Résumé
L’incidence et le coût élevés des syndromes coronariens aigus requièrent une stratification du risque individuel. La troponine myocardique, élément clé du seuil décisionnel, est un marqueur de lésion myocardique spécifique mais peu sensible. La concentration plasmatique du peptide natriurétique B, hormone formée dans les myocytes du ventricule gauche, a montré, en dosage unique, une forte liaison à la lésion myocardique ischémique aiguë et à la mortalité. Afin de contribuer à répondre à la question du nombre de dosages nécessaires, nous avons dosé dans le plasma le segment amino-terminal (NT-pro BNP) aux heures 0, 8 et 24 de 64 patients consécutivement admis pour syndrome coronarien aigu. Le pourcentage des patients identifiés par la troponine T sont aux temps dits 44 %, 51 %, 52 %, et par le NT-pro BNP de 75 %, 83 %, 79 % (p<10 -4 ). En utilisant comme critère de seuil décisionnel l’une seule des concentrations de NT-pro BNP, plus de la moitié des patients admis pour syndrome coronarien aigu à ECG normal et renvoyés à domicile à la 8ème heure au vu de la normalité de la troponine T seraient assignés à une prise en charge diagnostique et thérapeutique hospitalière. Le fragment NT-pro BNP est un marqueur de lésion myocardique plus sensible que la troponine T. L’heure du dosage par rapport à l’admission n’est pas critique, et le marqueur garde une performance stable pendant les 24 premières heures
Summary
Better risk stratification strategies are required for patients with acute coronary syndromes. Plasma myocardial troponin is a specific but poorly sensitive marker. Levels of B natriuretic peptide, a 32-amino-acid peptide synthesized and released by left ventricular myocytes, correlate strongly both with the presence of acute myocardial lesions and with vital outcome. To address the possible influence of the sampling time, we measured NT-pro BNP plasma concentrations on emergency admission and 8 and 24 hours later in 64 patients with acute coronary syndromes. Troponin levels were abnormal in respectively 44 %, 51 % and 52 % of patients, while NT-pro BNP levels were abnormal in 75 %, 83 % and 79 % of patients (p<10-4). Both troponin and NT-pro BNP levels were abnormal in patients with ST elevation MI (n = 15 ; 93 % and 87 %, NS) and in patients with non ST elevation MI (n = 19 ; 73 % and 68 %). In contrast, among 30 patients with unstable angina, troponin levels were always normal whereas NT-pro BNP levels were elevated in 73 % of cases (p <10-4). This suggests that more than 50 % patients with acute coronary syndromes who have normal troponin levels 8 hours after admission - and would therefore be discharged - would qualify for further investigations on the basis of natriuretic peptide levels. NT-pro BNP is thus more sensitive than troponin as a marker of myocardial damage. In addition, its clinical significance is not influenced by the precise sampling time within 24 hours following emergency admission. NT-pro BNP therefore adds important information for patient stratification.
Les syndromes coronariens aigus présentent trois attributs majeurs : incidence, mortalité, coût élevés. La stratification du degré individuel de risque prend en compte, à l’entrée, histoire et examen cliniques, modifications de l’ECG et marqueurs de lésion myocardique. Bien que routinière, clairement codifiée, cette caté- gorisation ne conduit pas à un usage parfaitement discriminant de moyens thé- rapeutiques dispendieux : antithrombotiques et moyens de revascularisation coronaire. Le besoin d’indicateurs capables d’améliorer la catégorisation initiale du patient entrant en urgence est donc réel. Le peptide natriurétique B [BNP] est l’une des « hormones du cœur » intervenant dans la régulation neuro-humorale circulatoire. Largement mis à contribution dans le diagnostic et le pronostic de l’insuffisance cardiaque, il présente les attributs d’un marqueur idéal : dosage praticable en urgence, signification quantitative des concentrations plasmatiques, portée pronostique à long terme. La pratique du dosage du BNP dans les syndromes coronariens aigus est plus récente. Les données disponibles reposent sur un dosage unique du marqueur. Notre contribution a pour objectif d’évaluer, en situation d’urgence, la cinétique du BNP plasmatique sur 24 heures, et de comparer sa performance au marqueur de référence : la troponine d’origine myocardique.
PHYSIOLOGIE DU PEPTIDE NATRIURETIQUE B
La désinence B attachée à ce peptide natriurétique a pour origine son identification initiale dans le cerveau ( brain ) de porc en 1988 [1].
Après clivage du pro-BNP par une endoprotéase, cette hormone passe de la paroi du ventricule gauche dans le plasma sous la forme d’un peptide carboxy-terminal à 32 acides aminés chez l’Homme BNP actif proprement dit et d’un fragment aminoterminal à 76 acides aminés : il s’agit du NT-pro BNP, dénué d’activité hormonale, éliminé sans transformation par voie urinaire, après une demi-vie moyenne de 120 minutes. Les sites extracardiaques de formation du BNP (rein, amnios, cervelet) sont sans grande incidence pratique.
Les récepteurs membranaires du BNP [2] sont deux types, actif ou inactif, selon qu’ils présentent une activité enzymatique intrinsèque de type guanylate-cyclasique (récepteurs A et B), ou qu’ils en soient dénués (récepteur C de clairance). Le récepteur A est exprimé dans l’élément musculaire lisse et la cellule endothéliale des artères, la portion médullaire du tube collecteur du rein, les myocytes du ventricule, les surrénales.
Les voies de signalisation intracellulaires du GMP cyclique conduisent vers — l’activation de la protéine kinase G (effet vasorelaxant), — le contrôle des canaux ioniques induisant la natriurèse, — l’activation de la diestérase inhibant la synthèse surrénalienne d’aldosté- rone.
Le BNP est doté d’effets physiologiques exclusivement positifs. Il offre de plus l’avantage, relativement au peptide A (auriculaire), de fournir, de même que son fragment amino-terminal, un signal biologique très performant, insensible aux variations aiguës de la volémie.
Les caractéristiques physiologiques de ce peptide ouvrent un potentiel thérapeutique à deux échelons : les inhibiteurs de l’endopeptidase neutre qui prolongent la demi-vie du peptide dans le plasma ; le peptide recombiné (nesiritide) substitué au peptide naturel.
BNP ET SYNDROME CORONARIEN AIGU
Le BNP a été bien documenté dans le cadre de l’infarctus myocardique constitué :
plus que l’élévation initiale, témoin de la tension pariétale, c’est la valeur pronostique du dosage pratiqué entre les 5ème et 7ème jours suivant la nécrose, qui est apparue novatrice : un BNP élevé à cette date signifie risque de dilatation ventriculaire et d’insuffisance cardiaque dans l’année.
Données disponibles
A partir des connaissances acquises au cours de l’infarctus, la question du BNP dans les syndromes coronariens aigus ne pouvait manquer de se poser. Trois études pré- liminaires ont apporté les données suivantes :
— une étude cas-contrôle à population limitée [3] a permis d’observer que la concentration plasmatique de NT-pro BNP était individuellement plus élevée chez les patients dont l’évolution était fatale ;
— une étude pilote à large échelle (2525 patients) a pris en compte le dosage du BNP 40 heures en moyenne après le début de la douleur thoracique [4]. La mortalité et l’incidence de l’insuffisance cardiaque dans les 10 mois suivants sont liées au taux initial de BNP. Fait notable, cette liaison reste pertinente dans les 3 cadres nosographiques des syndromes coronariens aigus, indépendante de l’âge, d’une défaillance ventriculaire initiale, de la troponine I et de la protéine C ;
— dans une série de patients consécutifs admis pour douleur thoracique sans élévation du segment ST [5], le NT-pro BNP à l’admission est fortement lié à la mortalité tardive, et ceci indépendamment de l’évolution ultérieure de l’ECG, de l’occurrence d’un infarctus constitué, de la concentration en troponine plasmatique d’origine cardiaque.
Ces 3 études présentent des biais de sélection, les patients assignés à l’étude du BNP étant extraits de populations plus larges appartenant à d’autres études. L’absence d’étude systématique de la fonction ventriculaire gauche ne permet pas, en matière de facteurs de mortalité notamment, de faire la part de ce qui relève de la seule dysfonction ventriculaire et la part de l’information spécifique attachée à la seule concentration plasmatique du BNP ou de sa fraction amino-terminale.
Une étude s’est affranchie de ces réserves [6]. Dans une perspective à long terme, on dispose du devenir à 4 ans de coronariens aigus chez qui le dosage de BNP a été fait 3 jours après le début de la douleur, tandis qu’étaient recueillis systématiquement les données de l’échocardiographie pratiquée à l’entrée (fraction d’éjection), l’indice de Killip, la classe nosographique du syndrome coronarien. La mention d’un taux unique de BNP au-dessus de la valeur médiane est fortement liée à la mortalité tardive. Cette observation reste pertinente si la valeur de la troponine T est introduite dans l’analyse.
Pourquoi la concentration plasmatique de BNP est-elle élevée au cours des syndromes coronariens aigus ?
La sollicitation de la sécrétion de BNP dans le ventricule de l’insuffisant cardiaque est clairement établie : la tension pariétale excessive induit l’expression du gène situé sur le chromosome 1. Dans le domaine de la pathologie coronaire, trois constatations [7] :
— au cours de l’infarctus expérimental, la concentration tissulaire de BNP dans le myocarde non nécrosé est franchement augmentée ;
— après une procédure d’angioplastie non compliquée, le BNP plasmatique peut augmenter, alors que les pressions de remplissage enregistrées sont restées invariables ;
— la concentration de BNP peut augmenter très rapidement après épreuve d’effort chez le coronarien, et ce, dans un certain degré de proportionnalité avec le volume de tissu ischémique.
Ces données suggèrent que la mise en circulation du BNP se fait en deux temps :
immédiatement à partir des molécules disponibles dans le cytosol des myocytes du ventricule gauche ; secondairement par expression du gène. Le rôle causal d’un facteur ischémique direct, comme la production de radicaux libres, reconnu indé- pendamment de la tension pariétale, reste possible mais, à cette heure, hypothétique.
Synthèse
Le taux plasmatique du BNP est fortement lié au devenir lointain du patient, en termes de mortalité et d’insuffisance cardiaque.
Les corollaires thérapeutiques attachés à un taux élevé de BNP ne sont pas établis l’objectif prioritaire se tenant là.
Toutes les études s’étant appuyées sur un dosage unique de BNP, la cinétique du taux plasmatique de BNP après un phénomène aigu tel que le syndrome coronarien est inconnue. A fortiori, on ignore s’il existe un temps optimal de prélèvement.
CINETIQUE DU BN
Patients et méthode
C’est en fonction de cet état de la question que nous avons entrepris le présent travail : comparer l’évolution de taux plasmatiques du NT-pro BNP et de la troponine T, prise comme marqueur de référence, dans une série de 64 patients consécutivement admis en urgence en unité de soins intensifs cardiologiques pour syndrome coronarien aigu. Ces taux plasmatiques ont été établis à 3 reprises chez chaque patient : immédiatement à l’admission (H 0), 8 heures et 24 heures (H 8, H 24) après l’admission. Age moyen 65,8 fi 12 ans, 74 % de sexe masculin Conformément à la nosographie actuelle, les syndromes coronariens ont été classés en 3 entités électrocardiographiques : a) présence d’un sus-décalage du segment ST ;
b) présence de modifications électrocardiographiques ne comportant pas le susdécalage du segment ST ; c) électrocardiogramme normal définissant l’angor instable. Les patients présentant des manifestations d’insuffisance cardiaque ont été écartés.
Le diagnostic de maladie coronaire est établi chez tous les patients au vu d’une coronarographie systématique non différée : 61 % des patients présentent des lésions de distribution pluritronculaire, et 75 % possèdent une fraction d’éjection ventriculaire gauche normale ou quasi normale, supérieure à 55 %.
Ont été écartés de l’étude les patients ayant des antécédents notifiés ou suspectés d’insuffisance cardiaque ; les patients présentant à l’admission un tableau clinique d’insuffisance cardiaque congestive. Tous les patients ayant subi au moins une échocardiographie après admission, il n’existe chez aucun une hypertrophie ventriculaire gauche de degré notable, pouvant générer une insuffisance cardiaque diastolique.
Le dosage du fragment NT-pro BNP dans le plasma utilise une technique d’électrochimie-luminescence : l’épitope amino-terminal de l’antigène est reconnu par un anticorps de capture et marqué par un second anticorps porteur d’un traceur, le chélate de ruthénium dont l’excitation par champ électrique provoque des transitions électroniques, induisant elles-mêmes l’émission d’un photon, qui constitue le signal capté. [Roche Elecsys 2010®]. Le résultat du dosage est fourni en 30 minutes.
— Les valeurs médianes de NT-pro BNP étant calculées, les valeurs de ce paramè- tre et celles de la troponine T sont comparées en pourcentage d’augmentation par rapport à la valeur normale (0.1 ng/ml) sur l’effectif total des patients et à l’intérieur des 3 entités de syndrome coronarien aigu définies ci-dessus.
Valeurs de référence
Les valeurs de référence des concentrations plasmatiques du NT-pro BNP ont été établies par 360 dosages dans le temps de l’étude (expression en pg/ml) Age Femme Homme < 50 ans 20-153 20-110 > 50 < 60 20-222 20-156 > 60 ans 20-262 20-263 Résultats
Au cours des syndromes coronariens aigus, les concentrations plasmatiques moyennes de NT-pro BNP observées aux temps H 0, H 8, H 24 sont très différentes de la normale (p < 10-4) sans différer entre elles (tab. 1).
TABLEAU 1. — Concentrations plasmatiques moyennes du NT-pro BNP et de la troponine T dans l’ensemble de la population d’étude (différence avec les valeurs normales p. < 10 -4 )
Temps H 0
H 8
H 24
NT-pro BNP 1454 fi 46 1646 fi 48 1580 fi 46 pg/ml Troponine T 0,77 fi 1,3 1,24fi1,5 1,27fi 1,5
Les concentrations de troponine T et de NT-pro BNP sont significativement associées à chacun des temps de prélèvement, avec un coefficient de concordance faible (k = 0,2 ; p<0.0001).
La distribution de l’élévation des marqueurs au-dessus de la valeur normale (fig. 1) montre une performance diagnostique supérieure du marqueur peptidique.
Le pourcentage de patients présentant une élévation de ce dernier pouvant avoir signification de seuil décisionnel s’établit comme suit (p <0,004) :
Temps H 0 H 8 H 24 Troponine T 44 % 51 % 52 % NT-pro BNP 75 % 83 % 79 %
Le marqueur BNP se montre plus sensible, pendant 24 heures après admission du patient, que le marqueur troponine T (Fig.1).
La distribution des concentrations des marqueurs en fonction du type de syndrome coronarien aigu est d’autant plus déterminante dans la démarche diagnostique que près de la moitié des patients ne présentent pas de signes électrocardiographiques. A l’admission, les pourcentages de patients présentant une concentration plasmatique anormalement élevée sont respectivement :
— patients avec sus-décalage de ST (n = 15) : troponine 93 %, BNP 87 %, p. =N.S.
— patients sans sus-décalage de ST (n = 19) : troponine 73 %, BNP 68 % p. = N.S.
— angor (n = 30) : troponine 0 %, BNP 73 % ; p. <10-4 C’est donc dans ce groupe de patients ne présentant pas de signes électriques que le BNP apporte une information décisive.
Seuil décisionnel : importance du NT-pro BN
Le marqueur biochimique de lésion myocardique utilisé comme référence est la concentration plasmatique en isoformes cardiaques des troponines T ou I. Exclusivement exprimées dans le myocyte cardiaque, ces isoformes signent avec 100 % de spécificité leur origine, mais nullement la cause de lésion, qui certes reste le plus souvent ischémique, mais non exclusivement. Libérées du cytosol 4 heures après le début du processus lésionnel, elles ne sont pas sensibles : 50 % des patients admis avec un syndrome coronarien authentifié gardent un taux plasmatique normal de troponine entre les heures 6 et 12 suivant l’admission [8] La nécessité de marqueurs plus sensibles est donc réelle.
Dans notre travail, les sensibilités de la troponine T aux heures H0, 8 et 24 confirment ces données, cependant que les sensibilités du fragment amino-terminal du BNP s’établissent à 75, 83 et 79 % respectivement. En utilisant comme critère de seuil décisionnel l’une seule des concentrations de NT-pro BNP, c’est un quart environ des patients mis en observation pour syndrome coronarien aigu à ECG
FIG. 1. — Distribution des valeurs plasmatiques normales et anormales du fragment NT-pro BNP [BNP] et de la troponine T [TRP] à l’admission (H 0) et aux heures 8 et 24 après admission.
normal qui ne seraient pas renvoyés à domicile à la 8ème heure, pratique actuelle fondée sur le marqueur troponine, mais assignés à une procédure diagnostique et thérapeutique adéquate (Fig. 2).
La méthodologie de l’étude, consacrée à l’évaluation d’un seuil décisionnel en présence de l’urgence, ne comporte pas de groupe de comparaison. Il n’y a pas d’information pronostique à en tirer.
Evaluation coût efficacité : nous ne disposons pas d’éléments d’évaluation du rapport coût efficacité de l’introduction du dosage systématique du NT-pro BNP dans les marqueurs de lésion myocardique au cours des syndromes coronariens aigus. Le coût marchand unitaire est d’environ 8 fois celui de la troponine T. Le service rendu nécessite que soit connue l’incidence de sa prise en compte diagnostique sur l’ensemble de la prise en charge des patients, y compris le long terme en raison de sa puissante signification pronostique sur la mortalité.
A venir, les marqueurs d’activité inflammatoire (interleukine 6) et de thrombose pouvant identifier,dans le futur, les patients susceptibles de tirer le plus grand bénéfice des stratégies invasives précoces.
CONCLUSION
Le fragment NT-pro BNP est un marqueur de lésion myocardique plus sensible que la troponine T. Plus performant en matière d’identification du syndrome coronarien
FIG. 2. — Comparaison des seuils décisionnels à H 8 après admission, selon les concentrations plasmatiques de troponine T ou du fragment amino-terminal du peptide natriurétique B.
(S.C.A. : syndrome coronarien aigu).
aigu, il est un peu moins spécifique. L’heure du dosage par rapport à l’admission n’est pas critique, et le marqueur garde une performance stable pendant les 24 premières heures au moins. Le prix élevé du dosage peut être compensé par l’importance du service rendu. En associant au dosage du NT-pro BNP ceux de la troponine myocardique et des marqueurs plasmatiques d’inflammation et de thrombose, on pourrait disposer d’un outil fournissant le diagnostic initial de syndrome coronarien aigu, et un indicateur pronostique de mortalité à long terme, indépendant de la présentation clinique et de la fraction d’éjection du ventricule gauche.
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DISCUSSION
M. Iradj GANDJBAKHCH
Faut-il effectuer ce dosage dans tous les cas du syndrome coronarien aigu et comment justifier le coût économique de cette attitude ?
La diagnostic du syndrome coronarien aigu s’appuie sur des éléments anamnestiques, cliniques, électrocardiographiques et sur le taux de troponine plasmatique. Si ces élé- ments sont probants, le BNP est inutile au diagnostic d’urgence. En revanche, quand aucun élément n’est décisif, que l’urgentiste hésite à laisser partir le patient, la constatation d’un BNP anormal, malgré une troponine normale, et en l’absence d’autre facteur expliquant l’élévation du BNP, est spécifique d’une souffrance myocardique cachée. Il est légitime alors de garder le patient en observation. Donc, pas de raison (aujourd’hui) de doser le BNP dans tous les cas. La validité économique de cette attitude reste à faire, le coût unitaire du dosage du BNP étant de 8 fois celui de la troponine.
M. Raymond ARDAILLOU
La simple hypertrophie ventriculaire gauche augmente-t-elle la concentration plasmatique du pro-BNP ? Quelle est la raison pour laquelle vous avez choisi le dosage du pro-BNP plutôt que celui de la molécule mature, le BNP ?
L’hypertrophie ventriculaire ne semble pas s’accompagner de son seul fait d’une augmentation du BNP plasmatique, dont le stimulus est la contrainte anormale subie par la paroi ventriculaire. Le choix de la molécule à doser dépend de la disponibilité des « kits » auprès des fournisseurs. Il ne semble pas y avoir de différence de signification entre l’une et l’autre.
M. Jean-paul BOUNHOURE
Vous avez souligné le fait la valeur pronostique du dosage pro-BNP et sa valeur prédictive de récidives. Cette valeur prédictive s’explique-t-elle sur les récidives précoces, même chez les
patients avec ECG normal ? A-t-elle de la valeur pour les récidives plus tardives, et la détection d’une dysfonction ventriculaire gauche secondaire à moyen terme ?
Récidives précoces : il ne semble pas que le BNP ou le pro BNP aient partie liée avec la thrombose coronaire, qui est directement en cause dans la souffrance myocardique récurrente. Récidives tardives : réponse similaire. Des publications récentes consacrées au sujet, le taux de BNP reste bien cantonné aux conséquences ventriculaires, quand il y en a, de l’ischémie myocardique, mais pas à leur cause première : l’évolution des lésions coronaires. Pour la dysfonction ventriculaire, son diagnostic, son degré et son avenir, le dosage du BNP est l’examen clef, et probablement sans rival.
M. Alain LARCAN
La valeur prédictive négative du fragment est certaine dans le diagnostic d’une dyspnée aiguë, affirmant où plutôt infirmant une origine cardiaque éventuelle. Mais qu’en est-il dans l’embolie pulmonaire où le dosage pourrait être couplé à celui des dimères ?
L’augmentation du BNP plasmatique par la seule production du peptide à partir du ventricule droit implique un étirement considérable de sa paroi, comme on le voit dans les embolies pulmonaires massives. Il n’a rien à voir avec le diagnostic proprement dit de l’embolie pulmonaire, même si, en pratique, l’embolie pulmonaire est la cause quasi exclusive des grandes défaillances ventriculaires droites aiguës. Un BNP plasmatique élevé, au cours de l’embolie pulmonaire, et en l’absence de facteur de défaillance ou d’antécédent de faillite du ventricule gauche, signe la gravité particulière de l’embolie.
M. Yves GROSGOGEAT
Ne pensez-vous pas qu’un certain nombre de faux positifs puisse conduire à des hospitalisations inutiles ?
La pratique routinière du BNP dans les services d’urgence conduirait certainement à des hospitalisations injustifiées, et inutiles, si le paramètre BNP était isolé de l’ensemble des éléments du jugement clinique. Il faut de plus garder à l’esprit les contextes d’élévation d’origine non ventriculaire : grossesse, insuffisance rénale avancée, hyperthyroïdie. La signification pathologique de ce paramètre étant aujourd’hui établie, il reste à l’insérer dans un algorithme décisionnel à base clinique, statuant sur les indications souhaitables de recours à ce paramètre, et fournissant les recommandations sur la conduite à tenir dans un contexte clinique donné en fonction de son taux.
M. Jacques-Louis BINET
Pour revenir au peptide natriurétique B, comment se pratique ce dosage « radio-immunoessay » et dans quel temps obtient-on les résultats ?
Le dosage du fragment NT-pro BNP dans le plasma utilise une technique dite « électrochimie-luminescence » : l’extrémité amino-terminale de l’antigène est fixée par un anticorps de capture puis marquée par un second anticorps porteur d’un traceur, le chélate de ruthénium. L’excitation du ruthénium par champ électrique provoque des
transitions électroniques, suivies de l’émission d’un photon : celui-ci constitue le signal capté [Roche Elecsys 2010®]. Le résultat du dosage est disponible au lit du malade en 30 minutes.
M. Roger BOULU
Vous avez évoqué très brièvement l’existence d’un peptide de la même famille, le peptide C.
Avez-vous des renseignements sur ce peptide ?
Le peptide C possède comme A et B une structure cyclique, mais diffère par l’absence d’extrémité carboxy-terminale. Il n’est pas synthétisé dans le cœur, mais dans la paroi artérielle. Il agit en facteur paracrine dans le système nerveux et le rein (anse de Henlé et segment médullaire du tube collecteur). Il ne connaît pas d’application clinique probante aujourd’hui.
* Hôpital Militaire du Val de Grâce, Service de Cardiologie, 75230 Paris Cedex 05. Tirés-à-part : Jean Pierre OLLIVIER, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 25 mai 2004, accepté le 18 octobre 2004.
Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 9, 1529-1540, séance du 7 décembre 2004