Published 3 May 2022

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot

Mardi 3 mai 2022

Séance dédiée : « Médecine et intelligence artificielle (IA) »

Organisation : Bernard NORDLINGER et Cédric VILLANI

 

Introduction par Bernard NORDLINGER, Membre de l’Académie nationale de médecine

Comment définir l’IA pour le médecin ? Crainte et risque de dépossession.

L’IA naît en 1950 des chercheurs du MIT avec comme objectif : l’ordinateur copie les neurones du cerveau. Si on exclut la définition officielle incompréhensible, l’IA est l’ensemble des mathématiques et des techniques qui permettent à des programmes informatiques de résoudre des questions comme le fait l’intelligence humaine ; mais c’est une intelligence hors adaptation, non consciente-, insensible, sans empathie, en définitive sans conscience morale et sans bon sens, ce qu’est en contraste la médecine.

 

Le point de vue du politique par Cyrille ISAAC-SIBILLE, Député du Rhône

Abord du rôle de l’État dans l’éthique et la cybersécurité.

L’IA est une nébuleuse dans le domaine de la santé, à la fois outil diagnostique (précis, fiable, adapté) et outil thérapeutique avec téléchirurgie, télésurveillance, téléconsultation.

Grâce au traitement des données massives, l’IA est un outil de prévention et d’épidémiologie. En France, 67.106 personnes sont suivies par la Sécurité Sociale ; l’IA permet le développement de la recherche, la simulation et l’organisation du système de santé en particulier pour suivre le vieillissement, les pathologies chroniques, le manque de soignants. Les données de santé peuvent être exploitées pour une meilleure observation, des comparaisons, un suivi, une vérification des bonnes pratiques, pour accroitre l’efficacité et améliorer la qualité des soins.

L’IA rend possible en théorie : 1- la détection des signaux faibles, 2- les données du PMSI de facturation, en particulier privé nominatif et public non nominatif ce qui a une incidence sanitaire, 3- la démographie médicale et la gestion des établissements de santé en fonction du besoin des patients et de l’orientation des ressources. 4- la promotion populationnelle en fonction des données de santé : hausse des maladies chroniques, déséquilibre systémique entre soin et prévention, l’IA prévient plus qu’elle ne guérit (exemple de la crise COVID pour le contrôle du virus ce qui a permis des préventions ciblées locales)

Enfin l’IA est une aide au déterminant de santé comme l’éducation à la santé, à adapter et différencier selon le public.

En conclusion, pour le politique, l’IA est l’information et la transparence du public, mais aussi une aide au rôle régulateur de l’État.

 

 

Le point de vue du scientifique par Cédric VILLANI, Membre de l’Académie des Sciences

Depuis 2017 un groupe de travail bi académique s’est intéressé aux liens entre IA et médecine. L’objectif était l’introduction des mathématiques comme outil lié à l’informatique. Les progrès de la médecine sont indiscutables, mais en médecine la question est méthodologique : 1-avalanche de données à traiter (phénotype, génotype), 2- nouveaux instruments 3- un fait médical sur deux n’est jamais appliqué sur le terrain (la chaîne humaine n’est pas parfaite).

La promesse de l’IA est : 1- améliorer les processus ; 2- remplir certaines tâches (l’algorithme est meilleur que l’humain) ; 3- assister le savoir scientifique ; 4- repérer les signaux faibles ; 5- repérer les médicaments plus ou moins efficaces. ; 6- s’ouvrir aux avancées comme le quantique dans le contexte des cas d’usage théorique (multiple algorithmique, statistiques souples, biais, défaillance humaine).

 

Trois défis persistent : 1- l’algorithme, 2- l’éthique juridique 3- l’humain. La difficulté ne repose ni sur les questions techniques ou scientifiques mais sur tout le reste : éthique, juridique, administratif, politique. Le Health Data Hub, plateforme mise en place par le gouvernement français, vise à permettre aux chercheurs d’accéder aux vastes ensembles de données de santé du SNDS (système national des données de santé) afin d’entraîner des modèles d’intelligence artificielle ; cette plateforme n’est pas efficace sur le plan humain (data complexe), car sur le plan réglementaire il y a une sous-estimation de la difficulté humaine.

Cependant l’intérêt est, par une analyse multiomique, de remplacer le « silo » (cf le cerveau multitâche).

Comment agir ? Avec humilité, comme le montre la pandémie COVID où l’IA a peu agi : lenteur des bases de données, de remontée des informations.

Les enjeux sont thérapeutique, scientifique, éthique et politique, surtout humain pour aboutir à un savoir-faire commun, global, pragmatique.

Les transferts d’information sont une question spécifique à la médecine : qu’est-ce qu’il est bon que la personne sache ou ne sache pas ?

 

 

Conclusions par Olivier de FRESNOYE, Directeur général chez echOpen factory

Le volume des données (data) est vertigineux : en 2025 il y aura 175 tétraoctet (1021 octets) de mémoire dans le monde. En 2020, dans le monde, le débit informatique était de 1,7 mégabit/sec/humain. 90% des données mondiales ont été créées dans ces deux dernières années.

30% de ces données sont générées par la santé, mais 89% sont en dehors du champ clinique (21% pour la génétique et 67% pour le versant comportemental, ou environnemental).

Sur le plan juridique, est promulgué le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel. En 2018, est précisée la définition des données de santé pour tout ce qui a un caractère personnel. Sur le plan éthique, est développée la conception d’un outil numérique qui évolue rapidement dans le temps et dans l’espace. Un exemple est application à la réglementation de l’IA sur les dispositifs médicaux (DM) (certification) pour le marquage CE identique à celui de la FDA. Entre 2015 et 2020, 222 DM ont été certifiés pour IA aux USA et 240 DM en Europe : dont 70% sont des solutions d’analyse d’images, 12% sont en cardiologie.

Que peut faire l’IA ?  Détecter, identifier, classifier, segmenter, sur les résultats prédiction de suivi, faire des recommandations si les objectifs sont satisfaits, analyser automatiquement le langage naturel (archéologie du numérique).

 

Quelles sont les promesses de l’IA ?

– des Objets connectés :  en 2020, 1400 interactions/jour avec le numérique, en 2025, 5000 interactions/jour avec opération numérique.

– des outils de diagnostic et de traitement : innovation thérapeutique comme la subdivision des différents cancers.

– la prédiction et la prévention.

–  la compréhension des problèmes de santé publique

 

Qu’est ce qui change avec l’IA ? L’apparition de nouveaux métiers, nouveaux outils, nouvel enseignement, nouvelle société. C’est le champ des techno-prophètes.

 

Les enjeux sont nombreux : des données sélectionnées standard et qualité, une organisation vers l’innovation, le développement d’un outillage français et européen (hors Amazon/Google/Microsoft qui sont américains), la validation de la méthodologie, un écosystème : partage, plateforme défi humain, la formation du médecin associant données et cybersécurité, la confiance des professionnels de santé.

Enregistrement de la séance :