Communication scientifique
Session of 21 juin 2005

Les Legionella : de l’environnement à la maladie chez l’homme

MOTS-CLÉS : biofilm. legionella pneumophila/pathogenicite. organelles.. protozoaire
Legionella : from environmental habitats to human disease
KEY-WORDS : biofilms. legionella pneumophila/pathogenicity. organites.. protozoa

Henri Leclerc

Résumé

L’eau est le principal réservoir des Legionella comme le montre la large distribution de ces bactéries dans la plupart des environnements aquatiques. Les Legionella peuvent survivre dans les eaux, les biofilms, dans les environnements humides et comme parasites intracellulaires des formes libres de protozoaires. Les protozoaires, qui sont en effet présents dans ces milieux, permettent la croissance intracellulaire des Legionella.. L’analyse du processus infectieux qui se développe chez les protozoaires comme dans les macrophages alvéolaires au cours de la maladie du légionnaire est de nature à mieux nous faire comprendre la pathogénèse de cette maladie.

Summary

Water is the main reservoir for legionellae, and these bacteria are found in freshwater environments worldwide. Legionellae survive in aquatic and moist soil environments, in biofilms, as intracellular parasites of free-living protozoa. Protozoa naturally present in the environment support the intracellular growth of legionellae in vitro . Much of our understanding of the pathogenesis of legionellosis is based on studies of the infective process in protozoa and human cells.

INTRODUCTION

Les

Legionella sont des bactéries ubiquistes de l’environnement aquatique, responsables chez l’homme d’infections respiratoires aigües, les légionelloses. L’espèce

L.

pneumophila est de loin la plus répandue et la plus fréquemment responsable de la maladie du légionnaire, la forme la plus grave des légionelloses. L’infection survient par inhalation d’aérosols chargés en Legionella capables d’atteindre les alvéoles pulmonaires. En l’absence d’une forte réponse immunitaire de la part de l’hôte, les bactéries vont se multiplier dans les macrophages alvéolaires pour envahir progressivement le tissu pulmonaire, déterminant une pneumonie grave, potentiellement fatale. La maladie du légionnaire est considérée comme une infection opportuniste comme en témoigne l’épidémie historique qui a frappé les vétérans de l’American Legion en 1976, au cours de leur congrès annuel dans un hôtel de Philadelphie. Les employés de l’hôtel qui étaient séropositifs pour L. pneumophila ne présentaient aucun symptôme de la maladie. Les personnes qui sont tombées malades étaient âgées et souffraient de déficits immunitaires plus ou moins graves.

Du point de vue de l’évolution, l’infection humaine est franchement défavorable à la bactérie. Depuis que la maladie des légionnaires sévit à travers le monde, en effet, aucun cas de transmission interhumaine n’a été décrit. Contrairement à d’autres agents pathogènes des voies respiratoires tels que Haemophilus influenzae, Bordetella pertussis ou Mycobacterium tuberculosis, L. pneumophila n’est pas adapté à l’hôte humain. Les variants génétiques qui survivent à la forte pression sélective exercée par les macrophages alvéolaires sont incapables de se transmettre d’individu à individu. En fait, le pouvoir que possède L. pneumophila d’infecter l’homme est la conséquence de la pression de sélection issue de l’environnement. C’est donc au cœur de l’écosystème aquatique qu’il faut aller en découvrir les mécanismes. Le rôle des protozoaires y est prédominant. Ils sont, en effet, les hôtes privilégiés des Legionella qui s’y multiplient en grand nombre, au cours d’un cycle biphasique qui ressemble étroitement à celui des macrophages alvéolaires. Les bactéries acquièrent certaines caractéristiques de virulence qui leur permettent de survivre dans le milieu aquatique hostile puis de se transmettre aux cellules hôtes.

Sur quelques aspects de la vie microbienne dans les eaux

Notre perception de la vie bactérienne est profondément enracinée dans le paradigme de la culture pure. Une suspension de bactéries peut, en effet, être diluée en milieu liquide ou dispersée sur un milieu solide jusqu’à l’obtention d’une cellule unique, formant colonie. Ce mode opératoire a été exploité et utilisé pour l’étude des activités bactériennes dans les domaines de la physiologie, de la génétique, de la pathogénèse et plus particulièrement du diagnostic médical, lorsque l’on recherche dans les produits pathologiques la bactérie responsable d’une infection laquelle devra être isolée en culture pure. Les bactéries, dites pathogènes, ont à leur disposi-
tion dans les tissus humains ou animaux une quantité de matière organique en excès (supérieure au gr/kg), y compris les facteurs de croissance qui leur sont nécessaires pour se multiplier.

L’environnement aquatique où vivent les Legionella est, au contraire, pauvre en matières organiques (de l’ordre du mg/L-1) et sujet à une variété de stress tels que choc oxydatif, choc thermique, stress osmotique. Les eaux d’alimentation qui proviennent de ces sources sont constamment ensemencées par des microorganismes autochtones, bactéries, champignons, protozoaires, à partir des stations de traitement. La biomasse bactérienne qui se forme est le point de départ d’une chaîne trophique complexe au cours de laquelle les plus fort consommateurs de bactéries seront les membres les plus petits en taille du zooplancton, c’est-à-dire les protozoaires qui sont eux-mêmes la proie d’organismes plus évolués tels que microcrustacés, nématodes, macroinvertébrés [1]. La présence des protozoaires dans les eaux d’alimentation n’a jamais été particulièrement étudiée. L’apparition de cas de méningoencéphalite, dus à l’amibe thermophile Naegleria fowleri dans les années 1970 a pour la première fois attiré l’attention sur leur pouvoir pathogène pour l’homme, à partir de l’eau [2]. Les protozoaires peuvent aussi ingérer, protéger et faire se multiplier des bactéries d’espèces variées dont certaines, potentiellement pathogènes comme les Legionella . Toujours présents dans les eaux de distribution à des taux élevés de l’ordre de 105-106/L-1, ils sont consommateurs naturels de bactéries (nutrition holozoïque) et contribuent à l’équilibre biologique de l’écosystème. Mais aussi, en tant que transporteurs et amplificateurs de microorganismes pathogènes, ils représentent un risque infectieux pour les populations exposées.

Les bactéries se sont particulièrement bien adaptées à la vie aquatique et à tous les stimulis qui l’accompagnent, grâce à leur pouvoir de différenciation. D’innombrables espèces bactériennes peuplent les réseaux d’eau de distribution : les bacilles à Gram négatif des genres Pseudomonas, Acinetobacter, Flavobacterium , Cytophaga y sont prédominants ; les bactéries à Gram positif sont moins nombreuses ; d’autres groupes comme les bactéries prosthécates avec leurs appendices adhésifs sont probablement fréquentes mais insuffisamment étudiées [3]. Les Legionella , y compris

L. pneumophila , sont, elles aussi, des représentants fréquents, sinon constants, de cette flore autochtone. Toutes ces bactéries se sont adaptées à un mode de vie double, sous forme de cellules attachées à une surface, capables de se développer en biofilm où coopérent de nombreuses espèces, ou sous forme de cellules libres, dites planctoniques, flottant au fil de l’eau et recherchant une niche écologique favorable pour se fixer et se développer en un nouveau biofilm. Ce cycle biphasique suggère que le mode de vie planctonique serait plus favorable à la dissémination des bactéries qui survivent dans un environnement hostile, pauvre en éléments nutritifs, tandis que l’état ‘‘ attaché ’’ serait plus propice à la croissance. Cette hypothèse d’une alternance des bactéries en deux phases est séduisante pour expliquer leur persistance et leur croissance dans les réseaux de distribution d’eau.

Bactéries attachées et biofilms

Les biofilms ont été, pendant longtemps, considérés comme des amas de bactéries, inclus au hasard dans une substance matriciel. Les progrès réalisés au cours des dix dernières années [3-8] permettent de mieux connaître leur formation et leur structure. La microscopie confocale à balayage laser a été, à cet égard, déterminante pour mettre en évidence la structure tridimensionnelle du biofilm. Qu’ils soient expérimentaux (mono ou multispecies) ou d’origine naturelle (toujours multispecies) les biofilms présentent la même structure globale. Ils sont constitués d’agrégats cellulaires formant des microcolonies, dispersés dans une matrice polysaccharidique parcourue par un réseau de canaux où coule le liquide nutritionnel. Ces fins canaux distribuent les éléments nutritifs aux microcolonies, leur apportent l’oxygène et assurent l’élimination des déchets. Ils permettent des échanges métaboliques entre les microcolonies qui établissent ainsi des relations de coopération.

La formation des biofilms est un processus biologique programmé comprenant plusieurs étapes : attachement (réversible) des bactéries à une surface, production de polymères extracellulaires (EPS) et attachement irréversible, maturation et formation d’une structure élaborée de biofilm, enfin dispersion de cellules qui se détachent du biofilm, à la recherche d’un nouvel habitat. Les bactéries du biofilm et celles qui réversent vers la forme planctonique sont hautement différenciées comme le montre la comparaison de leurs profils protéiques en gel bidimensionnel.

Le développement du biofilm est sous le contrôle d’un mécanisme de régulation dépendant de la densité bactérienne, appelé quorum sensing (QS) [5, 6]. Ce système est composé d’une enzyme autoinductrice et d’une protéine activatrice de transcription. L’enzyme autoinductrice est responsable de la synthèse de petites molécules dites molécules de signal (AHL ou acylhomosérine lactones dans le cas de P.

aeruginosa ) qui diffusent de bactéries à bactéries. Lorsque ces molécules atteignent un seuil critique (quorum), elles se lient à la protéine régulatrice conduisant à activer la transcription de gènes impliqués dans la formation du biofilm ou dans la production de facteurs de virulence. Les mutants défectifs en molécules signal sont incapables de construire un biofilm avec sa structure canaliculaire caractéristique.

Bactéries planctoniques

Contrairement aux bactéries du biofilm où l’accès aux nutriments est favorisé par l’attachement des bactéries à un support et par leur coopération métabolique, les bactéries planctoniques ne peuvent que survivre dans un milieu hostile, pauvre en constituants organiques (oligotrophe). Elles ont une taille réduite et une forme sphérique de diamètre inférieure à 1 µm, souvent décrites sous le nom ‘‘ d’ultramicrobactéries ’’ ou d’‘‘ ultramicrocellules ’’ [9]. Cet état de carence nutritionnel (starvation-survival) résulte d’une insuffisance de nutriments, spécialement énergé- tiques, pour permettre la croissance et/ou la reproduction [9]. Face à ces conditions
de restriction alimentaire, les bactéries doivent s’adapter et se différencier. Dans le cas des bacilles à Gram négatif, E. coli étant habituellement pris comme modèle, la différenciation est essentiellement d’ordre physiologique. Les bactéries améliorent leur pouvoir de détection et d’utilisation des nutriments dispersés (par une plus haute affinité) ; elles développent de nouvelles voies métaboliques pour assimiler de nouveaux substrats ; elles synthétisent des protéines pour répondre aux différents types de stress, oxydatif, thermique, osmotique [10]. La réponse stringente [9, 11] définit ce pouvoir de différenciation qui ajuste les voies métaboliques de synthèse de la cellule bactérienne aux ressources disponibles. Elle est déclenchée lorsque les acides aminés, indispensables à la synthèse des protéines, viennent à manquer, ou, à la suite d’autres restrictions en carbone, azote, phosphore, ou encore pour répondre à d’autres types de stress.

Bactéries viables mais non cultivables

Dans certaines conditions de stress métabolique, comme celles qui viennent d’être décrites (starvation) une partie de la population bactérienne devient non cultivable tout en restant viable. Une bactérie viable mais non cultivable (VBNC) est définie par Oliver [12] comme ‘‘ une cellule dont le métabolisme reste actif mais qui est incapable de division ou de croissance sur un milieu qui supporte normalement cette croissance ’’. Dans l’eau les bactéries cultivables ne représentent qu’une proportion infime des bactéries totales observées au microscope, de l’ordre de 1/100 voir 1/1000.

Les bactéries non cultivables peuvent être des bactéries inconnues et incapables de croissance sur nos milieux de culture, le plus souvent adaptés à la multiplication des bactéries pathogènes ou des bactéries connues mais viables et qui, à la suite de stress (nutritionnel) restent momentanément non cultivables. Si l’existence des bactéries VBNC ne fait pas de doute, on peut se demander par contre si cet état correspond à une forme programmée et durable d’adaptation et de résistance, ou tout simplement à une forme de sénescence conduisant à la mort cellulaire. Un certain nombre de travaux tendraient à privilégier la deuxième hypothèse [13].

Les Legionella dans l’eau : survie ou croissance.

Les

Legionella habitent communément dans les eaux naturelles de surface et dans les eaux souterraines en communication avec la surface (non protégées). Elles colonisent naturellement les réseaux d’eau d’alimentation. Elles ont pourtant des besoins nutritionels très stricts (L-cystéine, fer) pour être cultivées au laboratoire et ces exigences sont en contradiction apparente avec leur large distribution dans les eaux.

De plus, la matière organique de l’eau, toujours présente en faible quantité (de l’ordre du mg/L-1) favorise en priorité les autres bactéries autochtones qui sont en compétition avec les Legionella .

Le premier facteur qui affecte l’évolution des

Legionella dans l’eau est la température [14]. Les

Legionella sont, en effet, surtout présentes dans les eaux réchauffées
des systèmes de conditionnement d’air, des tours aéroréfrigérantes, dans les réseaux d’eau chaude sanitaire. Dans les microcosmes expérimentaux, en cultures mixtes, les Legionella se multiplient entre 20 et 43° C, et de façon optimale entre 30 et 40° C.

Leur inactivation est mesurable à partir de 50° C. La résistance à la température, comparativement plus élevée que celle des autres bactéries hétérotrophes pourrait expliquer leur relative prédominance dans ces milieux. Pourtant, quelle que soit la température, les Legionella ne peuvent que survivre dans une eau de robinet stérilisée (donc débarrassée de microorganismes). A ce jour, aucune expérience n’a pu montrer que les Legionella étaient capables de se multiplier dans l’eau, par elles mêmes (multiplication extracellulaire).

Les bactéries autochtones de l’eau colonisent les surfaces pour former des biofilms.

Il en est de même des Legionella que l’on isole plus fréquemment et en plus forte quantité dans les biofilms (par écouvillonnage des surfaces) que dans l’eau courante.

Il est théoriquement possible que les Legionella profitent de métabolites synthétisés par des espèces voisines, au sein même de ces biofilms. Certaines expériences [15] ont montré, en effet, que L. pneumophila , en culture, peut former des colonies satellites autour des bactéries aquicoles telles que les

Flavobacterium, les Pseudomonas , les

Alcaligenes et les Acinetobacter . Cela n’a jamais été confirmé en milieu simple ni dans l’eau [14]. L’hypothèse de la multiplication extracellulaire des

Legionella dans les biofilms est pourtant plausible, d’autant plus que la plupart des bactéries pathogènes intracellulaires en sont capables. Deux travaux ont été réalisés pour tenter de répondre à cette interrogation, à l’aide de microcosmes mixtes [16]. Dans l’un, le biofilm obtenu contenait jusqu’à 105 L. pneumophila cm2 , en l’absence d’organismes prédateurs ; dans l’autre la multiplication des bactéries n’était observée qu’en présence d’amibes. Le débat reste donc ouvert mais l’état actuel des expérimentations ne permet pas d’affirmer que les Legionella sont capables de croissance sur des biofilms, indépendamment d’un hôte cellulaire.

Le fait que les amibes (14 espèces) et d’autres protozoaires soient des hôtes naturels et des ‘‘ amplificateurs ’’de Legionella est une réalité largement décrite [16-18]. Les amibes fréquemment isolées dans les eaux d’alimentation et plus encore dans les eaux réchauffées, sont les Naegleria , les Acanthamoeba les Tetrahymena et les

Hartmanella. La présence des Legionella dans les eaux d’alimentation, liée systématiquement à celle des protozoaires, leur croissance intracellulaire dans ces hôtes prédateurs, leur incapacité à se multiplier de façon extracellulaire sont autant d’arguments pour faire des protozoaires les seuls pourvoyeurs de Legionella , responsables de la pression de sélection exercée dans le milieu. Tandisque les protozoaires sont les hôtes naturels des Legionella , l’infection des cellules phagocytaires humaines est seulement opportuniste. Pour comprendre le pouvoir pathogène des Legionella chez l’homme, il importe donc d’analyser le processus infectieux chez le protozoaire et dans les cellules phagocytes de l’hôte humain.

Le cycle biphasique et l’expression des facteurs de virulence

Les

Legionella se multiplieraient dans les protozoaires et survivraient dans l’eau en attendant d’infecter d’autres protozoaires. Ce cycle de vie biphasique décrit initialement par Rowbotham et al . en 1986 [19] est caractérisé par l’alternance entre deux phénotypes. Le premier est un phénotype de réplication ; il est immobile, à paroi rugueuse et pauvre en substances de réserve (β-hydroxybutyrate) ; le second est un phénotype d’infection ; la cellule est plus petite, mobile, à paroi lisse et riche en inclusions de réserve. A l’aide des outils génétiques modernes et grâce à la modélisation des cultures synchrones, Molofski et Swanson [20] confirment l’existence de ces deux phases, caractéristiques des cultures en milieu liquide (phases exponentielle et stationnaire) et observées au cours de l’infection des macrophages et des amibes.

Lorsque les conditions sont favorables à la réplication, les facteurs qui activent la transmission sont réprimés et la bactérie se multiplie ; lorsque les nutriments viennent à manquer, la multiplication est réprimée et le progénote se différencie en une forme transmissible capable de se libérer de la cellule hôte, de survivre aux stress de son nouvel environnement et d’établir une niche de réplication dans un nouveau phagocyte en échappant à la destruction lysosomale. Le processus de différenciation serait déclenché par l’épuisement en acides aminés et, par voie de conséquence, par la production de la guanosine-bispyrophosphate(ppGpp), le signal caractéristique de la réponse stringente [21]. L’accumulation de cette alarmone conduit à une augmentation de la concentration du facteur sigma RpoS ou σS qui induit l’expression des gènes de la phase stationnaire. Il en résulte un arrêt rapide de la synthèse des ARN stables et des protéines et finalement de la croissance.

Chez L. pneumophila , la réponse stringente coordonne l’expression des gènes de la phase stationnaire et des gènes de virulence [20, 21]. Plusieurs observations le confirment. En premier, L. pneumophila accumule ppGpp dans des conditions qui induisent l’expression de la virulence, c’est-à-dire à la fin de la phase exponentielle de croissance et, en réponse à une restriction en acides aminés. En second, lorsque la guanosine bispyrophosphate synthétase d ’E. coli est exprimée chez L. pneumophila , on observe l’accumulation de ppGpp et l’expression de facteurs de virulence, quelles que soient la densité cellulaire et les sources nutritionelles. Donc, avec L. pneumophila , le facteur σS n’est pas requis pour la réplication mais il est indispensable à la transmission à un nouveau phagocyte de même que pour la survie dans un milieu hostile comme l’eau.

De nombreuses questions restent posées à propos du contrôle transcriptionnel de σS. L’alarmone ppGpp serait nécessaire, non seulement à la production de σS mais aussi à la transcription de promoteurs dépendant de σS. Au cours de la réponse stringente chez E. coli , ppGpp aurait un rôle régulateur dans la compétition des facteurs σ pour la transcription. Les facteurs σS et σ32(choc thermique) seraient de meilleurs compétiteurs que σ70 pour le core de l’ARN polymérase, en présence d’un taux élevé d’alarmone.

Les déterminants de la virulence

La secrétion de protéines nécessaires à la virulence est un processus universel d’importance fondamentale dans l’infection d’un organisme hôte par une bactérie pathogène. Pour être exportées dans l’environnement et, en particulier dans une cellule hôte, elles ont besoin d’organelles de surface que l’on appelle systèmes de secrétion. Elles peuvent alors franchir les deux membranes, interne et externe, qui sont hydrophobes et imperméables aux composés hydrophiles. Deux systèmes de secrétion principaux ont été décrits chez L. pneumophila [22, 23] : le système de secrétion de type II et le système de secrétion de type IV. Dans les deux cas, les protéines sont secrétées en deux étapes pour atteindre la cellule hôte, tout d’abord à travers la membrane cytoplasmique par une voie dépendante des systèmes d’exportation des protéines Sec et Tat, puis à travers la membrane externe.

La découverte de la prépiline peptidase PilD, encodée par le gène pilD a été à l’origine de la description de l’appareil de secrétion de type II. L’analyse des mutants knock out PilD a montré que cette protéine est nécessaire à la croissance intracellulaire des Legionella dans les amibes comme dans les macrophages. Cet appareil est impliqué dans la secrétion d’une variété d’enzymes décrites par Lammertyn et Anné [22]. Aucune d’entre elles n’apparaît essentielle à la croissance intracellulaire des Legionella . La protéine PilD est impliquée d’autre part dans la biogénèse et l’assemblage des pili de typeIV connus chez d’autres espèces bactériennes telles que

P.

aeruginosa et Neisseria gonorrheoe . Les pili de type IV sont caractérisés par une extrémité adhésive et ils sont rétractables. Ils permettent l’adhésion à l’hôte cellulaire et aux biofilms.

Le système de secrétion de type IV est de beaucoup le plus important du point de vue de la virulence [23, 24]. Il est encodé par les gènes dot (defective organelle trafficking) et icm (intracellular multiplication), au nombre de 25 et situés en deux régions séparées du chromosome. C’est un complexe macromoléculaire comprenant un grand nombre de protéines membranaires et plusieurs protéines de localisation probablement cytoplasmique. Ce système de secrétion est absolument indispensable au processus infectieux de L. pneumophila dans la cellule hôte. Il n’est pas requis pour la croissance cellulaire en tant que telle mais son rôle est crucial pour la genèse d’un phagosome riche en nutriments et capable d‘échapper à la fusion lysosomale. Il contrôle aussi directement l’ingestion de la cellule bactérienne par phagocytose, l’induction de l’apoptose dépendante de la caspase 3 chez les macrophages, la lyse de la cellule hôte, consécutive à la formation de pores cytotoxiques et, en final, la libération des bactéries prisonnières de l’organisme hôte. La fonction naturelle de l’appareil de secrétion de type IV est de délivrer, dans la cellule phagocyte, des protéines effectrices qui vont interférer dans le trafic métabolique. A ce jour, pourtant, le nombre de substrats identifié est faible et leurs fonctions, assez mal définies. Ralf, le premier effecteur isolé, est un facteur d’échange nucléotidique (GDP/GTP) pour la famille de protéines ARF (ADP ribolysation factor) Ces deux
protéines seraient impliquées dans le recrutement de vésicules au cours de la biogénèse de la vacuole réplicative. La protéine LidA, localisée sur la face cytoplasmique du phagosome de réplication, interviendrait dans le trafic métabolique de la cellule hôte. Les deux protéines LepA et LepB ( Legionella effector protein) favoriseraient la libération des bactéries hors du phagosome de l’amibe hôte. De nombreuses autres protéines identifiées, dites Sid (Substrat of Icm/Dot transporter) n’ont pas de fonction reconnue.

Pour leur croissance dans les milieux de culture, les Legionella ont des exigences en fer particulièrement élevées (supérieures à 10 µM), sous forme de pyrophosphate ferrique, de citrate ferrique ou de chlorure ferrique. Les cultures en milieu liquide (phase stationnaire) présentent une couleur brun noir dû à un pigment, l’acide homogentisique. Pour assimiler le fer, les Legionella produisent des sidérophores de trois types, une légiobactine et deux chélateurs de fer à hydroxamate et à pyoverdine.

Elles peuvent utiliser des hémoprotéines comme source de fer. Elles ont aussi le pouvoir de transporter les composés ferreux à travers les membranes cellulaires, suggérant la possibilité de vivre en milieu réduit.

Le cycle intracellulaire de multiplication

La première caractéristique du pouvoir pathogène des

Legionella est leur pouvoir de multiplication chez les protozoaires et dans les cellules humaines et animales [18, 20, 21, 24, 25]. Au microscope les cycles infectieux sont très ressemblants mais certaines différences notables sont observées dans les mécanismes d’entrée et de sortie de la cellule hôte.

Attachement et phagocytose

Le pouvoir de coloniser les protozoaires et une grande variété de cellules animales (plus de douze lignées de cellules phagocytaires ou non phagocytaires) suggèrent l’existence de mécanismes d’attachement diversifiés. Avec les macrophages humains, l’attachement se produirait, en présence de sérum, entre les bactéries opsonisées et les récepteurs CR1 et CR3 des macrophages par l’intermédiaire de la protéine majeure de membrane externe (MOMP) ; mais il peut aussi survenir en l’absence de complément. Une autre protéine de surface, la protéine de choc thermique Hsp 60 a été impliquée dans l’adhésion et l’entrée dans les cellules Hela ; ce rôle n’a pas été confirmé, ni avec les macrophages, ni avec les amibes. L’attachement de L. pneumophila aux amibes H. vermiformis et A. polyphaga serait dû à une lectine amibienne de 170 kDa, inhibée en présence de galactose/N-acétylgalactosamine. Les pili de type IV qui sont responsables de l’attachement de bactéries pathogènes comme certaines Neisseria et P. aeruginosa sont aussi des adhésines potentielles de L.

pneumophila .

La plupart des souches de

L. pneumophila isolées en clinique sont phagocytées par les monocytes et les macrophages par un processus d’adhérence circonférentielle
(modèle de la fermeture-éclair). Les bactéries se trouvent finalement englobées dans une vacuole isolée, le phagosome. Un autre mode inhabituel de phagocytose dite « coiling ’’ a été décrit par Swanson et Hammer [21] chez les macrophages et les amibes. Il est caractérisé par la formation d’un pseudopode long et fin qui s’enroule autour de la bactérie, créant ainsi une vésicule d’emprisonnement. Il a été observé chez L. pneumophila mais aussi chez de nombreuses autres espèces comme

Leishmania donovani, Borrelia burgdorferi , des spirochètes, des trypanosomes et des levures. Sa signification reste obscure et, dans le cas de

L. pneumophila , il ne parait pas jouer un rôle spécifique au cours du cycle intracellulaire de croissance [24].

La réplication intracellulaire

Dans les quelques minutes qui suivent la phagocytose du protozoaire ou du macrophage, le phagosome, tenant les Legionella prisonnières, se voit entouré d’organelles cytoplasmiques, vésicules, mitochondries, et réticulum endoplasmique (RER).

Comme cela a été décrit depuis plus de 20 années [26] il ne fusionne pas avec le compartiment lysosomal. Les phagosomes des mutants dot/icm, au contraire, fusionnent avec les lysosomes. Les

Legionella échappent à la traditionnelle voie endocytique et se multiplient dans leurs vésicules protectrices, sans qu’il soit possible de distinguer la partie du contrôle qui revient à la bactérie de celle qui est assumée par la cellule hôte.

Le rôle du RER, au cours de la réplication a fait l’objet d’un grand nombre de travaux synthétisés par Molmeret et al. [24]. A la suite d’un échange fusionnel des bicouches lipidiques entre le phagosome et les vésicules du RER, la membrane phagosomique devient aussi fine que les membranes du RER et en acquiert les caractéristiques. Ce phénomène a été observé avec d’autres espèces bactériennes telles que Brucella abortus et Trypanosoma gondii [21]. Pourtant, dans chacun des cas le rôle direct du RER dans la survie ou la croissance des bactéries n’a pu être démontré. Avec L. micdadei , une autre Legionella pathogène, la réplication s’effectue dans les vacuoles macrophagiques indépendamment de toute association avec le réticulum endoplasmique. Par ces réarrangements membranaires les Legionella pourraient exploiter les ressources naturelles de la cellule hôte, par autophagie, comme le suggèrent certains auteurs [21], hypothèse qui mérite d’être confirmée. Le recrutement du RER est pourtant impliqué dans la biogénèse du phagosome puisque certains mutants dot / icm de L. pneumophila sont incapables de recruter le

RER et que leurs phagosomes subissent la fusion lysosomale La phase de réplication active conduit naturellement à l’épuisement des ressources nutritives. Les acides aminés viennent à manquer, entraînant l’activation du régulon de la phase stationnaire ce qui donne naissance à des mutants capables de résister aux stress de la vie aquatique et d’infecter de nouvelles cellules hôtes.

La formation de pores

Kirby et al. [27] ont montré les premiers que les Legionella forment des pores membranaires dans les macrophages, provoquant leur lyse. Un certain nombre d’observations et l’identification de mutants spontanés, désignés rib (release of intracellular bacteria), capables de croissance dans les macrophages mais impuissants à s’en évader, suggèrent l’existence d’au moins deux types de pores qui viennent s’insérer dans les membranes de la cellule hôte au cours des différentes phases de l’infection. Le premier est un pore d’invasion et de trafic du métabolisme cellulaire. Inséré dans la membrane du phagosome, au début de l’infection, il permet le transfert d’effecteurs dans le cytoplasme de la cellule hôte et la poursuite du processus infectieux. Le second est un pore de sortie ou d’évasion. Il est formé à la phase terminale de la réplication et est indispensable à la lyse de la cellule hôte grâce à son pouvoir cytotoxique (toxine Rib). Les mutants rib conservent les pores d’invasion mais sont défectifs pour les pores de sortie associés à la cytotoxine. La membrane du phagosome est détruite en un premier temps ; vient ensuite celle de la membrane cytoplasmique qui aboutit à la lyse cellulaire terminale.

La mort cellulaire : apoptose et nécrose

L’infection des macrophages par

L. pneumophila induit l’apoptose après 24 à 48 heures, par activation de la caspase 3 qui est dose-dépendante (Molmeret et al. , 2004). Les mutants dot/icm sont défectifs pour cette propriété ce qui montre donc le rôle essentiel du système de secrétion Dot/Icm. L’apoptose n’a jamais été observée chez les protozoaires tels que Acantamoeba castellanii et A. polyphaga .

La mort cellulaire peut survenir par nécrose aussi bien chez les macrophages que chez les protozoaires. Elle est induite par la toxine Rib formatrice de pores. Le phénomène de nécrose est indispensable aux Legionella pour se libérer de la cellule hôte ce qui n’est pas le cas avec l’apoptose. Le modèle d’évasion des

Legionella de leur cellules hôtes se présenterait ainsi en trois étapes : — en fin de phase exponentielle de croissance, des pores d’évasion sont insérés dans la membrane phagosomale, conduisant à sa destruction ; — les bactéries sont alors libérées dans le cytoplasme ; — la destruction de la membrane et des organelles cytoplasmiques par les pores cytolytiques provoque la lyse cellulaire.

CONCLUSION

Il est actuellement admis, de façon indiscutable, que de nombreux protozoaires de l’eau sont les hôtes naturels des Legionella qui peuvent s’y multiplier activement après leur ingestion par phagocytose. Ce n’est qu’accidentellement et malencontreusement que ces bactéries infectent et colonisent les cellules phagocytaires humaines et plus particulièrement les macrophages alvéolaires. Des progrès considérables ont été accomplis dans la connaissance des mécanismes cellulaires et moléculaires du
processus infectieux qui se développe chez les protozoaires et dans les macrophages avec une surprenante analogie. Selon l’hypothèse la plus généralement admise, le manque d’acides aminés au cours de la croissance induit la réponse stringente c’est-à-dire l’accumulation de ppGpp puis celle du facteur σS qui déclenche l’expression coordonnée des gènes de la phase stationnaire et des gènes de virulence. Le rôle des systèmes de secrétion est fondamental. L’exploitation du système de secrétion de type II est unique ; il n’a jamais été rencontré chez d’autres bactéries pathogènes qui sont infectantes par voie intracellulaire. La fonction du système de secrétion de type IV est essentielle dans la plupart des étapes de l’infection. Pourtant toutes les activités des protéines Dot/Icm ne sont pas connues et la plupart des protéines effectrices, non identifiées. L. pneumophila est devenu un véritable modèle d’étude de parasitisme intracellulaire pour analyser les processus de différenciation de la bactérie et leurs incidences sur les interrelations hôte-parasite.

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DISCUSSION

M. Charles PILET

Quel est le comportement des légionelles en milieu salinisé ? En d’autres termes, y a t-il ou non un risque de légionellose dans les centres de thalassothérapie ?

La présence de legionella n’a jamais été mentionnée dans l’eau de mer, et dans l’état actuel de nos connaissances aucun cas de legionellose n’a été décrit en relation avec l’eau de mer.

M. Jacques BATTIN

Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du ministère de la santé, publié aujourd’hui, donne les chiffres de 2004, à savoir 1202 cas, soit 15 % de plus que l’année précédente, donc
une létalité d’au moins 14 %. Comment réduire cette endémie qui progresse d’année en année et menace préférentiellement les hommes tabagiques ?

L’incidence de la légionellose augmente effectivement d’année en année ce qui résulte vraisemblablement de l’amélioration notable dans les méthodes de détection et dans l’organisation des réseaux de surveillance mise en en œuvre aux plans national et international. On estime en outre que le nombre de cas rapportés est très nettement inférieur au nombre de cas réels. La maladie apparaît plus fréquente et plus grave chez les personnes âgées, de sexe masculin, chez les fumeurs, les diabétiques, les bronchitiques chroniques, dans les cancers et d’une façon générale pour toutes les personnes qui souffrent d’un déficit immunitaire. La prévention de la maladie consiste à réduire l’exposition et nous y reviendrons à propos des épidémies. Dans le cas des individus tabagiques, la meilleure des préventions serait de réduire voir de supprimer le facteur de risque.

M. Jean-Claude PÉCHÈRE

Quelles mesures pratiques pourraient être mises en œuvre pour limiter ou prévenir les épidémies de légionelloses ?

Les épidémies communautaires de légionellose proviennent le plus souvent d’aérosols générés par les tours d’aéro-refroidissement qui sont porteurs d’un taux significatif de bactéries contaminantes. La prévention consiste à réduire ce taux à un niveau tel qu’il ne soit pas infectieux pour les populations exposées. D’où la mise en œuvre de plans de gestion du risque c’est-à-dire de recommandations ou de valeurs guides destinées à satisfaire cette exigence. Trois pratiques conditionnent la maîtrise du risque : l’identification et la mesure du taux de bactéries, le nettoyage et la désinfection des systèmes générateurs d’aérosols infectieux enfin la surveillance et le contrôle de la désinfection. Il n’est malheureusement pas possible d’estimer le risque de légionellose à partir des mesures de concentration bactérienne parce que : —les doses infectieuses ne sont pas connues — elles varient selon la sensibilité individuelle, —les méthodes de détection nécessitent une dizaine de jours et ne représentent qu’une analyse rétrospective, — les effets du transport des échantillons ne sont pas contrôlés —le risque de légionellose dépend du risque d’exposition. Tous ces aléas, y compris ceux de la désinfection, rendent compte des difficultés pour maîtriser le risque épidémique.

M. Maurice TUBIANA

Certains articles signalent que des légionelloses frappent quasi exclusivement les fumeurs.

Connaît-on les mécanismes par lesquels le tabagisme favorise ces infections ?

Le tabagisme est sans aucun doute un facteur de risque important, d’autant plus important lorsqu’il est associé à d’autres facteurs de risque tels que l’âge, une maladie chronique, un déficit immunitaire etc. Si l’on considère l’une des épidémies françaises les plus récentes, celle de Lens (2003-04) où le taux de mortalité a été particulièrement élevé (près de 20 %), elle conçernait essentiellement des personnes agées (plus de 75 ans) et souvent d’anciens silicosés. Je n’ai pas connaissance des mécanismes qui pourraient expliquer la relation de la maladie avec le tabagisme.


* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, Faculté de médecine, pôle recherche, 1 place de Verdun, 59045, Lille cedex. Tirés à part : Professeur Henri LECLERC, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 23 mars 2005, accepté le 18 avril 2005.

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 6, 1221-1234, séance du 21 juin 2005