Published 29 March 2022

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Catherine Barthélémy, Pierre Brissot, Martin Danis, Vincent Delmas, Francis Michot

 

 Séance dédiée :

« Tumeurs endocrines bénignes et hypersécrétions hormonales :

Avancées moléculaires »

Organisateur : Xavier BERTAGNA

29 mars 2022

 

Génétique moléculaire et nouvelle classification des adénomes hypophysaires par Guillaume ASSIE (Hôpital Cochin, Paris)

Les adénomes hypophysaires, également appelés tumeurs neuroendocrines hypophysaires (PitNETs) sont fréquentes (prévalence jusqu’à 5%). Ces tumeurs sont classées en cinq sous-types histologiques principaux, par analogie avec les différents types cellulaires présents dans l’hypophyse normale : lignées lactotrope (production de PRL, la prolactine), somatotrope (production de GH, l’hormone de croissance), thyréotrope (production de TSH, l’hormone thyrotrope), corticotrope (production d’ACTH, la corticotropine), et gonadotrope (production de FSH et LH, hormones gonadotropes). La classification pangénomique complète des PitNETs est ici présentée dans la perspective plus large de son intérêt clinique. Cette classification est centrée sur le transcriptome, qui est le carrefour central de l’information biologique au sein des tumeurs. En effet, toute anomalie moléculaire importante pour la tumorigenèse aura un impact sur le programme d’expression génique, et sera donc associée à une « signature » transcriptionnelle spécifique. Les huit groupes moléculaires qui ressortent de cette étude sont assez distincts en termes de profils d’expression. Deux groupes sont directement associés à des événements moléculaires considérés comme « drivers » (mutations USP8 dans certains corticotropes, et GNAS dans certains somatotropes). Cependant, pour les autres groupes moléculaires, l’anomalie originelle est inconnue. Des anomalies épigénétiques sont possibles en raison d’une part de l’absence de mutation retrouvée dans ces tumeurs (en dehors de USP8 et GNAS), et d’autre part de la signature épigénétique marquée des groupes moléculaires somato-lacto-thyréotropes (hypométhylation diffuse du génome). Prédire l’agressivité clinique des PitNETs reste un défi. Cette nouvelle classification des PitNETs selon les groupes moléculaires devrait être un préalable à l’établissement de toute signature moléculaire pronostique.

 

 

Bases moléculaires du gigantisme hypophysaire par Albert BECKERS (Endocrinologie, Centre Hospitalier Universitaire de Liège, Domaine Universitaire du Sart-Tilman, Liège, Belgique)

Le gigantisme hypophysaire est une affection très rare qui se développe avant la fin de la période pubertaire, suite à un excès d’hormone de croissance en général secrétée par un adénome de l’hypophyse. Cette maladie parfois très impressionnante s’accompagne d’une réduction significative d’espérance de vie. Jusqu’à très récemment, peu d’études scientifiques avaient été consacrées aux géants, vraisemblablement en raison de leur rareté et de la difficulté d’en assembler de grandes séries. Suite aux travaux sur le FIPA (familial isolated pituitary adenomas) et les mutations du gène AIP (Aryl hydrocarbon receptor-Interacting Protein), il est devenu évident que les patients mutés pour le gène AIP présentent des adénomes hypophysaires secrétant préférentiellement l’hormone de croissance. Ces adénomes sont agressifs et conduisent à un développement précoce de la maladie, fréquemment avant la fin de la puberté, permettant alors l’accomplissement d’un gigantisme. Ces travaux ont stimulé la réalisation d’études scientifiques et notamment génétiques sur les géants. Plusieurs étiologies génétiques du gigantisme sont maintenant connues. La cause la plus fréquente est une mutation du gène AIP (environ 30%). Dans 10% des cas la cause est une duplication du gène GPR101 responsable du syndrome X-LAG pour X-Linked AcroGigantism. Ce syndrome, découvert très récemment, comprend les formes les plus extrêmes de gigantisme humain (avec des tailles supérieures à 2,50 m), tel le géant Julius Koch alias le géant Constantin (2,59 m) mort à trente ans en 1902. Une étude soigneuse de son ADN a en effet permis le diagnostic. Ces travaux sur X-LAG ont permis de faire progresser notre compréhension sur la physiologie de la croissance et sur les mécanismes pathologiques hypothalamo-hypophysaires qui gouvernent la formation des adénomes somatotropes.

Bases moléculaires du syndrome de Conn : Rôle des canaux ioniques et formes anatomo-pathologiques par Maria-Christina ZENNARO (Université de Paris, INSERM, PARCC. Service de Génétique, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris)

L’hyperaldostéronisme primaire (HAP), ou syndrome de Conn, est retrouvé chez 5-10% des patients hypertendus. Alors que sa prise en charge précoce permet de traiter les patients de façon efficace, l’HAP reste encore largement sous-diagnostiqué dans la population générale. Des découvertes majeures ont été réalisées ces dix dernières années, permettant d’identifier des mutations génétiques dans la quasi-totalité des adénomes de Conn ainsi que de décrire des nouvelles formes familiales de la maladie. La plupart des mutations décrites modifient l’équilibre ionique intracellulaire, entrainant une augmentation des concentrations intracellulaires de calcium et une activation de la voie de signalisation calcique, aboutissant à l’activation transcriptionnelle du gène CYP11B2, codant pour l’aldostérone synthase De plus, des connaissances nouvelles ont été acquises sur le remodelage physiologique de la surrénale avec l’âge. Elles concernent notamment la présence de mutations somatiques dans des grappes de cellules produisant l’aldostérone qui pourraient jouer un rôle dans le développement de l’HAP. Certaines anomalies génétiques sont associées à des caractéristiques cliniques et biologiques particulières, qui pourraient conduire à l’identification de biomarqueurs de substitution permettant d’envisager des processus diagnostiques plus simples et applicables à une population plus large de patients hypertendus. En outre, ces découvertes ouvrent d’importantes perspectives pour le développement de traitements ciblés.