Published 24 September 2019

Séance des membres correspondants de la 3e division :

« Diabète, maladies endocriniennes, métaboliques et de la reproduction »

Organisateur : Alain BONNIN

Académie nationale de médecine

24 septembre 2019

 

 

Introduction par Patrick NETTER et Alain BONNIN

 

Communications

 

Les diabètes : de la génétique à l’environnement par Christian BOITARD (Service de diabétologie, CHU Cochin, Paris)

Les diabètes de type 1 et de type 2 représentent plus de 95% des diabètes et sont des entités hétérogènes. La biologie permet le diagnostic de diabète en détectant l’hyperglycémie et de diabète de type 1 en détectant des autoanticorps. Mais aucun paramètre biologique ne permet le diagnostic de diabète de type 2 qui demeure un diagnostic d’exclusion. Les diabètes de type 1 et de type 2, emblématiques des maladies chroniques non-transmissibles, témoignent des bouleversements récents de notre environnement. La difficulté d’en définir une étiologie indique le changement de paradigme auquel conduisent les maladies métaboliques. Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune qui détruit les cellules insulino-sécrétrices et dont l’hyperglycémie est la cicatrice. Les traitements actuels ne permettent pas de rétablir des glycémies normales et le grand enjeu est celui de la prévention. Le diabète de type 2 est dû à un défaut qualitatif, puis quantitatif de la sécrétion d’insuline dans le contexte d’une résistance périphérique à l’action de l’hormone. Ce diabète se développe à bas bruit, exposant à un diagnostic tardif avec des complications parfois déjà présentes et souvent irréversibles. Le diabète de type 1 et le diabète de type 2 surviennent sur un terrain génétique de prédisposition multigénique différent dans les deux maladies. Aucun facteur déclenchant unique n’a pu être identifié à l’origine des deux maladies. C’est probablement là que se situe l’enjeu de leur compréhension clinique. Les mécanismes moléculaires sous-jacents, multiples et incomplètement définis, traduisent une interaction complexe du génome avec l’environnement.

 

Effets de l’obésité maternelle et de la perte de poids préconceptionnelle sur la croissance fœto-placentaire et la santé chez la souris : expression de modificateurs épigénétiques à l’interface du métabolisme maternel par Claudine JUNIEN (Biologie du développement et reproduction, UMR INRA-ENVA-CNRS 1198. Université Versailles Saint-Quentin)

 

Selon le concept des « origines développementales de la santé et des maladies », l’obésité maternelle prédispose la descendance aux maladies chroniques. Bien qu’une perte de poids préconceptionnelle soit recommandée aux femmes obèses, ses avantages pour la descendance ont mal été étudiés. L’étude ici présentée concerne le développement fœtal et analyse l’expression de modificateurs épigénétiques et de gènes métaboliques dans le foie et le placenta chez la souris. Les descendants nés de mère « contrôle », « obèse », ou « perte de poids » ont été soumis après le sevrage à un régime contrôle ou hypergras. Les paramètres métaboliques et les comportements olfactifs ont été suivis jusqu’à l’âge adulte. Les fœtus de mère obèse présentent une restriction de croissance et une altération de l’expression de modificateurs épigénétiques de la voie d’acétylation des histones. Les phénotypes métaboliques et olfactifs s’expliquent principalement par le régime post-sevrage, mais l’obésité maternelle a un effet de conditionnement dépendant du sexe : les mâles nés de mère obèse développent une obésité accrue par rapport à leurs congénères. La perte de poids préconceptionnelle normalise les phénotypes fœtaux et métaboliques mais certains gènes restent différentiels. De plus, cette perte pondérale a des effets inattendus sur les performances olfactives, la sensibilité olfactive périphérique et la motivation induite par le jeûne étant réduites. Les modifications transcriptionnelles induites par l’obésité pourraient affecter l’épigénome de la progéniture, entraînant restriction de croissance et sensibilité accrue à l’obésité à l’âge adulte. En conclusion, ces résultats confirment les avantages d’une perte de poids préconceptionnelle pour la santé métabolique des descendants, mais révèlent de potentiels effets indésirables tels qu’observés pour le comportement olfactif.

 

 

Prise en charge précoce des troubles de fertilité des patients atteints de syndrome de Turner et de Klinefelter par Nathalie RIVES (Laboratoire de biologie de la reproduction – CECOS – CHU de Rouen)

 

Les syndromes de Klinefelter et de Turner sont généralement associés à des anomalies du nombre des chromosomes sexuels. Il s’agit des anomalies chromosomiques les plus fréquemment observées chez les nouveau-nés. Ces syndromes sont marqués par une insuffisance gonadique prématurée, responsable, dans la majorité des cas, d’une azoospermie non obstructive chez l’homme et d’une insuffisance ovarienne prématurée chez la femme. En effet, les altérations de la fonction exocrine gonadique se mettent en place dès la vie in utero et sont caractérisées par une déplétion en spermatogonies souches ou en follicules primordiaux. Il en résulte que ces patients sont le plus souvent infertiles à l’âge adulte. Des procédures de préservation de la fertilité sont de plus en plus souvent proposées à ces patients, en essayant d’intervenir dès l’initiation de la puberté. Il s’agit préférentiellement de la congélation de spermatozoïdes éjaculés ou testiculaires dans le syndrome de Klinefelter, et de la conservation d’ovocytes matures dans le syndrome de Turner. Aucune donnée ne permet actuellement de conclure au caractère bénéfique ou délétère des stratégies proposées. Une information précoce, qui ne signifie nullement une intervention précoce, est essentielle pour permettre d’accompagner sur le long terme les projets de vie de couple et d’enfant. Elle s’inscrit dans le cadre de la nécessaire prise en charge précoce de toute pathologie de l’enfant et de l’adolescent susceptible d’impacter la fertilité future : enfants d’aujourd’hui…parents de demain.

 

Comment la génétique redessine le vaste champ des tumeurs endocrines par Xavier BERTAGNA (Centre de Référence des Maladies Rares de la Surrénale, Hôpital Cochin, AP-HP ; INSERM-U 1016, Faculté de Médecine Paris Descartes, Université Paris 5, Paris)

Les tumeurs endocrines représentent un ensemble nosologique complexe, constitué d’affections souvent familiales, fréquemment associées chez un même patient, et caractérisées par le double risque, tumoral et sécrétoire. Le caractère héréditaire de ces maladies concerne aujourd’hui un grand nombre de syndromes : néoplasies endocriniennes multiples de type 1 et gène de la ménine, néoplasies endocriniennes multiples de type 2 et proto-oncogène RET, hyperplasie macronodulaire des surrénales et gène ARMC5, syndrome de Carney et gène PRKAR1A, hyperparathyroïdie familiale de type 2 et gène HRPT2, adénome hypophysaire familial et gène AIP. Il faut y ajouter une douzaine de gènes de susceptibilité de phéochromocytome/paragangliomes familiaux, dans un champ qui ne cesse de s’enrichir. La génétique germinale modifie la prise en charge des patients et de leurs familles, jusqu’au possible diagnostic pré-implantatoire. Les étonnantes performances de la biologie des acides nucléiques révèlent le rôle de nombreuses voies de signalisation, y compris dans les tumeurs endocrines sporadiques. Ces « signatures moléculaires » sont dorénavant incontournables pour la compréhension et la classification physiopathologique de ces tumeurs, l’appréciation de leur pronostic, et l’établissement de thérapies ciblées. S’agissant de maladies souvent rares, il faut souligner l’importance des réseaux pluridisciplinaires, nationaux (COMETE) et internationaux (ENSAT). Ces réseaux sont seuls à même de constituer des cohortes de patients suffisantes pour identifier et valider des marqueurs biologiques d’intérêt clinique. Ils bénéficient le plus souvent de soutiens institutionnels, français et européen, sans oublier celui de l’Académie nationale de médecine

 

Conclusion par Christian BOITARD

 

De ces exposés émergent quelques grandes notions : la vraie révolution apportée par l’outil génétique, justifiant pleinement le Plan France Médecine Génomique 2025 ; l’importance de la prise en compte du champ d’interactions avec l’environnement, avec trois fenêtres principales : l’épigénétique, les micro-ARN, et le microbiote ; l’importance des modèles expérimentaux et de la conservation de prélèvements de qualité, au service d’une recherche qui se caractérise par la longueur de son tempo ;  le rôle essentiel du dialogue médecin-biologiste.