C’est en 1872 que fut utilisé pour la première fois le terme de pédiatrie en France. Mais cette discipline est-elle si neuve dans l’histoire de la médecine ? Comment s’est-elle constituée et comment va-t-elle évoluer ? Son histoire est indissociable de celle de l’enfance, hier comme aujourd’hui.
Dans l’Antiquité l’enfant occupe une place restreinte dans les traités de médecine. Hippocrate, au Ve siècle avant J.C, traite surtout de la grossesse et du fœtus et ouvre d’ailleurs ainsi la porte à l’embryologie et au développement, puisqu’il avait déjà fixé la viabilité de l’enfant à naître à 8 mois. Les enfants sont parfois cités dans ses œuvres mais il n’y pas de chapitre particulier. Si quelques phrases aux aphorismes 24 à 29 d’Hippocrate concernent les enfants elles ne constituent pas un traité de pédiatrie [1]. Il en est de même chez les auteurs romains ultérieurs. Le développement de l’embryon et du fœtus sera la source de nombreuses théories durant des siècles dans les écoles de médecine de l’Europe et de l’Orient. Platon et son école, Aristote, puis les auteurs romains de l’antiquité se préoccupent davantage de l’éducation des enfants et des adolescents. Les livres dédiés spécifiquement à l’enfant et à ses maladies sont extrêmement rares. Le célèbre médecin perse Rhazès écrit au IXe siècle un livre sur le traitement des enfants, qui sera traduit très souvent de l’arabe au latin : « de curis puerorum », et sera utilisé pendant des siècles.
Au Moyen-Âge paraît beaucoup plus tard en 1472 un premier traité italien sur les maladies des enfants de Bagellardo et cent ans après, en 1584, celui de Mercuriales.
En France, un ouvrage de Scevole de Sainte-Marthe, peu connu aujourd’hui, est intitulé : « de la manière de nourrir les enfants à la mamelle ». Rédigé en latin et en vers en 1580 il fut traduit en français par son petit-fils en 1698 et largement utilisé en France et en Europe pour l’alimentation des nourrissons [2].
Mais hors de France, en Europe, quelques auteurs commencent à s’intéresser à la médecine des enfants de façon plus spécifique. En Angleterre, Walter Harris était médecin du roi Guillaume III et ami du grand Sydenham. Sydenham l’encouragea à rédiger son Traité des maladies aigues des enfants en 1698. Rédigé en latin, il fut traduit en français en 1730 et largement diffusé [3]. Les termes du début de son livre méritent d’être reproduits ici car ils introduisent pour la première fois l’idée d’une spécificité de la médecine des enfants. « …rien n’est plus à désirer dans la médecine qu’une bonne méthode de traiter les maladies des enfants : car ce ne sont pas seulement les personnes les plus riches , ou qui ont de grands fonds de terres, qui voulant avoir des héritiers et les conserver en bonne santé, comptent en cela beaucoup sur la médecine , mais aussi les personnes de toute condition qui aiment naturellement leurs enfants, et qui n’ont pas une moindre attention à les maintenir en santé, qu’ils en ont pour eux-mêmes.
S’il m’arrive donc de donner quelque jour, pour si foible qu’il soit, à cette Médecine particulière, qui puisse au moins engager quelques Médecins plus éclairez et plus capables que je ne suis à y faire quelque progrès, et à la perfectionner, je ne me repentirai point d’avoir rompu la glace et je croirai toujours avoir fait un bien considérable. » Ces termes émouvants viennent à l’encontre des idées habituellement répandues sur la conception que l’on se faisait de l’enfant et de ses maladies, à savoir qu’il était un adulte en miniature mais très fragile, que les médecins abordaient avec crainte, sans thérapeutique vraiment adaptée. Et un peu plus loin Harris définit le champ de la pédiatrie : « Or j’entends ici le terme d’enfant, non seulement avec Galien dans un sens très-étroit, comme n’ayant qu’un mois, deux mois, ou au plus trois mois après sa naissance, mais dans un sens un peu plus étendu, ….j’étends l’enfance jusqu’à l’âge de quatre ans. J’étends après cela la puérilité jusqu’à un âge plus avancé, je veux dire jusqu’à quatorze ans ». Toujours en Angleterre Michael Underwood écrivit en 1784 un traité de pédiatrie de plus grande qualité que le précédent et mieux connu [4]. Mais c’est le suédois Rosen de Rosenstein qui est regardé comme le père de la pédiatrie suédoise au XVIIIe siècle. Il rédige, en 1778, un remarquable « traité des maladies des enfants », traduit en français, où il déclare que la physiologie de l’enfant est différente et qu’il faut l’aborder d’une manière particulière [5].
En France, à cette époque, on s’intéresse surtout à la naissance et aux soins du nourrisson, comme aux siècles précédents. En 1789 la société Royale de médecine, ancêtre de notre Académie, proposa un prix de 2000 livres aux auteurs des meilleurs mémoires sur l’allaitement artificiel. Elle reçut de si nombreux mémoires qu’elle dut diviser le prix pour les vingt meilleurs !
Au siècle des Lumières, beaucoup de philosophes s’intéressent à la place sociale et à l’avenir de l’enfant et leurs inquiétudes proviennent souvent de la mauvaise condition de l’élevage des enfants par les nourrices [6]. Depuis longtemps les accoucheurs ont été, et ils le sont toujours pour cette raison, des acteurs importants dans la protection de l’enfance.
Jean-Jacques Rousseau donne dans son livre de l’Emile une série de recommandations adaptées aux différents âges pour l’éducation. Ses préceptes se rapprochent de ceux de Locke, tous deux étant partisans d’une éducation ferme voire rude. Rousseau insiste sur la valeur de l’allaitement maternel pour son rôle psycho-affectif, qu’il estime essentiel pour l’avenir de l’enfant et de ses parents. Il déclare en revanche que son intérêt pour la médecine est faible et il est même très critique à cet égard.
Quelle a été la place l’enfant dans les travaux de l’Académie de médecine ?
L’Académie de médecine était alors dans cet esprit lors de sa création en 1820 et ces conceptions sur l’éducation et sur l’hygiène vont se prolonger en France jusqu’au milieu du XIXe siècle. En 1822 Le Dictionnaire des sciences médicales consacre un seul chapitre sur l’enfant, où l’on évoque son développement et sa croissance, tout en revenant longuement sur l’importance de l’hygiène et de l’éducation [7]. Bretonneau et son élève Trousseau, tous les deux brillants académiciens, se consacrèrent à des maladies infectieuses affectant principalement les enfants, mais ils ne dégagèrent pas de spécificité à la pédiatrie.
C’est en 1837 que sera enfin publié le premier traité français de pédiatrie par Rilliet et Barthez, intitulé « Traité clinique et pratique des maladies des enfants » où les auteurs expliquent le retard de la France par rapport aux médecins anglais et aux allemands [8]. L’Académie de médecine leur attribua un prix beaucoup plus tard, en 1849, mais ne fit aucun commentaire particulier ! Ernest-Antoine Barthez, médecin du prince impérial, fut élu membre de l’Académie en 1866, mais sa conception animiste de la pathologie fit de l’ombre à son traité.
Un changement s’opéra pourtant à l’Académie de médecine dans les années 1860 en raison de la mortalité infantile croissante chez les enfants placés en nourrice. A cette époque des milliers d’enfants parisiens étaient confiés à des nourrices morvandelles. On leur envoyait les nourrissons ou bien elles venaient à Paris les nourrir (nourrices sur lieu). La situation déplorable de ces nourrices aboutit à une morbidité et une mortalité inquiétantes. Les enquêtes issues de différentes régions françaises étaient alarmantes, rapportant une mortalité allant de 15 à 20 %. Grâce au mémoire d’un médecin du Morvan, le Dr Monot, Hippolyte Blot, académicien et obstétricien, put adresser en 1866 un rapport très précis sur ce sujet au ministre Victor Duruy, ministre de l’instruction publique. Une première commission dite de la mortalité des nourrissons fut créée à l’Académie « pour recueillir les documents et éclairer l’autorité sur les questions relatives à cette mortalité et à l’industrie des nourrices ». Puis elle devint une commission permanente de l’hygiène de l’enfance. Une large enquête sur les 10 départements où étaient placés les nourrissons parisiens fut menée par le gouvernement à l’initiative de l’Académie de médecine. L’Académie fit des propositions de règlement sur les nourrices et sur l’élevage des enfants mais elle jugea que le législateur devait être saisi de cette question pour aboutir à des mesures efficaces. C’est ainsi qu’en 1869, une commission mixte fut constituée, regroupant les académiciens chargés de la question (Broca, Boudet, Blot, Husson) et des personnalités politiques. Un projet de loi était imminent lorsqu’éclata la guerre de 1870. Et ce n’est que le 23 décembre 1875 que la loi relative à la protection des enfants du premier âge fut promulguée. Elle fut présentée à l’Assemblée par Théophile Roussel, académicien et député. Cette loi porte donc le nom de loi Roussel qui est une étape importante pour la protection des nourrissons. Jusqu’à la loi Roussel, l’Académie de médecine consacra 34 séances à la protection des nourrissons. Il était aussi dans ses objectifs d’aller plus loin, puisqu’en 1871 Devilliers déclarait : « notre commission doit concentrer d’abord son attention sur la question des enfants du premier âge, se réservant de la porter plus tard sur les enfants des âges suivants ». On institua alors ensuite un Conseil supérieur de la protection des enfants du premier âge.
Théophile Roussel continua son œuvre en étendant sa loi aux enfants abandonnés, délaissés et maltraités. La loi de juillet 1889 s’appliqua en effet aux jeunes filles mineures qui étaient parfois vouées à la misère et à la prostitution à cette époque.
On ne saurait passer sous silence l’action d’un autre académicien, Joseph Grancher, qui a œuvré très tôt pour l’enfance. Titulaire de la chaire de clinique des maladies de l’enfance en 1885 il avait fondé les Archives de médecine de l’enfant et dirigé un traité des maladies de l’enfance. Il fut aussi le collaborateur de Louis Pasteur et il pratiqua les premières vaccinations contre la rage. Très actif à l’Académie de médecine il défendit brillamment la pédiatrie. Il travailla toute sa vie sur la tuberculose, conseilla l’isolement des enfants des parents contagieux et il fonda en 1903 une œuvre dite « protection de l’enfance contre la tuberculose » [9]. La Fondation Grancher, continue de nos jours son œuvre avec une action de placement familial des enfants.
Autre exemple, celui de l’obstétricien et académicien Adolphe Pinard qui créa en 1920 la première école de puériculture, après avoir défendu l’allaitement maternel durant des décennies. Député, il défendit lui aussi la mère et le nouveau-né par plusieurs lois entre 1893 et 1919.
On peut donc conclure de cette première période que l’Académie de médecine a largement contribué à établir des œuvres solides pour la protection de l’enfance et pour la lutte contre la mortalité infantile. Elles ont duré jusqu’à ce jour.
La pédiatrie à l’Académie au xxe siècle
Les académiciens Grancher, Hutinel, Marfan ont été les fondateurs de la pédiatrie française au début du XXe siècle. Edmond Lesné, qui fut président de l’Académie, organisa la collecte et l’hygiène du lait. Marfan, puis Marquézy continuèrent l’œuvre de Grancher. Les maladies infectieuses et les vaccinations dominèrent les travaux de la première moitié de ce siècle.
L’histoire du BCG est exemplaire à cet égard. Les premiers résultats de l’activité du vaccin de Calmette et Guérin furent régulièrement exposés et discutés au sein de l’Académie de médecine.
Calmette confia la première vaccination par le BCG chez l’enfant, au Docteur Weill-Hallé, pédiatre et académicien non sans une très grande appréhension,. Celui-ci vaccina par voie buccale un nouveau-né dont la mère venait de mourir de tuberculose. L’enfant, suivi pendant 10 ans, eut un développement normal, sans tuberculose. Entre 1922 et 1924 Weill-Hallé et Raymond Turpin, autre pédiatre célèbre et académicien, vaccinèrent 217 nourrissons avec succès puisqu’aucun ne succomba à la tuberculose. Albert Calmette exposa les résultats favorables de la vaccination de 116000 nouveau-nés entre 1924 et 1928. Mais un débat et des polémiques s’instaurèrent ici-même entre Calmette et des détracteurs du vaccin, dont le plus actif fut un membre de l’Académie, José Lignières. Il remettait en cause l’innocuité du vaccin BCG ainsi que les statistiques de mortalité tuberculeuse avancées par Calmette. Emile Roux fit ici une défense très vigoureuse [10]. Plus tard Robert Debré sera un ardent défenseur de la lutte antituberculeuse et du BCG, ainsi d’ailleurs que des vaccins de la diphtérie et du tétanos découverts par son ami Ramon, membre libre de notre Académie.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle la médecine des enfants se diversifie
Elle connait son apogée à la fin du siècle dernier, et, pour la France, Robert Debré eut une influence décisive pour l’essor de la pédiatrie française. Très actif à l’Académie de médecine, il en fut le président en 1958. Les orientations nouvelles : maladies du métabolisme, génétique, cardiologie infantile, endocrinologie, neurologie, néonatologie sont représentées à l’Académie. Jean Cathala, Robert Marquézy, Clément Launay, Maurice Lamy, Pierre Mozziconacci, Robert Laplane, Raymond Mande, Jean Duché, Pierre Canlorbe, Stéphane Thieffry, Gabriel Blancher, intervinrent régulièrement par des rapports ou des avis importants. De même que les chirurgiens pédiatres, en particulier Marcel Fèvre ou Denys Pellerin.
Parallèlement, et toujours sous l’influence de Robert Debré, apparut la pédiatrie sociale ; elle correspondait bien aux missions de santé publique de l’Académie de médecine et il n’est donc pas étonnant que Marcel Lelong, Julien Marie, Raymond Mande aient fait de nombreux rapports ou avis sur l’organisation de la PMI (1957), sur les examens médicaux obligatoires des enfants du premier et du deuxième âge (1965, 1972), sur les certificats de santé des nourrissons (1974), avis qui étaient alors nécessaires pour le Ministère de la santé.
Académie de médecine et enfance au XXIe siècle
Depuis l’année 2000 l’Académie de médecine a consacré 24 séances et produit 35 rapports, avis et communiqués concernant l’enfance. Il serait fastidieux de décrire tous les sujets traités, car en raison de la diversité de ses membres la majorité des spécialités pédiatriques ont été concernées. Certains thèmes sont dominants et peuvent donc éclairer sur les préoccupations actuelles de la société et, par là, sur l’orientation de la pédiatrie du futur. Par exemple, la génétique moderne suscite de nombreux travaux et elle a déterminé l’Académie à réunir sous son toit, en avril 2016, les Académies de médecine d’Europe, puis l’Académie des sciences et l’Académie de médecine des Etats-Unis sur la question de l’édition du génome humain. La néonatologie et la périnatalité sont un autre domaine d’études, embrassant les situations à risques, la prématurité mais aussi l’alcoolisme fœtal, l’aide à la procréation, les CECOS créés par Georges David, et toutes les interrogations éthiques posées aujourd’hui par la GPA et la PMA.
La pédiatrie sociale et la prévention sont toujours aussi présentes à l’Académie. Qu’il s’agisse des handicaps, de l’adolescence, des addictions, de la scolarité, l’Académie a transmis aux autorités de nombreux rapports et avis ces toutes dernières années. Les vaccinations, qui sont une des missions originelles de l’Académie, continuent à y être largement débattues, y compris l’hésitation vaccinale, nouvel aspect de la défiance vaccinale dans la société moderne, qui est une menace pour la protection anti infectieuse.
L’avenir de la pédiatrie
Mais on doit s’interroger, et l’Académie l’a fait plusieurs fois depuis 3 ans, sur l’avenir de la prise en charge globale de l’enfant qui a été le combat des deux derniers siècles, nous l’avons vu. Il reste indispensable que les enfants soient surveillés régulièrement dans leur développement, non seulement leur développement physique mais aussi, et cela est de plus en plus demandé par les familles, leur développement psychologique et social.
Si les sur-spécialités de la pédiatrie sont en général bien représentées sur tout le territoire français dans des sites d’excellence, des secteurs de prévention et de santé publique risquent, en revanche, d’être désertés à plus ou moins brève échéance. Tout d’abord la pédiatrie ambulatoire ou de ville mais aussi la médecine de PMI ou la médecine scolaire.
En effet les missions des pédiatres ont changé et vont encore s’alourdir. Pour les enfants malades le pédiatre devra de plus en plus se consacrer aux enfants atteints de maladies chroniques, de maladies rares et aux enfants atteints de handicaps. Il aura en charge le conseil génétique. Pour ces pathologies il devrait rester le meilleur guide [11].
Mais l’activité de prévention, exercée depuis longtemps par les pédiatres, va peu à peu encore augmenter, en raison du besoin de prévention sur le long terme, par exemple celle de l’obésité ou des maladies cardio-vasculaires, et aussi de la prévention des comportements à risque ou des addictions chez les adolescents. Les enfants en danger et en précarité doivent être également dépistés et suivis. Sur ces exigences les besoins de la France ont été parfaitement décrits dans le rapport de la commission enfance et adolescence demandé par le premier ministre en 2015.
Cette activité de dépistage, qui va s’adresser de plus en plus aux enfants scolarisés et aux adolescents, nécessite une formation particulière et demande du temps et une grande disponibilité en pratique. Par conséquent, pour maintenir une pédiatrie de qualité que nous apprécions qui devra dans le futur assumer la médecine des enfants ? La loi santé fait obligation pour tout enfant d’avoir un médecin référent (médecin généraliste ou pédiatre) dès la naissance. L’Académie de médecine s’est prononcée en 2016 sur le sujet difficile du manque de pédiatres ambulatoires en France.
Le pédiatre ne peut pas assumer la prise en charge de l’enfant à lui seul. Il sera donc amené à travailler en liaison avec les professions concernées et avec le médecin généraliste ou le pédiatre généraliste en ville. Les enfants malades seront suivis de plus en plus hors de l’hôpital, ce qui implique une organisation qui devrait être accessible dans toutes les régions. Les pédiatres libéraux, trop peu nombreux, ne pourront pas tous assurer cette fonction d’où l’importance de la formation du futur médecin généraliste à la pédiatrie.
Après avoir parcouru la lente autonomisation de la pédiatrie et constaté son excellence récente, il nous faut garder en l’esprit, hors des acquis bien sûr admirables de la technologie médicale actuelle, que l’épanouissement de l’enfant doit demeurer le but final de notre société.
Le pédiatre de demain et tous les médecins et soignants concernés par les soins des enfants se trouvent inévitablement dans une relation et un exercice de leur métier aujourd’hui différents, car, nous le savons tous, des mutations importantes de société se sont produites depuis un demi-siècle. La famille s’est profondément transformée. L’enfant a été peu à peu plus autonomisé et sa place dans la famille a évolué. Le rapport enfant-parents-médecin pédiatre change, ainsi que le dialogue. L’apport de Françoise Dolto est représentatif de la nouvelle place occupée par l’enfant en tant que sujet. Dolto a sorti l’enfant de sa place soumise et l’a placé tel un individu autonome dont la parole doit être entendue et considérée.
Comme l’explique le sociologue François de Singly, le processus d’autonomisation de l’enfant, que consacre le droit, est indissociable du développement de l’individualisme en Occident. Mais cela pose la question de la protection à laquelle il a droit de par sa nature d’enfant ou d’adolescent vulnérable. Autonomie ne veut pas dire indépendance. Les interrogations actuelles sur les vaccinations en sont une preuve exemplaire.
En conséquence la pédiatrie moderne a devant elle une tâche encore plus complexe, mais incontournable , si l’on veut garantir, ce qui nous touche tous, l’épanouissement équilibré et humanisé des enfants, futurs adultes d’une société en pleine mutation. Sur ces problèmes l’Académie nationale de médecine devra continuer à apporter sa contribution, comme elle l’a fait auparavant.
RÉFÉRENCES
[1] Hippocrate : Hippocratis opera omnia. Par Anuce Foes. Andrea Wecheli édit. Francfort1595.
[2] Scevole de Sainte- Marthe. La manière de nourrir les enfants à la mamelle. Guillaume de Luyne édit. Paris 1698.
[3] Harris Walter. Traité des maladies aiguës des enfants. Traduction par Devaux. Jacques Clouzier édit. Paris 1730 https:/books.google.fr/
[4] Underwood Michael. Traité des maladies des enfants. Traduit de l’anglais. Théophile Barrois édit. Paris 1786.
[5] Rosen de Rosenstein Nils. Traité des maladies des enfants. Traduit du suédois par Lefèvre de Villeneuve. Cavelier édit. Paris 1778.
[6] Anonyme. Maladies des enfants. Encyclopédie. Diderot, d’Alembert. Pellet édit. Genève 1778 ; tome 12 ; p 426-436.
[7] Anonyme. Enfant. Dictionnaire abrégé des sciences médicales. Panckoucke édit. Paris Tome 6.p 436-470.
[8] Rilliet F, Barthez E. Traité clinique et pratique des maladies des enfants. Baillère édit. Paris 1837.
[9] Achard Ch. Joseph Grancher. Eloge. Bull. Acad. Natle. Med.1923 ; 90 (42): 534-46.
[10] Bégué P. Albert Calmette : à propos du 150e anniversaire de sa naissance. Bull. Acad. Natle. Med. 2013 ; 197 (7) :1475-84.
[11] Lasfargues G. La pédiatrie française : d’où elle vient, où elle va ? Bull. Acad. Natle. Med.2013 ;197 (4-5) : 1021-32.
SOURCES
Hannah Newton. The sick child in early modern England. Endeavour.2014;38(2):122-29.
Huard P., Laplane R .Histoire illustrée de la pédiatrie. Roger Dacosta edit. Paris 1981-1983 ,3 vol.
Kottek S. Quelques remarques sur les prémices de la pédiatrie au XVIIIe siècle. Histoire des sciences médicales.1997 ; 31(3-4) : 359-67.
Bull. Acad. Natle Méd., 2016, 200, nos 8-9, 1743-1750, séance du 20 décembre 2016