Résumé
Entre la date de mise sur le marché des vaccins contre l’hépatite B disponibles en France, à partir de 1984 jusqu’à la fin de l’année 2002, 1211 observations d’affections démyélinisantes du système nerveux central (1109 cas dont 895 de sclérose en plaques) ou périphérique (102 observations dont 49 de syndrome de Guillain Barré) ont été notifiées au réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance dans le cadre d’une enquête officielle mise en place par l’AFSSAPS. Rien ne particularise ces observations, tant sur le plan clinique qu’épidé- miologique et aucun facteur de risque n’a pu être individualisé au sein de cette cohorte. Seule la chronologie peut suggérer une relation causale, car dans tous les cas une vaccination précède la pathologie. Devant cette impossibilité de réfuter toute relation de cause à effet, plusieurs études pharmaco-épidémiologiques ont été réalisées. Leurs résultats, parfois contradictoires, ne permettent pas d’exclure un risque faible.
Summary
Since the hepatitis B vaccine are on the market in France, until the end of 2002, 1211 observations of demyelinating disease of the central nervous system (1109 cases of which 895 multiple sclerosis) or peripheral (102 cases of which 49 Guillain Barre Syndrom), have been reported to the french network of pharmacovigilance and to the AFSSAPS. It is not possible to singularize these observations, neither from a clinical nor an epidemiological point of view. No risk factor has been detected. Only the chronology could suggest a causal relationship, the vaccine preceeding the pathology in all the cases notified.
INTRODUCTION
La sous-notification est la principale difficulté à laquelle se heurte une pharmacovigilance basée sur la déclaration spontanée par les professionnels de santé, tel le système français [1]. Cette sous-notification était particulièrement marquée pour les vaccins, souvent perçus par les prescripteurs comme étant hors du champ de la pharmacovigilance. C’est pourquoi nous avons appliqué aux vaccins la même méthode de surveillance de la sécurité d’emploi que pour l’ensemble des médicaments. Il est en effet important que les prescripteurs conçoivent que les vaccins participent au suivi général de la sécurité des thérapeutiques.
L’enquête officielle de pharmacovigilance concernant les effets indésirables des vaccins contre l’hépatite B a été mise en place par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) en 1994 à la suite de la notification d’atteintes neurologiques démyélinisantes. Dans ces observations, la responsabilité de la vaccination contre l’hépatite B pouvait être suggérée par la chronologie.
Il est accepté que les lésions de démyélinisation caractérisant la sclérose en plaques sont d’origine auto-immune. Logiquement, des enquêtes portant sur des maladies auto-immunes se sont ajoutées au suivi des atteintes neurologiques (tableau 1). De même, à la suite de publications ou d’observations rapportées par des associations de malades, des affections hématologiques, la sclérose latérale amyotrophique puis la myofasciite à macrophages se sont ajoutées au suivi. Ce sont les atteintes démyé- linisantes du système nerveux qui apparaissent les plus préoccupantes, que ce soit en raison du nombre des notifications, de la gravité de la pathologie, ou des difficultés d’évaluation de la relation de causalité avec les vaccins contre l’hépatite B. Elles font l’objet de cet article de synthèse.
NOTIFICATIONS DE DÉMYÉLINISATION DU SYSTEME NERVEUX AU COURS DE VACCINATIONS CONTRE L’HÉPATITE B
Validation des observations
Les observations ont été revues par un ou plusieurs experts neurologues. Les cas de sclérose en plaques (SEP) ont été définis selon les critères de Poser et coll. [2]. Les autres diagnostics retenus sont rassemblés sous le terme d’affection démyélinisante du système nerveux central (ADSNC), en particulier en l’absence de dissémination dans le temps et dans l’espace des signes de démyélinisation. Le début d’une SEP est défini par l’apparition des premiers symptômes cliniques. Néanmoins, dans la majorité des cas, plusieurs plaques de démyélinisation de localisations différentes sont déjà visibles à l’examen IRM de façon suffisamment fréquente pour que cette dissémination des lésions lors du premier symptôme clinique soit prise en compte dans les critères diagnostiques de la SEP selon Mc Donald et coll. [3]. Ceci suggère
TABLEAU 1. — Affections suivies au cours de la vaccination contre l’hépatite B* par l’enquête menée par le réseau des centres régionaux de pharmacovigilance et l’AFSSAPS que les manifestations biologiques et anatomo-pathologiques de la maladie débutent avant ses symptômes cliniques. La notion de première poussée de SEP ne peut être retenue que rétrospectivement à l’occasion d’une seconde poussée. Une poussée est définie par l’apparition de symptômes subjectifs ou objectifs durant au moins 24 heures, sachant que des ‘‘ pseudo-poussées ’’ peuvent être provoquées par une fièvre ou une infection.
Données quantitatives
Selon les chiffres de ventes fournis par les firmes pharmaceutiques, plus de 90 millions de doses ont été distribuées en France depuis la mise sur le marché des vaccins extractifs ou recombinants jusqu’à la fin de l’année 2002 (tableau 2). En acceptant par une grossière approximation que chaque personne a reçu 3 doses, la moitié de la population française a été vaccinée.
Un total de 1211 notifications d’affections démyélinisantes du système nerveux central (895 cas de sclérose en plaques et 214 d’ADSNC) ou périphérique (102 observations dont 49 cas de syndrome de Guillain-Barré) a été notifié dans le même temps (tableau 3) au cours d’immunisation par l’un ou plusieurs des vaccins disponibles en France. Ceci correspond à une incidence de 1,32 cas de démyélinisa-
TABLEAU 2. — Doses vaccinales** délivrées en France et nombre de cas d’affections démyélinisantes, par année de survenue
TABLEAU 3. — Affections démyélinisantes du système nerveux et vaccination contre l’hépatite B, notifiées pour l’ensemble des vaccins disponibles en France, entre leur date de commercialisation et le 31/12/02.
TABLEAU 4. — Distribution selon l’âge des atteintes démyélinisantes centrales ou périphériques chez des enfants âgés de 15 ans ou moins, rapportées au cours de vaccinations contre l’hépatite B entre la date de commercialisation des vaccins disponibles en France et le 31 décembre 2002.
tion du système nerveux ou de 0,98 cas de sclérose en plaques pour 100.000 doses distribuées (ou d’environ 3,9 ou 3 cas respectivement pour 100.000 personnes vaccinées).
Soixante-seize notifications de démyélinisation ont été recueillies chez des enfants de 15 ans ou moins, comportant 60 démyélinisations centrales dont 30 cas de SEP et 30 cas d’ADSNC, ainsi que 12 cas de syndrome de Guillain Barré (tableau 4) ; la plupart des observations concernent des enfants âgés de 10 à 15 ans (60 des 76 cas).
Il est particulièrement difficile de disposer de chiffres de vente selon les tranches d’âges inférieurs à 15 ans. Grâce à l’AFSSAPS, nous disposons de valeurs extrapolées à partir d’un panel de prescripteurs sur des tranches d’âge qui ne recouvrent malheureusement pas strictement les tranches utilisées pour donner la distribution des cas de démyélinisation selon l’âge. En approximation, il est possible de les
utiliser pour estimer l’incidence des démyélinisations centrales évaluée pour 100.000 doses. Elle est très inférieure à celle qui est observée chez l’adulte (0,16 au lieu de 0,98) et ceci correspond aux données de la littérature concernant l’épidémiologie de la sclérose en plaques.
ÉVALUATION DU LIEN DE CAUSALITÉ
Méthode française d’imputabilité
La méthode française d’imputabilité [4] est conçue pour détecter des signaux. Elle repose sur 7 critères répartis en données séméiologiques ou chronologiques permettant de calculer un score gradué en 5 niveaux (allant de ‘‘ très vraisemblable ’’ à ‘‘ paraissant exclu ’’) et modulé par un coefficient tenant compte de la littérature existante lors de l’évaluation (allant de la connaissance d’un effet attendu et mentionné dans le résumé des caractéristiques du médicament, à un effet nouveau jamais publié).
Selon cette méthode, l’analyse des observations de démyélinisation au cours d’une vaccination contre l’hépatite B mène à une imputabilité ‘‘ douteuse ’’. En effet, la chronologie des événements est évidemment toujours compatible, l’atteinte neurologique étant précédée dans toutes les notifications d’une vaccination. Le délai de survenue est variable, de quelques jours à quelques années. Rien actuellement ne permet de caractériser par un délai de survenue raisonné les atteintes neurologiques au cours de la vaccination. Il n’est d’ailleurs pas impossible que les événements biologiques signant le début d’une démyélinisation débutent avant l’injection vaccinale, celle-ci apparaissant soit comme un facteur favorisant soit comme un épiphénomène sans relation. C’est pourquoi nous avons retenu toutes les notifications, quel qu’en soit le délai. La constatation d’un maximum d’incidence de démyélinisations (2,54 cas/100.000 doses en 1998 pour un nombre de doses vendues d’environ 4,5 millions) trois ans après un pic de vaccination (23 millions de doses vendues en 1995, avec une incidence de 1,03 cette même année) peut d’ailleurs témoigner autant d’un délai biologique prolongé dans la relation causale que d’un biais de notoriété (tableau 2).
Dans l’évaluation de l’imputabilité, l’effet d’une réadministration du même produit suspecté d’être en cause pèse d’un poids important. Une réadministration positive est un argument fort pour un lien de causalité. De telles situations ont été observées lors de réadministration de vaccin contre l’hépatite B mais beaucoup plus rarement que de très nombreuses réadministrations négatives.
Rien ne particularise sur le plan séméiologique les cas de SEP survenue au cours d’une vaccination contre l’hépatite B. S’y retrouve la même prédominance pour la tranche d’âge de 20 à 40 ans et pour le sexe féminin (deux fois plus de femmes), la même fréquence de formes infantiles avec l’absence de cas de démyélinisation notifié au dessous de 24 mois (tableau 4), un pourcentage analogue de formes familiales,
moins rares chez l’enfant de moins de 15 ans. Les formes cliniques sont usuelles avec en particulier une très grande rareté des formes graves évolutives d’un seul tenant.
La même situation est retrouvée pour les autres démyélinisations (ADSNC ou Guillain Barré) si ce n’est l’absence de prépondérance féminine.
Recherche d’un lien de causalité
La discussion d’un lien de causalité repose sur cinq concepts. La vraisemblance biologique de l’induction d’une maladie auto-immune par l’administration de l’antigène Hbs, bien que ténue, reste une hypothèse jugée possible par la communauté scientifique. L’enquête de pharmacovigilance apporte un élément en sa défaveur :
l’incidence (calculée pour 100.000 doses) des SEP est différente (en moyenne de 0,98) de celle des syndromes de Guillain Barré (en moyenne de 0,05). Une telle différence n’est pas en faveur d’un mode d’action biologique commun aux démyé- linisations notifiées au cours d’une vaccination contre l’hépatite B.
L’existence d’une relation dose-effet est un argument essentiel pour juger de la force de l’association . Dans le cas des vaccins contre l’hépatite B, il n’y a aucune relation entre le nombre d’injections vaccinales et la survenue de la démyélinisation. La raison pourrait en être l’absence de relation dose-effet en cas de réaction immune. La spécificité de la réponse au produit incriminé est également importante. Les démyé- linisations après vaccination ne semblent pas se distinguer de la maladie spontanée.
Des facteurs de risques ne sont pas apparents, ni dans la fréquence des formes familiales, ni dans la distribution des âges. L’influence de facteurs génétiques (tel qu’un facteur HLA-DR2) pourrait jouer ce rôle [5]. En dehors de publications ponctuelles, il n’a pas été recherché sur de larges échantillons de patients vaccinés souffrant de démyélinisation. Environ 50 % des observations sont survenues dans les trois mois suivant une vaccination. Cette relation temporelle doit être prise en compte et peut témoigner d’un lien de causalité ou d’une coïncidence majorée par un biais de notoriété.
Enfin, la reproductibilité en cas de lien causal veut qu’à une même cause, réponde les mêmes effets : ce ne semble pas être le cas si l’on considère l’absence d’augmentation de la fréquence des scléroses en plaques notifiées au cours de vaccinations aux ÉtatsUnis. Un rapport récent rend compte de l’activité du Vaccine Adverse Event Reporting System ou VAERS [6]. Au cours des onze années allant de début 1991 à fin 2001, le système VAERS a reçu plus de 128.000 notifications correspondant à la distribution de plus de 1,9 billions de doses vaccinales, les vaccins contre l’hépatite B en représentant 200 millions. La fréquence des notifications de sclérose en plaques paraît très inférieure à celle des syndromes de Guillain Barré (264 observations au lieu de 820) pour l’ensemble des notifications reçues après vaccination contre l’hépatite B.
CONSÉQUENCES DE L’ENQUÊTE DE PHARMACOVIGILANCE
Les notifications d’atteintes démyélinisantes centrales ont conduit l’Agence du Médicament à modifier, à titre de précaution, l’information destinée aux prescripteurs et aux patients, en mentionnant dans le Résumé des caractéristiques du vaccin (RCP ou annexe 1 de l’Autorisation de Mise sur le Marché) la possibilité de survenue d’atteintes démyélinisantes du système nerveux central et en ajoutant une précaution d’emploi spécifique chez les patients atteints de sclérose en plaques. Seul le RCP de GenHévac B®, titulaire d’une AMM nationale, a pu faire l’objet de cette modification, les autres états membres européens ayant refusé la proposition française d’inclure cette mention pour les vaccins faisant l’objet d’un enregistrement communautaire.
L’examen répété, en 1995 et 1996, des données de pharmacovigilance issues de la notification spontanée s’étant avéré insuffisant pour étayer l’hypothèse d’une association entre vaccination contre l’hépatite B et atteintes démyélinisantes, la commission nationale de pharmacovigilance a, en décembre 1996, demandé la réalisation d’études épidémiologiques.
Deux facteurs ont certainement contribué à majorer le nombre des notifications de démyélinisations au cours de vaccinations contre l’hépatite B : le nombre d’adultes vaccinés en France à l’âge où apparaissent la plupart des scléroses en plaques, une médiatisation vers le grand public précédant et rendant plus difficile l’évaluation des données. La conséquence en a été une baisse de la couverture vaccinale, touchant en particulier les nourrissons. Face à cette diminution de leur prévention, il sera important de prévoir dès à présent un suivi des complications graves précoces (forme fulminante) ou à long terme (cirrhose et hépato-carcinome) de l’hépatite B.
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DISCUSSION
M. Émile ARON
L’ordonnance qui créa l’Académie de médecine, le 20 décembre 1820, lui confiait, dans son article 2, la mission de propager la vaccination jennérienne. Notre Compagnie s’est brillamment acquittée de cette tâche. Contrairement au vaccin contre l’hépatite B, objet de mon intervention, la vaccine provoquait une petite maladie, après une incubation de trois jours. La seule complication grave retenue était l’encéphalite vaccinale qui fut attribuée à des lésions de démyélinisation péri vasculaire, traduisant une sensibilisation allergique. Mais fait capital, on découvrit que cette encéphalite vaccinale survenait lorsque la primo-vaccination avait été effectuée tardivement. On recommanda alors de vacciner les nourrissons avant deux ans. Ce rappel historique n’est pas inutile pour l’application de la vaccination contre l’hépatite B. Je ne reviens pas sur ma communication du 5 février 2002 où j’ai souligné qu’il n’y avait aucune preuve que cette vaccination puisse être à l’origine d’une sclérose en plaques. Depuis, l’innocuité de ce vaccin a été confirmée par l’Institut de Médecine des États-Unis en mai 2002 et par une réunion internationale tenue à Paris en septembre 2003, à la demande du Ministre de la Santé, où participaient, avec des experts internationaux, nos deux confrères : P. Bégué et J.L. Imbs Cet aréopage compétent a conclu qu’il n’existait pas d’arguments en faveur de l’existence d’une association entre la vaccination contre l’hépatite virale B et les pathologies démyé- linisantes. Je m’associe à leur souhait d’une vaccination de tous les nourrissons. Ceux-ci répondent à la vaccination par un taux d’anticorps supérieur à celui des adultes, et ces anticorps persistent 15 ans après la vaccination. Les recherches immunologiques ont démontré l’importance d’une immunité mémoire après l’éventuelle disparition des anticorps vaccinaux, qui serait efficace en cas d’infection par le virus B. On peut donc espérer qu’un rappel ne serait pas nécessaire après une primo-vaccination. Un vaccin pour les nourrissons a été mis au point par les chercheurs des Laboratoire Aventis Pasteur et Smith-Kline Beecham. Il a l’avantage de protéger à la fois contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite, le virus de l’hépatite B et l’Hémophilus influenzae, le vaccin est utilisé en Italie, en Allemagne, en Autriche. L’Académie nationale de médecine, conseillère du gouvernement, doit convaincre celui-ci d’insérer d’urgence ce nouveau vaccin dans le calendrier vaccinal.
Comment ne pas participer à votre démarche pour une vaccination contre l’hépatite B de tous les nourrissons, alors qu’il est universellement accepté que le vaccin contre le VHB, issu du génie génétique et remarquablement efficace, pourrait réduire massivement les conséquences de l’infection par le virus, si le taux de couverture dépassait 90 % de la population ? Nous nous en écartons de plus en plus dans notre pays : l’exemple d’une consultation de toxicomanes au Centre Marmotan est malheureusement éloquent : 61 % des nouveaux patients suivis en 2001 n’avaient jamais été vaccinés contre l’hépatite B au lieu de 39 % en 1999 (BEH, 2003, 7 : 41-42).
M. Jean-Daniel SRAER
Les insuffisants rénaux chroniques ont été parmi les premiers concernés par la vaccination anti-hépatite B. Des cas de SEP ont-ils été constatés chez ces patients ?
Les insuffisants rénaux en épuration extra-rénale — et les professionnels de santé qui les traitent — ont, en effet, été parmi les premiers bénéficiaires de la vaccination contre l’hépatite B, dès la mise au point des premiers vaccins extraits du plasma. Je n’ai cependant pas la mémoire d’une notification de sclérose en plaques concernant de tels patients. Le point que vous soulevez est important car cette population est sans doute celle pour laquelle nous disposons du plus long recul.
M. Gabriel BLANCHER
En ce qui concerne les rapports entre la vaccination contre l’hépatite B et l’apparition d’affections démyélinisantes, peut-on espérer que de nouvelles enquêtes épidémiologiques permettront un jour de donner une réponse ferme ? Ou bien les conditions mêmes de ces enquêtes rendent-elles impossible l’obtention d’une telle réponse ?
La place d’un doute scientifique doit, au moins théoriquement, être respectée. En pratique, il semble bien que de nouvelles enquêtes épidémiologiques ne pourraient apporter la décision. Plusieurs faits permettent de le penser : — un biais de notoriété, rendu de plus en plus pesant par les medias, existe dans notre pays où s’est produite la plus forte exposition au vaccin jamais observée pour une population d’adultes âgés de 20 à 44 ans, tranche d’âge où l’incidence des scléroses en plaques est maximale. — S’il existe, le risque est trop faible pour être saisi par une approche statistique. Ainsi, en dehors de la récente étude de Hernan et coll. (2003 soumise à publication ; résumé in Pharmacoepi.
and Drug Safety 2003, 12 : S 59-60) aucune enquête n’a montré d’association statistiquement significative, le risque relatif se situant entre 1,2 et 3. — L’étude de Hernan, citée plus haut, porte sur la même base de données anglaise (General Practice Research Database) que celle utilisée par plusieurs enquêtes pharmaco-épidémiologique concluant à l’absence de signification statistique mais choisissant des critères d’inclusion différents. Ceci montre bien la faiblesse d’un éventuel lien de causalité.
M. Michel ARTHUIS
Il existe à la D.G.S. une commission de réparation à l’amiable des accidents vaccinaux depuis 23 ans environ. En faisant partie depuis sa fondation, nous avons adopté, pour les affections démyélinisantes, un délai de deux à trois mois en cas de vaccination obligatoire.
Votre rapport excellent a mis dans mon esprit des doutes sur notre attitude. Qu’en pensezvous ?
La plupart des études épidémiologiques recherchant un lien de causalité entre la vaccination et l’apparition d’une démyélisation ont retenu un délai identique au vôtre, de 2 ou 3 mois selon les études. Ce laps de temps est fondé sur les délais de survenue maximum de poussées de démyélisations observées chez des patients atteints de sclérose en plaques lors d’une infection fébrile intercurrente ou d’une autre stimulation du système immunitaire. De façon très théorique, nous n’avons pas voulu fixer de délai de survenue pour accepter ou refuser des notifications de démyélisation du système nerveux dans les suites
d’une vaccination contre l’hépatite B. Nous nous sommes basés, d’une part, sur l’absence d’argumentaire sur le mécanisme susceptible d’intervenir et, d’autre part, sur le fait qu’accepter un délai revenait à suggérer l’existence d’un lien : nous quittions ainsi le bon sens clinique mais respections les règles de la pharmacovigilance.
* Correspondant de l’Académie nationale de médecine. Tirés-à-part : Professeur Jean-Louis IMBS — Centre régional de pharmacovigilance Alsace, Hôpitaux Universitaires, 1 place de l’Hôpital, 67091 Strasbourg. Article reçu le 15 octobre 2003, accepté le 20 octobre 2003.
Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 8, 1489-1500, séance du 25 novembre 2003