Published 3 February 2023

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Brigitte Dréno, François Guilhot, Pierre Miossec, Jean-Baptiste Ricco, Dominique Vuitton

 

Séance du 31 janvier 2023

 « De l’épilepsie aux techniques de stimulation cérébrale : nouveaux enjeux »

Organisation : Jean-Pierre OLIÉ et Raphaël GAILLARD

 

Efficacité et tolérance de l’électroconvulsivothérapie en psychiatrie, une mise au point par Anne SAUVAGET. Unité de neuromodulation en psychiatrie, CHU de Nantes.

Les traitements pharmacologiques des troubles mentaux ne sont pas toujours efficaces et peuvent entraîner des effets indésirables. Les techniques de neuromodulation, invasives et non-invasives représentent des alternatives thérapeutiques intéressantes.

L’électroconvulsivothérapie (ECT) est une technique de neuromodulation cérébrale, utilisée en psychiatrie depuis plus de 80 ans. L’ECT consiste en la réalisation, sous anesthésie générale, d’un stimulus électrique cérébral, le plus souvent bilatéral, appliqué par deux électrodes placées au contact de la peau du patient. La stimulation a pour objectif de créer une crise convulsive généralisée et contrôlée de quelques secondes sous surveillance électroencéphalographique. En France, on estime qu’environ 1% des patients hospitalisés en psychiatrie ont bénéficié d’un traitement par ECT. Les indications principales de l’ECT sont les troubles de l’humeur et les troubles entrant dans le spectre de la schizophrénie.

L’ECT doit être envisagée en première intention dans des situations d’urgence comme certains syndromes catatoniques où le risque suicidaire est élevé. Hormis ces situations d’urgence, l’ECT est considérée par les sociétés savantes comme une thérapeutique de deuxième, ou de troisième ligne selon les indications.

Pour les troubles de l’humeur (dépression), L’ECT a une action thymorégulatrice et permet d’obtenir une amélioration dans 80% des cas et une rémission dans 60% des épisodes dépressifs. Dans les troubles bipolaires de type 1, l’ECT a montré son efficacité avec une diminution plus importante des symptômes maniaques par rapport au traitement usuel, mais avec un niveau de preuve modéré. Dans la schizophrénie, l’ECT est recommandée en seconde intention, pour les patients n’ayant pas répondu au traitement antipsychotique bien conduit.

La mortalité liée à l’ECT est estimée à environ 2,1 cas pour 100 000 ECT. Les événements indésirables les plus fréquents sont les céphalées et les troubles de la mémoire. Les troubles de la mémoire antérograde sont souvent rapidement résolutifs, les troubles de la mémoire rétrograde peuvent persister jusqu’à 6 mois voire au-delà. Les effets indésirables mnésiques de l’ECT sont à mettre en perspective avec ses bénéfices, particulièrement dans les états dépressifs sévères avec jusqu’à 80% de réponse positive, 60% de rémission, une amélioration de la qualité de vie, une diminution de la mortalité et une réduction du nombre des réhospitalisations.

 

Stimulation du nerf vague pour traiter l’épilepsie et la dépression résistante : Vers une physiopathologie commune ? Philippe DOMENECH. Institut du Cerveau et de la Moelle, Pitié-Salpêtrière. Institut de Stimulation Cérébrale, Hôpital Sainte-Anne, Paris

La stimulation du nerf vague (SNV) est une technique de neuromodulation utilisée depuis plus de 20 ans dans le traitement de certaines épilepsies et des dépressions pharmacorésistantes.

Le nerf vague (NV) est un nerf mixte puisque 80 % des fibres du NV sont afférentes. Le NV relaie vers et depuis le système nerveux central des informations importantes pour la régulation de nombreuses fonctions autonomes, cardiovasculaires, respiratoires, et gastro-intestinales. Le NV cervical est composé de trois types de fibres nerveuses, les fibres C sont étroites et non myélinisées. Elles représentent 80% des fibres du NV et ne sont probablement pas impliquées dans les effets antiépileptiques et antidépressifs de la SNV. Les 20% des fibres restantes sont myélinisées et à conduction plus rapide. On distingue les fibres B de calibre intermédiaire et les fibres A plus épaisses. Lorsqu’on augmente l’intensité de la SNV, les fibres A puis B et finalement C sont recrutées.

L’impact de la stimulation du NV sur le cerveau est complexe. Il est aujourd’hui prouvé que la stimulation du NV induit une augmentation de la neuromodulation noradrénergique, via le locus coeruleus, et secondairement sérotoninergique, via le raphé dorsal, dans des régions cérébrales jouant un rôle important dans la physiopathologie de la dépression et de l’épilepsie, l’hippocampe, l’amygdale, le thalamus, et le cortex. Le lien causal entre cette augmentation de la neuromodulation monoaminergique et l’effet thérapeutique commun de la stimulation du NV sur la dépression et l’épilepsie a été démontré dans plusieurs modèles animaux. Il est probable que cette augmentation de la neuromodulation monoaminergique induit secondairement une augmentation de la neurogenèse hippocampique avec un effet antidépresseur. Finalement, alors que l’effet anti-inflammatoire anti-TNFde la stimulation du NV, via l’inhibition du réflexe neuro-inflammatoire splénique, est aujourd’hui en cours d’exploration dans le traitement de certaines maladies inflammatoires, sa contribution à l’effet antidépresseur ou antiépileptique de la SNV n’est pas prouvée.

 

Perspectives de la chirurgie de l’épilepsie à l’heure des nouvelles technologies par Bertrand MATHON. Inserm, CNRS, Paris brain institute, ICM, Sorbonne université. Neurochirurgie, GH Pitié- Salpêtrière, APHP.

L’épilepsie est l’une des principales maladies neurologiques avec 20 à 30 % des patients réfractaires aux médicaments antiépileptiques. L’épilepsie pharmacorésistance a un impact sur les fonctions cognitives, l’humeur et la qualité de vie des patients. Une prise en charge optimale de l’épilepsie représente donc une priorité de santé publique.

Cet article propose une revue des avancées technologiques actuelles et des perspectives d’avenir concernant la chirurgie de l’épilepsie.

Chirurgie de l’épilepsie

La chirurgie de l’épilepsie a démontré son efficacité et ses bénéfices sur la qualité de vie avec d’excellents résultats postopératoires chez les patients atteints d’épilepsie temporale ou mésiotemporale réfractaire permettant à plus de 75% des patients opérés d’être libres de crises et de diminuer ou d’arrêter leur traitement antiépileptique.

Le développement des techniques alternatives à la chirurgie de résection a donc pour but d’augmenter le taux de patients libres de crises en postopératoire tout en diminuant le caractère invasif et les éventuelles complications neurocognitives de l’intervention chirurgicale.

Radiochirurgie stéréotaxique

L’ablation par la radiochirurgie a été proposée comme alternative à la chirurgie de résection pour l’épilepsie mésiotemporale. Un essai contrôlé randomisé récent comparant le risque et l’efficacité des deux techniques a montré que la chirurgie ouverte avait un avantage sur la radiochirurgie stéréotaxique pour la morbidité postopératoire, et la proportion des patients en rémission des crises, 78 % pour la chirurgie ouverte contre 52 % pour la radiochirurgie à 3 ans.

Thermocoagulation stéréotaxique par radiofréquence

Cette technique a été proposée comme une alternative peu invasive pour le traitement de l’épilepsie mésiotemporale. Mais la littérature montre une grande variabilité de résultats concernant le pronostic épileptologique. Dans une série de patients atteints d’épilepsie temporale comparant la chirurgie ouverte et la thermocoagulation par radiofréquence, 75% des patients étaient libres de crises à 1 an dans le groupe chirurgie contre aucun dans le groupe radiofréquence.

Thermothérapie interstitielle par laser (LITT)

La LITT permet l’ablation sélective d’une lésion ou d’une structure cérébrale à l’aide de la chaleur dégagée par la lumière d’un laser. Contrairement à la radiofréquence, la LITT réalisée sous guidage IRM en temps réel a une précision supérieure et un volume d’ablation tissulaire prévisible évitant ainsi les dommages collatéraux sur les structures cérébrales saines. La LITT permet également un volume d’ablation nettement plus important que la radiofréquence avec une moindre invasivité que la chirurgie de résection, mais la LITT nécessite d’être mieux évaluée.

Ultrasons thérapeutiques

La thérapie ultrasonore focalisée guidée par l’IRM est une procédure transcrânienne non invasive. Dans le traitement de l’épilepsie mésiotemporale, la thérapie ultrasonore peut être utilisée comme technique thermoablative pour déconnecter les structures temporales mésiales à l’aide d’ultrasons focalisés à haute fréquence (HIFU). Compte tenu des effets indésirables possibles des autres techniques ablatives comme la radiochirurgie, l’énergie ultrasonore présente l’avantage d’être non invasive et non ionisante. C’est une technologie non invasive prometteuse en cours d’évaluation qui pourrait devenir une option thérapeutique de premier rang.

 

L’épilepsie, un modèle de compréhension des symptômes psychotiques ? par Sophie DUPONT (Unité d’épileptologie, Clinique Paul Castaigne, Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Sorbonne Université, CRICM 47

La psychose est la troisième comorbidité psychiatrique associée à l’épilepsie avec une prévalence estimée à 5,6 %. On classe les psychoses de l’épilepsie selon leur survenue par rapport aux crises avec une situation paradoxale où l’excès des crises comitiales (psychose post-ictale) mais aussi l’arrêt des crises, peuvent générer des épisodes psychotiques aigus.

Différentes hypothèses ont été proposées pour expliquer ces deux tableaux cliniques.

1) l’hypothèse neuro-oscillatoire : une activité neuronale inhabituelle produirait une désynchronisation des réseaux corticaux, perturbant les entrées sensorielles et conduisant à l’émergence de symptômes psychotiques résolutifs à la disparition de ces oscillations neuronales inhabituelles.

2) l’hypothèse dopaminergique : la libération de dopamine en rapport avec la recrudescence des crises induirait les symptômes psychotiques ou à l’inverse induirait à la fois la cessation des crises et la production des symptômes psychotiques dans un modèle dit de normalisation forcée. La normalisation forcée ou psychose alternative se voit dans un contexte de diminution importante de la fréquence des crises, voire leur disparition. Après une phase initiale à type d’insomnie, d’anxiété, et de retrait des activités, on voit apparaître un tableau de psychose paranoïaque évoluant en pleine conscience avec des hallucinations et des symptômes thymiques.

3) l’hypothèse de la perfusion cérébrale : l’hypoperfusion de certaines régions cérébrales entraînerait leur désorganisation fonctionnelle et la psychose post-ictale.

En conclusion, l’épilepsie peut donc représenter un modèle expérimental permettant de mieux appréhender les mécanismes physiopathologiques sous-tendant la psychose.