Summary
Recurrence of the initial renal disease after kidney transplantation is a major cause of graft dysfunction and failure. Glomerulopathies are reported to account for 80 % of such cases, but this figure should be interpreted with care, as extensive investigations (immunofluorescence or electron microscopy studies of the explanted kidney) are needed to prove that the initial disease has indeed recurred and to determine prevalence rates. In the following order of frequency, focal segmental glomerulosclerosis, membranous glomerulonephritis, mesangiocapillary glomerulonephritis and IgA nephropathy have a tendency to recur, while, surprisingly, anti-glomerular basement membrane nephritis and systemic lupus erythematosus are less likely to relapse on the donor kidney. There is no evidence that anti-calcineurin therapy has any impact on the risk of recurrence. Options for the prevention and treatment of these recurrences are very limited, calling for very cautious use of living familial donors.
Récidives des néphropathies après transplantation rénale et leur prévention — une revue générale
Recurrent kidney disease and its prevention after renal transplantation; a review of the literature
Bernard CHARPENTIER *
RÉSUMÉ La récidive de maladies rénales est une cause importante de dégradation de la fonction du greffon rénal et de sa perte éventuelle. Les glomérulopathies représentent plus de 80 % de ces récidives, mais l’étude de la littérature montre que des critères soigneux (histologie rénale pré-transplantation, examen en immunofluorescence et en microscopie électronique sur les prélèvements histologiques des greffons rénaux) doivent être exigés avant d’avancer des chiffres de prévalence. Dans l’ordre, les glomérulonéphrites avec lésions de hyalinose segmentaire et focale, les glomérulonéphrites membrano-prolifératives, les glomérulonéphrites extra-membraneuses et la néphropathie à IgA récidivent le plus souvent, alors que de façon surprenante les glomérulonéphrites avec anticorps anti-membrane basale glomé- rulaire ou les lésions rénales du lupus érythémateux disséminé récidivent peu. L’introduction des anti-calcineurines n’a pas eu un impact vérifié sur le taux de récidive de ces maladies rénales. Enfin, la prévention et le traitement de ces récidives est entièrement limité, conduisant surtout à poser des indications très prudentes de transplantation avec donneur vivant apparenté.
L’analyse de la littérature montre que les maladies rénales récidivant sur le greffon interviennent chez 4 à 20 % des receveurs et induisent 2 à 5 % d’insuffisance rénale terminale [1-6]. Dans la plus large série publiée, celle de l’Université de Wisconsin qui a évalué 1557 patients, avec un suivi de 7.3 années post-transplantation, la récidive de la maladie rénale primitive a été observée dans 98 cas, soit 8 % [7], dont plus de 75 % des cas étaient des glomérulopathies.
Cependant, il faut souligner que ces chiffres doivent être pris avec beaucoup de précaution pour de nombreuses raisons :
— les groupes de patients dans de nombreuses études sont de petites tailles et très variables — le suivi post-transplantation est généralement trop court — parfois moins de 50 % des patients ont subi une ponction biopsie rénale de leurs reins propres, donc la moitié des maladies primitives sont inconnues — la récidive de la maladie primitive n’est pas souvent bien classée et l’analyse en microscopie électronique de la biopsie du greffon est très rare — le diagnostic différentiel entre glomérulopathie de novo, glomérulopathie transmise par le greffon, et récidive de glomérulopathie est parfois difficile à faire.
La définition de la récidive n’est pas toujours claire entre récidive clinique et récidive histologique.
Les maladies systémiques (diabète et néphropathie hypertensive) peuvent aussi récidiver sur le greffon et l’hypertension pré et post-transplantation a un impact important sur la survie de l’allogreffe.
La dysfonction chronique du greffon a une origine multifactorielle, immunologique (rejet chronique d’allogreffe) ou non immunologique (lésions rénales de l’hypertension, néphrotoxicité des anti-calcineurines…) et rend difficile, même avec l’utilisation de la microscopie électronique et de l’immunohistochimie, le diagnostic diffé- rentiel entre lésions de rejet chronique et récidive d’une maladie rénale sur le greffon, d’autant plus que les deux peuvent coexister.
TABLEAU 1. — Les récidives des néphropathies rénales après transplantation.
Maladie
Fréquence
Diagnostic
Prévention
Traitement cura- de la récidive différentiel tif histologique/clinique histologique
Hyalinose segmen- 10-15 % 20-40 % Lésions de hyali- Retarder la Augmentation taire et focale nose d’hyperfil- transplantation des anti-calci(HSF) tration si HSF « Mali- neurines en Glomerulopathie gne » prudence si pédiatrie du rejet chroni- don vivant appa- plasmaphereses que rente contre indi- immunoabsorpcation si recidive tion sur un 1er transplant Gloméruloné- Glomérulopathie Prudence Aspirine/Dipyphrite membranodu rejet ridamole proliferative Plasmaphereses (GNMP) Type 1 20-30 % 40 % Si don vivant apparente Type 2 50-100 % 10-20 % Contre indication Maladie de Berger 25-60 % 25-50 % Prudence si IgA Plasmapherese « maligne » et Augmentation Purpura rhuma- des stéroides toide Glomérulo3-26 % 50 % GEM de Éliminer la cause Augmentation néphrite extra « Novo » d’une GEM « se- des stéroides membraneuse Glomérulopathie condaire » Cyclophospha(GEM) du rejet chronimide (?) que Syndrome de Goo- 5-10 % 25 % Nécessité de Attendre la chute Plasmaphereses dpasture l’immunofluodu taux des anti- Cyclophospharescence en his- corps anti-mem- mide (?) tologie renale branes basales Syndrome hémoly- 10-25 % idem Lésions rénales Retarder la Plasmaphereses tique et urémique du rejet aigu transplantation d’Allogreffe Éviter les antinéphrotoxicite calcineurines des anti-calcineurines Lupus érythema- 1-2 % ? Lésions rénales Retarder la Plasmaphereses teux, Glomérulodu rejet aigu et transplantation Cyclophosphanéphrite proliferachronique avec normalisa- mide tive et NécroNéphrotoxicité tion des antisantes, Vascularides anti-calci- corps anti DNA, tes systémiques neurines C3, ANCA Cryoglobulinémie, 20-30 % 50 % Stabilisation/ Plasmaphereses Amylose rénale, Guérison de la Melphalan Gloméruloné- maladie primi- Corticoides phrite fibrillaire, tive Gammapathies monoclonales
IMPACT DE LA RECIDIVE DES NEPHROPATHIES SUR LA SURVIE DE L’ALLOGREFFE
L’impact global des récidives des néphropathies sur la survie des greffons est encore controversé. Dans l’étude de Hariharan et coll [7], la survie des greffons ayant une récidive de maladie primitive est inférieure de 7 % à 5 ans comparée à la population contrôle et inférieure de 17 % à 8 ans. Récemment, une étude australienne sur 1505 patients ayant eu une biopsie sur le rein natif a montré que la perte de greffon due à la récidive de glomérulonéphrite (52 cas) était après le rejet chronique et le décès avec un greffon fonctionnel, la 3ème plus importante cause de perte de greffon à 10 ans [8] LA GLOMERULONEPHRITE DE TYPE HYALINOSE SEGMENTAIRE ET FOCALE (HSF)
La récidive de cette glomérulonéphrite pose un véritable problème car elle a une fréquence de 20 à 40 % et intervient généralement dans les 6 à 12 premiers mois post-transplantation, mais elle a été décrite jusqu’à 5 ans après la transplantation [9-10] Cette récidive se manifeste par une protéinurie abondante, une hypertension artérielle et une perte de la fonction du greffon.
Plusieurs facteurs rendent incertains ce taux de récidive. Le premier est dû au caractère focal des lésions glomérulaires et ces lésions histologiques peuvent échapper à l’examen parcellaire de la ponction biopsie rénale. Le second réside dans le fait que des lésions histologiques de type hyalinose peuvent être le résultat de modifications hémodynamiques intra-glomérulaires en tant que conséquence de la réduction néphronique.
Les facteurs de risque de récidive clinique sont additifs, et incluent le jeune âge (enfants de moins de 16 ans), la présence d’une prolifération mésangiale sur la biopsie des reins propres, le développement rapide d’une insuffisance rénale sur les reins natifs et un intervalle de temps court entre transplantation et apparition de la protéinurie [6]. Une question importante concerne les risques de récidive sur greffons cadavériques et greffons vivants apparentés. Une étude récente montre que le bénéfice d’une transplantation apparentée en pédiatrie est perdue si la maladie primitive est une HSF [11]. Cette donnée a été confirmée par une très large étude américaine, qui montre que la perte du greffon chez des receveurs de moins de 20 ans peut être attribuée à une récidive d’HSF chez 14 % des receveurs de don vivant apparenté et chez 11 % de receveurs de greffes cadavériques [12]. Cependant, même chez des enfants présentant des HSF, des transplantations apparentées ont été faites dans de petites séries avec des résultats corrects [13]. Un autre facteur de risque reconnu semble être celui de la race blanche, les sujets de race noire ayant un taux de récidive plus faible [12].
Le traitement de ces récidives utilise les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou les inhibiteurs du récepteur de type I de l’angiotensine 2 et parfois l’augmentation de l’immunosuppression. Un champs thérapeutique passionnant est celui des échanges plasmatiques et de l’immunoabsorption [14]. Chez les enfants, les plasmaphérèses prophylactiques avant transplantation apparaissent comme plus efficaces que les plasmaphérèses post-transplantation. Chez les enfants présentant une récidive, 8 sur 9 ont répondu aux plasmaphérèses et certains enfants ont pu être maintenu sous cette thérapeutique pendant plusieurs années [15]. Cependant chez les adultes présentant une récidive, la plasmaphérèse semble moins efficace, et seuls 5 des 13 patients ont présenté une réponse partielle ou totale. La récidive après un premier traitement efficace est très fréquente (10 cas sur 13 sujets). Ce traitement par plasmaphérèse nécessite d’être très précoce car l’apparition de lésions histologiques de type sclérose prédit un échec du traitement, sur le rythme de 3 séances de plasmaphérèse consécutives sur 3 jours, suivies par 6 séances alternées tous les deux jours [16]. Dans certains cas, le traitement peut être prolongé sur plusieurs mois.
Une autre alternative de traitement est basé sur l’immunoabsorption du sérum sur des colonnes de sépharose-protéine A [17-18]. Cette technique développée dans les centres de transplantation de Nantes et de Bicêtre est basée sur le fait que le ou les facteurs circulants de perméabilité vasculaire qui sont pathognomoniques dans la maladie se lient aux immunoglobulines retenues par les colonnes de protéine A-sépharose. Des résultats récents suggèrent que ces facteurs circulants représentent une nouvelle famille de protéine ou une famille de petites protéines glycosylées [19]. L’expérience de l’immunoabsorption montre une efficacité supérieure à la plasmaphérèse, mais malheureusement beaucoup plus coûteuse en raison des prix de vente des colonnes de sépharose-protéine A [18].
LES
GLOMERULONEPHRITES
MEMBRANO-PROLIFERATIVES
DE
TYPE I (GNMP)
La récidive de ce type de GN (GNMP) est située aux alentours de 20 à 30 % [20].
Dans la mesure où l’examen en microscopie optique montre une interposition mésangiale et une expansion mésangiale, cette lésion peut évoquer l’entité appelée la « glomérulopathie d’allogreffe », secondaire au rejet chronique et qui peut entraîner une surestimation de l’incidence des GNMP de type 1. Les lésions histologiques qui peuvent aider au diagnostic différentiel entre glomérulopathie d’allogreffe et GNMP incluent la sévérité des lésions vasculaires et interstitielles associées aux lésions glomérulaires, de dépôts subendothéliaux et de dépôts immuns en immunofluorescence. Jusqu’à 40 % de patients présentant une récidive de GNMP perdent leur greffon et seul un traitement anti-agrégant plaquettaire ou des dipyridamole peut stabiliser les lésions [21-22].
LES
GLOMERULONEPHRITES
MEMBRANO-PROLIFERATIVES
DE
TYPE 2
Bien que ce type de glomérulonéphrite ne soit pas très fréquent dans les causes de l’insuffisance rénale terminale, la récidive sur le greffon est pratiquement la règle, approchant 80 % des patients [23]. Heureusement la perte du greffon n’est enregistrée que dans 10 à 20 % des cas, mais la récidive est d’autant plus probable que le receveur est un homme, présente une protéinurie abondante et des lésions histologiques sévères. Il n’y a pas de traitement spécifique de ce type de récidive mais les plasmaphérèses ont permis dans un nombre réduit de cas, une amélioration clinique et histologique sous forme de régression des lésions exsudatives et prolifé- ratives.
MALADIE DE BERGER OU GLOMERULONEPHRITE AVEC DEPOTS MESANGIAUX D’IgA
La maladie de Berger, qui est la glomérulonéphrite primitive la plus fréquente dans le monde a un taux de récidive qui approche 50 % [24-31]. Le facteur prédictif le plus important est le jeune âge du patient. Il est toujours aussi incertain de définir le risque de récidive plus ou moins important sur des greffons apparentés que sur des greffons d’origine cadavérique. Cependant, même en cas de récidive sur un greffon apparenté, la survie greffon est identique à celle de greffons d’origine cadavérique à 5 ans et 10 ans post-transplantation [29-31].
Aucun immunosuppresseur, même les plus récents comme le mycophénolate mofetil ou la rapamycine, ne prévient la récidive histologique de la maladie de Berger [24]. Cependant, des résultats préliminaires montrent que le mycophé- nolate mofétil puisse interférer avec l’évolution clinique de cette maladie [32].
Malheureusement tous les résultats sont à court-terme et il faudra donc plusieurs années pour prouver ou non l’effet des immunosuppresseurs dans la pré- vention des récidives de maladie de Berger. Il est par contre logique d’utiliser des approches plus conventionnelles, comme l’utilisation d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion pour prévenir la progression de la détérioration de la fonction rénale de ces greffons.
Au contraire de la maladie de Berger, l’évolution du purpura rhumatoïde de Schönlein-Henoch, considéré comme la forme systémique de la maladie de Berger est bien moins connue après transplantation rénale. Le peu de publications suggère un taux de récidive identique à celui de la maladie de Berger [32]. Dans d’autres études, incluant respectivement 9 et 12 patients, aucune récidive n’est notée y compris jusqu’à 13 années post-transplantation [7]. Une seule étude a montré que retarder la greffe d’au moins un an après la dernière poussée de purpura n’a aucun effet sur le taux de récidive [33].
GLOMERULONEPHRITE EXTRA-MEMBRANEUSE
L’étude la plus importante est celle de Cosyns et coll [34], montrant un risque actuariel de récidive aux alentours de 30 % après 3 ans d’évolution. En cas de récidive, la perte du greffon est intervenue chez 50 % à 10 ans. Aucun facteur de risque de récidive n’a pu être mis en évidence, n’a pu être identifié. Dans un sous-groupe de ces patients, 3 lymphomes ont été mis en évidence comme cause éventuelle de cette glomérulonéphrite. Il est impossible de savoir si ce lymphome était la conséquence de l’immunosuppression, mais cela rend prudent dans l’indication d’une augmentation importante de l’immunosuppression dans la récidive de ce type de glomérulopathie et qui pourrait ensuite aggraver le risque de malignité.
MALADIE DES ANTICORPS ANTI-MEMBRANE-BASALE GLOMERULAIRE
Cette maladie a un taux de récidive histologique d’approximativement 50 %, mais seuls 25 % ont des manifestations cliniques de glomérulonéphrite [7]. Des améliorations spontanées ont été décrites et la perte du greffon est rare. La récidive histologique peut être accompagnée par la réapparition des anticorps antimembrane basale dans le sérum des transplantés. Bien que des succès de transplantation aient été rapportés chez des patients ayant encore un taux circulant d’anticorps anti-membrane basale positif, il semble raisonnable d’attendre 6 à 12 mois de négativation de ces anticorps avant d’effectuer cette transplantation afin de minimiser les risques de récidive [7].
SYNDROME HEMOLYTIQUE ET UREMIQUE
Ce type de récidive doit absolument être distingué d’une microangiopathie associée à la prise d’une anti-calcineurine ou d’un rejet aigu vasculaire. Le taux de récidive est à peu près de 10 à 25 % et environ la moitié de ces cas aboutit à une perte du greffon, le temps d’apparition de la récidive se situant entre un début précoce jusqu’à une durée de 3 à 5 ans post-transplantation [35].
Les facteurs de risque sont surtout représentés par une transplantation précoce après une poussée aiguë de la maladie et l’utilisation d’immunosuppresseurs comme les anti-calcineurines et des globulines anti-lymphocytaires polyclonales ou monoclonales.
LUPUS ERYTHEMATEUX DISSEMINE (LEAD), GLOMERULONEPHRITES PROLIFERATIVES ET NECROSANTES ET VASCULARITES SYSTEMIQUES
Les récidives des lésions rénales au LEAD sont rares (moins de 1 %) et seuls quelques cas ont été rapportés [1-7]. La survie des greffons est meilleure en cas de transplantation avec donneurs vivants apparentés et il est raisonnable d’attendre en épuration extra-rénale avant transplantation que la sérologie lupique (anticorps anti-DNA, taux de la fraction C3 du complément) se soit améliorée.
Les lésions rénales de la maladie de Wegener peuvent récidiver en transplantation aux alentours de 30 % et une perte de greffon estimée à 40 % dans des petites séries.
Les glomérulonéphrites nécrosantes ont un taux de récidive plus bas (< 2 %) et un taux d’ANCA encore élevé avant transplantation peut prédire une récidive. Il a été rapporté que 60 % des patients avec positivité des ANCA pré-transplantation récidivent comparés avec les 34 % de récidive chez ceux qui sont ANCA négatifs avant transplantation. Il est préférable de reculer la transplantation d’au moins 6 mois si le taux d’ANCA reste positif et de s’abstenir de transplantation si le taux des ANCA au contraire monte [1-7].
GROUPE HÉTÉROGÈNE DE PATIENTS PRÉSENTANT DES CRYOGLOBULINEMIES MIXTES ESSENTIELLES, DES AMYLOSES RÉNALES, DES GLOMÉRULONÉPHRITES FIBRILLAIRES NON AMYLOÏDES ET DES GAMMAPATHIES MONOCLONALES.
La transplantation rénale est très rarement proposée dans ce type de pathologie [1-7]. Cependant, des résultats sur un groupe de 60 patients avec insuffisance rénale terminale secondaire à une amylose secondaire ayant reçu un greffon rénal ont été rapportés avec des survies de greffons identiques à une population contrôle. Par contre, la survie patient est moins bonne, due en particulier aux complications infectieuses et vasculaires. La récidive dans ces cas est intervenue dans 20 à 30 % des greffons, mais avec très peu de perte de greffon.
Des récidives de lésions glomérulaires après transplantation ont été rapportées chez des patients ayant des lésions rénales primitives de type myélome multiple et maladie des chaînes légères d’immunoglobulines. Une récidive du dépôt des chaînes légères a été mis en évidence dans une série de 6 malades sur 12 et une perte de greffon chez 2 patients en dépit d’un traitement intensif par plasmaphérèse, melphalan et corticostéroïdes [3-6]. La survie des patients a dépendu essentiellement de l’évolution de la malade hématologique et de la survenue d’infections secondaires. Dans un petit groupe de 4 malades avec glomérulopathies immunotactoïdes et ayant reçu une allogreffe, deux ont récidivé respectivement 21 et 60 mois après la transplantation [7]. Cette récidive étant marquée par une protéinurie massive. Dans les cryoglobulinémies mixtes essentielles, la récidive après transplantation a été de 50 % et cette
récidive est souvent associée à des manifestations extra-rénales comme du purpura et des arthralgies [36] CONCLUSION
La récidive des néphropathies est maintenant la 3ème cause la plus fréquente de perte de greffon à 10 ans. Avec l’amélioration progressive des survies d’allogreffes rénales, quelle soit due à un meilleur appariement HLA ou à une meilleure immunosuppression, l’importance de ces récidives continuera à croître dans le futur. Alors que les études épidémiologiques continuent de s’accroître concernant chacune des malades rénales pouvant récidiver, les informations sur leur traitement est très limitée. Par exemple, la ciclosporine n’a aucun impact sur la récidive des malades primitives sur le greffon, d’autre part la néphrectomie bilatérale pré-transplantation n’a elle aussi aucun effet sur le taux de récidive.
A l’heure actuelle, il n’y a donc aucune thérapeutique validée sauf pour la glomé- rulonéphrite avec hyalinose segmentaire et focale. A partir de ce constat, il est important que de vastes études multicentriques sur le traitement de ces récidives soient entreprises afin d’aborder leur prévention.
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DISCUSSION
M. Jean-François BACH
Quels commentaires vous évoquent les grandes différences de l’effet préventif de l’immunosuppression reçue contre le rejet sur les récidives ? Connaît-on le médiateur circulant responsable de la récidive parfois immédiate des syndromes néphrotiques avec hyalinose segmentaire et focale ?
La première question illustre l’importance de telle ou telle famille d’immunosuppresseur utilisés contre le rejet d’allogreffe et qui, de façon directe interfèrent avec les mécanismes immunologiques à la base de nombre de néphropathies et de leur récidives. Par exemple la ciclosporine à doses fortes à permis en pédiatrie le contrôle certaines récidives précoces des hyalinoses segmentaires et focales. Un très grand espoir était né des travaux du groupe animé par le Docteur SAVIN il y a 4 ou 5 ans, qui avait pratiquement isolé ce facteur, malheureusement, aucun autre travail ultérieur n’a confirmé cette première publication.
M. Raymond ARDAILLOU
Comment peut-on expliquer les récidives sur rein transplanté chez les malades atteints du syndrome d’Alport, la théorie voulant qu’il n’y ait pas de récidive lorsqu’on transplante un rein normal ne reprenant pas le phénotype du gène muté ?
Paradoxalement, le malade présentant un syndrome d’Alport est tolérant à la protéine mutée du collagène de type COL4A5, et c’est probablement une tolérance centrale
néo-natale. Par contre, la théorie veut qu’il ne le soit pas, à la protéine normale non mutée et qu’il puisse diriger contre elle une réaction auto-immune, y compris de type humorale avec anticorps.
M. René KÜSS
Comment expliquez-vous les moins bons résultats obtenus sur les reins de cadavre que sur les reins prélevés chez le vivant ? Est-ce par la récurrence de la glomérulonéphrite sur le transplant ?
Malheureusement, l’explication des moins bons résultats en transplantation avec rein de cadavre vient du fait de la moins bonne qualité de ces greffons obtenus chez des sujets âgés, très souvent décédés de causes médicales de type cardio-vasculaires et non traumatiques, et que cette pénurie de greffons impose de plus en plus d’utiliser des greffons ‘‘ limites ‘‘ dont certains nécessiteront une biopsie avant leur utilisation tant le risque est grand d’utiliser des greffons d’emblée ‘‘ non-fonctionnels ‘‘.
M. Jean-Daniel SRAER
Les récidives de maladie de Berger sont-elles uniquement histologiques ou s’accompagnentelles de perte de la fonction rénale plus rapide que celle de greffes considérées comme ne récidivant pas ?
Un très grand nombre de récidives de maladie de Berger ne se manifeste qu’histologiquement, car sur le plan clinique, une protéinurie, une hématurie microscopique, une hypertension artérielle se retrouvent dans le cadre d’une dysfonction chronique du greffon. Par contre, une fois installées, parfois même tardivement, les récidives de maladie de Berger aggravent sensiblement la dégradation de la fonction rénale du transplant.
M. Pierre GODEAU
Que faut-il penser des conditions d’amélioration du système de conservation des greffons avant transplantation pour limiter notamment les conséquences de l’ischémie ?
Il y a eu un très grand progrès dans ces dernières années concernant les liquides de préservation, les conditions optimales de prélèvement, la prise en charge des donneurs et l’utilisation de certains moyens sophistiqués comme les machines de préservation pulsatiles, mais cet effet positif s’est noyé dans l’effet négatif de l’utilisation de greffons ‘‘ limites ‘‘ en particuliers provenant de donneurs âgés voire très âgés et présentant des lésions de néphro-angiosclérose.
M. Jacques BATTIN
La cystinose est une thésaurismose récessive autosomique dans laquelle la cystine, par défaut de son transport à travers la membrane lysosomale s’accumule dans les tissus et notamment les reins. Le traitement récent par la cystéamine réduit le taux de cystine
intracellulaire et retarde ainsi le développement de l’insuffisance rénale. Après greffe, la maladie métabolique persistant, n’y a-t-il pas de risque de récidive ?
Il est classique de dire que la néphropathie de la cystinose ne récidive pas après transplantation, le greffon ne possédant pas l’anomalie du transfert de la cystine à travers la membrane lysosomale. Cependant, les dépôts cristallins et des cellules ‘‘ noires ‘‘ ont été observés sur le rein transplanté. Ces cristaux sont présents dans de volumineux monocytes macrophages interstitiels qui infiltrent le greffon et sont le reflet du thesaurisome de cystine libre.
* Service de néphrologie, CHU de Bicêtre, 94275 Kremlin Bicêtre Cedex. Tirés-à-part : Professeur Bernard CHARPENTIER, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 31 mars 2004, accepté le 3 mai 2004.
Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 6, 1027-1039, séance du 29 juin 2004