Communication scientifique
Session of 22 mai 2001

Les indications de l’autopsie médico-légale en France

MOTS-CLÉS : accident circulation. autopsie. crime.. médecine légale. mort subite. noyade. suicide
The indications of forensic medical autopsy in France
KEY-WORDS : accidents, traffic. autopsy. crime.. death, sudden. drowning. foreinsing medicine. suicide

D. Malicier

Résumé

Le crime peut se dissimuler sous les masques les plus divers : une mort naturelle, un accident, un suicide. Le doute doit habiter le médecin légiste, mais aussi le magistrat et enfin le policier. Le travail a pour but de mettre en exergue l’importance pour le justiciable d’une autopsie médico-légale. Trois types de décès sont concernés par la rédaction d’un certificat en obstacle médico-légal : la mort violente (l’accident, le crime, le suicide), la mort suspecte, la mort subite. Chez l’enfant, les sévices à mineur ne sont pas toujours évidents. Il faut rappeler le cas du syndrome de l’enfant secoué. L’autopsie médico-légale conditionne la réussite de nombreux procès. A bon escient, il faut savoir la susciter en rédigeant un certificat de décès en obstacle médico-légal.

Summary

The crime can be dissimulate under differents masks : a natural death, an accident, a suicide. The doubt exists anytime ; for everybody : forensic pathologist, magistrate and policemen. It is most of the fine impossible to be sure of the cause of the death without an autopsy. In case of maltreated children, only the autopsy can confirm that the death is in relation ship with au shaking child syndrom. When a practicioner signs a certificate of death, he must be very carefull all time.

INTRODUCTION

Le crime peut se dissimuler sous les masques les plus divers : la mort naturelle, l’accident, le suicide.

Le doute doit habiter le médecin légiste mais aussi le magistrat et enfin le policier.

Les indications de l’autopsie sont très variables d’une Cour d’Appel à une autre, d’une région à une autre.

Dans certaines juridictions, les suicides ne font pas systématiquement l’objet d’une autopsie ; dans d’autres, la pratique des autopsies, en matière de suicide, est systé- matique.

En France, la pratique des autopsies dans les décès d’origine accidentelle (accident de trafic, accident domestique, accident du travail) reste assez souvent exceptionnelle. Il n’en est pas de même dans tous les pays de la Communauté Européenne, en particulier en Allemagne ; la Suisse, en revanche, est économe dans ses demandes d’autopsies.

OBSERVATIONS MÉDICO-LÉGALES EN EXERGUE : L’IMPORTANCE POUR LE JUSTICIABLE D’UNE AUTOPSIE MÉDICO-LÉGALE

Suicide par arme à feu « Un homme est trouvé mort, assis dans un fauteuil du salon, la tête penchée en avant. À la tempe droite, un orifice d’entrée d’une balle tirée à bout portant. L’état des lieux est normal. On allait conclure au suicide, mais le sang échappé de la blessure se séparait en deux coulées distinctes : l’une descendait normalement sur le menton et le côté droit du cou ; l’autre, plus abondante, se dirigeait de l’orifice d’entrée à la région occipitale. Ce qui impliquait que la victime, après avoir reçu le coup de feu, avait d’abord été étendue sur le dos et n’avait été placée dans le fauteuil que pour réaliser une mise en scène pouvant laisser croire à un suicide, ce que confirma l’enquête ».

Strangulation non évidente à la levée de corps « Un médecin est appelé pour procéder à l’examen d’un cadavre ; rien ne lui paraît suspect : il s’estime en droit de conclure à une mort subite d’origine naturelle, d’autant qu’un journal est déployé entre les mains de la victime. Le médecin établit donc un certificat de décès en vue de l’inhumation du corps. L’enquête allait prendre fin, lorsqu’un témoin révéla aux enquêteurs que la victime ne savait pas lire : les investigations reprennent et démontrent qu’il s’agissait d’une mise en scène réalisée par les meurtriers qui avaient habilement étouffé la victime après une soumission chimique.

INDICATIONS MÉDICO-JURIDIQUES DE LA RÉDACTION DU CERTIFICAT DE DÉCÈS

La rédaction du certificat de décès permet la délivrance du permis d’inhumer lorsqu’il n’existe pas d’obstacle médico-légal. La bonne rédaction du certificat de décès conditionne la réussite judiciaire de nombreux dossiers : elle permet de réduire le nombre de crimes impunis et c’est ce qu’a montré l’étude d’autopsies systématiques dans certains pays : l’Allemagne, la Suède.

Il existe, en effet, plusieurs dizaines d’homicides non dépistés en France en raison de la dissimulation habile du décès. Est exclu de cette statistique, le nombre important de personnes portées disparues.

Sur le plan pénal, la bonne rédaction du certificat de décès est capitale mais elle l’est aussi sur le plan civil. L’intérêt d’une bonne rédaction est évidente aussi bien pour la réparation du dommage corporel qu’en matière de législation professionnelle (accident du travail, maladie professionnelle).

En effet, qu’en est-il d’une veuve qui a perdu son mari d’un mésothéliome lorsqu’on n’a pas pu établir, du vivant, qu’il existait un lien de causalité entre l’exposition à l’amiante et son cancer pleural ?

Il est fréquent, dans la pratique quotidienne du médecin légiste, de se voir demander des avis en matière d’imputabilité à une maladie professionnelle, et l’expert doit pouvoir répondre valablement en s’appuyant sur des pièces médicales sérieuses. Le rapport d’autopsie fait partie de ces pièces médicales indispensables.

Une personne décède au cours d’une intervention chirurgicale, une femme meurt au cours d’une césarienne : un problème de responsabilité médicale est soulevé. Comment apprécier les différentes responsabilités médicales, celles du chirurgien, celles de l’obstétricien, si on ne peut déterminer la cause exacte du décès ?

Dans de telles circonstances : accident du travail, maladie professionnelle, le certificat de décès doit faire état de l’obstacle médico-légal à l’inhumation.

Trois types de décès sont concernés par ce type de rédaction en obstacle médico-légal — La mort violente (accident, crime, suicide) — article 81 du

Code civil .

— La mort suspecte : la découverte d’un corps dans des conditions particulières (ex : décès d’une jeune femme dans une traboule, sujet désocialisé retrouvé dans un squat,…) déclenche la mise en route de la procédure pénale.

— La mort subite : on entend par mort subite tout décès qui survient de manière inattendue contre toute attente dans un délai inférieur à 24 heures classiquement, entre la date d’apparition des premiers symptômes et le décès en lui-même.

Cette mort subite est susceptible de poser des problèmes de responsabilité s’il s’agit d’un décès qui survient au travail, car la famille peut bénéficier d’une
présomption d’imputabilité pour tout accident voire décès survenant sur les lieux du travail. Lorsqu’un décès survient au cours d’un entraînement sportif ou pendant la durée d’incorporation au service des armées, des problèmes de responsabilité médicale peuvent surgir.

Une mort brutale en milieu pénitentiaire soulève une suspicion et, dans ces conditions, une autopsie médico-légale est souhaitable.

LES MORTS VIOLENTES

Une autopsie est obligatoire lors des crimes. Elle s’impose en matière de suicide ; elle est conseillée lors des accidents de circulation, surtout en l’absence de témoins directs et en cas d’absence de lésion traumatique externe majeure.

En matière de suicide

Le maître-mot est le doute ; s’agit-il vraiment d’un suicide ou est-ce un crime maquillé en suicide ? Sans autopsie, il est impossible de trancher avec certitude. Le décès par arme blanche, par arme à feu peut résulter d’un homicide et, en règle générale, seule l’autopsie permettra de lever le doute.

Les Affaires Stavisky, Boulin, Lucet sont là pour appeler à une certaine modestie quant aux conclusions. Qu’aurait-on dit en l’absence d’autopsie dans ces affaires judiciaires célèbres ?

Le suicide peut apparaître parfois comme un crime et seule l’autopsie permet de clore l’enquête par un classement sans suite dans certaines circonstances. Certains égorgements, certaines mutilations sont là pour nous rappeler que si un crime peut être dissimulé en suicide, il en va de même dans le cas contraire.

Un suicide peut cacher un homicide, l’affaire suivante confirme cet adage : « Un sujet est retrouvé décédé au volant de sa voiture dans son garage. Le pot d’échappement est relié à l’habitacle par un tuyau, l’intoxication volontaire à l’oxyde de carbone ne fait pas de doute. On est à la campagne et la gendarmerie locale n’a retenu aucun élément suspect. L’inhumation a lieu ; trois mois plus tard, un suspect est arrêté ». En l’occurrence, l’auteur du crime était le père de la victime qui était un riche industriel. L’exhumation a lieu et l’autopsie permet de retirer du thorax un projectile de 22 L.R., qui était d’ailleurs visible sur les radios pratiquées avant l’autopsie.

La submersion vitale peut dissimuler un homicide : « Une jeune femme est trouvée morte à Paris dans sa baignoire. Elle était dépressive aux dires du mari. Une autopsie a lieu et le décès est rapporté à la submersion vitale. L’hypothèse du suicide se trouve ainsi confirmée. Néanmoins, au cours de l’autopsie, le médecin légiste a pratiqué des recherches de diatomées. Les résultats parviennent, après plusieurs semaines, et mettent en évidence que les diatomées présentes dans le corps de la
victime sont habituellement rencontrées dans les régions bordant l’Atlantique. Une enquête criminelle est alors diligentée et on finit par arrêter le mari qui avoue avoir noyé sa femme dans un marais breton ». Il explique qu’après la noyade volontaire, il l’a transportée dans son appartement parisien où il l’a immergée dans la baignoire.

L’accident de circulation

Bien souvent les lésions corporelles sont évidentes, parfois il s’agit de lésions, parfois d’amputation, voire de décapitation, en particulier dans les accidents de moto.

On peut se demander, dans ces décès d’origine accidentelle, si l’autopsie va permettre de déterminer si la personne autopsiée était le conducteur ou le passager ou s’il s’agissait d’un homicide.

Une observation intéressante et récente, concernant l’autopsie d’un jeune homme à l’Institut de Médecine Légale de Lyon, a permis d’insister sur l’intérêt des autopsies dans certains types d’accident de la circulation. En l’espèce, il s’agissait d’un couple arrêté pour meurtre qui passe aux aveux à l’automne 1995. Le couple avoue avoir assassiné le mari de la femme au cours du mois de juin 1994. Afin de pouvoir réaliser leur geste de manière plus commode, ils avaient, au cours du repas, fait absorber au mari une quantité importante d’hypnotiques. Afin d’éviter toute détonation pouvant éveiller des soupçons chez les voisins en pleine nuit, ils avaient pris le soin d’amortir le coup par un épais oreiller et ils avaient tiré en direction du conduit auditif externe. Ils avaient transporté le corps dans la voiture de la victime. Ils avaient installé cette dernière au volant et avait projeté la voiture dans un ravin. Le lendemain, la Gendarmerie, à qui le véhicule avait été signalé, était intervenue sur place et avait fait appel au SAMU qui, après examen du cadavre, avait rédigé un certificat de décès sans obstacle médico-légal à l’inhumation. Lors des aveux, une autopsie médico-légale fut réalisée et permit de confirmer la thèse des auteurs. Il fut retrouvé au niveau de la boîte crânienne un projectile de type 22 L.R.

Les accidents du travail, les maladies professionnelles et les pensions militaires

Ces conditions constituent des exceptions à la règle du secret médical et il est prévu, par les textes réglementaires, que le médecin puisse porter le diagnostic de la cause du décès dans chacun de ces trois domaines.

En effet, il est capital pour les ayants-droits de pouvoir affirmer la relation exclusive de causalité entre l’accident et le travail. Seule l’autopsie permet de manière formelle de rattacher le décès aux conditions de travail. Il est important de déterminer si l’accident est survenu pendant un effort important et l’autopsie permet de fournir des renseignements indispensables sur l’état antérieur du sujet, notamment sur l’athéromatose coronarienne.

LA MORT SUBITE

Chez l’adulte

La mort subite peut être, en fait, un suicide ou parfois résulter d’un homicide. Le plus souvent, elle est liée à une affection inconnue du sujet ou de l’entourage et ce sont les conditions de découverte du corps (mort d’une jeune femme asthmatique dans une traboule, par exemple) qui suscitent le doute.

L’autopsie judiciaire permet de révéler une cause naturelle dans certains cas : mort subite chez l’asthmatique, mort subite d’origine cardiaque par trouble du rythme dans le cadre d’une maladie de Uhl ou d’une dysplasie du ventricule droit.

L’homicide résulte, lui, le plus souvent, d’un décès d’origine toxique (absorption à l’insu de la victime d’une dose importante d’opiacés, de cyanure, de colchicine ou de curare).

L’overdose chez un sujet non connu des services de police pour sa toxicomanie, peut prendre le masque d’une mort subite banale, surtout si les amis du défunt ont pris soin avant de quitter les lieux où s’était déroulée la « party », de faire disparaître les objets utilisés pour réaliser les injections de morphine, de produits stupéfiants ou d’amphétamines.

Chez l’enfant

Les sévices à mineurs ne sont pas toujours évidents ; c’est en particulier le cas du « syndrome de l’enfant secoué » ou (shaking death syndrom), où il n’y a pas de lésion traumatique externe. Ce syndrome a été décrit par Kaffey et Guthkelch qui l’ont individualisé en 1971 au sein du syndrome des enfants battus.

Kaffey a montré que, du fait de la faiblesse des muscles du cou et du poids élevé du crâne chez le nourrisson, la tête ballottait dans tous les sens, entraînant la rupture des veines pont, formations fragiles qui se dirigent du cerveau vers la dure-mère. Le traumatisme hémorragique est ainsi dû à une répétition des secousses. La découverte de syndrome impose une autopsie médico-légale en cas de mort subite de tout nourrisson. En matière de mort inexpliquée du nourrisson, il est capital, par ailleurs, de pratiquer un examen bactériologique et virologique complet car on a récemment constaté qu’un certain nombre de décès résultaient d’une étiologie infectieuse qui s’était décompensée très rapidement par un choc septique survenant la nuit.

LES INDICATIONS D’AUTOPSIE MÉDICO-LÉGALE

La mort violente

Il s’agit de l’homicide, du suicide, de l’accident du travail : l’autopsie est obligatoire.

La mort suspecte

L’autopsie est obligatoire.

La mort subite

Chez l’adulte comme chez le nourrisson, l’autopsie est obligatoire.

La mort par accident de la circulation

En l’absence de témoin : l’autopsie est obligatoire.

Pour tous les autres cas : une discussion doit intervenir entre le magistrat et le médecin légiste afin d’apprécier réellement l’utilité ou non d’une autopsie.

CONCLUSION

L’autopsie médico-légale conditionne la réussite de nombreux procès. Cette autopsie doit être de qualité et l’ensemble des examens complémentaires doit pouvoir être réalisé.

L’extension du nombre des autopsies nous paraît correspondre non à une nécessité scientifique mais bien à une nécessité médico-juridique.

A l’instar des autres pays de la Communauté Européenne, il faut concevoir que l’indication de l’autopsie est bien précise et doit être systématique dans certaines circonstances.

La pratique des autopsies judiciaires soulève une question d’éthique et il est important de pouvoir assurer aux familles la restauration d’un corps dans des conditions satisfaisantes, mais aussi de les aider dans leur deuil.

Éprouvées par des décès brutaux, certaines familles rencontrent des difficultés économiques importantes. Dans certaines circonstances, il est capital que le médecin légiste puisse recevoir les familles, leur fournir certaines explications en respectant bien sûr le secret de l’instruction. Le temps de l’écoute et du dialogue est également capital, en particulier dans les suicides, où il y a une forte culpabilité qui recèle parfois également une certaine dose de suspicion illégitime.

Les assurances sont de plus en plus exigeantes avant d’honorer les contrats qu’elles ont signés. Il est donc parfois urgent pour une famille de disposer de certificats post mortem , qui respectent, d’une part le secret professionnel et qui, d’autre part, sont suffisamment clairs pour permettre d’obtenir l’indemnisation prévue dans le contrat. En aucun cas, le certificat post mortem ne pourrait dissimuler une mort violente permettant de bénéficier à tort d’une indemnisation.

DISCUSSION

M. Étienne FOURNIER

L’association d’intervenants non-médecins (enquêtes policières, études de scènes de crime) explique-t-elle la relative rareté des autopsies en France ? Des examens sans autopsie peuvent-ils être utilisés (échographie, scanner) ?

Ce n’est pas l’association d’intervenants non-médecins qui explique cette relative rareté des autopsies en France. Il existe moins d’autopsies dites « scientifiques » car la loi de bioéthique a constitué un frein à la réalisation de ces autopsies et qu’il existe un nombre insuffisant d’anatomopathologistes. La pratique, de plus en plus fréquente, d’examens extemporanés explique aussi l’indisponibilité, pour ce genre de vérification, des anatomopathologistes. Pour les autopsies médico-légales, qui sont le sujet, on constate qu’il existe un consensus au niveau européen dans les indications. La France a ratifié ce projet d’harmonisation des pratiques médico-judiciaires dans le domaine de la thanatologie.

Une note a été diffusée aux Parquets par le Ministère de la Justice. Néanmoins, la politique pénale relève de l’autorité du Procureur de la République. C’est ce dernier qui décide de l’opportunité ou non d’une autopsie médico-légale. On peut constater qu’il existe une insuffisance considérable d’autopsies médico-légales en France puisqu’il en existe moins de 7 000 et que le chiffre idéal avoisinerait les 25 000. La défense de la liberté des citoyens passe par une politique pénale équitable et identique, quels que soient les ressorts des Cours d’appel. Certains ont voulu envisager les procédés de substitution à l’autopsie médico-légale parmi lesquels l’échographie, le scanner, l’IRM. Ces images sont particulièrement performantes sur l’être vivant mais le sont beaucoup moins sur le cadavre. En effet, très rapidement s’installent des phénomènes de putréfaction qui rendent l’interprétation échographique difficile. Dans le cadre des accidents de la circulation, il est utilisé quotidiennement, à l’Institut de Médecine légale de Lyon, une échographie thoraco-abdominale. L’absence de mobilité du corps rend parfois l’interprétation d’une radiographie osseuse, notamment au niveau du crâne, très difficile.

M. Jean SÉNÉCAL

Je voudrais insister sur l’importance de l’autopsie dans les morts subites du nourrisson. Je rappelle qu’il s’agit d’une mort inattendue chez un nourrisson âgé généralement de 2 à 4 mois, bien portant et sans antécédent pathologique. L’autopsie permet parfois de trouver ou de soupçonner une cause. On distingue ainsi les morts subites expliquées ou morts subites inexpliquées. Cette autopsie est réalisée dans les centres de référence (en général les CHU) par un personnel bien spécialisé, suivant un protocole assez lourd mis au point par un groupe d’anatomo-pathologistes et de pédiatres. L’autopsie devrait être obligatoire. Elle est assez facilement acceptée par la famille car la reconnaissance d’une cause diminue la notion de culpabilité des parents devant cet événement dramatique. Lorsque la famille refuse l’autopsie et surtout s’il y a présomption de maltraitance de l’enfant, l’autopsie médico-légale est demandée. Pour l’enfant secoué, il est parfois difficile de savoir si la mort est liée à ce geste ou, ce qui est parfois le cas si les parents ont « secoué » l’enfant, pour le réanimer lors d’un « malaise ».

L’autopsie médico-légale est une autopsie scientifique qui est réalisée selon un protocole bien défini. Les prélèvements, dans le cadre de l’autopsie médico-légale visant des nourrissons, sont identiques à ceux utilisés par les équipes de pédiatrie. Aux Hospices

Civils de Lyon, une partie des autopsies, dans le cadre de la mort subite inexpliquée du nourrisson, est réalisée par l’équipe de Médecine Légale dans le cadre d’une collaboration étroite entre groupe de travail sur la mort subite inexpliquée des nourrissons et médecins légistes. Une autopsie médico-légale, par rapport à l’autopsie strictement pédiatrique, se propose de réaliser des prélèvements à visée toxicologique et des prélèvements spécifiques au niveau pulmonaire, afin de s’assurer de l’absence de signes histopathologiques pouvant faire suspecter une asphyxie mécanique par suffocation. Devant toute mort subite du nourrisson, quel que soit l’environnement, il paraît indispensable de réaliser une autopsie médico-légale de préférence, car cette dernière permettra de pratiquer tous les prélèvements utiles à la manifestation de la vérité, quelles que soient les émotions soulevées par un décès aussi dramatique. En ce qui concerne l’enfant secoué, l’ensemble des auteurs et des médecins ayant l’expérience de ce type de décès (médecins légistes, pédiatres, enquêteurs, etc.) sont d’accord pour reconnaître que, dans la majorité des cas, les secousses ont été réalisées avec une grande violence, voire de manière répétitive, dans des temps brefs. Il est certain que l’on doit rencontrer un certain nombre de syndromes de l’enfant secoué qui ont pu survenir à l’occasion de gestes inappropriés, type jeu, sans aucune volonté de nuire. En ce qui concerne la distinction entre secousse volontaire et secousse salvatrice pour réanimer un enfant, la question se pose exceptionnellement. Il s’agit bien souvent d’un artifice utilisé par une défense, artifice bien connu de tous les professionnels des procès d’Assises ou procès correctionnels.

M. André VACHERON

Un certain nombre de morts subites d’origine cardiaque surviennent lors d’une rencontre accidentelle avec une automobile et ne sont pas les conséquences de l’accident. L’autopsie peut en identifier le mécanisme et innocenter le conducteur du véhicule. A t-on une idée de leur fréquence ?

Traditionnellement en France, il y a très peu d’autopsies lors d’accidents de la circulation, en particulier lorsqu’il y a eu des témoins. Ceci nuit à l’éclairage de la vérité scientifique.

En effet, dans un certain nombre de circonstances, le décès est bien d’origine traumatique mais il est important, notamment dans le cadre de la compréhension de la genèse des accidents de la circulation, deuxième cause de mortalité en France chez les jeunes, de connaître l’état du cœur. Un certain nombre de décès sont bien imputables à un malaise cardiaque survenu au volant. Et c’est le fait d’avoir été au volant qui a été la cause du décès, le malaise survenant en un autre lieu n’aurait pas eu de conséquences dramatiques.

L’autopsie permet de bien identifier le mécanisme et, dans certains cas d’innocenter le conducteur du véhicule. Ces éléments ont une incidence dans le cadre de la réparation civile mais aussi bien sûr, ce qui est important, dans le cadre du vécu psychologique pour la personne impliquée dans un accident mortel de la circulation.

M. Jean-Luc de GENNES

Quelle est la part des dosages sanguins dans l’autopsie médico-légale, chez l’enfant et chez l’adulte ? Quels sont les dosages pratiqués ?

Au cours des autopsies médico-légales, sont réalisées, en priorité, la recherche de toxiques et celle de produits dopants dans certains cas, lorsqu’il s’agit de mort subite chez des
sportifs de haut niveau. Les techniques utilisées sont des techniques recourant à la chromatographie gazeuse, à la chromatographie liquide et au spectromètre de masse. Les toxiques classiques sont bien sûr recherchés : hypnotiques, cyanures, strychnine, colchicine, antipaludéens, métaux. C’est en fonction des circonstances qui entourent le décès et des premiers résultats toxicologiques que sont approfondies les expertises toxicologiques.

Les autres dosages pratiqués dans l’autopsie médico-légale visent à rechercher si le sujet avait une thérapie particulière en cours, et à titre d’exemple s’il était sous digitaliques.

Enfin, l’expertise toxicologique a pour objet également de tracer le profil toxicologique de l’intéressé grâce à un examen au spectromètre de masse des cheveux. Les autres dosages visent surtout à rechercher le délai post mortem ou d’éventuelles manœuvres de dissimulation de la date du décès, notamment par la congélation et la décongélation du corps. Afin de déterminer l’intervalle post mortem , il est fréquent d’avoir recours à un dosage de potassium dans l’humeur vitrée.

M. Philippe MONOD-BROCA

L’autopsie médico-légale permet-elle d’affirmer qu’un bébé est victime du syndrome de « mort subite du nourrisson » ?

L’autopsie médico-légale permet d’affirmer la mort subite du nourrisson. La rigueur scientifique qui préside à cette autopsie, lui rende une compétence au moins équivalente à celle d’une autopsie pratiquée en milieu hospitalier, dans un service d’anatomopathologie. Il existe de plus en plus de collaboration entre le groupe de travail sur la mort subite inexpliquée et la médecine légale.


* Hôpital Edouard Herriot, Place d’Arsonval - 69437 Lyon cedex 03. Tirés-à-part : Professeur Daniel MALICIER, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 20 mars 2001, accepté le 27 mars 2001 .

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 5, 839-848, séance du 22 mai 2001