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Session of 19 février 2008

Quelle est la situation des drogues et de leurs modes de consommation dans notre pays ?

MOTS-CLÉS : comportement de dépendance.. troubles liés a une substance
Patterns and modalities of illicit drug consumption in France
KEY-WORDS : behavior, addictive.. substance related disorders

Étienne Apaire

Résumé

Après avoir rappelé les traits caractéristiques de la situation des drogues en France et des tendances de leur consommation, le Président de la MILDT évoque les grandes orientations qu’il souhaite donner à l’action publique pour les quatre prochaines années, qu’il s’agisse de la prévention, des soins, de l’application de la loi ou de la recherche. La mise en œuvre de ces différents leviers a pour finalité de diminuer la consommation de l’ensemble des drogues afin d’en réduire significativement les conséquences négatives pour la société, aussi bien en termes de mortalité et de morbidité qu’en termes de dommages familiaux et sociaux. Dans la dernière partie de son intervention, le Président de la MILDT décrit les instruments de politique publique permettant de mettre en œuvre ces orientations et souligne le rôle central de la MILDT dans la construction et la coordination de ces instruments.

Summary

After recalling the current patterns and trends of illicit drug use in France, the MILDT president outlined a four-year plan of prevention, treatment, enforcement and research. The overriding aim is to reduce overall drug consumption and thereby to diminish its morbidity and mortality, and its negative impact on the family and society. The president ended by describing the public tools and resources available to reach these objectives, and underlined the central role of MILDT in developing and coordinating these tools.

QUELLE EST LA SITUATION DES DROGUES ET LEURS MODES DE CONSOMMATION DANS NOTRE PAYS ?

Sans vouloir tenir devant votre Compagnie un discours inutilement alarmiste, je dirai que la situation de l’usage des drogues en France reste suffisamment préoccupante pour justifier une action résolue et déterminée des pouvoirs publics dans les prochaines années.

Je souhaite d’ailleurs, à cette occasion, rendre un hommage particulier aux travaux conduits ces dernières années par l’Académie nationale de médecine sur plusieurs questions qui sont au cœur des préoccupations actuelles de la MILDT. Je songe en particulier au rapport récent de la Commission Addictions, présidée par le Professeur

Roger Nordmann, sur l’évolution des conduites d’alcoolisation des jeunes mais également aux rapports précédents de cette même commission sur les dangers de la consommation des drogues au cours de la grossesse ou encore sur les risques associés à la consommation de cannabis des adolescents et des jeunes adultes. En l’occurrence, je considère que l’Académie a pleinement joué là son rôle d’alerte et de propositions vis-à-vis des pouvoirs publics.

Pour revenir à la situation actuelle, que constatons-nous sur le front de la consommation des différentes drogues en France ?

S’agissant de l’alcool, on estime en France aux alentours de cinq millions le nombre de consommateurs abusifs dont près de deux millions de personnes seraient des personnes alcoolo-dépendantes. L’alcool est aujourd’hui responsable, avec le tabac, de cent mille décès évitables par accidents et par maladies dont près de quarante mille par cancers. Au-delà des aspects de santé publique, l’alcool engendre également des violences et des pertes de productivité préjudiciables à l’activité économique et à la cohésion sociale de notre pays. Dépenses de santé incluses, son coût social avoisinerait ainsi les trente-sept milliards d’euros (2,37 % du PIB, soit 600 euros par habitant et par an), cette estimation ne tenant pas compte des crimes et délits commis sous l’emprise de l’alcool. Par ailleurs et comme vous le savez, l’alcool est à l’origine d’un tiers des accidents mortels sur la route et d’une proportion sans doute importante d’accidents du travail même si on ne dispose pas de travaux précis sur ce dernier point.

Mais le phénomène le plus préoccupant, c’est évidemment l’évolution actuelle des comportements d’alcoolisation chez les jeunes français, avec une banalisation des ivresses répétées. Selon la dernière enquête ESCAPAD de l’OFDT, près de six jeunes sur dix déclarent avoir déjà été ivres au cours de leur vie, 49,3 % au cours de l’année, 26,0 % au moins trois fois et 9,6 % au moins dix fois dans les trente derniers jours précédant l’enquête. Ce phénomène d’ivresses répétées, déjà bien installé dans les pays du nord de l’Europe, gagne manifestement du terrain en France. Il est à l’origine de complications sociales et sanitaires pouvant aller jusqu’aux comas et aux accidents de la route, en passant par les risques de manipulations et de violences
physiques, morales ou sexuelles. Au fil du temps, les conséquences sont souvent importantes sur le parcours scolaire ou professionnel. Sur le long terme, outre le risque de dépendance associée, ces excès pourraient avoir une influence péjorative sur le développement cérébral et les capacités intellectuelles. Sur l’ensemble de ces questions, je veux à nouveau saluer l’initiative que vous avez prise en élaborant le rapport circonstancié que j’ai cité précédemment et qui a le grand mérite de déboucher sur des propositions très concrètes que nous ne manqueront pas d’exploiter dans le cadre de l’élaboration du prochain Plan gouvernemental.

Chez les jeunes, l’alcool est fréquemment consommé avec d’autres produits, en particulier avec le cannabis. Le niveau de consommation de cette drogue illicite a connu une hausse très sensible chez les adolescents et les jeunes adultes depuis le début des années 1990 jusqu’aux toutes dernières années. Aujourd’hui, un jeune de dix-sept ans sur deux a expérimenté le cannabis. Un million et demi de personnes le consomment régulièrement et cinq cent cinquante-cinq mille quotidiennement. À court terme, les conséquences sont surtout un risque accru d’accident de la route mais aussi des difficultés d’apprentissage scolaire chez les jeunes consommateurs réguliers. Des troubles psychiatriques aigus pouvant durer de quelques heures à quelques semaines (anxiété, psychose cannabinique) sont également décrits.

L’usage régulier de cannabis peut devenir problématique, exposant à des risques de dépendance mais aussi à des problèmes relationnels, scolaires et professionnels. Plus rare, mais plus grave, l’usage régulier de cannabis, notamment à un âge précoce, peut accompagner l’apparition de troubles psychiatriques sévères, notamment la schizophrénie chez certains sujets sans doute prédisposés.

Si elles constituent pour la MILDT des sujets majeurs de préoccupation, les fortes consommations d’alcool et de cannabis des jeunes ne doivent cependant pas masquer d’autres tendances inquiétantes et, en particulier, la progression sensible de la consommation de cocaïne . Ainsi, l’OFDT estime à environ deux cent cinquante mille personnes, le nombre d’usagers occasionnels de cocaïne en 2005 contre cent cinquante mille, deux ans plus tôt en 2003. À ce rythme, il est raisonnable de penser que la population des usagers de cocaïne a, au minimum, doublé entre 2003 et aujourd’hui… Cela constitue, à l’évidence, un vrai motif d’inquiétude.

Ces usagers occasionnels se concentrent pour l’essentiel sur la tranche d’âge 18-44 ans, le pic de consommation se situant entre 25 et 35 ans. Ainsi 3,4 % des 18-25 ans et 3,9 % des 26-44 ans déclaraient en 2005 avoir expérimenté la cocaïne ;

ils n’étaient respectivement que 2,2 % et 2,5 % à se déclarer expérimentateurs cinq ans plus tôt en 2000. Cette consommation est principalement masculine (rapport de 1 à 2) et sa progression touche également les mineurs. Cet engouement — qui est d’ailleurs un phénomène qui touche toute l’Europe de l’Ouest — est notamment du à la baisse du prix d’achat ces dernières années et à la connotation positive dont jouit ce produit chez les jeunes (produit récréatif des gens branchés qui réussissent).

QUELLES GRANDES ORIENTATIONS POUVONS NOUS DONNER À L’ACTION DES POUVOIRS PUBLICS POUR LES QUATRE ANNÉES À VENIR ?

Face à ces risques multiples qui sont autant de défis pour l’action publique, il est plus que jamais nécessaire de mettre en œuvre une politique intégrée, réalisant un juste équilibre entre la lutte contre la demande, la lutte contre l’offre et la coopération internationale. Au regard de la spécificité de ces approches, voire parfois de leur antagonismes, la mise en œuvre d’une telle politique suppose une coordination et une animation interministérielle rigoureuses, que seule la MILDT est en position d’assurer dans la mesure où sa légitimité ne fait débat pour personne. Le message du Président de la République est clair : l’objectif n’est plus d’endiguer les consommations mais de les faire reculer sans tabou.

Dans cette perspective, le gouvernement prévoit de stimuler l’ensemble des acteurs publics concernés afin qu’ils déclinent le tryptique « prévention, soins et application de la loi » en veillant tout particulièrement à la cohérence et à la lisibilité des articulations entre chacun de ces modes d’intervention.

C’est ainsi qu’un plan est en cours d’élaboration en lien avec les administrations concernées, avec un souci de participation de l’ensemble des acteurs, invités à faire valoir les grandes lignes de leurs attentes.

Sur les dimensions de prévention , les interventions en milieux scolaire, périscolaire et étudiant relatives à la dangerosité des produits et des comportements seront évidemment poursuivies mais une nouvelle dimension sera parallèlement explorée, à savoir : la responsabilisation des adultes et des parents dans leur rôle éducatif. Je suis convaincu en effet que les parents ainsi que les adultes au contact avec des adolescents peuvent jouer un rôle beaucoup plus important qu’aujourd’hui dans la prévention des consommations de drogues des jeunes pour autant qu’on leur offre des points d’appui leur permettant de jouer pleinement leur rôle éducatif. C’est l’un des grands chantiers que j’ambitionne d’ouvrir en concertation étroite avec tous les partenaires concernés.

À l’heure où j’écris ces mots, il appartient au Président de la République et au Premier Ministre de fixer un périmètre précis en termes de produits et d’addictions dont la prise en compte nécessite des coordinations administratives. Si l’alcool en fait partie, une stratégie d’intervention sur le phénomène d’alcoolisation des jeunes devra être spécifiquement élaborée, en lien avec l’ensemble des secteurs concernés (institutionnels, professionnels, associatifs, industriels, société civile). Il faudra s’employer à réduire la demande en provenance des plus jeunes en faisant respecter les interdictions de vente aux mineurs (c’est d’ailleurs une de vos propositions) et en déjouant les stratégies commerciales agressives visant à fidéliser ce public vulnérable. La difficulté pour agir est au moins de deux ordres : économique, car il est très difficile d’agir sur l’offre d’alcool en France, notamment, mais pas uniquement, en
raison du faible coût de certaines boissons alcoolisées comme la bière vendue dans le commerce ; culturel, car les pays d’Europe occidentale, au rang desquels la France et l’Allemagne, baignent dans une tradition d’usage festif avec abus toléré. Pour être efficace et cohérente, la prévention des comportements d’alcoolisation des jeunes devra donc s’inscrire dans une politique globale, axée sur les représentations et les niveaux de consommations. À cet égard, l’approche en termes d’unités d’alcool que vous préconisez me semble être une bonne base pour fixer des repères de consommation à moindre risque qui puissent être compris et mémorisés par tout un chacun.

Politiquement, cette globalité de l’approche permettra aussi de ne pas stigmatiser la population des jeunes et des consommateurs de produits illicites dans la lutte contre les drogues et les addictions. À cette enseigne, en sanctionnant plus durement les délits commis sous l’emprise des substances psychoactives quel qu’en soit le statut légal et notamment les délits routiers, la loi relative à la prévention de la délinquance du 5 mars 2007 permet d’atténuer l’asymétrie de traitement habituellement dénoncée entre usagers de drogues licites et illicites. Il conviendra d’en accompagner pédagogiquement la mise en œuvre auprès du grand public tout en facilitant son déploiement sur le terrain, notamment en ce qui concerne les relais sanitaires prévus pour les injonctions thérapeutiques ou les obligations de soins en matière d’alcool.

Concernant le cannabis , il faudra sans doute poursuivre l’implantation des consultations cannabis mises en place depuis 2005. Non seulement ces consultations sont en mesure d’apporter une aide aux jeunes qui s’interrogent sur leur consommation de cannabis ou qui sont déjà clairement dans l’abus mais elles s’adressent également aux familles et peuvent être, de ce fait, le vecteur d’un plus grand investissement des parents dans la prévention des consommations à risque de leurs enfants. Nous comptons également travailler en direction des médecins, dont la formation initiale et continue devrait comporter un module spécifique relatif au repérage et à la prise en charge de l’ensemble des conduites addictives. Pour compléter ce dispositif de prévention, il faudra également réaffirmer l’interdit social avec pragmatisme et clarté en veillant à ce que la loi soit réellement applicable, compte tenu qu’il existe aujourd’hui un décalage entre la peine théoriquement encourue et l’impossibilité matérielle de poursuivre les quatre-vingt mille personnes interpellées chaque année pour usage de cannabis. Là encore, la loi relative à la prévention de la délinquance du 5 mars 2007 constitue un support intéressant. Elle permet en effet d’étendre la procé- dure simplifiée de l’ordonnance pénale au délit d’usage des stupéfiants et d’élargir, par ce biais, le registre des peines de substitution. Dans ce nouveau cadre, des stages de citoyenneté ou de sensibilisation aux dangers et aux risques de l’usage des produits stupéfiants vont pouvoir être mis en place et la MILDT travaille d’ailleurs d’ores et déjà sur ce dossier pour que les premiers stages de ce type soient organisés dans les toutes prochaines semaines. Il est en effet essentiel que les peines encourues soient non seulement effectivement appliquées mais aussi, qu’elles aient des vertus pédagogiques en permettant d’induire un changement durable des comportements et des mentalités. Il faudra également intensifier la lutte contre la détention et le trafic engendré par le cannabis, en tenant compte notamment du phénomène émergent de
l’autoproduction (deux cent mille « auto-producteurs » selon l’OFDT), des potentialités et lignes de fuite offertes par la vente de produits illicites sur Internet et de la complexité réelle des mécanismes de l’économie souterraine.

Enfin, compte tenu de l’extension inquiétante de la consommation de cocaïne au sein de certains groupes de jeunes, la MILDT souhaite développer dans le prochain Plan gouvernemental des actions de communication ciblées en direction de ces nouveaux consommateurs pour les informer sur les graves dangers de l’usage de la cocaïne non seulement lorsqu’elle est consommée seule mais aussi en association avec d’autres drogues (alcool, ecstasy, cannabis) comme c’est souvent le cas dans le milieu festif.

Sur le volet du soin , il semble pertinent de soutenir la pérennisation du plan addiction 2007-2012 en l’enrichissant sur le volet de la formation, de l’enseignement et de la recherche. Ce plan prévoit de renforcer et de coordonner les dispositifs existants et de développer les ressources à toutes les étapes de la prise en charge : prévention, dépistage, soins et accompagnement médico-social. Pour lutter contre les conduites addictives, il est en effet indispensable de permettre au public concerné de prendre conscience qu’il présente une addiction et lui donner la possibilité de savoir où, quand et comment il peut trouver un accompagnement adapté à sa situation et à son degré de motivation.

Cela suppose de veiller à l’adaptation de l’offre hospitalière de soins via des consultations d’addictologie pour offrir un suivi spécialisé notamment aux jeunes ayant une dépendance à une ou plusieurs drogues (alcool, cannabis, ecstasy, médicaments) et de mieux répondre aux besoins de personnes ayant des problèmes aigus liés à leur addictions (crise, alcoolisation aiguë, surdosage). Cela implique également de soutenir le fonctionnement des équipes de liaison et de soins en addictologie dont la mission est de repérer les patients en difficulté pendant leur hospitalisation, et de les orienter dans leurs parcours de soins. Pour les patients nécessitant une prise en charge plus spécifique ou une hospitalisation, il faudra également s’assurer de la montée en charge des services d’addictologie proposant des sevrages simples ou complexes et de la création des pôles d’addictologie régionaux qui ont vocation à être à la fois un service d’addictologie de recours et un centre de référence, de formation et de recherche.

Hors de l’hôpital, la création des centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), structure ouverte à toutes les addictions et regroupant les centres de soins spécialisés aux toxicomanes (CSST) et les centres de cure ambulatoire en alcoologie (CCAA), est indispensable aux échanges d’expérience et au développement de l’offre médico-sociale de soins.

À cet égard, la MILDT souhaite poursuivre la diversification des réponses thérapeutiques disponibles aux situations d’addiction, ne serait-ce que parce que tous les patients dépendants n’ont pas les mêmes attentes ni le même degré de motivation pour s’en sortir. On peut citer la mise en place, à l’initiative de la MILDT, de communautés thérapeutiques. C’est une voie qui mérite d’être poursuivie dans le cadre du Plan à venir d’autant que ces structures de soin de type communautaire ont
vocation à permettre au patient de raccourcir la durée de son séjour hospitalier et de l’accompagner dans la réussite de son sevrage.

Je souhaite également vous dire quelques mots sur la recherche . Dans le cadre du nouveau Plan gouvernemental en préparation, je peux vous dire que nous avons l’intention de développer résolument la recherche clinique sur la prise en charge des addictions avec tous les partenaires intéressés (organismes de recherche, universités, services d’addictologie en concertation avec les ministères de la recherche et de la santé). L’enjeu est en effet de taille : il s’agit d’apporter à l’addictologie de nouveaux outils diagnostiques et thérapeutiques qui permettent, demain, à un plus grand nombre de personnes dépendantes de parvenir à l’abstinence. Cet élargissement de l’arsenal thérapeutique est souhaitable pour des formes d’addiction qui se développent aujourd’hui et pour lesquelles on ne dispose pas de réponses thérapeutiques convaincantes (cocaïne et crack). Mais cet élargissement est également souhaitable pour des addictions plus classiques comme la dépendance à l’alcool pour lesquelles la pharmacologie actuelle n’est pas assez diversifiée et performante. La MILDT s’est déjà montrée très active en ce domaine au travers notamment de sa politique d’appels d’offres et de financement de thèses. Ce rôle d’impulsion de la recherche va être conforté dans le prochain Plan, en réfléchissant parallèlement à de possibles partenariats public/privé et à l’articulation qu’il faudra mettre en œuvre entre ce que nous faisons à l’échelle nationale et ce que nous pourrions faire à l’échelle européenne. Un accent particulier sera mis sur la formation des intervenants en addictologie à divers moments de leur cursus (formation initiale et continue, spécialisation), sur la base des préconisations du groupe de travail actuellement animé par le professeur Lejoyeux.

Au demeurant, la Présidence française de l’Union Européenne au deuxième semestre 2008 va constituer un moment privilégié pour réfléchir à une dynamique européenne de la recherche clinique en addictologie. Nous allons en effet organiser à Paris, les 9 et 10 décembre 2008, un colloque international sur la question clé de l’évolution des traitements de la dépendance aux drogues… Cette rencontre sera l’occasion de donner la parole, sur ces sujets, aux meilleurs spécialistes européens et internationaux en essayant d’avoir un abord prospectif en termes de nouvelles approches et de nouvelles cibles thérapeutiques. Je ne manquerai pas d’ailleurs de consulter la Commission « Addictions » de l’Académie nationale de médecine pour aider à la préparation de cette rencontre scientifique.

COMMENT METTRE EN ŒUVRE CES GRANDES ORIENTATIONS ?

Pour conclure mon exposé, je crois utile de vous dire quelques mots sur nos moyens d’action et la façon dont nous pouvons les utiliser pour concrétiser les orientations que je viens de brosser à grands traits.

La Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT) est une administration de mission placée directement sous l’autorité du

Premier Ministre. La MILDT a pour vocation, depuis l’origine, de coordonner l’action gouvernementale en matière de lutte contre les drogues et de prévention des addictions associées à l’usage de ces drogues.

Ce n’est évidemment pas une mince affaire quand on sait que la politique des drogues interfère directement ou indirectement avec dix-sept départements ministériels constitués (éducation, jeunesse et sports, santé, action sociale, économie et finance, justice, intérieur, défense nationale, agriculture, affaires étrangères, recherche…) et une multitude de corps professionnels (professionnels de santé médicaux et paramédicaux, éducateurs, cadres de l’action sanitaire et sociale, magistrats, policiers, gendarmes, douaniers, diplomates et fonctionnaires internationaux, scientifiques et experts du domaine, …) sans oublier les intervenants du monde associatif également très actifs dans ce champ et qui présentent eux-mêmes une très grande diversité d’approches et de sensibilité : associations de réduction des risques, associations néphalistes (comme les Alcooliques Anonymes), associations de prévention, associations militantes à tendance libertaire ou, inversement, à tendance prohibitionniste. Je reviendrai un peu plus loin sur la façon de dominer ces difficultés en faisant vivre « l’interministérialité » et le « multipartenariat » qui constituent d’une certaine manière le cœur de métier de la MILDT.

Compte tenu de la complexité institutionnelle au sein de laquelle la MILDT doit évoluer et de la « tendance au conflit » intrinsèque au champ de la politique des drogues, la MILDT a fait sienne depuis plusieurs années l’absolue nécessité d’étayer, chaque fois que possible, ses priorités d’action sur l’avancée des connaissances scientifiques. C’est la raison pour laquelle nous partons toujours des données d’observation produites en France par l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) pour évaluer les diverses situations d’usage de drogues et leur degré de gravité avant de définir nos priorités d’action. C’est aussi la raison pour laquelle nous nous efforçons de tirer parti, au fil des mois, de l’avancée des connaissances scientifiques relatives aux différents phénomènes associés à la prise de drogues. Au demeurant, nous sommes nous-mêmes partie prenante de cette avancée des connaissances puisque nous soutenons chaque année sur appel d’offres un certain nombre de projets de recherche et de thèses.

Deux préoccupations majeures motivent cette mise en exergue par la MILDT du substrat scientifique de la politique des drogues. Il s’agit tout d’abord de favoriser l’adoption par les différents acteurs — et comme vous l’avez compris, ils sont nombreux — de constats partagés en faisant le pari que des constats appuyés sur des données rigoureuses acquises au travers de démarches scientifiques ont plus de chance d’emporter l’adhésion que si on les fonde sur des choix ou des préférences morales ou idéologiques. Il s’agit ensuite d’améliorer la pertinence de l’action publique en travaillant à resserrer le lien entre connaissances scientifiques et décision, en particulier sur des questions complexes que j’ai déjà évoquées comme l’adaptation du soin aux différents profils d’usagers abusifs ou dépendants.

Comme je l’ai dit plus haut, la MILDT étant placée sous l’autorité du Premier Ministre, elle n’est pas un service du Ministère de la santé, de la justice ou de l’intérieur. De ce fait, elle n’a pas les budgets et les personnels de ces services, mais elle est une administration de mission qui s’applique à les faire converger dans une optique de prévention, de soin et d’application de la loi. Pour cela, elle dispose d’un budget propre de vingt-six millions d’euros, et d’une quinzaine de chargés de mission issus des diverses administrations concernées (santé, éducation nationale, communication, recherche, police, gendarmerie, douane, justice). Elle dispose en outre d’un réseau territorial de chefs de projets, (les préfets ou leur directeur de cabinet), chargés de décliner le plan gouvernemental dans les départements.

Du fait de la présence, dans ses murs, de compétences variées et complémentaires et de l’existence dans l’ensemble des départements français (y compris les DOM et TOM) de relais territoriaux au niveau préfectoral, la MILDT est en position d’aborder la question des drogues dans l’ensemble de ses dimensions fonctionnelles et spatiales en ayant le souci de créer des synergies opérationnelles entre les différents acteurs. Car le but commun reste la diminution de l’usage de l’ensemble des drogues et de leurs conséquences péjoratives aux plans sanitaires, économiques et sociaux, par l’action combinée sur l’offre et sur la demande.

Pour soutenir son action au plan de l’observation et de la formation des intervenants, la MILDT s’appuie sur deux Groupements d’Intérêt Public (GIP) placés sous son autorité et qu’elle finance directement : l’OFDT dont j’ai déjà parlé et le Centre Interministériel de Formation Anti-Drogues (CIFAD). Le CIFAD a pour objet d’organiser des actions de formation spécialisées pour les personnels de l’État, des collectivités territoriales et des hôpitaux mais aussi au profit des fonctionnaires des États de la zone Caraïbe et d’Amérique Latine. Il n’est pas impossible, que fidèle à sa vocation d’encouragement des innovations, la MILDT soutienne la création de nouvelles structures interministérielles dédiées à la lutte contre la drogue tant en France qu’à l’étranger.

DU BON USAGE DE L’INTERMINISTÉRIALITÉ ET DE L’UTILITÉ DES PLANS GOUVERNEMENTAUX

Pour faire de l’interministérialité autre chose qu’un vœu pieux, nous avons à conduire en permanence tout un travail de sensibilisation pédagogique qui vise à faire comprendre et respecter par chacun des ministères les logiques des autres. Il faut ensuite susciter une culture commune , en donnant un cadre déclinant chacune de ces logiques sous forme de stratégie articulée : c’est la vocation des plans gouvernementaux de la MILDT qui proposent et fixent pour plusieurs années les grandes orientations de l’action publique en matière d’information, de prévention, de soins, d’enseignement, de recherche, de lutte contre l’offre, et de coopération internationale.

Le plan actuel qui s’achève est en cours d’évaluation et nous sommes déjà totalement investis dans l’élaboration d’un nouveau plan quadriennal qui va couvrir la
période 2008-2011 et qui devrait être prêt avant la fin du premier semestre de cette année. Partant des grandes orientations que je vous ai décrites, je souhaite que ce nouveau Plan soit resserré sur des objectifs très opérationnels et partant, réalisables en quatre ans. J’ajoute, pour affiner le tableau, que le rôle de coordination et de concertation de la MILDT s’étend aussi aux autres partenaires que j’ai cités plus haut comme les associations, les mutuelles, les sociétés savantes et les Académies appartenant à l’espace scientifique et médical. Il va évidemment de soi que, dans cet espace naturel de concertation, j’attends beaucoup de l’Académie nationale de médecine que je souhaite consulter très prochainement sur les dimensions sanitaires et préventives du nouveau Plan.

DISCUSSION

M. Roger NORDMANN

À propos du cannabis, j’ai relevé dans les dispositions récentes émanant de la MILDT la préconisation de stages payants de sensibilisation des usagers aux dangers de la consommation de produits stupéfiants. Ne conviendrait-il pas d’en prévoir la gratuité, étant donné l’importance de tels stages dans la prévention des récidives ? D’autre part, en ce qui concerne l’alcoolisation des jeunes, je souhaiterais savoir si la MILDT est favorable à l’adoption des recommandations détaillées dans notre rapport du 5 juin 2007, en particulier celles concernant l’interdiction à toute heure de la vente de boissons alcooliques dans les station-service, l’interdiction totale de la vente et la consommation de ces boissons dans les manifestations sportives, l’interdiction du parrainage des soirées festives par les producteurs, enfin la réduction du seuil légal de l’alcoolémie au volant pour les conducteurs titulaires d’un permis de conduire probatoire (mesure qui, selon une étude très récente, est approuvée par une très large majorité des citoyens européens).

Il ne faut pas oublier que ces stages de sensibilisation vont s’adresser à des personnes qui ont enfreint la loi. Il s’agit donc d’abord d’une peine même si nous sommes tous d’accord pour considérer que l’intérêt de cette forme de peine réside, pour l’essentiel, dans sa dimension pédagogique. L’ambition de ces stages est en effet d’induire des changements de perception et de comportement qui préviennent la récidive. Dans l’esprit du législateur, la sanction pécuniaire consistant à faire payer son stage par l’auteur de l’infraction est partie intégrante de la peine encourue, d’autant qu’il ne s’agit pas de sommes astronomiques, notamment si l’on se rappelle que le budget mensuel hors tabac d’un usager quotidien de cannabis (à partir d’un joint par jour) est de quatre-vingts euros. Cela dit, la gratuité pourra être envisagée pour les personnes en situation d’insolvabilité manifeste. L’utilisation du canal de la loi pour contrarier les phénomènes d’alcoolisation massive que l’on peut observer chez les adolescents et les jeunes adultes constitue, à côté et en complément des démarches de prévention, un levier d’action incontournable que la MILDT souhaite mobiliser dans le cadre du Plan gouvernemental en cours d’élaboration. Il faut donc agir dans tous ces domaines. Il faut mieux communiquer et je tiens à souligner le rôle moteur joué par la Ministre de la Santé, Madame Roselyne Bachelot, dans ce dossier. C’est pourquoi le Gouvernement a chargé la MILDT de mener des concertations avec le milieu socio-économique pour savoir dans quelle conditions il
pourrait être possible de relever, à dix-huit ans, l’âge d’interdiction de vente de toute boisson alcoolisée dans les commerces, les débits de boisson et tous les lieux publics où des boissons alcoolisées peuvent être achetées, d’interdire tous les systèmes de promotion de boissons alcoolisées par tarifs incitatifs dont on observe le développement rapide en France sur le modèle anglo-saxon (happy hours, open bars). Ces préconisations recoupent en grande partie celles que l’Académie nationale de médecine a mises en avant dans son rapport du 5 juin 2007.

M. Maurice TUBIANA

Vous avez insisté sur la nécessité de la recherche. Je voudrais insister sur la recherche historique. Sur le plan de la toxicomanie, ce dernier demi-siècle a été marqué par deux phénomènes majeurs. La consommation d’alcool a baissé régulièrement depuis 1950. Il s’y est associée une modification de la sociologie des consommateurs. Mais si l’on considère un critère indiscutable de fréquence de cancer de l’œsophage, elle a diminué des deux tiers au cours de ces dernières décennies. Inversement, les polytoxicomanies et, en particulier, la consommation de cannabis a augmenté vertigineusement au cours des années 1990 faisant passer la France de l’un des pays où la consommation était la plus basse, à égalité avec la Grande Bretagne. Il faudrait analyser les faits (notamment les articles de journaux) pendant cette période afin de comprendre le succès de l’extraordinaire vogue du cannabis. Il me semble que le rôle d’une certaine intelligentsia qui a fait l’éloge du cannabis qui a agi par la dépénalisation de son usage et qui affirma qu’il était moins dangereux que le tabac ou l’alcool. Il me paraît indispensable, sans esprit de sanction, d’établir les responsabilités afin de ne pas recommencer les erreurs qui ont été faites.

C’est vrai que la consommation de cannabis par les jeunes français est une des plus élevée en Europe, juste derrière celle des jeunes de la République Tchèque et à égalité, comme vous le soulignez à juste titre, avec celle des jeunes de Grande Bretagne. C’est vrai en même temps qu’on est confronté à un phénomène mondial qui touche tous le adolescents et jeunes adultes des pays développés. Nous le savons, les connaissances sur les méfaits des consommations se sont précisées mais n’ont pas toujours été accueillies comme elles auraient pu l’être. Je pense notamment à ce que votre haute assemblée a produit comme recommandations ces dernières années. Par ailleurs, je pense qu’il y a eu une erreur à ne vouloir s’occuper que des abus et non des usages. On a ainsi laisser croire qu’il pouvait y avoir des usages non problématiques ce qui, sur le plan de la prévention, constitue une posture désastreuse. Enfin force est de constater que la loi de 1970 est devenue depuis longtemps totalement inadaptée en ce qui concerne la consommation de cannabis : ce n’est pas par des rappels à la loi ou des classements sans suite, ou encore des injonctions thérapeutiques non suivies d’effet que l’on peut espérer faire face efficacement au niveau beaucoup trop élevé atteint par la consommation de cannabis dans notre pays, en particulier lorsque l’on s’intéresse à la frange des consommateurs réguliers qui représente plusieurs centaines de milliers de personnes, jeunes pour la plupart. C’est la raison pour laquelle j’attends beaucoup des stages de sensibilisation aux dangers des drogues que la loi de prévention de la délinquance a rendu possible à côté du dispositif des consultations « jeunes consommateurs — cannabis » que nous avons décidé d’étendre et de renforcer dans le cadre du nouveau Plan gouvernemental.

M. Roger HENRION

Pourquoi la loi du 31 décembre 1970 n’a-t-elle pas été modifiée dans les années 90 dans l’optique d’adapter les sanctions au cas spécifique des fumeurs de cannabis et de faire en sorte que ces sanctions puissent être rapidement appliquées ? Peut-être le niveau actuel de consommation serait-il moins élevé dans notre pays qu’il ne l’est actuellement ?

Je ferai tout d’abord une observation générale : si l’on regarde l’ensemble des pays européens, on voit qu’il n’y a pas de corrélation automatique entre les niveaux de consommation du cannabis ici ou là et le caractère plus ou moins restrictif ou libéral des législations applicables. Cela ne signifie évidemment pas que les législations n’ont pas d’impact sur la consommation mais cela veut dire qu’il faut aller voir dans le détail (et pour chaque pays) le degré d’application des législations pour comprendre ce qui se passe. Comme je l’ai dit, la loi de 1970 s’est révélée rapidement inopérante pour la consommation de cannabis dans le contexte d’un contentieux devenu contentieux de masse. Une tentative de réforme de la loi du 31 décembre 1970 a été conduite par la MILDT en 2003-2004, à la demande expresse du Premier Ministre de l’époque, JeanPierre Raffarin. Elle a échoué en raison de la persistance de différences d’approches inconciliables entres les divers ministères concernés en dépit du travail de médiation entrepris par la MILDT. Finalement, c’est par le biais de la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007 que j’ai déjà évoquée que la loi de 1970 a enfin été modernisée et qu’il est devenu possible d’élargir et de moduler l’éventail des sanctions applicables aux infractions liés à la détention et l’usage de produits stupéfiants, notamment avec les stages de sensibilisation aux dangers des drogues et de recourir désormais à des procédures simplifiées et rapides.

M. Gérard DUBOIS

Vous avez prononcé une seule fois le mot tabac. Ce produit mérite d’être pris en compte sur un plan interministériel. Si ce sujet n’intéresse plus la MILDT, où doivent avoir lieu les discussions interministérielles ? Faut-il un Office contre le tabagisme comme dans certains pays y compris dans l’Union européenne ?

La MILDT ne se désintéresse pas de la question du tabac et des problèmes associés à sa consommation. Sur les aspects « santé publique », nous considérons que la politique volontariste de restriction du tabagisme conduite depuis plusieurs années par le Ministère de la Santé va dans la bonne direction et engrange des résultats positifs. Dans ces conditions, la MILDT n’a vocation à intervenir que dans la mesure ou un besoin de coordination interministérielle forte se fait sentir, par exemple dans la mise en œuvre d’outils permettant de suivre les consommations ou en matière de contrôle visant à sanctionner l’usage dans les lieux publics ou la vente aux mineurs ou enfin en ce qui concerne la lutte contre la contrebande. D’ailleurs le Plan gouvernemental comportera des propositions d’action sur ces sujets.

M. Bernard HILLEMAND

Merci d’avoir bien voulu insister sur le fait que la seule information ne suffit pas pour changer un comportement, qu’il faut dans un binôme indissociable y associer l’éducation et aider les parents pour une éducation familiale bien construite est un énorme progrès mais il
convient de promouvoir aussi une éducation à l’école dès le primaire. Merci aussi d’avoir parlé non pas de prise en charge infantilisante pour l’addicté mais d’accompagnement pour l’aider ainsi à se reprendre en charge lui-même. La publication de chiffres de consommation d’alcool à ne pas dépasser doit être très nuancée. Ces chiffres doivent être présentés comme de simples repères valables pour la majorité des sujets mais en raison de l’inégalité des individus devant l’alcool. On doit souligner qu’ils ne sont pas valables pour des personnes particulièrement vulnérables qui seront ainsi induites à des consommations pathogènes pour elles (5 à 10 % de la population peut-être) d’où la notion générale du ‘‘ risque alcool ’’.

Le Plan gouvernemental en préparation va faire une large place à des actions d’information et de communication en direction de différents publics cibles. S’agissant du risque alcool, il est prévu de mettre en œuvre des actions de communication sur les risques de l’usage d’alcool en milieu scolaire et périscolaire et d’encourager à des actions de prévention du risque alcool en milieu professionnel. En outre, nous prévoyons de mettre en place une communication spécifique en direction des femmes enceintes. Dans tous les cas de figure, nous serons attentifs à ce que les repères de consommation de l’OMS soient contextualisés en fonction des diverses situations possibles dans ces différentes campagnes et actions de communication.

M. François DUBOIS

Y a-t-il eu des études prospectives sur les conséquences éventuelles de la libéralisation de la vente et de la dépénalisation de la consommation des drogues ?

Je vous avouerai que ce n’est pas du tout la direction dans laquelle nous souhaitons nous engager à travers la préparation du Plan gouvernemental à venir. D’abord l’optique de la dépénalisation m’apparaît extrêmement hasardeuse dans le contexte actuel caractérisé par une progression rapide de la consommation de cocaïne, une stabilisation à un niveau beaucoup trop élevé de la consommation de cannabis et la multiplication des phénomè- nes de polyconsommation et de polyaddiction qui mettent en grande difficulté les spécialistes de la prévention et les cliniciens en charge des soins. Par ailleurs et en tant que magistrat, j’ai la faiblesse de penser que l’interdit social et légal a des vertus structurantes sur les individus et la société. Cela dit, il existe quelques études de simulation sur les effets potentiels d’une dépénalisation de la consommation des drogues illicites, notamment à l’initiative d’un groupe international de pression qui est assez actif à l’heure actuelle et qui s’appelle le Senlis Council.

M. Claude DREUX

La MILDT se préoccupe-t-elle de l’information des jeunes femmes en âge de procréer sur les risques pour l’enfant des conduites à risque de la mère (0 tabac, 0 alcool, 0 cannabis…) ?

L’Académie nationale de médecine a recommandé les consultations pré-conceptionnelles (jeunes de quatorze à seize ans) particulièrement dans les milieux défavorisés. Connaît-on le nombre de nouveau-nés atteints par ces comportements anormaux de la mère ?

Dans son volet sanitaire, le Plan gouvernemental va préconiser un ensemble de mesures relatives à la santé de l’enfant à naître et de la mère en complément de ce qui est déjà prévu dans le cadre du Plan « addiction » 2008-2011 du Ministère de la Santé. Il faut reconnaître que le système actuel d’information, sur la prévalence des consommations de
substances psychoactives par les femmes enceintes et sur les conséquences péjoratives repérables chez les nouveau-nés des consommations pendant la grossesse, est éclaté et très incomplet. Seule la prévalence du syndrome d’alcoolisation fœtale est à peu près correctement estimée en France. Pour le reste, les éléments d’information sont très épars.

La MILDT soutient, à l’heure actuelle, plusieurs recherches visant à améliorer le système d’information dans ce domaine. Par ailleurs, l’INSERM a récemment entrepris deux grandes études de cohorte sur de jeunes enfants qui devraient pouvoir être assez vite informatives sur certains aspects des risques liés à la consommation d’alcool, de tabac et de cannabis des mères pendant leur grossesse.

M. Bernard LAUNOIS

De combien de personnes disposez-vous pour appliquer ce plan important ? Vous n’avez pas parlé de la réduction de l’offre. Or la consommation de la cocaïne a doublé : apparemment il n’y a eu aucune réduction de l’offre.

Je peux vous rassurer sur ce point : le projet de Plan gouvernemental contient tout un ensemble de préconisations relatives à la réduction de l’offre et à la lutte contre le trafic.

Il faut mieux coordonner l’action des services en charge de l’application de la loi et orienter leurs efforts vers l’identification et la confiscation de l’argent provenant du trafic de drogue ? Au plan international nous prendrons des initiatives pour mieux mutualiser nos moyens de lutte sur ce qu’on appelle « les routes de la drogue »

* Président de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT), 7, rue Saint-Georges, 75009 Paris. Tirés-à-part : Monsieur Étienne APAIRE, même adresse.

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 2, 261-274, séance du 19 février 2008