Published 23 November 2021

Les séances de l’Académie*

* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot

 

Séance des membres correspondants de la 2e division

Organisateur : Laurent MANDELBROT

 

Communications

Y a-t-il encore une place pour les chirurgies prothétiques en uro-gynécologie ?  Michel COSSON, Chirurgie gynécologique, CHRU de Lille.

Les prothèses en uro-gynécologie regroupent tous les implants médicaux mis en place chez les femmes au cours de la prise en charge de l’incontinence urinaire ou du prolapsus génital. Elles incluent les bandelettes sous-urétrales, dont la plus connue est le Tension-free vaginal tape (TVT), et les prothèses posées au contact du vagin, utilisées pour le traitement des prolapsus génitaux (« descente d’organes »). Si ces deux types de dispositifs médicaux implantables partagent un matériau similaire (matière plastique non résorbable de type polypropylène), leurs indications sont bien différentes, de même que la quantité de matériel implanté (trois à dix fois supérieure pour traiter un prolapsus). Leur utilisation a été mise en cause lors du scandale des implants files et lors de procès aux USA. Après plusieurs retraits de matériels d’industriels, la HAS, après analyse des dossiers des fabricants restants, n’a pas autorisé l’utilisation des prothèses synthétiques présentées pour les cures de prolapsus génitaux par voie basse. Plus récemment, deux décrets sont venus préciser l’utilisation encore possible des bandelettes sous-urétrales et plus récemment des prothèses utilisées dans les promonto-fixations. De même, l’analyse des dossiers soumis par des industriels à la HAS a limité drastiquement le nombre d’industriels pouvant commercialiser leurs produits dans ces indications. Parallèlement, la Communauté Européenne (CE) a lancé une nouvelle réglementation beaucoup plus exigeante quant aux données médicales et de suivi de marché pour l’obtention par les industriels du marquage CE. La judiciarisation et ces évolutions règlementaires ont altéré la confiance des patientes dans ces dispositifs, parfois refusés en bloc. Ils vont modifier durablement la pratique clinique par le retour à des techniques autologues plus anciennes et obliger, pour la plupart des prises en charge, à une saine discussion des dossiers en réunions multidisciplinaires.

 

Infections pendant la grossesse : progrès thérapeutiques. Laurent MANDELBROT, Gynécologie-obstétrique, Hôpital Louis Mourier, Colombes, APHP.

Les infections bactériennes, virales et parasitaires, touchent des femmes enceintes, qu’il s’agisse d’infections aiguës, chroniques ou de portage asymptomatique. L’utilisation d’anti-infectieux permet le traitement de l’infection maternelle, la prévention de la transmission mère-enfant, le traitement in utero d’un fœtus infecté. Des traitements efficaces existent depuis longtemps pour la syphilis et la listériose. De nouvelles approches émergent pour dépister et traiter les infections ascendantes à partir des voies génitales, responsables d’infections néonatales par le streptocoque B et d’autres bactéries. Les antiviraux, qui traitent l’infection VIH de la mère, permettent aussi de supprimer sa transmission. Ce concept s’applique maintenant à l’hépatite B, et s’appliquera peut-être à l’hépatite C. Un progrès récent est la prévention par un antiviral de la transmission mère-enfant du cytomégalovirus en cas de primo-infection maternelle au premier trimestre de grossesse. La recherche sur les anti-infectieux pendant la grossesse est d’actualité. Il y a un paradoxe entre les mises en garde par précaution (avec des pictogrammes pas toujours judicieux) et l’utilisation en pratique de médicaments qui exposent le fœtus hors d’une surveillance exigeante. L’étude du passage transplacentaire humain, la pharmacovigilance utilisant les données massives et des cohortes prospectives doivent être systématiques. L’exclusion des femmes enceintes des essais cliniques est désormais discutée lorsque le pathogène comporte un danger pour la mère et/ou l’enfant. La plupart des infections congénitales résultent d’infections ou d’une colonisation maternelle asymptomatique. Mener une politique de dépistage actif est nécessaire pour déployer une prévention secondaire La prévention primaire et la vaccination ont toujours le meilleur bénéfice/risque.

 

La transplantation hépatique : un singulier mélange de technique, de stratégie et d’éthique. Laurence CHICHE, Service de chirurgie digestive et de transplantation hépato-biliaire, Bordeaux.

Lorsque, il y a près de 70 ans, d’audacieux pionniers, Thomas Starzl, René Küss ou Christian Barnard, exécutaient les premières transplantations d’organes, ils n’accomplissaient pas seulement un exploit technique, ils ouvraient la voie à une aventure humaine unique, aux multiples implications scientifiques, philosophiques, éthiques et socioculturelles. La transplantation hépatique (TH) consiste à remplacer un foie déficient par un foie sain, entier ou partiel, issu d’un donneur décédé ou plus rarement d’un donneur vivant. Elle a connu un essor extraordinaire en France passant de 699 TH en 1999 à 1337 en 2019 grâce à l’avènement des immunosuppresseurs et aux progrès de la technique chirurgicale et de l’anesthésie-réanimation qui ont transformé ses résultats : survie moyenne à 1 an de 86% et à 5 ans de 74%. Ce furent à la fois un progrès technique et un outil scientifique qui ont permis de mieux comprendre le fonctionnement de cet organe mystérieux et complexe.

Mais la transplantation hépatique est bien plus qu’une intervention chirurgicale complexe, elle est le fruit d’une révolution idéologique et philosophique posant des questions essentielles et existentielles de la définition du soi biologique et psychique, de la mort, de la légitimité de l’usage du corps, du don et de son libre consentement. Dans ce monde ndividualiste et virtuel, rongé par les luttes de pouvoir et d’argent, la TH exprime la solidarité humaine, le civisme, l’entraide, l’abnégation, à travers le don d’organe, anonyme et gratuit, et l’implication dans l’urgence de dizaines de soignants de disciplines différentes. La dimension éthique de la transplantation a été majeure dans son histoire et reste un aspect actuel fondamental dont témoignent la loi Caillavet de 1976 et les lois de Bioéthique de 1994 qui ont dessiné le cadre strictement public (CHU), établi des règles et procédures strictes, validées dans le respect de valeurs de justice, équité et transparence.

 

Chirurgie sur l’œil inflammatoire, perspectives.  Bahram BODAGHI,  Service d’Ophtalmologie, IHU FOReSIGHT, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.

Les uvéites entraînent des complications se manifestant à plusieurs niveaux tissulaires en fonction de l’étiologie ou la durée de l’affection mais également des stratégies thérapeutiques utilisées. Ainsi, les affections chroniques comme l’arthrite juvénile idiopathique ou la sarcoïdose et celles plus aiguës comme la toxoplasmose extensive ou les nécroses rétiniennes virales provoquent plus fréquemment une cataracte pour les premières, un décollement de rétine pour les dernières. La complexité des mécanismes physiopathologiques rend délicate la prise en charge chirurgicale des complications et impose une grande prudence péri-opératoire. Les progrès médicaux et techniques récents ont permis d’une part, de réduire l’incidence des complications et d’autre part, d’intervenir avec plus de sécurité et de précision. L’imagerie oculaire multimodale et l’évaluation précise de l’inflammation oculaire permettent une meilleure surveillance pré et post-opératoire avec des conséquences positives sur le pronostic visuel à long terme.