Communication scientifique
Session of 24 avril 2007

Psychiatrie et santé mentale au Maroc

MOTS-CLÉS : épidémiologie. maroc. santé mentale
Psychiatry and mental health in Morocco
KEY-WORDS : epidemiology. mental health. morocco

Driss Moussaoui

Résumé

Pour une population de trente millions d’habitants, essentiellement jeune, la santé mentale et la psychiatrie au Maroc sont réparties entre les secteurs universitaire, public, privé, et militaire. Malgré des progrès significatifs des vingt dernières années, il n’y a pas plus de trois cent-cinquante psychiatres au Maroc (il y a trente ans, il y en avait moins de dix) auxquels s’ajoutent une soixantaine de psychologues cliniciens, environ quatre-cents infirmiers spé- cialisés en psychiatrie et quelques travailleurs sociaux. On dénombre environ 1 900 lits de psychiatrie dans des hôpitaux spécialisés et les services psychiatriques d’hôpitaux généraux dans les principales villes du pays. Les centres universitaires regroupent actuellement quatre départements universitaires de psychiatrie, représentant au total cinq professeurs, six professeurs agrégés et cinq professeurs assistants. Le Programme National de Santé Mentale, dont la première version avait été réalisée en 1974 et améliorée en 1994, n’avait pas été réellement appliqué. Plusieurs ONG travaillent dans les domaines de la psychiatrie et de la santé mentale, telles que la Ligue pour la Santé Mentale ou les cinq associations de familles de patients mentaux. L’enquête nationale sur la prévalence des troubles mentaux, finalisée en 2003 mais présentée en 2007 seulement à la presse, a été un moment important pour la spécialité psychiatrique au Maroc : 48,9 % d’un échantillon de 5 600 personnes, représentatif de la population générale, présentaient un trouble mental ou autre et 26,5 % de cet échantillon présentaient une dépression. Cette enquête constitue un tableau de bord inestimable pour les années à venir, pour mettre à niveau les services de santé mentale en fonction de la demande latente et patente. La recherche a régulièrement progressé depuis le début des années 1980 en ce qui concerne le nombre et la qualité des travaux et des publications dans les différents domaines de la discipline : épidémiologie, psychiatrie biologique, psychiatrie sociale, psychopharmacologie et recherche clinique psychopathologique. Les aspects culturels sont été particulièrement étudiés (tentatives de suicide et pratique religieuse, usage du cannabis, traitements traditionnels). La collaboration internationale des centres universitaires a été importante dans le domaine de la recherche. Malgré les progrès importants réalisés au cours des trois dernières décennies au Maroc en matière de psychiatrie et de santé mentale, il reste beaucoup à faire, tant dans le domaine de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent que dans la prise en charge des petites villes et les régions les plus reculées.

Summary

Morocco has a population of some thirty million inhabitants, a very large proportion of whom are young. Mental health and psychiatry are dealt with jointly by the university, public, private, and military sectors. Despite significant progress in the last twenty years, there are still no more than 350 psychiatrists in Morocco (thirty years ago there were fewer than ten…), plus about 60 clinical psychologists, about 400 nurses specializing in psychiatry, and social workers. There are about 1900 psychiatric beds in both specialized hospitals and general hospital psychiatry units located in the main cities. In the teaching sector there are currently four university psychiatry departments, with a total of five full professors, six associate professors and five assistant professors. The National Mental Health Program, launched in 1974 and revised in 1994, was not properly implemented. Several NGOs also work in psychiatry and mental health, including the League for Mental Health and five patient associations. A national survey of the prevalence of mental disorders, completed in 2003 but only made public in 2007, represented a watershed for psychiatry in Morocco : 48.9 % of a sample of 5600 persons representative of the general population were found to have a mental disorder, and 26.5 % of respondents were depressed. This survey is an invaluable reference for years to come, helping to match mental healthcare provision with real needs. Research activity has also progressed since the early 1980s, as reflected by the number and quality of publications in the different fields, including epidemiology, biological psychiatry, social psychiatry, psychopharmacology and clinical psychopathology. Cultural aspects are a special research focus (suicide and religion, cannabis use, traditional treatments, etc.). International university collaboration has been especially important for Moroccan research. However, despite major progress over the last three decades in the fields of psychiatry and mental health, much remains to be done, notably to bolster child and adolescent psychiatry, and to manage mental illness in small towns and villages, including in the remotest regions.

Driss MOUSSAOUI *


* Membre correspondant étranger de l’Académie nationale de médecine — Maroc

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, nos 4-5, 781-782, séance du 24 avril 2007