Résumés des séances de l’Académie*
* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot
« Les vascularites systémiques : innovations marquantes »
Introduction, Pr Loïc GUILLEVIN, Membre de l’Académie nationale de médecine, Groupe Français d’Étude des Vascularites, Hôpital Cochin, Université Paris-Descartes.
Des progrès majeurs ont été enregistrés ces dernières années dans la compréhension pathogénique, la classification (Chapel Hill Consensus) et le traitement des vascularites systémiques, maladies inflammatoires altérant la paroi des vaisseaux et conduisant à leur thrombose. Elles sont de deux types : i) Les vascularites non nécrosantes : l’artérite à cellules géantes (ACG) ou maladie de Horton et la maladie de Takayasu touchent les gros vaisseaux et peuvent aboutir à une obstruction vasculaire. La pathogénie de l’ACG implique une prolifération intimale faite de myofibroblastes, favorisée par un certain nombre de facteurs de croissance, médiés par des cytokines, IL-17, interféron gamma, IL-6, facteurs qui peuvent être ciblés par des médicaments nouveaux, des biothérapies, tel le tocilizumab, qui trouvent leur place aux côtés de la corticothérapie et pourraient un jour s’y substituer ; ii) les vascularites nécrosantes touchent les petits vaisseaux ; elles sont associées à la présence d’anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) qui a conduit à mieux définir et classer ces maladies : la granulomatose avec polyangéite (GPA) (ex-maladie de Wegener) et la polyangéite microscopique (PAM). Ces ANCA sont pathogènes et le traitement conventionnel qui associe corticoïdes et immunosuppresseurs, ne réduit toutefois pas le nombre des rechutes. Le rituximab, un anticorps monoclonal ciblant les lymphocytes CD20, a montré une efficacité bonne en induction et meilleure en traitement d’entretien. La granulomatose éosinophilique avec polyangéite (GEPA), ex-syndrome de Churg-Strauss (avec asthme), est une vascularite associée aux ANCA mais différente de la GPA et de la PAM. Deux présentations cliniques sont observées témoignant sans doute du rôle des ANCA dans l’un, de l’IL-5 dans l’autre. En alternative aux corticoïdes ± immunosuppresseurs, des essais sont en cours avec le rituximab, mais aussi avec l’anti IL-5 mépolizumab.
La prise en charge thérapeutique progresse : de nouvelles stratégies reposant non seulement sur de nouveaux médicaments mais sur des traitements adaptés à une classification raisonnée des vascularites et à une compréhension des mécanismes pathogéniques, orientent les décisions de traitement.
Artérite à cellules géantes : de la physiopathologie aux nouvelles cibles thérapeutiques. Dr Maxime SAMSON, Service de Médecine Interne et Immunologie Clinique, Hôpital François Mitterrand, CHU de Dijon ; Université Bourgogne-Franche Comté, INSERM, EFS BFC, UMR1098, Dijon.
L’artérite à cellules géantes (ACG) est une vascularite granulomateuse atteignant les artères de gros calibre, notamment l’aorte, les artères carotides et temporales. Il s’agit de la vascularite la plus fréquente de l’adulte de plus de 50 ans. Une prédisposition génétique, HLA de classe II, a été observée. Le rôle déclenchant de virus (herpes, varicelle-zona) reste incertain. Le modèle physiopathologique de l’ACG en 4 phases aboutit à une hyperplasie intimale artérielle par prolifération de cellules musculaires lisses (CML) dans la paroi. Le rétrécissement progressif de la lumière vasculaire entraine asthénie, céphalées, accident oculaire ischémique, avec un syndrome inflammatoire important. La biopsie de l’artère temporale montre des lésions spécifiques. Le traitement classique de l’ACG comprend une corticothérapie à 0,7 à 1mg/kg 4 à 6 mois, efficace cliniquement mais sans effet sur l’obstruction vasculaire. Un patient sur deux rechute et la reprise de corticoïde associé au méthotrexate est favorable. D’autres cibles thérapeutiques sont identifiées : anti IL-6, un anticorps monoclonal le tocilizumab est efficace mais le suivi difficile à gérer. D’autres pistes sont à l’étude : blocage de l’activation lymphocytaire par l’abatacept, peu convaincant ; inhibition de la voie de l’IL-12 et de l’IL-23 par l’ustekinumab, en phase préliminaire ; inhibition de la voie de l’IL-1β par l’anakinra ; inhibiteurs des JAK (Janus Kinase) par tofacitinib, baracitinib, upadacitinib : aucun patient atteint d’ACG n’a encore été traité par ces inhibiteurs prometteurs.
La corticothérapie reste le traitement de référence de l’ACG. Cependant, bien que remarquablement efficace, son sevrage est difficile et elle est source d’effets indésirables rendant nécessaire le développement de stratégies d’épargne en corticoïdes. Il n’est pas encore démontré que les thérapies ciblées, souvent coûteuses, aient un effet sur le remodelage vasculaire qui reste un objectif thérapeutique non atteint au cours de l’ACG.
Traitement de l’artérite de Takayasu : place de l’imagerie dans l’exploration de la maladie et conséquences interventionnelles, DrTristan MIRAULT, Centre de référence des maladies vasculaires rares, Hôpital européen Georges Pompidou, APHP, Paris.
L’artérite de Takayasu (AT), artérite non nécrosante, est une vascularite inflammatoire chronique qui affecte les vaisseaux de gros calibre, l’aorte et ses branches principales. L’inflammation de la paroi artérielle conduit à son épaississement, sa fibrose et à une sténose. Les lésions artérielles peuvent se manifester par claudication de membre, accident cérébral ischémique transitoire ou constitué, hypertension artérielle réno-vasculaire. Ces symptômes étant peu spécifiques l’imagerie a pris une place importante dans le diagnostic de la maladie.
L’échographie (échoDoppler) repère un épaississement circonférentiel et homogène, sur un segment long et continu de l’artère explorée. La concordance entre artériographie et échographie sur l’évaluation des sténoses, occlusions, et dilatations carotidiennes est retrouvée à 86%. La tomodensitométrie avec produit de contraste (angioTDM) visualise l’épaississement pariétal caractéristique de l’AT. L’avantage de l’angioTDM par rapport à l’échographie est l’excellente résolution spatiale couvrant l’ensemble de l’arbre artériel. Les performances de l’angiographie par résonance magnétique (angioIRM) 1,5 Teslas sont meilleures que l’IRM en comparaison de l’artériographie.
Pour le suivi, l’activité inflammatoire de l’AT est plus difficile à évaluer par échoDoppler que par l’imagerie en coupe (angioTDM, angioIRM). L’imagerie fonctionnelle par topographie par émission de positons (TEP) couplée à la tomodensitométrie (TEP-TDM) avec fluorodéoxyglucose marqué au fluor18 (18F-FDG) est utilisée depuis peu : une de ses limites est la variabilité d’interprétation du caractère hyperfixiant des lésions artérielles, qui témoignerait d’une activité inflammatoire. Il existe des discordances entre activité clinique et TEP-TDM.
La morbidité de l’AT à long terme est corrélée à l’ischémie des membres et des viscères. Une sténose des artères rénales fait proposer une angioplastie : Les résultats initiaux sont bons dans 80 % des cas, mais une resténose est la complication la plus fréquente. L’atteinte coronarienne est également un site habituel d’angioplasties : un taux de resténose de 48% a été rapporté malgré l’utilisation de stents médicamenteux. Le recours à une chirurgie est parfois nécessaire mais il faut toujours éviter de traiter les lésions artérielles en période inflammatoire. L’angioplastie en cas de sténose symptomatique des troncs supra-aortiques, voire de sténose de l’aorte, peut s’envisager comme une alternative à la chirurgie lorsqu’elle est techniquement envisageable.
Pour conclure, la place de l’imagerie dans le diagnostic de l’AT est fondamentale, car les signes cliniques et biologiques sont non spécifiques et peu sensibles, alors que les données en imagerie, épaississement artériel, atteinte de l’aorte et ses branches, sont assez caractéristiques. La difficulté dans l’AT est l’absence de certitude pour classer la maladie comme active ou inactive. La clinique et la biologie peuvent être pris en défaut. La décision d’effectuer une intervention de revascularisation doit être mesurée sur l’impact pronostique de la lésion à traiter.
Granulomatose éosinophilique avec polyangéite : pathogénie et conséquences thérapeutiques, Pr Benjamin TERRIER, Service de médecine interne, Hôpital Cochin, APHP, Paris.
La granulomatose éosinophilique avec polyangéite (GEPA), anciennement appelée syndrome de Churg-Strauss, est une vascularite systémique, nécrosante, des vaisseaux de petit calibre, appartenant au groupe des vascularites associées aux anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA). Elle se distingue des autres vascularites associées aux ANCA (VAA), d’une part par sa présentation clinique particulière associant un asthme d’apparition tardive, cortico-dépendant, et une hyperéosinophilie sanguine et tissulaire, d’autre part par la présence d’ANCA chez seulement un tiers des patients. La GEPA est la plus rare des VAA, avec une prévalence en France qui était estimée à 11 par million d’adultes en 2000. Elle partage des similitudes physiopathologiques avec l’asthme, avec les maladies à éosinophiles, et avec les autres vascularites à ANCA. Les études physiopathologiques sont très rares dans la GEPA, expliquant pourquoi les avancées thérapeutiques sont en retard comparativement aux autres VAA.
Le ou les facteurs étiologiques spécifiques sont inconnus. Cependant, on suggère l’existence d’une activation lymphocytaire T déclenché par des allergènes et/ou antigènes spécifiques.
Concernant l’agression de l’épithélium respiratoire, le rôle physiopathologique de l’éosinophile est largement retenu. L’hypothèse est celle d’une augmentation réactionnelle du taux d’éosinophiles aux taux élevés d’IL-5. Ainsi, les anticorps ciblant l’IL-5 comme le mépolizumab représentent une stratégie thérapeutique de choix. L’essai prospectif international MIRRA (2017) a démontré la supériorité du mépolizumab comparativement au placebo pour contrôler la GEPA chez des patients considérés comme réfractaires ou en rechute. Très prochainement va débuter une nouvelle étude ciblant la même population de patients que l’essai MIRRA, visant à démontrer la non-infériorité du benralizumab comparativement au mépolizumab. Le benralizumab est un anticorps monoclonal ciblant le récepteur de l’IL-5, et qui a l’avantage d’induire une déplétion directe des éosinophiles par apoptose, aux niveaux sanguin et tissulaire, ce que ne fait pas le mépolizumab.
La réponse lymphocytaire Th1 pourrait favoriser la formation du granulome extra-vasculaire qui caractérise le GEPA. Les lymphocytes Th17, connus pour leur rôle dans la défense contre les pathogènes extra-cellulaires, pourraient être impliqués dans l’inflammation bronchique et les exacerbations d’hyperréactivité bronchique.
La présence chez un tiers des patients d’ANCA anti-MPO (anti-myéloperoxydase) confère un phénotype clinique particulier à la GEPA, caractérisé par la présence plus fréquente d’une atteinte rénale, d’une hémorragie intra-alvéolaire ou de lésions cutanées.
L’activation des éosinophiles est à l’origine de la libération des protéines dites cationiques, contenues dans leurs granules. Tous les organes peuvent être touchés, notamment les voies respiratoires, le système gastro-intestinal ou les nerfs périphériques, mais le cœur représente la principale cible avec un risque de cardiomyopathie et de fibrose endomyocardique.
La GEPA s’avère une vascularite complexe, aux mécanismes mal connus, expliquant que la prise en charge thérapeutique validée à ce jour repose sur des traitements peu spécifiques, comme les corticoïdes et les immunosuppresseurs. L’utilisation de thérapies ciblées est cependant en cours d’évaluation.
Maintien de la rémission des vascularites associées aux anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA). Quel traitement d’entretien ? Pr Loïc GUILLEVIN, Membre de l’Académie nationale de médecine.
La plupart des vascularites associées aux anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) sont contrôlées par un traitement d’induction corticoïde, associé au cyclophosphamide s’il existe des facteurs de mauvais pronostic. Le traitement d’entretien comprend classiquement des immunosuppresseurs comme l’azathioprine ou le méthotrexate. De nouvelles approches thérapeutiques ont été proposées. Le rituximab, un anticorps monoclonal IgG1 chimérique souris-homme ciblant les lymphocytes B CD20+, utilisé en traitement d’induction, a un effet prolongé qui a conduit certains auteurs à ne pas proposer de traitement d’entretien une fois la rémission obtenue, et à ne traiter que les rechutes. Cependant, en raison du taux élevé de rechutes, la majorité des médecins spécialistes recommande une prévention par un traitement immunosuppresseur, classiquement par l’azathioprine, ou le méthotrexate ou plutôt une biothérapie. L’approche ici proposée, fondée sur des études prospectives, randomisées, est de maintenir la rémission grâce à des perfusions séquentielles de rituximab La durée optimale du traitement n’est pas établie mais pourrait être orientée par des paramètres cliniques (rechutes précédentes), le type d’ANCA et leur persistance dans le temps. L’évaluation d’un autre anticorps monoclonal, le mépolizumab est en cours. Le rôle des corticoïdes pour prévenir les rechutes est discuté.
En conclusion, une bonne classification des vascularites systémiques, une meilleure connaissance de leur physiopathologie, et le recours à de nouvelles thérapeutiques ciblées devraient permettre un taux de survie de 100%…