Autre, Préface de Jean Cambier, Paris, Hermann, 2010, 304 p.Présentation par Bernard Lechevalier
l’interrogation qui peut naître de cette définition. « La définition qui précède », écrit-il, « soulève une question souvent posée par les étudiants : si le système nerveux végétatif est efférent, peut-il fonctionner sans efférences ? ». « La réponse est simple » écrit-il, et il la fournit.
Pour connaître un peu le professeur Barone (il fit partie de mon jury d’agrégation), je sais son engagement à achever magistralement ce qu’il considère comme le Grand Œuvre de sa carrière. Puisse cette modeste et trop rapide analyse le conforter dans le sentiment hautement légitime qu’il y est brillamment parvenu.
André-Laurent Parodi POIRIER J. — Édouard BRISSAUD, un neurologue d’exception dans une famille d’artistes.
Préface du Professeur Jean Cambier , Paris, Hermann, 2010, 304 p.
Il y a bien des façons d’écrire une biographie. Dans celle d’Édouard Brissaud, qu’on pourrait qualifier d’« ouverte », Jacques Poirier fait évoluer son modèle, dans un entourage d’intellectuels, de grands médecins, d’artistes, de comédiens, avec lesquels il avait des liens familiaux ou du moins une grande proximité. Une telle démarche était une obligation, car le professeur Édouard Brissaud appartenait au « tout Paris » de la fin du xixe siècle. Son élève, Achille Souques n’a-t-il pas écrit à son sujet cette phrase-clé « Pour comprendre et analyser ses aptitudes merveilleuses et sa personnalité, il faut regarder du côté de ses origines et de son milieu. Là est en puissance toute sa destinée » ?
Partir à l’exploration d’un tel environnement en aurait rebuté plus d’un ! Si considérables furent les heures de recherche, étayées par des références bibliographiques, des témoignages, des documents inédits. Jacques Poirier donne ici la preuve de ses qualités de rigueur, de clarté et surtout de son insatiable curiosité, qualités qui étaient déjà les siennes quand nous nous côtoyions au laboratoire de neuropathologie de Raymond Escourolle. Ancien interne de nos maîtres les professeurs Paul Castaigne et Jean Cambier, le préfacier de son livre, il s’est dirigé ensuite vers l’histologie dont il fut professeur aux CHU de Créteil puis de la Pitié-Salpêtrière ; mais c’est toujours avec un plaisir évident qu’il consacra une part de son temps à l’histoire de la médecine. En témoignent la Société d’Histoire de la neurologie qu’il a fondée et qu’il préside et la parution de deux ouvrages unanimement appréciés : l’un sur Bourneville, l’autre en langue Anglaise sur Babinski (avec Jacques Philippon).
Édouard Brissaud était un personnage haut en couleur qui laisse parfois le lecteur perplexe. Son abondante chevelure, sa lavallière, sa cigarette, auraient pu le faire prendre pour un artiste de l’école des beaux-arts d’autant plus qu’il habitait au 5, de la rue Bonaparte, artiste libre penseur et dreyfusard, par surcroît, membre de la Ligue des droits de l’homme.
Sa famille fut elle même hors du commun ; ses deux grands-mères étant sœurs, il semble le descendant d’une seule et même famille qui depuis le dix-huitième siècle, compta un nombre surprenant de peintres, d’artistes lyriques, de comédiens, dont beaucoup accédèrent à des scènes prestigieuses comme l’Opéra de Paris ou la Comé- die française. Ainsi, son grand père Auguste Féréol était ténor à l’Opéra comique mais le fils de celui-ci, Félix, ne continua pas la tradition, il fit ses études de médecine, devint interne puis médecin des hôpitaux de Paris et membre de notre Académie.
Est-ce à cet oncle maternel que Brissaud doit sa vocation médicale ? Poirier le pense.
Les trois principaux maîtres dont se réclamait Brissaud sont trois grands neurologues : Broca, Lasègue, et Charcot. Appréciant sa vive intelligence et sa réputation de travailleur infatigable, Charcot le prit sous son aile. Quand il mourut en 1893, Brissaud sera choisi comme intérimaire de la chaire. Médecin des hôpitaux en 1884 et agrégé de médecine deux ans plus tard, il sera pendant un an professeur d’histoire de la médecine avant d’accéder en 1900 à la chaire de pathologie médicale et de devenir médecin de l’Hôtel Dieu. L’Académie de médecine l’accueillit en 1909, il n’y siégea que quelques mois puisqu’il mourut le 16 novembre de cette même année à 57 ans, victime d’une tumeur cérébrale.
Analyser l’œuvre de Brissaud comme l’a fait Poirier tient du prodige tant cette œuvre pléthorique s’étend, bien au-delà de la neurologie. Son biographe n’est pas hagiographe : si le style est toujours clair et recherché, nous dit-il, Brissaud ne s’embarrasse pas de démonstrations rationnelles ou scientifiques, c’est un imaginatif, qui procède par intuition en lançant des hypothèses, quelquefois géniales comme d’incriminer, bien avant Trétiakoff, le locus niger dans la genèse du parkinson.
Dans la carrière de Brissaud, Jacques Poirier retient trois événements qui laissèrent leur trace dans la spécialité : la création en 1893, avec Pierre Marie de la Revue neurologique , précédant de six ans celle de la Société de neurologie de Paris ; l’édition d’une monumentale Anatomie du cerveau de l’homme, dont les figures sont de la main de Brissaud (1893) ; enfin les deux volumes des 57 leçons sur les maladies nerveuses.
Plusieurs travaux de Brissaud gardant un intérêt actuel sont mis en exergue ; ce qu’il a écrit à propos des paralysies bulbaires et pseudobulbaires, des syndromes alternes, ses études sur le rire et le pleurer spasmodique et sur les crises gélastiques peuvent toujours être consultés.
Dans les deux derniers chapitres. Jacques Poirier aborde la personnalité d’Édouard Brissaud, il insiste sur ses qualités humaines exceptionnelles, son dévouement à ses malades, c’était aussi un homme jovial, dont les facéties cachaient souvent des périodes d’anxiété, un humaniste et surtout un grand clinicien qui avait « l’esprit vif et le coup d’œil prompt ». De la longue liste de ses amis, évoquons au moins le plus célèbre : un certain Marcel Proust qui en fit son médecin et le modèle du docteur de Boulbon, un des personnages de La recherche.
Voici un livre magnifique, très documenté, richement illustré, véritable histoire de la médecine française à la fin du xixe siècle.
Bernard Lechevalier