Communication scientifique
Session of 1 février 2005

Revascularisation chirurgicale des patients coronariens diabétiques

MOTS-CLÉS : diabète. pontage aortocoronaire. vaisseaux coronaires, maladies.
Coronary artery bypass graft surgery in patients with diabetes
KEY-WORDS : coronary artery by pass. coronary, disease.. diabetes mellitus

Iradj Gandjbakhach, Pascal Leprince, Cossimo d’Allessandro, Alexandre Ouattara, Nicolas Bonnet, Shaida Varvous, Alain Pavie

Résumé

Le diabète est un facteur de risque puissant de la maladie coronaire athéromateuse. Quel que soit le traitement, le pronostic est plus sévère que chez les patients non diabétiques. Un équilibre soigneux de la glycémie péri-opératoire peut améliorer la morbi-mortalité après chirurgie de revascularisation coronaire. Patients et méthode : Chez deux cents patients diabétiques consécutifs opérés de pontages coronaires, la glycémie péri-opératoire a été équilibrée de façon stricte en suivant un nouveau protocole de surveillance et de traitement (groupe A). La morbi-mortalité observée chez ces patients a été comparée à celle obtenue chez deux cents autres patients opérés de pontages coronaires avant l’utilisation de ce protocole (groupe B). Résultats : Les caractéristiques pré-opératoires étaient comparables dans les deux groupes. Les patients ont eu en moyenne 2,6 pontages et l’artère mammaire interne gauche a été utilisée chez 98 % d’entre-eux. On notait une augmentation significative de l’utilisation des deux artères mammaires : 16 % dans le groupe B et 38 % dans le groupe A (p<0.05). Malgré cela, le taux d’infections pariétales et de médiastinites était comparable dans les deux groupes (4 %). Il en était de même pour les autres complications. Par contre la mortalité hospitalière était deux fois plus faible dans le groupe A (1,5 %) que dans le groupe B (3,5 %). Un quart des patients avaient un diabète insulino-dépendant. Le taux d’infections chez ces patients était plus élevé. Toutefois, la mortalité hospitalière (2 %) restait identique à celle observée chez les patients non insulino-dépendants. Dans ce sous-groupe de patients, nous n’avons pas trouvé de différence liée au protocole. Conclusion : Les progrès techniques chirurgicaux et médicaux permettent de réaliser la chirurgie de revascularisation coronaire chez les patients diabétiques avec des résultats actuellement proches de ceux obtenus chez les patients non diabétiques. De plus, il est montré que l’utilisation des greffons artériels améliorait aussi le pronostic à long terme de ces patients. La chirurgie de revascularisation coronaire conserve donc une place prédominante chez les patients diabétiques lorsque les lésions coronaires ne se prêtent pas bien aux techniques de revascularisation endovasculaire.

Summary

Diabetes is a potent risk factor for cardiovascular disease. Whatever the treatment, the prognosis of coronary artery disease is poorer in patients with diabetes than in non diabetic patients. Strict equilibration of perioperative glycemia reduces morbidity and mortality associated with coronary artery bypass graft surgery (CABG). Patients and methods : In two hundred consecutive diabetic patients who underwent CABG, perioperative glycemia was equilibrated by using a new aggressive protocol (Group A). In-hospital morbidity and mortality observed in these patients was compared to that observed in 200 diabetic patients who underwent CABG before the protocol was implemented (group B). Results : Preoperative data were similar in the two groups. The mean number of grafts was 2.6 per patient, and the left internal thoracic artery was used in 98 % of cases. Use of the two internal mammary arteries increased from 16 % in group B to 38 % in group A (p< 0.05). However, the rates of wound infection and mediastinitis were similar in the two groups (4 %), as was the rate of other complications. In contrast, in-hospital mortality was twice as lower in group A (1.5 %) than in group B (3.5 %). One-quarter of the patients used insulin, and the rate of infectious complications was higher in this subgroup ; however, in-hospital mortality was similar to that among diabetic patients not requiring insulin (2 %). Use of the protocol did not affect the outcome of patients requiring insulin. Conclusion : Better medical and surgical management of diabetic patients is improving the outcome of CABG surgery, with results now similar to those obtained in non diabetic patients. The use of mammary arteries improves long-term survival. Surgical revascularization remains the most effective treatment for diabetic patients whose coronary artery lesions do not qualify for endovascular revascularization

La prévalence du diabète ne cesse de croître. Parmi les patients diabétiques, 90 à 95 % présentent un diabète de type 2, facteur de risque puissant de la maladie athéromateuse. La localisation coronaire de cette maladie présente de nombreuses particularités.

À côté des lésions proximales habituelles de l’athérosclérose, le diabète se caractérise par la présence fréquente de lésion distales. Le pronostic de l’athérome coronarien chez ces patients est plus sévère que chez les patients non diabétiques quel que soit le traitement.

Il est actuellement démontré qu’un équilibre rigoureux de la glycémie pendant la période péri-opératoire permet de diminuer la morbi-mortalité post-opératoire [1, 2]. Nous rapportons notre expérience récente d’utilisation d’un protocole d’équilibre strict de la glycémie péri-opératoire. Nous avons comparé les résultats obtenus en utilisant ce protocole avec ceux observés préalablement à sa mise en place.

PATIENTS ET MÉTHODE

Parmi les 10 762 patients opérés de revascularisation chirurgicale coronaire dans le Groupe hospitalier Pitié-Salpétrière entre 1990 et 2004, la proportion de patients diabétiques a progressivement augmenté, passant de 19,27 % en 1990 à 33,58 % en 2004, dont 9 % de diabétiques insulino-dépendants (DID) dans les années les plus récentes. Cette augmentation était constatée aussi bien pour les hommes chez lesquels le taux de diabétiques passait de 18,9 % à 32,4 % que pour les femmes :

21,4 % à 37,3 %.

Face à cette évolution et aux complications post-opératoires rencontrées chez ces patients, nous avons mis en place, en Novembre 2002, un protocole de contrôle péri-opératoire strict de la glycémie. Ce protocole comporte :

— en pré-opératoire, le traitement de tous les patients diabétiques par des injections d’insuline sous cutanée.

— en per-opératoire, l’utilisation d’une perfusion continue d’insuline dont le débit est adapté en fonction de la surveillance de la glycémie toutes les 30 minutes afin d’obtenir une glycémie inférieure à 10 mmol/L.

— en post-opératoire immédiat un traitement adapté afin d’obtenir une glycémie inférieure à 7 mmol/L :

• Les patients ayant un diabète non insulino-dépendant (DNID) de type II et ne présentant pas de complication sont traités par insuline sous-cutanée adaptée à la surveillance de la glycémie toutes les 4 heures.

• Les patients ayant une DID, ceux présentant une instabilité hémodynamique ou ayant nécessité un débit d’insuline per-opératoire supérieur à 2 U/h sont traités par insuline IV avec une surveillance horaire de la glycémie.

Une fois le protocole mis en place, nous avons analysé de façon prospective les résultats obtenus chez 200 patients diabétiques consécutifs opérés de pontages coronaires (de janvier à novembre 2003 : groupe A). Nous avons comparé ces résultats à ceux obtenus chez 200 patients diabétiques opérés de pontages coronaires avant la mise en place du protocole (d’octobre 2001 à octobre 2002 ; groupe B). Le tableau 1 résume les caractéristiques des patients. La seule variable retrouvée différente entre les 2 groupes était la fraction d’éjection : groupe B, 52 % ; groupe A, 56 % ; p<0,05. Toutefois le pourcentage de patients ayant une fraction d’éjection altérée (< 35 %) était identique entre les deux groupes.

En ce qui concerne les comorbidités associées, 71,5 % des patients avaient un hypertension, 10,5 % une maladie pulmonaire chronique obstructive, 6,5 % un antécédent d’accident vasculaire cérébral, 12 % un infarctus du myocarde de moins de six semaines. 19 % des patients avaient une sténose de plus de 50 % du tronc commun coronaire gauche, 2,5 % avaient un antécédent de chirurgie cardiaque et 9 % nécessitaient une chirurgie valvulaire associée aux pontages et 16 % au moins un antécédent d’angioplastie.

TABLEAU 1. — Données préopératoires des patients.

Groupe A Groupe B Age 65 66 Age > 75 ans 20 % 20 % Index Masse Corporelle 28 27 Index Masse Corporelle> 30 25,5 % 23 % Fraction d’éjection VG 52 56 Fraction d’éjection VG < 35 % 13 % 9 % % diabète insulino-dépendant 26,5 % 24,5 % RÉSULTATS

Le nombre de pontages réalisés par patient était identique dans chaque groupe (2,6 pontages par patient). L’artère mammaire interne gauche a été utilisée dans 97,5 % des cas chez les patients du groupe B et dans 98,5 % dans le groupe A. Le pourcentage de patients ayant des pontages avec les deux artères mammaires internes était deux fois plus élevé dans le groupe A : 38 % vs 16 % (p<0,05). Malgré cela, le taux d’infections pariétales et de médiastinites était de 4 % dans les deux groupes. Nous n’avons pas noté de différence en ce qui concerne la morbidité :

complications pulmonaires : 4,5 %, complications neurologiques : 2 %, dialyse :

0,75 %. La durée moyenne du séjour hospitalier était de huit jours dans les deux groupes.

La mortalité hospitalière tendait à être inférieure dans le groupe A : 1.5 % vs 3,5 %.

Ce résultat était à la limite de la significativité Parmi les 400 patients diabétiques, 102 avaient un DID. Les patients du groupe DID étaient significativement plus jeunes (63 vs 66 ans), étaient plus souvent des femmes (32 % vs 20,8 %) et avaient une fonction systolique ventriculaire gauche plus altérée (50 % vs 55 %). Les autres données pré-opératoires étaient comparables à l’exception du taux d’infarctus datant de plus de 6 semaines significativement plus élevé dans le groupe DID (28,4 % vs 21,6 %). La mortalité était comparable dans les deux groupes (2 % vs 2,6 %). La morbidité post-opératoire était plus élevée dans le groupe DID (21,5 % vs 12,4 %). Notamment, le taux de médiastinites était plus élevé dans le groupe DID (7,8 % vs 3,2 %) malgré un plus faible pourcentage de doubles mammaires (20,5 % vs 29 %). Par contre, chez les patients du groupe DID, l’utilisation du protocole n’a pas entraîné de modification des résultats.

DISCUSSION

Épidémiologie

La prévalence de la maladie coronaire chez les patients atteints d’un diabète de type II est de l’ordre de 40 % (prévalence ajustée à l’âge) et les complications aiguës ou
chroniques de cette maladie coronaire sont responsables de plus de la moitié des décès des patients diabétiques[3]. Plusieurs études ont montré que la susceptibilité à la maladie coronaire et la mortalité de la maladie coronaire étaient au moins deux fois plus élevées chez les patients diabétiques en comparaison des patients non diabétiques.

Particularité des atteintes coronaires chez le patient diabétique — Les atteintes coronaires des patients diabétiques sont plus souvent pluritronculaires . Dans la série de Henry et al. portant sur 820 patients coronarographiés pour une suspicion de maladie coronaire, 16 % étaient diabétiques. Chez ces derniers, les trois-quarts des lésions coronaires étaient bi ou tritronculaires (44 % bi-, 31 % tri) contre seulement la moitié chez les patients non diabétiques (31 % bi-, 22 % tri) [4].

L’atteinte coronaire touche indifféremment les 3 troncs principaux. Dans la série de Natali et al, les atteintes du tronc commun étaient plus fréquentes (30,5 % vs 15,1 %) de même que les sténoses sévères (> 90 %) [3].

— Les lésions coronaires des patients diabétiques sont plus souvent diffuses et distales

La fréquence des localisations proximales des lésions coronaires est identique que les patients soient diabétiques ou non. Par contre, les lésions sont significativement plus diffuses chez les patients diabétiques, que l’on considère chaque artère coronaire séparément ou l’arbre coronaire dans sa globalité [3, 4]. Enfin, les artères collatérales sont moins développées chez les patients diabétiques [5].

— Les lésions coronaires des patients diabétiques sont le plus souvent de type tubulaires, régulières et calcifiées

Kasaoka et al ont analysé l’aspect angiographique des lésions coronaires en fonction des facteurs de risque chez 458 patients ayant une symptomatologie coronariennes [6]. Ils ont montré que les patients ayant un diabète ou une hypertension avaient plus souvent des lésions tubulaires et régulières alors que les patients hypercholestérolémiques avaient essentiellement des lésions courtes et excentriques.

Par ailleurs, plusieurs études décrivent une association significative entre le diabète et la présence de calcifications coronaires [7, 8].

Gravité de la maladie coronaire chez les patients diabétiques

Différents facteurs ont été avancés pour expliquer l’augmentation de la morbimortalité coronarienne chez les patients diabétiques : le cumul des facteurs de risque, la sévérité des lésions coronaires, le caractère souvent silencieux de l’ischémie myocardique.

Dans l’étude de Ledru et al. , les patients ayant un diabète considéré comme modéré (glycémie à jeun entre 7 et 7,5 mM/L) avaient une distribution des lésions coronaires
comparable aux patients non diabétiques à l’exception d’une plus grande fréquence des lésions de moins de 50 % [9]. Henry et al. retrouvaient le même résultat avec 50 % de lésions inférieures à 75 % chez les patients diabétiques versus 30 % chez les autres patients [4]. Ces lésions qui retentissent peu ou pas sur la vascularisation coronaire sont connues pour être sujettes à la rupture sur plaque et à l’occlusion, pouvant expliquer la plus grande fréquence d’infarctus du myocarde et de troubles de la cinétique segmentaire chez les patients diabétiques, même en cas de diabète de gravité modérée.

De plus, il est de mieux en mieux démontré que les anomalies métaboliques qui caractérisent le diabète et notamment l’hyperglycémie, ont un impact majeur sur la dysfonction endothéliale et la réponse inflammatoire vasculaire [10].

Diabète et pontages — Population

La proportion de patients diabétiques dans les séries de pontages coronaires varie de 12 à 38 % [11]. Cette proportion a augmenté au cours de la dernière décennie, tout comme celle des autres comorbiditées (Tableau 2) [12]. Pour un âge comparable, les patients diabétiques opérés de pontages coronaires présentent significativement plus de comorbidités que les patients non diabétiques : hypertension artérielle, insuffisance respiratoire chronique, antécédent d’accident vasculaire cérébral [13]. La proportion de femmes est plus importante chez les patients diabétiques opérés de pontages (28 % vs 20 % dans l’étude de Szabo et al. ) [14, 15], de même que le taux de patients tritronculaires, insuffisants cardiaques ou ayant un antécédent d’infarctus du myocarde [15]. Ces caractéristiques étaient retrouvées dans notre série.

TABLEAU 2. — Évolution de la fréquence des comorbidités chez les patients opérés de pontages coronaires (hôpital Sunnybrok, Toronto) [12].

1990-1992 1993-1995 1996-1998 N patients 1253 1640 1946 % diabétiques 18.6 23.6 26.7 % Age >70 ans 15.2 22 25.8 % Insuffisance rénale chronique 2.2 2.7 8.5 % Vasculopathie périphérique 11 10 20.7 % ATCD AVC 5 5.8 6.7 % FEVG < 35 % 10.4 19.4 20.5
— Points techniques

Le choix des greffons est un des points essentiels de la revascularisation chirurgicale des patients diabétiques. Les greffons artériels et notamment mammaires internes permettent d’améliorer les résultats tant à court terme qu’à long terme (cf infra).

Par ailleurs, Lorusso et al. ont montré que les greffons veineux saphènes des patients diabétiques présentaient une dysfonction et des lésions dégénératives endothéliales, alors que chez ces mêmes patients, les caractéristiques des greffons mammaires étaient préservées [16].

Bien entendu, l’utilisation des artères mammaires a été décrite comme un facteur de risque d’infection chez les patients diabétiques. Toutefois, il a été montré que le prélèvement des artères mammaires de façon squelettisée (c’est-à-dire en laissant en place les veines satellites et le fascia) permettait de réduire ce risque au même niveau que celui existant chez les patients non diabétiques [17, 18].

En parallèle du choix des greffons, différentes techniques permettent d’adapter le traitement chirurgical aux lésions diffuses et distales. Les implantations des greffons peuvent être réalisées sur la partie distale des artères coronaires. En cas de lésion diffuse, l’artériotomie peut intéresser un long segment de l’artère coronaire. Enfin, en cas d’occlusion artérielle, il est possible de réaliser une endartériectomie.

— Résultats

La mortalité post-opératoire après pontage coronaire est significativement plus élevée chez patients diabétiques. Même après ajustement sur les autres facteurs de risque, la mortalité post-opératoire des patients diabétiques est 1,2 à 1,8 fois plus importante que celle observée chez les patients non diabétiques (3,74 % vs 2,7 % dans la base de données de la Society of Thoracic Surgeons [19]). Parmi les causes de décès, 60 % sont d’origine cardiaque (taux identique chez les patients non diabétiques), 12 % d’origine neurologique (contre 9,6 % chez les non diabétiques) et 5 à 7 % d’origine infectieuse.

Plusieurs études montrent par ailleurs une augmentation de la morbidité post opératoire chez les patients diabétiques, indépendamment des facteurs de risque associés. Les médiastinites et les infections de paroi sont plus fréquentes (1,3 % vs 0,2 % pour les médiastinites et 4,3 % vs 1,5 % pour les infections de paroi dans la série de Szabo et al [14]), surtout chez les patients insulino-dépendants.

À distance de la chirurgie, la courbe de survie des patients diabétiques diverge de celle des patients non diabétiques. A 5 et 10 ans et après correction pour les différences pré-opératoires, Thourani et al. rapportaient des survies respectives de 82 % et 59 % chez les patients diabétiques contre 88 % et 70 % chez les patients non diabétiques [15]. Une différence significative est retrouvée selon que les patients sont insulino-dépendants ou non. Dans l’étude de Leavitt et al. l’incidence annuelle des décès (% patients/année) était de 3,1 % chez les patients non diabétiques, de 4,4 % chez les patients présentant un diabète non compliqué, et de 8,4 %, 16.3 % et 26,3 %
lorsque le diabète était compliqué de vasculopathie périphérique, d’insuffisance rénale ou des deux [11].

— Amélioration de la prise en charge des patients diabétiques opérés par pontages coronaires.

Un contrôle rigoureux de la glycémie comme dans l’étude de Furnary et al . (par un protocole d’insulinothérapie intraveineuse continue) a permis de diminuer la mortalité post-opératoire de moitié (2,5 % vs 5,3 % en utilisant un protocole d’insuline sous-cutanée) [1]. Nous rapportons une diminution similaire de la mortalité dans notre étude. La même équipe a par ailleurs montré qu’un contrôle étroit de la glycémie permettait de diminuer l’incidence des infections profondes de façon significative. Dans notre étude, malgré un doublement de la fréquence d’utilisation des deux artères mammaires dans le groupe A, le taux de médiastinites est resté stable.

Le choix des greffons utilisés pour la revascularisation est important. Il a été montré que l’utilisation de l’artère mammaire interne gauche chez les patients diabétiques était associée à une réduction de la mortalité post-opératoire ainsi qu’à moyen et long terme. Ainsi, dans l’étude de Szabo et al. , la mortalité opératoire était de 2,3 % dans le groupe de patients pontés avec l’artère mammaire interne gauche contre 8 % chez les autres patients. À six mois, cette différence était plus importante : 3,9 % contre 12 % [14]. L’avantage de l’utilisation des deux artères mammaires n’est pas démontré. Toutefois, Lev-ran et al. ont rapporté une survie à cinq ans de 82 % chez des patients diabétiques chez lesquels les deux artères mammaires étaient utilisées [20, 21].

— Comparaison avec les techniques de revascularisation per-cutanées et indications

Plusieurs études ont rapporté une morbi-mortalité immédiate comparable après angioplastie, que les patients soient ou non diabétiques.

Les résultats à long terme de l’angioplastie chez les patients diabétiques restent beaucoup plus controversés. L’étude BARI comparant revascularisation endoluminale et chirurgicale, retrouvait une surmortalité de 34,7 % à cinq ans dans le groupe endoluminal [22]. Notamment, après angioplastie, les patients diabétiques sont à plus haut risque d’occlusions coronaires avec pour corollaire une altération de la fonction ventriculaire et une réduction de l’espérance de vie. Toutefois, des études plus récentes montrent que l’utilisation de stents permet de diminuer le taux de resténose à six mois de 62 % à 27 % et celui d’occlusion de 23 % à 4 % [23]. De ce fait, la fréquence du critère combiné (Décès/infarctus de myocarde) diminuait de 26 % à 14,8 %. Malgré cette amélioration des résultats, les patients diabétiques présentent cinq ans après l’angioplastie un risque myocardique plus important que les patients non diabétiques, risque qui n’est pas retrouvé après chirurgie [24].

Les progrès parallèles des techniques endovasculaires et de la chirurgie permettent très certainement de sélectionner au mieux les patients diabétiques pouvant bénéficier de l’une ou l’autre techniques. On peut ainsi affirmer que les lésions proximales, localisées, courtes peuvent être traitées par des techniques endovasculaires avec des
résultats acceptables. Par contre, les lésions sévères multitronculaires diffuses et calcifiées relèvent avant tout de la chirurgie. Les progrès réalisés dans la prise en charge péri-opératoire des patients diabétiques ont permis une amélioration des résultats qui sont proches de ceux observés chez les patients non diabétiques.

Notamment, un équilibre glycémique rigoureux permet de limiter la morbimortalité post-opératoire et l’utilisation de greffons artériels assure d’excellents résultats à long terme avec très peu de revascularisations itératives.

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DISCUSSION

M. Claude JAFFIOL

La prévention secondaire est essentielle pour le pronostic fonctionnel et vital des diabétiques opérés ou « stentés ». Pouvez-vous préciser le niveau d’équilibre glycémique, tensionnel et lipidique des diabétiques suivis par vos soins ou recueillis dans les statistiques de la littérature afin d’évaluer les chances de survie en fonction de leur état ? Une amélioration certaine tiendrait à une meilleure organisation des soins en particulier pour les diabétiques non insulinodépendants dont la proportion est majoritaire.

Dans l’étude de Sprecher et al. [1] portant sur 6.428 patients ayant eu une revascularisation coronaire chirurgicale, le « deadly quartet » anglosaxon (obésité, diabète, hypertension, hypertriglycéridémie) était présent chez 10 % de hommes et 21 % des femmes. À dix ans, la mortalité en cas d’association d’au moins trois de ces facteurs de risque était deux fois plus importante chez les hommes et cinq fois plus importante chez les femmes en comparaison des patients n’ayant aucun de ces facteurs de risque. Ces résultats montrent l’importance de la prévention secondaire de la maladie coronaire chez les
patients révascularisés. Les recommandations de l’ACC-AHA sur le sujet sont les suivantes [2] : Taux de LDL < 100, Hb A1c < 7 %. Pression artérielle : 140/90 chez la plupart des patients, 130/85 en cas d’insuffisance rénale ou d’insuffisance cardiaque, 130/80 chez les patients diabétiques. Poids : 18,5<index de masse corporelle<24,9.

Tabac : arrêt complet. Activité physique : peu de ces recommandations reposent sur des études randomisées réalisées chez des patients après revascularisation chirurgicale [3].

Un certain nombre d’études montrent que ces recommandations ne sont que partiellement suivies. L’AHA rapporte un taux de compliance aux recommandations de [2] : 31 % pour les lipides, 45 % pour le diabète, 25 % pour les chiffres tensionnels, 10 % pour le poids, 48 % pour l’arrêt du tabac.


* Membre de l’Académie nationale de médecine. ** Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, Groupe hospitalier Pitié-Salpétrière, 47-83 Bd de l’hôpital. 75013 Paris. Tirés-à-part : Professeur Iradj GANDJBAKHCH, même adresse. Article reçu et accepté le 17 janvier 2005.

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 2, 257-267, séance du 1er février 2005