Communications
Contribution au diagnostic et à la prise en charge du diabète sucré en Côte d’Ivoire par Adrien LOKROU LOHOURIGNON (Professeur, Service d’endocrinologie-diabétologie CHU de Yopougon, Abidjan, Côte d’Ivoire)
L’acidocétose diabétique reste encore préoccupante en Afrique, en raison de sa prévalence et de sa mortalité élevée. Nous avons développé un programme interventionnel pour infléchir la courbe de mortalité de cette complication. Sur 2400 patients diabétiques inclus dans cette étude, 737 (30,7 %) ont présenté une acidocétose, évoquée uniquement – en l’absence de réalisation d’une gazométrie – devant une glycémie au-delà de 3 g/l et la présence de corps cétoniques dans les urines. L’utilisation de la perfusion continue d’insuline par la macropompe autopulseuse a permis d’améliorer le pronostic de l’affection, car le taux de mortalité est passé de14% à 5,1 %. La clé de la prise en charge de l’acidocétose réside, en Afrique, comme partout ailleurs, dans sa prévention par l’éducation thérapeutique. Le « pied diabétique » se caractérise par une prévalence élevée et un fort taux de mortalité. Dans les cas graves, il peut conduire à une amputation au niveau des membres inférieurs. Ce constat, et la nécessité d’actions de prévention multidisciplinaire, nous ont amenés à créer dans le service d’endocrinologie-diabétologie, une Unité de soins et de recherche destinée à la prise en charge du pied diabétique. Cette stratégie nous a permis de réduire, de manière significative, le taux d’amputation qui était de 63% et celui de mortalité qui était de 16%.
Une étude rétrospective, portant sur les formes cliniques particulières de la maladie diabétique, a permis de colliger 44 cas de diabète sucré atypique à tendance cétosique (DSATC) parmi 896 patients présentant un diabète décompensé hospitalisés ; soit 4,9 % des cas. Les patients inclus présentaient un diabète caractérisé à l’admission par une acidocétose franche ou une cétose sans acidose, sans facteur déclenchant identifié. L’évolution, rapidement favorable, a été par la suite marquée par l’apparition d’une rémission prolongée permettant de remplacer l’insuline par des antidiabétiques oraux dans 88,6 % des cas. La difficulté de réaliser un régime pauvre en glucides en Afrique subsaharienne reste un problème. Cette nouvelle série consacrée au DSATC est la première rapportée en Afrique subsaharienne et témoigne vraisemblablement de l’émergence des diabètes atypiques sur ce continent.
Le syndrome hyperglycémique hyperosmolaire se caractérise habituellement par son pronostic péjoratif avec des taux de mortalité pouvant atteindre 15 % en moyenne dans les centres les mieux équipés. Ce pronostic pourrait être amélioré par un diagnostic plus précoce.
Nous avons décrit les données épidémiologiques, cliniques, biologiques, thérapeutiques et évolutives d’une série de 53 patients observés parmi 896 patients admis pour diabète incontrôlé. Le tableau clinique était plutôt modéré, avec seulement 17,0 % de cas de déshydratation et 5,7 % d’obnubilation. La glycémie capillaire était de 5,45 ± 0,3 g/l et l’osmolarité plasmatique de 322,5 ± 21,7 mOsm/l à l’admission. Sous insulinothérapie intensive, l’évolution a été favorable dans 98 % des cas.
L’organisation d’un dépistage précoce du diabète en Côte d’Ivoire est en cours dans les centres de santé et l’utilisation d’un réseau par téléphonie mobile à l’étude.
Enseigner la complexité dans les études médicales par Olivier BORY (Interne de médecine générale, Sorbonne Université, 15-21 Rue de l’École de Médecine, Paris)
La complexité se définit comme un état ou un ensemble d’éléments divers et entremêlés. Appréhender la complexité en santé repose sur la capacité à relier des dimensions de nature différente, biologique, physique, psychologique, sociale et spirituelle. À l’échelon du patient, cette capacité conduit à des décisions médicales pouvant être simples, compliquées, voire complexes dans les pathologies chroniques ou les états polypathologiques. Les échelons collectif (le travail pluriprofessionnel et interdisciplinaire) et systémique (l’offre de soins) sont aussi contributifs à la pertinence de ces décisions. L’enseignement médical doit permettre à l’étudiant l’appréhension de la complexité en santé et l’apprentissage des décisions complexes. L’enseignement de la complexité en santé doit aussi intégrer une ouverture aux humanités en santé, favoriser la curiosité de l’étudiant pour les arts et la beauté des sciences. Il doit enfin s’appuyer sur l’enjeu de la responsabilité sociale des facultés et du mandat de servir, la recherche de l’exigence scientifique et clinique, l’importance de l’interdisciplinarité et de l’interdépendance des dimensions individuelle et systémique, pour permettre à l’étudiant de mieux saisir la complexité du réel. Le compagnonnage pendant les stages hospitaliers est essentiel et, au-delà de la participation à la marche du service, le tuteur doit s’investir dans la formation. Une simplicité de langage dans le dialogue avec le patient doit être acquise.
COVID-19 chez l’enfant : syndrome inflammatoire multi-systémique lié à SARS-CoV-2 mimant un syndrome de Kawasaki par Jean-Christophe MERCIER (Professeur émérite, Université de Paris, Plateforme COVIDOM, AP-HP, ARS Île de France)
La pandémie due à SARS-CoV-2 est caractérisée par une haute contagiosité et une mortalité élevée chez les adultes à risque (âge supérieur à 65 ans, obésité, diabète, hypertension). Au décours d’une pneumonie virale, survient parfois une phase hyper-inflammatoire compliquée d’une défaillance multi-viscérale dont un Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë (SDRA). Contrairement à la majorité des virus respiratoires, les enfants apparaissent moins susceptibles à SARS-CoV-2 et développent généralement une forme peu sévère, avec une faible mortalité. Cependant, des cas groupés d’états de choc associés à des biomarqueurs cardiaques élevés et à une vasoplégie inhabituelle nécessitant un traitement par inotropes, vasopresseurs et un remplissage vasculaire, ont été récemment décrits. Les symptômes cliniques observés (fièvre élevée et durable, troubles digestifs, rash cutané, injection conjonctivale, chéilite] et le profil biologique inflammatoire [CRP/PCT (procalcitonine) élevées, hyperferritinémie) évoquent un syndrome de Kawasaki atypique qui répond à un traitement par perfusion intraveineuse d’immunoglobulines, complété si besoin par une corticothérapie et/ou une biothérapie anti-IL-1Ra ou anti-IL-6. La majorité des enfants guérit en quelques jours avec cependant une possible dilatation des artères coronaires, imposant un suivi cardiologique. Ainsi, un nouveau syndrome inflammatoire multi-systémique associé à SARS-CoV-2 mimant un syndrome de Kawasaki a été récemment identifié chez l’enfant et aide à mieux comprendre la physiopathologie de ce syndrome d’étiologie restée jusqu’ici inconnue, même si des facteurs génétiques ethniques et la grippe H1N1 ont été suspectés.