Published 10 April 2018

Cette séance du 10 avril 2018, organisée par le Professeur Jacques Battin, a porté sur les Actualités du déficit intellectuel d’origine génétique.

En introduction, le Pr Battin souligne que déficit intellectuel (DI) d’origine génétique est un enjeu de santé publique en raison de sa fréquence (3% des naissances), de sa gravité (1% de formes sévères) et de son coût (10% des dépenses de santé).

Le Pr Didier Lacombe (Service de génétique médicale, Bordeaux) expose l’apport des puces à ADN dans le diagnostic des syndromes microdélétionnels. Les nouvelles techniques d’analyse pangénomique, au premier rang desquelles la CGH-array, ont permis de cartographier, avec une résolution très supérieure à celle du caryotype, les régions subtélomériques qui sont riches en gènes responsables de DI. Parmi les syndromes subtélomériques qui ont ainsi pu être identifiés, les deux plus fréquents sont : : i) La monosomie 1p36 (1/5000 à 1/10 000 naissances). Le DI, sévère, est associé à une dysmorphie cranio–faciale et à une surcharge pondérale. Les troubles ophtalmiques, auditifs, et cardiaques sont très fréquents. Chez la moitié des patients apparaissent une épilepsie et/ou des troubles du comportement ; ii) La monosomie 2q37 (incidence estimée à moins de 1/10 000). Son phénotype associe, au déficit intellectuel d’intensité très variable, obésité, petite taille, visage rond, bradymétacarpie ou bradymétatarsie, d’où l’appellation de pseudo-ostéodystrophie d’Albright. Epilepsie et traits autistiques sont présents respectivement dans un tiers et un quart des cas. Ainsi, les techniques d’analyse du génome « à haut débit » ont bouleversé l’approche diagnostique des syndromes de DI. Elles soulèvent toutefois de délicats problèmes d’interprétation et d’importantes considérations d’ordre éthique.

Le Pr Jamel Chelly, de l’institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de l’université de Strasbourg-Illkirch, présente la génétique des pathologies neuro-développementales caractérisées par des malformations du développement cortical (MDC). Il s’agit d’un groupe d’affections très hétérogènes associant à la DI une épilepsie souvent pharmaco-résistante. Les MDC résultent de mutations des tubulines et des protéines dépendant des microtubules. Les microtubules, filaments servant de squelette aux cellules, sont essentiels pour le développement du cortex cérébral. Des altérations de ces protéines sont responsables d’anomalies des plis du cortex (nombre, organisation) ainsi que d’une microcéphalie. L’une de ces protéines, KIF2A, qui est membre de la famille des kinésines, présente un intérêt physiopathologique majeur. La mise au point d’un modèle de knock-in conditionnel (technique basée sur l’introduction de la mutation KIF2A dans le génome), qui a permis d’obtenir chez la souris un phénotype mimant celui observé chez l’homme, constitue un outil précieux pour avancer dans la compréhension mécanistique de ces maladies.

Le Pr Jean-Louis Mandel (Collège de France, Académie nationale de médecine) expose les formes monogéniques de déficience intellectuelle : du syndrome X fragile au retard mental lié à l’X et aux plus de 700 gènes autosomiques impliqués. Le syndrome de l’X fragile est la plus fréquente des maladies héréditaires de DI. Le nombre de personnes porteuses de l’anomalie génétique, exprimée ou non, est de l’ordre de 10 000 en France. Plus souvent diagnostiquée chez le garçon, il entraîne un DI associé à des troubles du comportement (proches de ceux de l’autisme) et à des anomalies physiques (hypotonie du nourrisson, troubles du sommeil, hyperlaxité ligamentaire…). L’anomalie génétique causale est la répétition excessive d’une séquence de trois bases (le triplet CGG) au niveau de la région 5’UTR (untranslated region) du gène FMR1 (Fragile X Mental Retardation). Il s’en suit une absence de production de la protéine FRMP qui joue un rôle important dans la connexion des cellules nerveuses. Il se produit ainsi une dépression de l’activité des synapses au niveau de l’hippocampe. Cette protéine contrôle notamment, au niveau neuronal, l’activité diacylglycérolkinase qui pourrait constituer une cible thérapeutique. Suite à la découverte de l’X fragile, des syndromes ont pu être nettement identifiés tel le syndrome de Menkès. Par contre, le problème s’est trouvé posé par nombre de DI « non syndromiques » d’une grande hétérogénéité. Le séquençage à haut débit a permis d’identifier à ce jour environ 900 gènes. Il existe de grandes inégalités territoriales en France pour l’accès au diagnostic. Beaucoup d’espoir est mis à la fois dans le Plan France Génomique 2025 (qui tarde toutefois à se mettre en place) ainsi que dans le projet GENIDA qui est une base de données internationales participatives sur les manifestations des DI génétiques, avec ou sans autisme, impliquant les parents des malades.

Entretien avec le professeur Jean-louis Mandel à l’ANM