

 

– Réseaux de soins

 Ils mettent en œuvre une équipe multidisciplinaire avec possibilité de déplacement d’IDE à domicile.

Rich et al (Rich MW et al. A multidisciplinary intervention to prevent the readmission of elderly patients with congestive heart failure. N Engl J Med. 1995 Nov 2;333(18):1190-5.) ont conduit un essai randomisé évaluant le bénéfice d’une intervention multidisciplinaire sur la réadmission à 90 jours, la qualité de vie et le coût. L’intervention consistait en une éducation complète du patient et de sa famille, une prescription diététique, une consultation des services sociaux, la planification d’une sortie précoce, une réévaluation des médicaments et un suivi intensif. Le taux de réadmission pour IC était diminué de 56,2 % dans le groupe de traitement (p = 0,04), et de 28,5% pour autres causes (NS).  Les scores de qualité de vie à 90 jours se sont améliorés davantage pour les patients du groupe de traitement (p = 0.001). Le coût global des soins était inférieur de 460 $ par patient dans le groupe traité.

Stewart et al. (Stewart S, Marley JE, Horowitz JD. Effects of a multidisciplinary, home-based intervention on unplanned readmissions and survival among patients with chronic congestive heart failure: a randomised controlled study. Lancet. 1999 Sep 25;354(9184):1077-83.) ont randomisé des patients renvoyés à domicile après une hospitalisation pour IC, un groupe recevant les soins habituels (n = 100) et l’autre (n = 100) une intervention multidisciplinaire consistant en une visite à domicile d’une infirmière de cardiologie 7 à 14 jours après la sortie de l’hôpital. Le critère principal de l’étude était la fréquence des réadmissions non planifiées et des décès en dehors de l’hôpital dans les 6 mois. A 6 mois, il y a eu moins de réadmissions non planifiées (68 vs 118 p = 0,03) et de jours d’hospitalisation associés (460 vs 1173 ; p = 0,02) chez les patients du groupe intervention. Les coûts hospitaliers étaient de 490 300 dollars australiens pour le groupe intervention vs 922 600 pour le groupe soins habituels (NS). La mortalité n(était pas diminuée.

Cependant, les résultats des méta-analyses montrent la disparité des études, liée aux différents types de réseaux de soins mis en place. Il est difficile de conclure mais les réseaux multidisciplinaires semblent plus efficaces et diminuent probablement la mortalité totale et les hospitalisations pour IC.

 

– Études avec dosage des peptides natriurétiques

Le dosage du BNP et du Nt-proBNP (son précurseur biologique) ont été proposé pour affiner la surveillance des patients.

L’étude française, STARS-BNP était positive (Jourdain P, et al. Plasma brain natriuretic peptide-guided therapy to improve outcome in heart failure: the STARS-BNP Multicenter Study. J Am Coll Cardiol 2007;49:1733-9.), mais les autres études randomisées n’ont pas confirmé leur intérêt pour diminuer les événements cardiaques (Pfisterer M, et al. BNP-guided vs symptom-guided heart failure therapy: the Trial of Intensified vs Standard Medical Therapy in Elderly Patients With Congestive Heart Failure (TIME-CHF) randomized trial. JAMA 2009;301:383-92.

Eurlings LW, et al. Management of chronic heart failure guided by individual N-terminal pro-B-type natriuretic peptide targets: results of the PRIMA (Can PRo-brain-natriuretic peptide guided therapy of chronic heart failure IMprove heart fAilure morbidity and mortality?) study. J Am Coll Cardiol 2010;56:2090-100.). Les autres études randomisées n’ont pas montré l’intérêt de ces dosages vis-à-vis de la réduction des événements.

 

– La période vulnérable

Plusieurs études se sont focalisées sur les 3 mois qui suivent une décompensation, période où le risque d’événements est le plus élevé.

L’étude française ECAD-HF (Logeart D, et al. Early and short-term intensive management after discharge for patients hospitalized with acute heart failure: a randomized study (ECAD-HF). Eur J Heart Fail. 2022 Jan;24(1):219-226.) a randomisé des patients hospitalisés pour IC aiguë pour recevoir soit des soins et une éducation optimisés consistant en des consultations répétées avec un hypertensiologue et une diététicienne au cours des 2 à 3 premières semaines, soit des soins usuels. Le critère d’évaluation principal était le décès toutes causes confondues ou la première hospitalisation non planifiée au cours des 6 mois de suivi. Sur les 482 patients randomisés (âge médian de 77 ans et fraction d’éjection ventriculaire gauche médiane de 35 %), 224 ont été hospitalisés ou sont décédés. Aucune différence n’a été observée entre les groupes pour le critère d’évaluation principal (HR : 0,97), ni pour la mortalité à 6 ou 12 mois ou la ré-hospitalisation non planifiée pour cause d’hypertension. En outre, aucune différence n’a été constatée entre les groupes en fonction de l’âge, des antécédents d’hypertension et de la FEVG.

En 2010, l’Assurance Maladie a mis en place l’expérience PRADO (Programme de Retour À Domicile) pour faciliter le retour à domicile des patients hospitalisés pour IC. Un conseiller de l’Assurance Maladie organise le suivi médical après l’hospitalisation, en collaboration avec le médecin traitant. L’essai randomisé PRADOC-IC publié en 2024 (Roubille F, et al. PRADOC: A Multicenter Randomized Controlled Trial to Assess the Efficiency of PRADO-IC, a Nationwide Pragmatic Transition Care Management Plan for Hospitalized Patients With Heart Failure in France. J Am Heart Assoc 2024;13:e032931.) chez 404 patients hospitalisés pour décompensation cardiaque, avec une moyenne d’âge de 75 ans est neutre ; le programme PRADO ne permet pas de diminuer les hospitalisations pour IC dans l’année suivant l’inclusion (HR = 1,04, p = 0,85). Il n’y a pas d’effet sur les hospitalisations toutes causes, ni sur la mortalité totale ou cardiovasculaire.

 

– La télésurveillance

Elle consiste en l’utilisation d’outils connectés externes ou implantés.

Outils externes.

La seule étude randomisée positive est l’étude TIM-HF2 (Koehler F, et al. Mortality and morbidity 1 year after stopping a remote patient management intervention: extended follow-up results from the telemedical interventional management in patients with heart failure II (TIM-HF2) randomised trial. Lancet Digit Health 2020;2:e16-e24.), dont l’objectif principal était le pourcentage de décès et de journées perdues liée à des hospitalisations CV. L’étude est positive avec une diminution de 20 % de l’objectif principal (p = 0,046) avec une mortalité totale de – 20% (p = 0,028) et CV de –33 %, (p = 0,056). A son arrêt, les événements ré-augmentaient dans le groupe initialement télésurveillé. Les autres essais randomisés n’ont pas mis en évidence de bénéfice des outils externes sur le pronostic de l’IC. La méta-analyse de Scholte et al (Scholte NTB, et al. Telemonitoring for heart failure: a meta-analysis. Eur Heart J. 2023 Aug 14;44(31):2911-2926.) a regroupé 65 études avec outils non invasifs et 27 études avec dispositifs implantés (36 549 patients suivis en moyenne 11,5 mois). La télésurveillance réduisait de 16 % la mortalité toutes causes confondues, de 19 % la première hospitalisation pour IC et de 15 % du nombre total d’hospitalisations pour IC.

Outils implantés.

Pas de démonstration que les paramètres hémodynamiques des stimulateurs/défibrillateurs soit associés aux événements CV.

Concernant la mesure de la pression dans l’artère pulmonaire, le système CardioMems est positionné dans une des branches de l’artère pulmonaire gauche. Le patient doit activer quotidiennement le dispositif qui mesure les pressions de l’artère pulmonaire et les transmets à un serveur. L’évolution des pressions pulmonaires prédit la survenue d’une décompensation cardiaque. L’intérêt des pressions pulmonaires est qu’il s’agit d’un paramètre qui se modifie précocement, bien avant l’apparition des symptômes et des signes cliniques de décompensation. Les 3 études CHAMPION (Abraham WT, et al. Wireless pulmonary artery haemodynamic monitoring in chronic heart failure: a randomised controlled trial. Lancet 2011;377:658-66.), GUIDE-HF (Lindenfeld J, et al. Haemodynamic-guided management of heart failure (GUIDE-HF): a randomised controlled trial. Lancet 2021;398:991-1001.) et MONITOR-HF (Brugts JJ, et al. Remote haemodynamic monitoring of pulmonary artery pressures in patients with chronic heart failure (MONITOR-HF): a randomised clinical trial. Lancet 2023.) ont montré selon les paramètres étudies une amélioration de la qualité de vie, une diminution de la mortalité et des hospitalisations, ceci étant confirmé dans plusieurs registres internationaux, américains ou européens, avec des baisses d’hospitalisation pour IC de plus de 30 %.

Malgré toutes ces limites, les recommandations de la Société Européenne de Cardiologie de 2021 sur l’IC ont classé la prise en charge multidisciplinaire des patients en recommandation de classe 1 avec un niveau de preuves (McDonagh TA, et al. 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J 2021;42:3599-726.).  Pour la télésurveillance (non invasive ou invasive), les recommandations européennes sont de classe IIb avec un niveau de preuves B.

En conclusion

L’éducation thérapeutique, réseaux de soins et outils de télésurveillance font partie de l’arsenal thérapeutique des IC. Leurs preuves scientifiques restent cependant faibles. Les dispositifs invasifs, déjà très performants, comme le CardioMems, seront réservés aux patients les plus sévères.

 

L’insuffisance cardiaque sévère : assistance circulatoire mécanique ou transplantation ? par Jean-Noël Trochu – Institut du Thorax (Nantes)

 Les thérapeutiques dites avancées sont au nombre de trois : greffe cardiaque, assistance mono ventriculaire gauche et cœur artificiel.

Transplantation cardiaque

La transplantation cardiaque reste le traitement de choix de l’IC avancée lorsqu’aucune autre solution ne peut être proposée mais elle reste très limitée dans le contexte de la pénurie chronique d’organes.

Selon les données du United Network for Organ Sharing (UNOS) (Tsao CW, et al. Heart Disease and Stroke Statistics-2023 Update: A Report From the American Heart Association. Circulation. 2023 Feb 21;147(8):e93-e621. ), un total de 79 562 transplantations cardiaques ont été réalisées de 1988 à 2020, le nombre annuel de transplantations ayant plus que doublé au cours de cette période, passant de 1676 à 3658. Parmi les 3658 receveurs en 2020, le diagnostic principal était une cardiomyopathie (59,3%), une maladie coronarienne (23,0%), une cardiopathie congénitale (8,9%) et une re-transplantation (3,3%). L’Annual Data Report de l’Organ Procurement Transplant Network de 2020 montre une augmentation de 32,5 % des nouvelles inscriptions pour la transplantation cardiaque chez l’adulte, passant de 3019 en 2009 à 4000 en 2020. La mortalité après la transplantation a diminué depuis 2009 avec une survie à 1 an de 90,6 % chez les receveurs adultes qui ont subi une transplantation cardiaque en 2019.

Les données disponibles du registre des greffes cardiaques de l’ISHLT (https://ishltregistries.org/registries/slides.asp?yearToDisplay=2023.) montraient en 2017 1835 en Europe, 3317 en Amérique du Nord et 553 dans le reste du monde. Pour la période 1992 – 2017 la survie des transplantés adultes était de 74,2% à 5 ans, traduisant l’impact positif des améliorations des traitements immunosuppresseurs.

En France, l’activité de greffe est stable (https://rams.agence-biomedecine.fr/greffe-cardiaque-0.). Depuis 1968, année de la première greffe cardiaque enregistrée, 16 123 greffes cardiaques ont été réalisées. Le nombre estimé de malades vivant avec un greffon au 31 décembre 2023 était de 5 275. En 2023, 880 patients étaient inscrits en liste d’attente, 6% avaient une assistance circulatoire de longue durée, 45% des candidats étaient hospitalisés en soins critiques. L’accès à la greffe au cours des 12 mois suivant l’inscription pour les nouveaux inscrits en 2018-2023 était de 71%.

 

Assistance circulatoire

Les études récentes ont démontré la supériorité des systèmes à lévitation magnétique qui dominent actuellement les implantations dans le monde (Mehra MR, et al. A Fully Magnetically Levitated Circulatory Pump for Advanced Heart Failure. N Engl J Med. 2 févr 2017;376(5):440‑50.). En l’absence d’études randomisées comparant le traitement médical à l’assistance circulatoire nous devons nous appuyer sur les données de cohortes, de registres et une analyse fine des différents scenarii cliniques d’IC sévère. La classification du registre d’assistance circulatoire mécanique INTERMACS est très utile (Stevenson LW, Pagani FD, Young JB, Jessup M, Miller L, Kormos RL, et al. INTERMACS Profiles of Advanced Heart Failure: The Current Picture. J Heart Lung Transplant. juin 2009;28(6):535‑41.). Elle définit 7 stades de gravité décroissante qui vont de la nécessité d’une intervention dans les heures qui suivent (stade I) jusqu’au stade NYHA III avancé (stade 7) ne justifiant pas de dispositif avancé. Les bénéfices d’une assistance circulatoire sont largement démontrés chez les patients les plus sévères (profils Intermacs 1,2 et 3) (Aaronson KD, et al. Use of an Intrapericardial, Continuous-Flow, Centrifugal Pump in Patients Awaiting Heart Transplantation. Circulation. 26 juin 2012;125(25):3191‑200.) et la difficulté pour les équipes spécialisées d’IC avancée, réside dans l’indication d’y recourir pour les patients ambulatoires (profils 4 à 7). Les complications principales sont : saignements digestifs, accidents thrombo-emboliques (en particulier AVC), thromboses de pompe et infections du câble percutané d’alimentation électrique. Le risque d’arythmie supra ventriculaire et ventriculaire qui doit être pris en compte et les risques d’IC droite (Jorde UP, et al. The Society of Thoracic Surgeons Intermacs 2023 Annual Report: Focus on Magnetically Levitated Devices. Ann Thorac Surg. janv 2024;117(1):33‑44.). Ambardekar et al. (Ambardekar AV, et al. Outcomes with ambulatory advanced heart failure from the Medical Arm of Mechanically Assisted Circulatory Support (MedaMACS) Registry. J Heart Lung Transplant. 2019 Apr;38(4):408-417.) retrouvaient que la survie était meilleure avec la pompe chez les seuls patients des profils 4 et 5.

L’étude MOMENTUM 3 (Mehra MR, et al.  A Fully Magnetically Levitated Left Ventricular Assist Device – Final Report. N Engl J Med. 2019 Apr 25;380(17):1618-1627.) a montré que le dispositif d’assistance ventriculaire gauche à lévitation magnétique et à flux centrifuge était associé à un besoin moins fréquent de remplacement de la pompe qu’un dispositif à flux axial ; de plus il était supérieur en termes de survie sans AVC invalidant ou de ré-opération pour dispositif défectueux. A 5 ans (Mehra MR, et al. Five-Year Outcomes in Patients With Fully Magnetically Levitated vs Axial-Flow Left Ventricular Assist Devices in the MOMENTUM 3 Randomized Trial. JAMA. 2022 Sep 27;328(12):1233-1242.), la nette supériorité de la pompe à flux centrifuge était confirmée. La survie globale était améliorée de 28% (P = 0,003). Les événements indésirables graves étaient moins fréquents dans le groupe pompe à flux centrifuge.

Les rapports en « vie réelle » confirment donc les améliorations de la survie à court et à moyen terme et la réduction des événements indésirables avec un DAVG à lévitation magnétique. En cas d’implantation d’une assistance en attente d’une transplantation cardiaque seulement 22,6 % des patients auront été transplantés au bout d’1 an, 35,7 % à 2  ans et 54,0 % à 5  ans (Jorde UP, et al. The Society of Thoracic Surgeons Intermacs 2023 Annual Report: Focus on Magnetically Levitated Devices. Ann Thorac Surg. janv 2024;117(1):33‑44.).

 Cœur artificiel

 Ce dispositif permet d’attendre une greffe mais il ne peut pas s’y substituer.  Deux systèmes sont disponibles en France : Aeson® développé par la société Carmat et Syncardia®. Entre 2005 et 2018 les données de l’UNOS (United Network for Organ Sharing) indiquaient que 471 patients avaient eu une implantation de cœur artificiel avec une mortalité à 6 mois de 24,6 % et incidence cumulée de transplantation à 49,0. L’Aeson® est un dispositif électro-hydraulique qui a une conception proche de l’anatomie du cœur humain et qui utilise des valves et des membranes biologiques, améliorant ainsi son hémocompatibilité avec une diminution attendue du risque d’accident thrombo-embolique. À ce jour, 100 patients à travers le monde ont bénéficié de cette technologie.

Conclusion

L’épidémiologie de l’IC avancée est encore mal connue, l’identification des patients, les soins et le suivi ne sont pas optimisés

La transplantation cardiaque, les dispositifs d’AC (et le cœur artificiel total) sont des traitements très efficaces mais sous utilisés.

Les patients sont toujours adressés tardivement aux centres spécialisés, ce qui complique le recours aux dispositifs d’AC et la transplantation cardiaque.

Pour mieux identifier les patients, il convient d’utiliser des paramètres cliniques simples et des scores de risque mais ils sont sous-utilisés alors qu’ils sont cliniquement pertinents.

Les patients doivent être suivis dans le cadre d’un parcours de soins organisés en réseau animés par des centres experts

 

Vidéo de la séance du 11 mars 2025