Résumé
Les effets vasodilatateurs du monoxyde d’azote, NO, sont bien documentés. Ses effets directs sur la contraction cardiaque sont par contre moins connus et, en partie, controversés. Ce travail fait suite à une série d’articles au cours desquels nous avons démontré l’existence d’une redistribution des isoformes de la NO synthase, après un infarctus chez le rat âgé et dans l’insuffisance cardiaque, IC, terminale chez l’homme [4, 5]. Cette redistribution est due à une translocation de la nNOS1 depuis le reticulum sarcoplasmique vers les cavéoles de la membrane externe grâce aux interactions existant entre cet enzyme et la cavéoline 3 (qui est un marqueur des cavéoles), suggérant que la nNOS1 puisse avoir, à ce niveau, un effet sur l’inotropisme et jouer donc un rôle dans la physiopathologie de l’IC. Les cavéoles sont également le site où se situent les récepteurs β -adrénergiques. Les conséquences physiologiques de la translocation de la nNOS1 ont été étudiées sur un modèle expérimental d’infarctus du myocarde avec IC chez le rat adulte. La fonction myocardique est étudiée avant et après stimulation adrénergique à la fois ex vivo sur cœur isolé et in vivo au moyen d’une sonde Millar. — On retrouve chez le rat, comme c’était le cas chez l’homme, une augmentation de la nNOS1 associée à une translocation vers les cavéoles du sarcolemme, et à une augmentation de la cavéoline-3, confirmant qu’il s’agit bien d’un processus propre à l’IC terminale quel que soit le modèle. — Dans l’IC, l’élastance ventriculaire (qui est une mesure de contractilité indépendante de la charge), E (en mmHg/ es µ L), est réduite, et la constante temps de la relaxation, τ , est prolongée. — Dans les conditions basales, chez les contrôles, l’inhibition spécifique de la nNOS1 par le L-VNIO augmente E de 33 % et la es constante de relaxation 17 %, elle est sans effet dans l’IC. La réponse à une stimulation adrénergique est atténuée dans l’IC, ce qui est bien connu. Le résultat majeur de ce travail est que l’inhibition pharmacologique de la nNOS1 par le L-VNIO ex vivo ou par le SMTC in vivo corrige totalement cette anomalie. La translocation de la nNOS1 joue donc un rôle majeur dans la régulation autocrine de la contractilité dans l’IC, c’est probablement le déterminant biologique majeur de l’atténuation de la réponse adrénergique si caractéristique de l’IC.
Summary
The vasodilatory properties of nitric oxide (NO) are well documented, but its direct effects on myocardial contractility are somewhat controversial. The present report follows a series of articles in which we reported the translocation of NO synthase isoforms both after myocardial infarction in aged rats and in human heart failure (HF) [4, 5]. This redistribution is due to nNOS1 translocation from the sarcoplasmic reticulum to the caveolae in the outer membranes. Translocation is determined by strong interactions between the enzyme and caveoline-3 (a marker of caveolae). It suggests a regulatory role of nNOS1 in both normal inotropism and HF. The physiological consequences of this translocation were studied in a well-documented experimental model of myocardial infarction with HF in adult rats. Myocardial function was analyzed before and after adrenergic activation, both ex vivo on isolated hearts and in vivo with a Millar probe. — In rats, as in humans, the level of nNOS1 is enhanced, and this is associated with translocation to the caveolae. Such a process is seen in both humans and rats with HF. — In HF, ventricular elastance (E , in s mmHg/ µ L : a load-independent measure of contractility) is reduced, and the time constant of relaxation, τ , is prolonged. In basal conditions, in non HF controls, specific nNOS1 inhibition by L-VNIO induces a 33 % increase in E and a 17 % increase in the time constant s of relaxation. The response to an adrenergic stimulation is attenuated in HF. The main result of this work is that pharmacological inhibition of nNOS1, either ex vivo with L-VNIO, or in vivo with SMTC, normalizes the adrenergic response of failing hearts. nNOS1 translocation is thus a major contributor to the autocrine regulation of contractility in HF, and is probably responsible for hampering the adrenergic response in HF.
Depuis leur découverte par Furchgott en 1980, les effets vasodilatateurs physiologiques du monoxyde d’azote, NO, sont maintenant bien admis, mais depuis cette date de très nombreux articles ont également mis en évidence l’extrême diversité des effets physiologiques de ce messager physiologique. Le NO apparaît maintenant comme étant un des messagers les plus pleiotropes de l’organisme. Il joue en effet un rôle physiologique important au niveau d’organes aussi différents que le système nerveux central, le rein, le tube digestif mais aussi le cœur. Fait important, au niveau de ces différents organes, le NO a, bien entendu, gardé ses effets vasodilatateurs — c’est au niveau du cœur un puissant dilatateur coronarien — mais il a également d’autres effets sans relations avec la fonction vasculaire [1].
Le rôle précis du NO dans l’insuffisance cardiaque reste controversé. La production de NO est augmentée dans le myocarde défaillant, le myocarde possède les trois isoformes de la NO 1 synthase et il a donc la capacité de rendre compte de cette 1. En l’absence de consensus sur ce point, nous avons utilisé une double nomenclature pour éviter toute confusion qualifiant ainsi les isoformes de la NOS de nNOS1 pour la forme neuronale, eNOS3 pour la forme endothéliale et iNOS2 pour la forme inductible.
élévation [1-3]. Récemment, nous avons démontré une activation de l’isoforme nNOS1 dans le myocarde de rat sénescent après infarctus du myocarde, mais aussi dans le myocarde humain à un stade avancé de l’insuffisance cardiaque [4,5].
Le travail actuel complète les précédents, l’hypothèse de travail étant que lors du passage au stade d’insuffisance cardiaque la translocation de la forme neuronale de la NOS modifie la réponse contractile aux catécholamines. Il n’était, bien évidemment, pas question de tester cette hypothèse chez l’homme, ne serait-ce que parcequ’il est impossible d’utiliser in vivo les inhibiteurs spécifiques des isoformes de la
NOS. Le modèle expérimental était nécessaire pour pouvoir étudier en parallèle le phénomène cellulaire et ses conséquences physiologiques. Le résultat majeur, c’est qu’il existe une translocation de la nNOS1 vers la membrane externe et que cette translocation rend compte de la dépression de la réponse adrénergique du myocarde défaillant.
Méthodes
Le modèle d’insuffisance cardiaque qui a été utilisé dans ce travail est un modèle expérimental bien codifié d’infarctus du myocarde chez le rat. Il consiste à ligaturer l’artère coronaire gauche chez des rats de 3 mois, la cicatrisation est rapide et à peine visible, mais on sait depuis longtemps que ces animaux se mettent progressivement en insuffisance cardiaque. Le modèle est assez proche de la situation clinique, il est amplement documenté depuis sa description princeps [6]. Une série témoin est bien entendu pratiquée. Le suivi des animaux est effectué par échocardiographie et les sacrifices sont effectués trois mois après l’opération, date à laquelle apparaissent des signes d’insuffisance cardiaque hémodynamique caractérisés : le volume d’éjection passe ainsi de 71 à 21 %, le diamètre télédiastolique du ventricule gauche passe de 9,7 à 12,6 mm et le temps de relaxation isovolumique passe de 18,9 à 14,2 ms. La fonction myocardique est étudiée avant et après stimulation adrénergique à la fois ex vivo sur cœur isolé perfusé selon Langendorff (en utilisant l’isoprotérénol durant 5 minutes) en utilisant un ballonnet intra-ventriculaire et in vivo au moyen d’une sonde Millar (au moyen de la dobutamine (5 µg par kg par min). Deux inhibiteurs préférentiels de la nNOS1 ont été utilisés : le vinyl-L-N-5(1-imino-3-butenyl)-Lornithine, L-VNIO, et le S-Methyl—L-thiocitrulline, SMTC, le premier ex vivo , le second in vivo .
Résultats
Translocation de la nNOS1
Dans l’insuffisance cardiaque, on retrouve chez le rat, comme c’était le cas chez l’homme, une activité totale calcium-dépendante de la NOS inchangée, une diminution de la eNOS3, ceci est bien connu [3, 7] mais aussi une augmentation de la nNOS1. La NOS inductible (iNOS2) n’a pas été détectée. Par ailleurs, par double marquage sur coupes histologiques on peut mettre en évidence une translocation,
partielle, de la nNOS1 vers le sarcolemme avec comarquage de la NOS et de la vinculine (marqueur de la membrane).
La cavéoline-3 est un marqueur des cavéoles de la membrane externe, et il existe des sites de liaison de cette protéine sur la nNOS1 et sur la eNOS3, mais les sites sont plus spécifiques sur la première que sur la seconde [8]. La cavéoline colocalise avec les récepteurs adrénergiques [9]. La concentration de cavéoline-3 est augmentée dans le myocarde défaillant, la nNOS1 forme avec la cavéoline-3 des complexes nNOS1 / cavéoline 3 facilement identifiables par coimmunoprécipitation. Ces complexes ont augmentés de façon spectaculaire dans l’insuffisance cardiaque chez le rat, comme c’est d’ailleurs le cas chez l’homme [5, 10], démontrant que la translocation de la nNOS1 est induite par l’augmentation de la concentration en cavéoline, le marqueur des cavéoles membranaires pouvant être en quelque sorte le moteur du processus de translocation.
La nNOS1 qui est normalement associée aux récepteurs à la ryanodine dans le réticulum sarcoplasmique est ainsi transférée au niveau de la membrane externe, dans la vicinité des canaux calciques [8, 9], ce processus est donc général puisqu’il existe, dans l’insuffisance cardiaque aussi bien chez l’homme que chez le rat [5, 10].
Effets sur la contractilité
Dans l’insuffisance cardiaque, les performances systoliques du myocarde sont alté- rées, et l’élastance ventriculaire (qui est une mesure de contractilité indépendante de la charge), E , est réduite (de 0,68 à 0,25 mmHg/ es µL), et la constante temps de la relaxation (constante τ en ms) est prolongée (de 17,5 à 25,2). L’inhibition quasi spécifique de la nNOS1 (par le SMTC) corrige, en partie, ces deux altérations, Ees augmente de 33 % et t de 17 %. La dobutamine, in vivo , augmente la contractilité, mais cette augmentation est fortement atténuée dans l’insuffisance cardiaque, ce qui est très connu [11]. L’inhibition de la nNOS1 corrige cette anomalie, et, sous inhibition spécifique de la nNOS1, l’effet inotrope de la dobutamine redevient presque normal dans l’insuffisance cardiaque, par contre ce type d’inhibition ne modifie pas la réponse inotrope des sujets contrôles.
Discussion
Ce travail démontre que, dans l’insuffisance cardiaque, — la translocation de la nNOS1 depuis le reticulum sarcoplasmique jusqu’aux cavéoles de la membrane externe est un phénomène général qui n’est pas propre à l’insuffisance cardiaque humaine et se retrouve également chez le rat ; — mais surtout que, sur un plan physiologique, cette translocation met la nNOS1 en contact avec les récepteurs β-adrénergiques membranaires. Ce faisant, elle permet une production autocrine de NO responsable de l’atténuation, bien connue, de la réponse adrénergique du cœur défaillant.
NO myocardique
Les donneurs exogènes ou endogènes de NO ont des effets biphasiques sur la contractilité myocardique sur cellules myocardiques isolées : à faible dose le NO est inotrope positif, à forte dose c’est l’inverse, mais i n vivo , ces effets sont masqués par les effets vasodilatateurs du NO et la mise en jeu de la loi de Starling. Si l’on arrive à dissocier ces deux paramètres, en injectant par exemple le donneur de NO directement dans les coronaires, on peut mettre en évidence l’une des propriétés essentielles du NO sur le myocarde intact qui est que le NO semble bien être l’intermédiaire physiologique qui potentialise l’effet Frank-Starling, c’est-à-dire le fait que l’augmentation de la précharge (le retour veineux) s’accompagne d’une augmentation du débit cardiaque. En effet, l’étirement des fibres myocardiques (provoqué par l’accroissement du retour veineux) induit localement une libération du NO, alors que, par ailleurs, le NO augmente la distensibilité myocardique (en modifiant la sensibilité des fibres au calcium). La production myocardique de NO semble bien être un mécanisme essentiel à la fonction myocardique puisqu’il semble bien intervenir dans la ‘‘ loi du cœur ’’ décrite par Frank et Starling [1-3]. Néanmoins, la régulation intra myocardique de cette production de NO reste physiologiquement d’une assez grande complexité, ce qui n’a rien d’étonnant, il n’y a d’ailleurs pas qu’à ce niveau que le NO a des effets contradictoires, à titre d’exemple on sait bien que le NO selon les circonstances peut par exemple avoir à la fois des effets pro- et des effets anti-apoptotiques [1, 3]. Cette complexité ne fait que refléter l’importance biologique de ce messager volatil.
Régulation de l’activité des NO synthétases, NOS
Le NO est synthétisé par la NOS. L’enzyme est polymorphe, et il en existe trois isoformes (voir note1), toutes sont exprimées dans le myocarde, mais à des niveaux cellulaires différents : eNOS3 (ou NOS endothéliale) se retrouve dans l’endothélium coronaire, dans l’endocarde et dans les cardiocytes ; nNOS1 (ou NOS neuronale) se trouve au niveau du reticulum sarcoplasmique à proximité des récepteurs à la ryanodine 2 ce qui suggère fortement son implication dans la régulation de la contraction. iNOS2 (ou NOS inductible) n’est induite que dans les états de souffrance myocardique. Le site cellulaire et le type d’isoforme (la vitesse de production du NO endogène dépend du type de NOS impliqué : iNOS2 > eNOS3 ≥ nNOS1) sont des éléments essentiels pour déterminer le rôle physiologique ou physiopathologique de l’enzyme dans un état donné. L’ensemble représente une source de NO 2. Le reticulum sarcoplasmique, RS, est une formation sacculaire présente dans tous les muscles striés, dont le myocarde, et qui sert de réservoir à calcium, lequel se remplit contre le gradient cytoplasme/RS grâce à une ATPase calcium dépendante, et se vide grâce à un canal qui a la propriété de fixer la ryanodine, d’où son nom. La contraction musculaire est déclenchée par un double mouvement du calcium intracellulaire, l’un en provenance de l’extérieur traverse les canaux calciques, l’autre provient du RS. L’importance relative de ces deux mouvements varie selon le type de muscle avec deux extrêmes : le muscle d’origine squelettique qui peut se contracter dans un milieu sans calcium et qui utilise surtout le calcium du RS et le myocarde des amphibiens qui ne possède pratiquement pas de RS. Le myocarde humain est dans une position intermédiaire.
importante et surtout variée [1], c’est aussi une cible pharmacologique importante car il existe de très nombreux agents capables de modifier l’activité des NOS, voir de chacune des isoformes séparément.
Il est bien évident, dans ces conditions, qu’il est important de savoir comment la production endogène de NO est régulée, en particulier dans le myocarde défaillant.
La diminution d’eNOS3 dans les vaisseaux est un fait bien établie et rend assez bien compte de la dysfonction endothéliale associée à l’insuffisance cardiaque expérimentale. Plusieurs études ont mis en évidence une augmentation de la concentration tissulaire et circulante en NO dans l’insuffisance cardiaque, et le dogme était jusque maintenant que cette augmentation était due à une activation des isoformes iNOS2 et / ou eNOS3, mais finalement il n’a jamais été possible jusque maintenant de démontrer que cette activation avait la moindre conséquence au niveau de la contractilité à l’état basal, au repos ou en l’absence d’activation par les catécholamines.
En fait, l’activité d’eNOS3 dans les vaisseaux et de nNOS1 dans les cardiocytes est régulée par un mécanisme de translocation (Figure). Dans la cellule endothéliale vasculaire ou endocardique, eNOS3 est située au niveau de microvésicules de la membrane externe, les cavéoles. C’est également à cet endroit que se trouvent les récepteurs adrénergiques. La régulation de l’activité d’eNOS3 se fait dans les cavéoles. A ce niveau l’activité de la eNOS3 est normalement inhibée par sa liaison avec une des protéines majeures spécifiques des cavéoles, la cavéoline (dans la cellule endothéliale il s’agit de la cavéoline 1). La eNOS3 est sensible au calcium par l’intermédiaire de la calmoduline. L’arrivée dans la cellule d’un peptide comme la bradykinine par exemple, va augmenter la concentration endothéliale en calcium, activer la calmoduline, activer l’eNOS3, et produire du NO. Ce phénomène rend compte des effets vasodilatateurs de la bradykinine.
Dans les myocytes du myocarde normal, la nNOS1, est située au niveau des récepteurs à la ryanodine dans le reticulum sarcoplasmique (Figure). Il y a, dans l’insuffisance cardiaque, une élévation de la concentration en cavéoline-3 (l’isoforme spécifique des cardiocytes) et, à la fois, augmentation des complexes cavéoline-3 / nNOS1, et diminution des complexes récepteur à la ryanodine / nNOS1, ce qui démontre qu’il existe une translocation de la nNOS1 depuis le reticulum sarcoplasmique vers la membrane externe (Figure) [5]. Restait à déterminer le rôle physiologique éventuel précis de cette translocation. L’hypothèse que nous avons poursuivi est que cette translocation vers les cavéoles modifierait l’activité des récepteurs β-adrénergiques, cette hypothèse repose sur le fait que ces récepteurs se trouvent dans les cavéoles membranaires et sont colocalisés avec les cavéolines [9].
Dans l’insuffisance cardiaque
Chez l’homme, la concentration en NO myocardique est accrue dans l’insuffisance cardiaque, et cet accroissement est du à une augmentation de l’activité de la nNOS1
Régulation de l’activité de la NO synthétase par la cavéoline. Ce schéma s’applique aussi bien à l’endothélium vasculaire qu’au muscle strié cardiaque. Dans les deux tissus la cavéoline agit comme un inhibiteur de la NOS. Dans le premier cas il s’agit de la cavéoline-1, et il n’y a pas translocation, l’activation de l’enzyme fait suite à un mouvement de calcium, lequel active la calmoduline. Ce mouvement de calcium survient par exemple sous l’effet de la bradykinine ou de l’acetylcholine, l’activation de la NOS donne une vasodilatation. Dans le second cas, il s’agit de cavéoline-3, et il y a translocation de la nNOS3 depuis le reticulum sarcoplasmique (RS) jusqu’à la membrane, dans la proche vicinité des récepteurs adrénergiques et des canaux calciques membranaire, ce qui explique son effet inotrope négatif lors de la stimulation adrénergique. Le mouvement intracellulaire de calcium déclenché par le stimulus hormonal suffit pour activer la calmoduline et la nNOS3. Dans ce cas la translocation se produit dans des états qui, comme l’insuffisance cardiaque, s’accompagnent d’une augmentation de la concentration en cavéoline 3. Le mécanisme de la translocation est inconnu.
laquelle compense largement la diminution de la eNOS3 3. Dans l’insuffisance cardiaque, la translocation d’une forme majeure, calcium-dépendante, non inductible des NOS, comme la nNOS1, depuis le reticulum sarcoplasmique vers la membrane externe semble bien avoir un sens physiologique. L’une des caractéristiques du cœur défaillant est en effet la diminution de la réponse inotrope aux catécholamines.
3. Le dysfonctionnement endothélial secondaire à la diminution de l’activité de la eNOS3 est d’ailleurs un facteur pronostic d’insuffisance cardiaque bien connu et aisément quantifiable en clinique [7]
L’inhibition spécifique de l’isoforme nNOS1 par des moyens pharmacologiques normalise la réponse inotrope du myocarde défaillant.
Le mécanisme par lequel se produit cette diminution semble bien être le suivant. Les cavéoles sont des formations membranaires à l’intérieur desquelles sont colocalisés à la fois les différentes cavéolines, les récepteurs adrénergiques [8, 9] et les effecteurs correspondants chargés de la transduction du signal. La cavéoline inhibe l’activité de la NOS en empêchant son activation par la calmoduline, et, dans l’insuffisance cardiaque, cette inhibition entraîne une perte de la sensibilité des récepteurs β-adrénergiques.
Points encore obscurs
Il y en a plusieurs. — L’augmentation de la concentration en cavéoline 3 répond peut-être au mécanisme plus général de mécanotransduction et l’on peut penser qu’il ne s’agit là que d’un des aspects du processus général bien connu de reexpression du programme fœtal sous l’effet du stress mécanique [11], mais il reste à démontrer que cet effet se produit également en l’absence de défaillance cardiaque dans les surcharges compensées. — Le mécanisme par lequel la nNOS1 se trouve mobilisée vers les cavéoles membranaires reste à déterminer, peut-être cette translocation n’est-elle qu’un effet stérique, ce que suggère les constantes d’affinité des différentes isoformes des NOS pour la cavéoline [8], mais là aussi la démonstration reste à faire. — Enfin, la diminution de la quantité de nNOS1 liée au reticulum sarcoplasmique et la proximité des canaux calciques peut rendre compte des anomalies basale de la contractilité. Ceci est pour l’instant très controversé, et il reste encore à déterminer jusqu’à quel point les effets d’une inhibition spécifique de la nNOS1 sur l’élastance et la constante π que nous avons trouvé rendent vraiment compte des données cliniques. Cette démonstration reste également à faire.
Conséquences pharmacologiques
Ce chapitre n’est pas simple, faut-il donner du NO, ou au contraire en inhiber la production, dans l’insuffisance cardiaque en particulier, difficile de décider, et ceci explique l’absence de donneurs ou d’inhibiteurs spécifiques sur le marché. Ce ne sont pas les composés qui manquent,il y en a des centaines, mais les indications demandent à être précisées [12]. La perfusion intracoronaire d’un donneur de NO par exemple augmente le volume d’éjection chez des patients en insuffisance cardiaque modérée [13], mais il est également très probable que ce type de prescription augmente l’exposition aux effets toxiques du NO lequel est un activateur de la production de radicaux libres. La cible privilégiée serait plus probablement l’activation des systèmes endogènes de production, la libération endogène du NO semble bien en effet être contrôlée par le flux pulsatile qui n’est pas un facteur facile d’accès [discuté in 2,12]. Ce travail fournit une indication importante à savoir le rôle du NO dans la dysrégulation des effets des catécholamines, et donc de l’exercice. Ce pourrait être un moyen simple d’apprécier les effets des nouveaux composés phar-
macologiques, sans avoir recours à la mise en jeu du flux pulsatile, de maniement beaucoup plus délicat.
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DISCUSSION
M. Raymond ARDAILLOU
La formation du complexe NO synthase neuronale/cavéoline ne peut-elle pas se faire dans le reticulum endoplasmique suivie de la migration du complexe vers la membrane ?
Non, la cavéoline ne peut pas être identifiée dans la région du reticulum sarcoplasmique.
La cavéoline ne coprécipite pas avec les récepteurs à la ryanodine qui sont le marqueur du reticulum sarcoplasmique.
* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine U689-INSERM. Hôpital Lariboisière. 41 Bd de la Chapelle 75475 Paris Cedex 10. Bernard.Swynghedauw@larib.inserm.fr Tirés à part : Professeur Bernard SWYNGHEDAUW, adresse ci-dessus. Article reçu et accepté la 16 mai 2005.
Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 5, 893-901, séance des Membres Correspondants, 24 mai 2005