Communication scientifique
Session of 1 mars 2011

L’imagerie actuelle des prothèses de hanche et de genou

MOTS-CLÉS : échographie.. prothèse de genou. prothèse de hanche
Recent advances in imaging of hip and knee prostheses
KEY-WORDS : hip prosthesis. knee prosthesis. ultrasonography.

Gérard Morvan *, Valérie Vuillemin, Henri Guerini, Philippe Mathieu, Marc Wybier, Frédéric Zeitoun, Philippe Bossard, Patrick Sterin.

Résumé

Plus de 222 000 prothèses de hanche et de genou sont implantées annuellement en France et ce chiffre va en augmentant. L’imagerie de ces prothèses repose à l’heure actuelle essentiellement sur les radiographies. L’apport de ces dernières est indiscutable mais comporte de sérieuses limites : l’impossibilité de voir certaines régions des prothèses, de les étudier dans le plan axial, les superpositions, la méconnaissance des parties molles. L’utilisation de la tomodensitométrie et de l’échographie qui permet de lever une bonne partie de ces limites a, en quelques années, considérablement fait progresser les possibilités diagnostiques de l’imagerie des prothèses. Ce travail propose de le démontrer.

Summary

More than 222 000 hip and knee prostheses are implanted each year in France and this number is growing. Simple radiography is generally used to examine these prostheses in situ but this method has several limitations, including superimposition, the inability to visualize some parts of the prosthesis and to study them in the axial plane, and poor visualization of intra- and peri-articular soft tissues. This article describes the advantages offered by computed tomography and ultrasonography in this setting. Abréviations utilisées dans le texte : PTH : prothèse totale de hanche (par extension, cette abréviation désignera toutes les prothèses de la hanche) PTG : prothèse totale du genou (par extension, cette abréviation désignera toutes les prothèses du genou, totales ou non) TDM : tomodensitométrie PE : polyéthylène

INTRODUCTION

En France, en 2008, 144 051 prothèses de la hanche (PTH) et 74 463 prothèses du genou (PTG) furent implantées [1]. Ce nombre, considérable, augmentera encore dans l’avenir : aux USA il est prévu, entre 2005 et 2030, une croissance de 174 % des PTH de première intention et une explosion de 673 % des PTG. Pour les prothèses de reprise, cette inflation serait respectivement de 137 % et 601 % [2]. Le coût moyen d’une PTH de première intention a été évalué, dépenses sociales exclues, à 9028 +/-1924 euros, celui d’une reprise aseptique à 12. 409 +/- 2059 euros et celui d’une reprise septique à 32. 546 +/9587 euros [3]. La chirurgie prothétique de la hanche et du genou peut donc, ainsi que les actes qui en découlent, de par leur fréquence et leur coût, être abordée sous une optique de santé publique [4, 5].

Jusqu’à ces dernières années, l’imagerie des prothèses de la hanche et du genou se résumait aux radiographies, dont les performances sont bridées par les superpositions, l’absence de visibilité des parties molles et l’impossibilité d’étude dans le plan axial.

D’où l’idée d’utiliser pour l’imagerie des prothèses la tomodensitométrie, afin de s’affranchir des superpositions (figure1) et permettre une étude dans le plan axial, ainsi que l’échographie pour étudier les parties molles périprothétiques.

Ces deux techniques ont considérablement fait progresser l’imagerie des prothèses en permettant des diagnostics plus précis, plus précoces et plus sûrs. C’est ce que va tenter d’exposer ce travail.

Les clichés simples

Pour les prothèses de hanche, les radiographies se limitent habituellement à un cliché de bassin de face centré bas, de façon à visualiser toute la prothèse, et au besoin à une radiographie localisée de la PTH de face et de profil. Ces simples clichés suffisent au suivi de routine d’une prothèse asymptomatique. Leur comparaison au fil du temps permet d’y déceler d’éventuelles modifications, même discrètes. D’où l’importance d’une technique réglée capable de fournir, de manière parfaitement reproductible, des documents de qualité. La numérisation des radiographies qui, par ailleurs, a amené des progrès indéniables (conservation, accessibilité, transmission…), s’est globalement soldée, par rapport aux clichés argentiques traditionnels, par une

Fig. 1. — Prothèse totale de hanche (PTH) scellée normale. La jonction ciment/os spongieux apparait floue sur la radiographie (1a) en raison des superpositions dues aux épaisses structures traversées par les rayons X. Le plan de coupe TDM frontal (1b) en se débarrassant de ses superpositions expose clairement la zone de transition entre os spongieux et ciment (flèches) et en prouve la normalité.

baisse qualitative du document fourni au prescripteur clinicien : moins bonne définition, clichés de taille variable, parfois réduite à l’extrême, de plus en plus souvent sur support papier ……

En cas de doute, des clichés de PTH sous traction peuvent être d’un apport déterminant. Le profil chirurgical de d’Arcelin, de moins en moins réalisé en raison de sa (toute relative) difficulté technique, apporte pourtant de telles informations sur la morphologie de la PTH, l’orientation du col et de l’acetabulum prothétiques que sa mixe à l’index nous paraît injustifiée.

Pour ce qui concerne le genou, l’apparente simplicité de la radiographie d’un genou prothésé est trompeuse. Une définition claire de la face et du profil d’un tel genou n’a jamais, que nous sachions, donné lieu à un consensus. Pour visualiser l’interface os/métal il est nécessaire que le rayon incident soit parfaitement tangent aux portions planes des pièces métalliques, ce qui implique de réaliser ces radiographies sous contrôle scopique (en pratique, ceci est loin d’être toujours le cas). Il est par ailleurs matériellement impossible, quelle que soit l’incidence, d’analyser la totalité des contours d’une prothèse comportant des angles rentrants (figure 2). Enfin, l’opacité du métal masque de vastes zones osseuses.

Les radiographies souffrent donc, de par leur nature même, d’importants facteurs limitants.

Fig. 2. — 1 : En raison de ses angles rentrants, l’interface métal/os de la quille cruciforme de cette pièce tibiale ne peut être étudiée en totalité que dans le plan axial. La radiographie en est incapable, quelle que soit l’incidence. — 2 : Exemple. Prothèse implantée en 2002 (a). Douleurs. Varisation de la pièce tibiale en 2004 (b,c). Le scanner (d-g) met parfaitement en évidence un liséré périprothé- tique qui n’apparaît pas sur les radiographies, compte tenu des ailettes de la quille.

La tomodensitométrie

Jusqu’à ces dernières années, la présence d’une structure métallique massive était considérée comme une contre-indication à un examen TDM, en raison d’artéfacts, dits de « durcissement du faisceau » altérant de façon importante la lisibilité des images. Les prothèses massives à base d’alliages d’acier (c’est le cas de nombreuses prothèses de genou) génèrent de tels artéfacts, très gênants. Celles à base de titane, nettement moins opaque (c’est le cas de plus en plus de prothèses de hanche) en provoquent beaucoup moins. Actuellement, certains artifices techniques permettent de minimiser ces artefacts : fort débit de photons suffisamment pénétrants, coupes fines lors de l’acquisition, filtre de convolution pas trop dur [6] et fenêtre de lecture haute et large. Pour le futur, de nouveaux algorithmes de reconstruction, actuellement en cours d’expérimentation, paraissent prometteurs de même que les techniques d’étude multifréquentielle. La présence d’une deuxième prothèse dans le même plan de coupe majore considérablement les artéfacts : il faut donc, autant que faire se peut, positionner le patient de façon à décaler les deux prothèses.

La tomodensitométrie a suscité deux grands progrès dans l’imagerie des prothèses :

la suppression des superpositions et l’étude dans le plan axial.

— Du fait de son principe physique (la tomographie) la TDM supprime les superpositions liées à l’épaisseur de l’os traversé par les rayons ainsi qu’à la complexité anatomique de la hanche et du genou. Sur les radiographies, ces superpositions peuvent masquer des lésions lacunaires, même de taille importante, alors que les lésions condensantes restent mieux visibles. La suppression des images indésirables permet une meilleure mise en évidence des descellement ou des nonostéointégration des PTH et PTG (figure 3) ainsi que des granulomes périprothé- tiques (figure 4) liés aux débris d’usure des prothèses, largement sous-estimés sur les radiographies. Un bilan préopératoire précis de ces lacunes osseuses, impossible à réaliser autrement qu’en TDM, est important (figure 4). Un liséré entre os et ciment apparaît plus distinctement sur le scanner que sur les radiographies avec, en général, une épaisseur plus importante que ces dernières ne le laissaient supposer. Des reconstructions TDM dans les trois plans de l’espace permettent une étude complète de l’interligne entre os et prothèse et donc de définir si le descellement est partiel ou complet. L’analyse de la pièce fémorale des PTG, particulièrement compacte et massive, reste toutefois difficile en raison de l’importance des artéfacts.

Fig. 3. — Descellement d’une PTH.

Cliché simple (a) ; coupe TDM frontale correspondante(b). Le liséré os/ciment apparait bien mieux sur la coupe TDM.

Fig. 4. — Granulomes sur PTH cimentée. À 12 ans, on remarque une petite diminution de l’épaisseur de l’insert polyéthylène et une irrégularité du spongieux périprothétique. La coupe TDM axiale révèle l’existence d’un énorme granulome (astérisques) qui évide littéralement le cotyle, ne laissant subsister qu’une mince pellicule osseuse périphérique. L’importance du granulome était difficile à imaginer sur les radiographies.

La tomodensitométrie aide également à diagnostiquer d’autres types de complications des prothèses : fracture peropératoire de l’acetabulum, de la diaphyse ou des condyles fémoraux ; saillie antérieure anormale d’une PTH à l’origine d’un conflit iliopsoas/prothèse ; chambre de mobilité autour des vis de fixation ;

présence de ciment en position ectopique ; conflit entre épines tibiales et prothèse unicompartimentale de genou… Couplée à une arthrographie (arthroscanner), avec les inconvénients que cela implique, la TDM est susceptible d’analyser la morphologie des inserts polyéthylènes. Elle peut surtout objectiver, avant une reprise chirurgicale pour sepsis, la présence d’une éventuelle poche abcédée communiquant avec la néoarticulation prothétique : on conçoit que la méconnaissance d’une telle collection (surtout si elle est intrapelvienne) puisse compromettre la réussite d’une reprise chirurgicale d’une PTH.

— L’analyse de la position des PTH et PTG dans le plan axial constitue, à nos yeux, le deuxième apport majeur de la TDM. Ce plan s’apprécie mal sur les radiographies, même si le profil de hanche de d’Arcelin permet une mesure de la version de l’acetabulum prothétique [7] et une appréciation de celle du col fémoral. Le système EOS, par le biais d’une modélisation 3D d’une enveloppe du fémur, semble également capable de mesurer la version du col fémoral. Alors qu’un tracé TDM précis et reproductible de l’axe du col fémoral prothétique ne pose habituellement pas de problème technique, la mesure de l’orientation axiale de l’acetabulum, naturel ou prothétique, est plus délicate, surtout pour les cotyles à couple de frottement dur (figure 5) où les différents composants de la prothèse ont une densité voisine. Actuellement, ces mesures TDM ne peuvent — c’est un indiscutable facteur limitant — être réalisées que sur un patient en décubitus, ce qui modifie l’orientation fonctionnelle de l’acetabulum par rapport à la station debout ou assise [8].

Ce n’est que depuis quelques années [9, 10] que l’on a intégré toute l’importance de l’orientation des PTG dans le plan axial. La mesure TDM de cette position au sein du fémur ou du tibia est délicate. La torsion épiphysaire distale du fémur [angle entre l’axe transépicondylien (qui relie les insertions condyliennes des ligaments collatéraux) et la tangente à la face postérieure des condyles] présente de fortes variations individuelles [10]. Habituellement, le chirurgien orthopédiste cherche à positionner sa pièce fémorale de manière à ce que le plan bicondylien postérieur de celle-ci soit parallèle aux plateaux tibiaux sur un genou en extension, afin d’assurer une tension convenable des ligaments collatéraux et des rétinaculums patellaires [11]. Une pièce fémorale en rotation médiale — ce qui tend à entrainer une bascule latérale de la patella — est en général mal tolérée. Il n’y a pas, normalement, de rotation au sein de la prothèse (angle entre le plan bicondylien et la tangente au bord postérieur de l’embase tibiale). Pour Berger [9], la pièce tibiale doit être positionnée en rotation interne de 18°+/-2,6° par rapport au segment de droite joignant le centre du tibia au sommet de la tubérosité tibiale antérieure. Les repères cliniques et TDM servant à cette mesure restent encore discutés.

L’échographie

Certaines affections des parties molles périprothétiques : tendinobursopathies, conflits entre prothèse et structures voisines, anomalies sur la voie d’abord, synoviopathies… peuvent être à l’origine de douleurs. La périphérie immédiate d’une prothèse est impossible à étudier en TDM en raison des artéfacts et il en est de même en IRM, surtout si la prothèse est ferromagnétique. Même si ce n’est pas le cas, les artefacts engendrés par les microdébris métalliques issus des outils orthopédiques qui ont servi à sa mise en place sont gênants pour l’analyse de la périphérie immédiate de la prothèse. D’où l’idée d’utiliser l’échographie, technique non handicapée par la présence de matériel métallique.

Les prothèses de hanche

La pathologie des parties molles périprothétiques de hanche peut être divisée en quatre groupes : conflits entre prothèse et structures voisines, tendinobursopathies de voisinage, collections para-articulaires infectées ou non et anomalies sur la voie d’abord [12]…

Fig. 5. — Mesure TDM de la position d’une PTH droite dans le plan axial. Important vice de positionnement avec rétroversion de 20° de l’acetabulum droit prothétique (pour 20° d’antéversion de l’acetabulum gauche naturel) et 40° d’antéversion du col prothétique (pour 20° d’antéversion du col naturel).

— Conflits entre PTH et parties molles antérieures La vis de fixation primaire d’un cotyle sans ciment qui franchit la corticale médiale de l’os iliaque et vient faire saillie dans la fosse iliaque interne, une pièce cotyloï- dienne trop grande ou trop peu antéversée, un fragment de ciment, parfois invisible sur les clichés simples, qui saille en avant, peuvent entrer en conflit avec le muscle iliopsoas ou son tendon. L’échographie objective une structure hyperéchogène encochant la face postérieure du muscle ou du tendon iliopsoas ou une bursopathie de l’iliopsoas (figure 6). Dans les PTH implantées pour coxopathie rhumatismale (notamment rhumatoïde) ces bursites, qui peuvent être énormes, sont fréquentes et remontent parfois très haut dans le bassin. Parfois une bursopathie isolée de l’iliopsoas, turgescente, sans saillie nette du matériel, provoque des douleurs vives de la face antérieure de cuisse, qui peuvent prêter à confusion avec une cruralgie.

— Tendinobursopathies régionales Les tendinobursopathies glutéales, accompagnées ou non d’une rupture tendineuse partielle ou totale, sont loin d’être exceptionnelles chez les porteurs de PTH. La sémiologie échographique des ces tendinopathies est peu différente de celle ren- contrée chez les patients non opérés (figure 6). C’est un des diagnostics différentiels fréquents avec les douleurs en rapport direct avec la prothèse. D’autres tendinopathies existent, notamment celle du droit fémoral…

— Collections liquidiennes intra ou para-articulaires Une plage hypoéchogène située contre la face antérieure du col prothétique traduit un épanchement dans la néocavité articulaire. Un tel épanchement, s’il est modéré, est fréquent chez les patients asymptomatiques. Quand le contexte clinique y invite, la constatation d’une telle image peut guider une ponction : celle-ci sera en général positive. A l’opposé, dans les cas où l’échographie ne montre pas d’épanchement, il y a peu de chances que la ponction soit productive.

Les abcès sont bien visibles en échographie : plage hypoéchogène à parois plus ou moins épaisses, hyperhémiques au Doppler. Le diagnostic d’abcès ne peut être porté qu’après ponction (au mieux échoguidée) et analyse du liquide, dans la mesure où une collection para-articulaire aseptique peut revêtir un aspect voisin. De telles collections peuvent être en continuité avec la PTH ou la région du grand trochanter (en particulier en cas de trochantérotomie), se situer sur la voie d’abord ou le long de la diaphyse fémorale. L’abcès authentifié, un scanner après opacification de la poche purulente permet de mettre en évidence l’éventuelle communication de celle-ci avec la prothèse et surtout la présence de fusées, notamment intrapelviennes, qui pourraient échapper à l’échographie.

— Anomalies sur la voie d’abord Une réaction inflammatoire sur fil le long de la voie d’abord, fréquente, douloureuse mais sans gravité, se manifeste par l’existence d’une plage hypoéchogène souscutanée centrée par l’hyperéchogénicité linéaire d’un fil de suture. Une exceptionnelle compresse oubliée se manifesterait par une masse hyperéchogène polylobée arrêtant les échos, pouvant contenir quelques bulles de gaz.

Les prothèses de genou

L’échographie dans les PTG est encore peu répandue et seules quelques rares références existent dans la littérature. Nous utilisons depuis six ans cette méthode pour analyser la superficie de l’os et de la prothèse, rechercher un épanchement intra-articulaire et surtout étudier les parties molles articulaires ou périarticulaires.

L’échographie permet également: une étude dynamique du genou (en flexion, extension, varus, valgus, contraction quadricipitale…) et une comparaison facile avec le côté opposé.

L’essentiel des ultrasons émis par la sonde se réfléchit sur la surface du squelette et de la prothèse sous forme d’une ligne de surface hyperéchogène dont la morphologie est identique quelque soit la composition du sous-sol : os, métal ou polyéthylène (PE) [13]. Une faible proportion des ultrasons pénètre plus profondément et se réfléchit dans le sous-sol qui revêt donc un aspect variable en fonction de sa nature :

Fig. 6. — Trois cas de bursopathies accompagnant une PTH, diagnostiqués en échographie.

En haut (a) : bursopathie de l’iliopsoas droit Au milieu (b) : PTH de reprise implantée par voie postérieure. Luxation. Butée postérieure (flèches). Douleurs antérieures importantes. Radiographie normale. La coupe échographique axiale montre un volumineux fragment de ciment au sein d’une bursopathie de l’iliopsoas (astérisque). Réintervention et guérison.

En bas (C) : coupe échographique axiale. Bursopathie paratrochantérienne (astérisque). Confirmation lors de la ponction-infiltration (flèche).

l’os spongieux génère quelques échos diffus, le métal d’importants échos de répétition et le PE une zone vide d’échos. Malgré la présence d’importantes masses métalliques, les parties molles périarticulaires et la membrane synoviale sont analysables comme sur un genou naturel, cicatrices opératoires mises à part.

— Pathologies intra-articulaires sur genou prothésé Un épanchement intra-articulaire modéré est banal dans un genou prothésé. Il est le plus souvent asymptomatique. Sa sémiologie échographique est la même que sur un genou naturel.

La raideur douloureuse postopératoire d’un genou prothésé peut être liée à une arthrofibrose : épaississement fibreux de la membrane synoviale et de la capsule articulaire, d’étiologie discutée, dont le traitement à base de rééducation voire d’arthrolyse demeure d’une efficacité relative. La fréquence de cette complication fonctionnellement gênante va, selon les séries, de 1 à 2 % [13] à 17 % [15], chiffre qui nous paraît élevé et ne correspond pas à notre expérience. L’échographie montre une synoviale épaissie (sensibilité : 84 %, spécificité : 82 % pour une limite supé- rieure normale de la membrane synoviale fixée à 3mm) [14] et, souvent, une hypervascularisation de la synoviale et de la graisse de Hoffa au Doppler puissance [14].

— Irrégularités de surface traduisant une anomalie de l’os porteur ou de la prothèse Une fracture corticale se traduit en échographie par une interruption de la ligne hyperéchogène de surface, avec parfois un décalage en marche d’escalier et un hématome adjacent si la fracture est récente [13]. Comme Yashaar l’a souligné le premier chez le cadavre [16], les ultrasons permettent de visualiser la limite périphé- rique des inserts en polyéthylène (PE) radiotransparents. Le descellement d’un médaillon patellaire peut ainsi être diagnostiqué, la position des inserts fémorotibiaux étudiée et leur épaisseur mesurée, avec une corrélation radioéchographique satisfaisante.

— Anomalies des parties molles péri-articulaires Dans notre expérience, les lésions de l’appareil extenseur du genou sont les plus fréquentes : tendinopathies patellaires ou quadricipitales, voire rupture de l’un de ces tendons, dont la sémiologie échographique est identique à celle observée sur un genou naturel : tendon augmenté de volume, hypoéchogène, ayant perdu son caractère fibrillaire, parfois hypervascularisé au Doppler puissance (figure 7) voire présentant une solution de continuité. L’étude échographique dynamique des tendons patellaire ou quadricipital en flexion/extension passive et active aide à la mise en évidence des ruptures, notamment des ruptures itératives sur tendons opérés.

Une déchirure du retinaculum patellaire médial secondaire à la subluxation latérale d’une patella prothésée se traduit par une interruption de la continuité du retinaculum médial, remplacé par un tissu irrégulier hypoéchogène, accompagnée d’une rétraction du retinaculum patellaire latéral.

Fig. 7. — Tendinopathie patellaire sur PTG. Coupe échographique sagittale. Tendon épaissi et hypoéchogène, très hyperhémique au Doppler énergie. La proximité de la prothèse n’est pas gênante.

À côté des anomalies de l’appareil extenseur, nous avons pu objectiver des tendinopathies médiales (tendinobursopathies ansérines avec ou sans débord médial anormal de la prothèse, avec ou sans participation du tendon réfléchi du semimembraneux) et des tendinopathies latérales (enthésopathies de la bandelette iliotibiale sur le tubercule de Gerdy…). La sémiologie échographique de toutes ces tendinopathies était voisine de celle que l’on peut observer sur un genou non opéré.

Limites et contre indications

Il n’y a pas de contre indication connue à ces deux méthodes au niveau des membres.

Les deux principales limites de l’échographie sont la profondeur de la zone étudiée (surcharge pondérale, zone anatomiquement profonde) et surtout l’exis- tence de zones à jamais interdites aux ultrasons, car masquées par des éléments squelettiques.

Outre la notion de dosimétrie, peu importante au niveau des membres, surtout chez des patients d’un certain âge, les limites de la TDM sont la présence de prothèses particulièrement volumineuses et denses (les prothèses de genou à charnière par exemple) où les artéfacts générés par le métal sont tels qu’ils empêchent l’analyse de l’os voisin.

CONCLUSION

À côté des radiographies, qui conservent la place la plus importante en pratique quotidienne, la tomodensitométrie et l’échographie ont considérablement fait progresser les possibilités diagnostiques de l’imagerie dans les problèmes liés aux prothèses de hanche ou de genou, la première pour l’étude des parties dures, la seconde pour celle des parties molles [17].

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[17] Morvan G., Wybier M., Mathieu Ph., Vuillemin V., Guerini H. — Imagerie des prothèses du genou. Maîtrise Orthop ., 2010, 199 .

 

DISCUSSION

M. Jacques BATTIN

Parmi les complications des prothèses de hanche, on entend parfois que se produisent des fractures de la prothèse obligeant à réopérer. S’agit-il de défaut de fabrication ou d’une autre cause et quelle en est l’incidence ?

Les fractures des prothèses sont rares et exceptionnellement liées à un défaut de fabrication du matériel, très contrôlée. Ce fût le cas de certaines têtes fémorales en zircone, beaucoup plus rarement en céramique. En pratique, les fractures de prothèses relèvent de deux origines : — des contraintes anormalement élevées sur la prothèse : par exemple, une tige fémorale fixée au fémur uniquement dans sa partie distale, du fait d’un descellement proximal ou de granulomes, est amenée à supporter, dans sa partie proximale, d’importantes contraintes qui peuvent conduire à une fracture de fatigue à la jonction entre la zone solidaire du fémur et celle qui ne l’est pas ; — une érosion mécanique du col de la prothèse fémorale à la suite de contacts répétés entre celui-ci et l’acetabulum, en général secondaire à une anomalie de position de ces éléments. Cette érosion fragilise le col qui peut se rompre.

M. Jean DUBOUSSET

Certains désordres n’apparaissent qu’en position debout, or le scanner est en position couchée. N’y a-t-il pas d’artéfacts avec le scanner ?

Vous avez parfaitement raison. Les mesures tomodensitométriques des prothèses dans le plan axial (version de l’acetabulum notamment) sont réalisées sur des patients en décubitus dorsal. Or, l’orientation du bassin en décubitus est notablement différente de celle qu’il a en station érigée. Pour pallier cet inconvénient on mesure la version pelvienne debout et en décubitus, de façon à introduire un facteur de correction sur les mesures tomodensitométriques. Les artéfacts métalliques peuvent être très gênants en tomoden- sitométrie. Ils accompagnent surtout les prothèses en acier, beaucoup moins celles en titane et sont particulièrement handicapants en cas de prothèse bilatérale. Si c’est le cas, nous nous arrangeons pour décaler les deux prothèses de façon à ce que les pièces métalliques les plus volumineuses ne se situent pas dans le même plan de coupe et utilisons des fenêtres de visualisation hautes et larges. Les artéfacts les plus gênants sont dûs à la composante fémorale des prothèses du genou.

M. René MORNEX

Votre présentation remarquable était très convaincante même pour un non spécialiste, mais j’ai été déçu par votre conclusion ne débouchant pas sur une affirmation d’inutilité de la radio simple. Pour les raisons économiques que vous évoquez, et dans un souci de pertinence des examens, une société savante s’efforce-t-elle d’édicter une recommandation stratégique ?

En fait, la tomodensitométrie et l’échographie ne suppriment pas la radiologie, elles viennent combler les lacunes de cette dernière. Les clichés simples conservent une réelle utilité : simplicité, étude en charge, reproductibilité… Je ne pense pas qu’il faille supprimer les radiographies des prothèses, mais il faut savoir qu’actuellement l’imagerie des prothèses ne se résume pas à ces seules radiographies.

M. Charles-Joël MENKÈS

L’échographie nécessite-t-elle un entraînement très pointu ? La scintigraphie a-t-elle encore une place dans l’exploration des prothèses douloureuses ?

Globalement, l’échographie de l’appareil moteur nécessite effectivement un investissement matériel et intellectuel important, notamment une connaissance détaillée de l’anatomie de l’appareil moteur, longue à acquérir. De toutes les imageries de cet appareil, l’échographie est la plus difficile et la plus longue à apprendre. Si on se limite à l’étude des parties molles périprothétiques, l’investissement est bien entendu moins lourd. La scintigraphie conserve un intérêt en matière de prothèse. Si une scintigraphie négative élimine en pratique un problème de descellement ou de non ostéo-intégration, la positivité de cet examen est en revanche peu spécifique et doit être replacée dans le contexte (type de prothèse, délai depuis l’implantation…) M. Emmanuel-Alain CABANIS

En scanner RX, l’amoncellement des données numériques est-il aujourd’hui la source d’une exploitation en matière de robotique, de simulation et d’élaboration de ces mêmes prothèses, cette fois personnalisée ? En IRM, sur prothèses amagnétiques, quel peut être l’apport d’une analyse dynamique et d’une anatomie numérisée, en charge notamment, avec les machines permettant une exploration verticale ?

Il est effectivement possible, à partir de données tomodensitométriques, d’usiner des prothèses personnalisées, en particulier en cas de conditions anatomiques particulières. Il est également possible de réaliser une implantation assistée par ordinateur, sur la base de données tomodensitométriques. L’IRM des prothèses, même si ces dernières sont constituées de composants amagnétiques, est le plus souvent handicapée par des artéfacts, liés essentiellement aux microparticules métalliques issues des instruments chirurgicaux, qui gênent au minimum la lisibilité de l’atmosphère immédiatement périprothétique. Les IRM verticales sont très peu répandues en France et, à ma connaissance, n’ont pas, à ce jour, permis l’analyse dynamique des prothèses.

M. Claude-Henri CHOUARD

À propos des causes de ces complications, j’observe que la plupart des cas présentés avaient été implantés en 97, c’est-à-dire avant la généralisation des navigateurs. Lors du rapport sur les navigateurs et robots de la Commission XX des biotechnologies de l’Académie (BANM, 2002 , 186, no 6, 1091-1102 ) ou 2003 (à vérifier) dirigée, à l’époque, par Claude Sureau, les promoteurs de cet appareillage soulignaient son intérêt pour le genou. Pensez-vous que cet espoir se confirme et le robot pour le genou rend-il ces complications moins fréquentes ?

L’implantation « naviguée » des prothèses de genou, à partir de différentes sources topographiques (palpation peropératoire, échographie, tomodensitométrie…) prend progressivement de l’importance. Même avec cet appoint, le positionnement précis et réglé des composants de la prothèse reste délicat et l’apport de cette technique reste débattu dans le milieu orthopédique.

 

<p>* Imagerie Léonard de Vinci — 75116 Paris, e-mail : gerard.morvan@yahoo.fr Tirés à part : Docteur Gérard Morvan, même adresse Article reçu le 21 septembre 2010, accepté le 18 octobre 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 3, 613-628, séance du 1er mars 2011