Published 25 November 2022

Résumés des séances de l’Académie*

* Par Brigitte Dréno, François Guilhot, Pierre Miossec, Jean-Baptiste Ricco, Dominique Vuitton

Séance du 22 Novembre 2022

 

Conférence invitée

Crack : recommandations issues du rapport rendu à la Région Ile-de-France par Laurence VAIVRE-DOURET (Université Paris Cité, Faculté de Santé, UFR de Médecine Paris Descartes, INSERM UMR 1018-CESP, IHU Imagine, Chaire de phénotypage clinique neurodéveloppemental de l’Institut Universitaire de France (IUF), APHP. Hôpital universitaire Necker-Enfants Malades, Paris

Le crack est un produit à base de cocaïne mélangé à d’autres substances souvent sources d’impuretés. Il est en principe fumé et diffuse ensuite par voie systémique avec une localisation particulière dans le cerveau. Il neutralise le mal-être et induit une euphorie intense mais de descente rapide. La durée de son effet n’est que de 10 à 15 minutes et ceci crée donc rapidement une dépendance. A côté de son effet sur le cerveau, le crack a des effets multiples immédiats,  amplifiés par son utilisation chronique. Ces effets sont dominés par une vasoconstriction à l’origine d’accidents vasculaires cardiaques (infarctus), neurologiques (AVC, épilepsie) et pulmonaires (asthme, hémorragie intra alvéolaire). Le crack peut aussi avoir des effets psychiatriques de type psychotique, ou être associé à des hallucinations. Son utilisation touche des populations à risque, surtout des hommes de 20-60 ans, en précarité, avec souvent des antécédents de traumatismes psychologiques de l’enfance. La consommation de crack est source de paupérisation rapide et de délinquance. Il faut noter, de plus, qu’il n’y a pas de traitement de substitution.

Les conséquences de la consommation de crack dans des lieux où cohabitent consommateurs et fournisseurs ont fait émettre de nombreuses propositions. La première a été la définition de zones géographiques réservées à cette activité et de salles pour permettre la consommation dans des conditions un peu meilleures. Devant ces difficultés, la Région Ile-de-France a souhaité la réalisation d’un rapport décrivant la situation actuelle avec, surtout, des propositions d’amélioration. Ce rapport met en avant le principe « d’aller vers » le consommateur et de le considérer comme un patient et non comme un délinquant, pour secondairement l’amener vers les soins. Par ailleurs, il était apparu que les consommateurs de crack préféraient consommer sur place plutôt que dans un centre,  car il est plus simple d’acheter et de consommer sur place que d’aller dans une salle à distance. Pour tenir compte de ce fait, le rapport propose la création d’unités mobiles crack (UMC) comme lieu de premier contact sur le terrain, car si ces patients ne veulent pas se déplacer, il faut aller vers eux. Ensuite le suivi se fera dans une Unité de Soins Addiction et Réinsertion Sociale (USARS). Les difficultés de prise en charge ont montré à nouveau que la prévention est essentielle à un stade précoce dès l’adolescence avec un accompagnement prophylactique, en faisant aussi la distinction entre les troubles psychiatriques préexistants et ceux induits ou amplifiés par la drogue. Il apparait aujourd’hui que les propositions de ce rapport n’ont pas été reprises dans la pratique actuelle, qui se limite à un changement des lieux de consommation, une attitude qui risque de déplacer les problèmes sans les résoudre.

 

Communications

Don du corps à la science et usages des corps à finalités pédagogiques et scientifiques : enjeux éthiques et perspectives pour demain par Grégoire MOUTEL (Espace de réflexion éthique de Normandie, CHU de Caen, Normandie Université. Service de médecine légale et chambre funéraire, CHU de Caen. ANTICIPE, Normandie Université, Unicaen, Inserm, Caen)

Le don du corps à la science est essentiel et indispensable pour deux grandes utilisations :  1) l’enseignement de l’anatomie, l’apprentissage et l’amélioration des pratiques chirurgicales ; 2) la recherche dans de nombreuses spécialités médicales et chirurgicales. Il s’agit d’un don libre et volontaire, fait du vivant du patient, par écrit, auprès d’un des centres de don situés dans les facultés de médecine en France. Malgré la grande qualité et la grande rigueur de travail de la majorité des centres du don en France, plusieurs problèmes et questions nouvelles ont émergé ces dernières années. Ces questions concernent les modalités d’information du donateur sur les usages possibles des corps, l’information des proches sur cette démarche, la prise en charge ou non des frais de transports des corps, les modalités de traçabilité de la volonté des défunts, le devenir des cendres après l’utilisation des corps et les conditions de retour ou non aux familles. Le décès à distance du centre où le don a été enregistré pose des difficultés supplémentaires d’interaction entre les registres des centres. Ceci justifie la constitution d’un fichier national centralisé pour remplacer les fichiers propres à chaque centre. Les dysfonctionnements majeurs d’un centre parisien ont mis en lumière l‘urgence d’une réglementation actualisée. Ces aspects ont été pris en compte mais pas complétement par les nouvelles lois de bioéthique de 2021 et le décret de 2022. Les pratiques et règles éthiques autour du don du corps à la science vont donc évoluer dans les années à venir. Cette évolution doit garder comme prioritaire la symbolique du corps mort et du respect de la dignité des défunts.

Rôle des toxines urémiques dans la genèse des complications de la maladie rénale chronique par Ziad MASSY (Service de néphrologie, CHU Ambroise Paré, APHP)

La maladie rénale chronique (MRC) est une affection progressive et silencieuse. Elle s’accompagne de nombreuses complications, notamment cardiovasculaires, hématologiques, neurologiques et osseuses et d’une morbi-mortalité élevée. Les causes de mortalité sont surtout cardiovasculaires. Pourtant les facteurs de risques traditionnels n’expliquent pas à eux seuls ce surrisque, laissant la place à des facteurs de risques spécifiques liés à la MRC et surtout à l’inflammation associée. En effet, au cours de la MRC, la diminution du débit de filtration glomérulaire induit la rétention de nombreux métabolites, regroupés sous le terme générique de « toxines urémiques ». Ces toxines urémiques exercent leurs actions biologiques via l’induction d’un état inflammatoire et d’un stress oxydatif intéressant différents types cellulaires et entraînant des effets néfastes dans différents organes. Les effets de ces toxines effets dépendent de leur poids moléculaire. Seules celles de faible poids moléculaire (moins de 500 kDa) sont éliminés par la dialyse. Cependant la fixation à l’albumine augmente encore les difficultés d’épuration.  Ainsi une petite molécule comme l’urée, a un effet direct sur l’activation et la survie des cellules musculaires et endothéliales. Le lien important entre les toxines urémiques et les complications de la MRC justifie des stratégies thérapeutiques non pas pour traiter les causes de la toxicité urémique, mais pour réduire ses conséquences. Il peut s’agir de l’utilisation d’un régime faible en protéines, qui apporte une modulation favorable du microbiote, d’hypolipidémiants pour corriger les troubles lipidiques, d’inhibiteurs des cytokines comme l’IL-1 ou l’IL-6 pour diminuer la sévérité de l’inflammation et du stress oxydatif. A côté des médicaments, on peut aussi améliorer la qualité de l’épuration selon la nature des membranes de dialyse. Mais comme les toxines urémiques sont à l’origine d’un grand nombre des complications de la MRC, il est important de cibler directement les toxines urémiques afin d’obtenir une diminution de l’inflammation et du stress oxydatif à la source. Des efforts de recherche sont nécessaires avec pour objectif de réduire la production et la rétention des toxines urémiques et limiter ainsi leurs effets néfastes sur les différents organes.

Anatomie fonctionnelle de l’hippocampe : applications à l’épilepsie par Sophie DUPONT (Unité d’épileptologie, Clinique Paul Castaigne, Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Sorbonne Université, CRICM)

L’hippocampe est la structure essentielle au fonctionnement correct de la mémoire épisodique, mémoire déclarative de nature très autobiographique avec une marque temporelle et spatiale forte. Lorsqu’il est lésé, cette atteinte de l’hippocampe est responsable d’une forme d’épilepsie fréquente : l’épilepsie de la face médiale du lobe temporal secondaire à une sclérose hippocampique. Du fait de sa pharmacorésistance, cette forme d’épilepsie est souvent traitée par exérèse chirurgicale du foyer épileptique, en l’occurrence l’hippocampe sclérosé. Chez les premiers malades opérés, il a été possible d’établir un lien entre ces lésions de sclérose de l’hippocampe et la réduction de la fréquence des crises après leur ablation chirurgicale. Malheureusement cette approche a entraîné aussi des altérations de la mémoire parfois majeures. Si le diagnostic définitif de sclérose de l’hippocampe demeure un diagnostic anatomopathologique, il peut être évoqué devant des images IRM typiques avec un hypersignal de l’hippocampe sur les séquences IRM pondérées en T2 et FLAIR, associé à une atrophie en séquence pondérée en T1. Aujourd’hui, l’objectif est de prédire avant la chirurgie les conséquences d’une exérèse de l’hippocampe sur le fonctionnement mnésique pour proposer une chirurgie plus ciblée sur les zones directement impliquées. La meilleure compréhension du fonctionnement de l’hippocampe sain dans les différentes étapes de la mémoire épisodique a permis d’améliorer cette prise en charge, associée au développement d’outils prédictifs fiables du devenir mnésique postopératoire. La neuro-imagerie fonctionnelle (IRM fonctionnelle, cartes de connectivité) constitue un outil incontournable pour évaluer la fonctionnalité de l’hippocampe. Cette approche est critique pour améliorer le bénéfice et diminuer les risques de l’exérèse hippocampique.