Information
Session of 5 octobre 2004

Réserves de l’Académie nationale de médecine à l’égard de l’échographie fœtale à visée non médicale

MOTS-CLÉS : echographie périnatale. fœtus.
National Academy of Medicine warnings against ultrasound « keepsake » images
KEY-WORDS : fœtus.. ultrasonography, prenatal

Roger Henrion **, au nom d’un groupe de travail

Informationechographie périnatale, fœtus.National Academy of Medicine warnings against ultrasound « keepsake » imagesfœtus., ultrasonography, prenatalRoger Henrion **, au nom d’un groupe de travail

 

INFORMATION

Au nom d’un groupe de travail*

 

Réserves de l’Académie nationale de médecine à l’égard de l’échographie fœtale à visée non médicale

National Academy of Medicine warnings against ultrasound ‘‘ keepsake ’’ images

Roger HENRION **

Des sociétés commerciales se sont créées dans certaines villes sous divers noms attractifs qui proposent aux femmes enceintes une vidéo échographique « non médicale » du fœtus, faite par des infirmières ou des techniciens formés par des médecins ou par les fabricants d’appareils d’échographie, mais ne travaillant pas sous contrôle médical.

Leur principal argument est que les médecins concentrés sur le diagnostic médical n’ont pas la disponibilité nécessaire pour parler aux parents et ne prennent pas suffisamment en compte la dimension affective de l’événement que constitue pour la mère, le père et la famille la découverte de leur enfant in utero. En outre, ces sociétés fournissent un souvenir sous forme de DVD et de photographies dont on ne peut nier l’attrait. Elles se défendent de jouer un rôle dans le diagnostic médical, s’engagent à un silence complet vis-à-vis des parents et précisent qu’une échographie médicale doit être faite avant l’échographie « affective », « ludique » ou « conviviale » qui n’intéresse que l’aspect extérieur du fœtus.

L’apparition de ces sociétés suscite de la part de l’Académie nationale de médecine les plus extrêmes réserves — S’il est admis que les examens échographiques faits au cours de la grossesse, à titre médical, n’ont entraîné à ce jour aucune complication décelable et ne semblent comporter aucun effet biologique néfaste, il n’en reste pas moins que persiste un risque potentiel : toute onde acoustique ultrasonore ayant des effets biologiques sur les tissus (effet thermique, effet mécanique).

C’est pourquoi les spécialistes des effets des ultra-sons, dans leur ensemble, recommandent de ne faire d’échographies que pour des raisons médicales en limitant la fréquence et la durée des examens à ce qui est nécessaire au diagnostic. Cette prise de position est, entre autres, celle de l’ « American Institute of Ultrasound in Medicine (AIUM) » et de la « Food and Drug Administration (FDA) » américaine dont on connaît la rigueur. Ces deux organismes estiment que les bénéfices attendus dans les échographies médicales l’emportent nettement sur le risque potentiel, ce qui n’est pas le cas dans les échographies à visée non médicale.

La plus élémentaire prudence devrait conduire à s’interroger sur l’opportunité d’échographies faites sans aucun bénéfice médical, sans qualification particulière de la personne réalisant l’examen, sans limitation de durée ni de répétitions. Certaines sociétés commerciales proposent des tarifs dégressifs qui appellent à une telle répétition et rien n’empêche une femme de vouloir des vidéos de son enfant à des âges variés de la grossesse.

— En France, seuls les médecins, les sages-femmes et les manipulateurs d’électroradiologie médicale travaillant sous le contrôle des médecins sont autorisés à faire des échographies. Les infirmières n’ont pas cette autorisation (décret no 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier). De plus, le décret no 93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières prévoit dans son article 20 que « l’infirmier ou l’infirmière ne peut exercer en dehors d’activités de soins, de prévention, d’éducation de la santé, de formation ou de recherche, une autre activité lui permettant de tirer profit des compétences qui lui sont reconnues par la réglementation. Il ne peut exercer une autre activité professionnelle que si un tel cumul est compatible avec la dignité et la qualité qu’exige son exercice professionnel et n’est pas exclu par la réglementation en vigueur ». D’autre part, les techniciens ne peuvent que « participer à l’exécution par le médecin des actes d’échographie » (décret 97-1057 du 19 novembre 1997 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession de manipulateur d’électroradiologie médicale).

— Les techniciens des sociétés commerciales s’interdisent formellement de divulguer toute information médicale et s’engagent à ne donner que des images de la morphologie externe du fœtus sans faire aucun commentaire. Il est évident, pour qui a fait des échographies, que la réalisation d’un film ou de photographies ne peut être séparée d’une interrogation des parents sur la normalité de l’enfant. On a du mal à imaginer qu’aucune réponse ne soit donnée à leurs inéluctables questions d’autant plus que les parents peuvent eux-mêmes voir et reconnaître sur l’écran la tête et les membres du fœtus. Il peut en résulter pour les parents un faux sentiment de sécurité. Ils peuvent interpréter une image satisfaisante du fœtus comme la preuve de sa santé et de son intégrité. Et qu’en sera-t-il en cas de la découverte fortuite d’une anomalie ou supposée telle quand on sait l’importance des premières paroles et de l’accompagnement des parents dans de telles circonstances ?

— Au moment même où, en France, nombre de radiologistes, d’échographistes, de gynécologues-obstétriciens cessent de faire des échographies obsté- tricales, en raison du nombre croissant des poursuites judiciaires, il est regrettable que des sociétés privées à but lucratif puissent se développer de façon parallèle sans aucune utilité médicale, sans aucun contrôle administratif et sans la responsabilité légale qui s’attache à l’acte médical. On peut redouter que les femmes enceintes ayant de plus en plus de difficultés à obtenir des rendez-vous d’échographie médicale dans les cabinets médicaux, n’aient recours aux sociétés commerciales qui n’offriront ni la conjonction de techniciens formés et d’appareils périodiquement vérifiés, ni le diagnostic prénatal de l’état de l’enfant. On peut craindre que les futures mères ne finissent par assimiler cette séance à de véritables examens.

L’échographie est un acte médical régi par des dispositions légales, acte de diagnostic, de prévention ou associé à une thérapeutique. Comportant l’analyse fine de la morphologie et des structures fœtales, afin de dépister en particulier des anomalies, il n’est pas souhaitable qu’elle soit assimilée à une photo ou un film, quels que soient les arguments psychologiques qui sont invoqués pour la justifier.

*

* *

L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 5 octobre 2004, a adopté le texte de cette information (5 voix contre et 16 abstentions).

 

Les références pourront être trouvées sur le site internet de l’Académie (www.academie-medecine.fr)

 

* Constitué de Georges DAVID, Claude SUREAU, Michel DUCLOUX, Claudine ESPER, Roger BESSIS. ** Membre de l’Académie nationale de médecine.

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 7, 1201-1203, séance du 5 octobre 2004