Présentation ouvrage
Session of 9 octobre 2018

« Santé et intelligence artificielle » sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Edition, Octobre 2018

Patrick NETTER*

L’ouvrage « Santé et Intelligence Artificielle » rédigé sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani (CNRS éditions) résulte d’une collaboration étroite et fructueuse entre Cédric Villani, remarquable mathématicien, médaillé Fields, et d’un brillant chirurgien, Bernard Nordlinger, passionné par l’analyse des bases de données et qui bénéficie d’une grande expérience sur les essais thérapeutiques contrôlés.

Ce livre comporte des articles clairs et argumentés qui permettront d’informer le lecteur sur les différents aspects du développement de l’intelligence artificielle en Santé avec comme objectif d’apporter un éclairage d’actualité grâce à une synthèse très précise des données actuelles de ce domaine.

Cet ouvrage a bénéficié des travaux d’un groupe de travail sur l’intelligence artificielle en Santé, entre l’Académie de Médecine et l’Académie des Sciences, ainsi que de la participation des experts les plus compétents dans les différents domaines concernés (Mathématiciens, informaticiens, cancérologues, généticiens, anatomo-pathologistes, chirurgiens, épidémiologistes, juristes, sociologues, gestionnaires hospitaliers, …), il faut citer également le rapport « Donner un sens à l’intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne » remis au gouvernement par Cédric Villani en mars 2018.

L’ouvrage met bien en évidence les avancées essentielles dans de nombreuses disciplines médicales, grâce à l’intelligence artificielle : on soulignera :

– L’interprétation des images en radiologie, anatomo-pathologie, cancérologie, dermatologie

– La modélisation de la croissance des tumeurs

– La génomique

– La recherche de nouveaux médicaments, les essais cliniques, la pharmacovigilance, la réponse aux traitements.

On peut ainsi espérer définir des algorithmes qui aideront aux choix diagnostiques et thérapeutiques dans une médecine de plus en plus personnalisée.

A titre d’exemple, on peut citer la prédiction du risque de fracture d’origine ostéoporotique grâce à un algorithme permettant de calculer de façon automatique la densité osseuse sur des scanners abdominaux, le dépistage automatique de médicaments augmentant le risque de chutes chez les personnes âgées avec 250 médicaments étudiés parmi les antihypertenseurs, les antidépresseurs, les neuroleptiques et les hypnotiques, sur une cohorte de 12 000 000 de personnes, l’analyse de la texture de l’IRM mammaire pour la prédiction de la réponse à la chimiothérapie néo adjuvante.

Cette évolution nécessite de prendre en compte un certain nombre de questions bien posées dans l’ouvrage et surtout de proposer des recommandations aux différents responsables :

– Former non seulement les médecins mais l’ensemble des professionnels de Santé à l’intelligence artificielle,

– Répondre aux défis techniques et technologiques posés par la taille des données et la cybersécurité,

– Acquérir du matériel informatique de haute performance,

– Recruter des experts compétents, ayant si possible une double compétence médicale et informatique,

– Soutenir des équipes de recherche interdisciplinaire sur cette thématique,

– Répondre aux questions éthiques et légales en particulier pour la protection des données des patients et définir la personnalité juridique,

– Répondre au défi sur la confiance pour convaincre les acteurs et les organisations de surmonter leur réticence,

– Développer des collaborations européennes et internationales.

Comme Catherine Bréchignac et Daniel Couturier le soulignent dans l’avant-propos, il n’est pas question de remplacer le médecin par un algorithme ou un robot mais d’apporter au praticien des éléments d’évaluation et d’expertise pour améliorer les conditions de l’exercice médical dans une médecine plus personnalisée, précise, préventive et prédictive. Cette approche est justifiée par l’augmentation de volume des données médicales utilisables, la complexité et la variété des phénomènes en présence.

Il est bien clair que de toute façon le médecin reste maître à bord par ses qualités de compassion, de créativité, d’esprit critique et de conscience professionnelle qui restent l’apanage de l’intelligence humaine et que l’enjeu est de bien organiser les interactions vertueuses entre l’expertise humaine et les apports de l’intelligence artificielle dans l’exercice quotidien de la médecine.

En conclusion, on peut souligner que la France bénéficie d’une position internationale favorable grâce à un engagement fort de l’enseignement supérieur et de la Recherche dans ce domaine en particulier en Mathématiques et en Informatique. Il faudra poursuivre ces efforts en intégrant en particulier l’intelligence artificielle dans l’enseignement du cursus médical et en répondant aux différentes questions évoquées.

Ce livre est une étape importante sur Intelligence artificielle et Santé mais beaucoup de travaux se poursuivent en particulier ceux des groupes interdisciplinaires entre l’Académie des Sciences et de Médecine qu’il convient de développer.

Enfin on peut féliciter Cédric Villani et Bernard Nordlinger pour ce remarquable ouvrage dont la lecture est fortement conseillée et qui est destiné non seulement aux spécialistes pour leur offrir une vue d’ensemble du sujet mais également au grand public désireux de s’informer.

Ce travail entre dans le cadre d’une réflexion nationale qui doit aider notre pays, grâce à la qualité de nos équipes de médecins, chercheurs, enseignants, industriels, à être un leader européen et international sur Intelligence artificielle et Santé.

* Membre de l’Académie nationale de médecine

Version prépresse mise en ligne le 23/10/2018