Communication scientifique
Session of 2 octobre 2001

Les cancers mammaires des femmes trisomiques 21

MOTS-CLÉS : chromosome humain 21. mongolisme.. oestrogènes. oncogène. tumeur sein, génétique
Breast cancer in women with Down’s syndrome
KEY-WORDS : breast neoplasms, genetics. chromosomes, human, pair 21. down syndrome.. estrogens. oncogenes

D. Satgé, A-J. Sasco, H. Pujol, M-O. Rethoré

Résumé

La répartition des cancers est différente pour les personnes avec trisomie 21 par rapport à la population générale. De façon inhabituelle, certaines tumeurs solides sont rares dans la trisomie 21. Elles sont aussi peu étudiées et mal connues. Une enquête avec les fichiers INSERM sur les décès féminins par cancer du sein dans la population française au cours d’une période de 24 années n’a trouvé que 5 patientes avec trisomie 21 alors que 68,98 étaient attendues. L’importante diminution du risque que nous rapportons est en concordance avec des données tirées d’autres enquêtes sur les cancers dans la trisomie 21. Le phénomène pourrait être lié à l’hyperexpression, par effet de dosage génique, de gènes présents sur le chromosome 21 et impliqués dans les processus de croissance, différenciation, survie et mort cellulaire. La baisse significative de l’exposition aux oestrogènes, continue tout au long de la vie et présente dès la période intra-utérine pour les femmes avec trisomie 21, participe aussi probablement à cet effet protecteur.

Summary

The population with Down’s syndrome has a different cancer profile compared to the general population, even after taking into account issues of survival and ageing. Several solid tumours are unusually rare, whereas in contrast leukaemias are increased. In addition, few studies are available on this topic. We therefore decided to conduct a mortality study based on the INSERM national mortality statistics in France comparing over a 24 year period * Laboratoire d’Anatomie pathologique, Centre hospitalier — 19000 Tulle. ** Unité d’Épidémiologie pour la Prévention du Cancer et Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, Centre International de Recherche sur le Cancer — 69008 Lyon. *** Centre de lutte contre le cancer, Val d’Aurelle — 34000 Montpellier. **** Centre Médical Jérôme Lejeune — 75014 Paris. Tirés-à-part : Docteur Daniel SATGÉ, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 17 novembre 2000, accepté le 12 mars 2001. deaths from female breast cancer in the general French population with the cancer deaths in women with Down’s syndrome. Only 5 deaths with Down’s syndrome could be found compared to 68.98 expected based on national statistics. This clear reduction in risk agrees with other studies available in Down’s syndrome patients. This observation could be partly explained by over expression of genes linked to gene dosage effects on chromosome 21, playing a role in cell growth, differentiation, survival and death. An additional protective effect could come from the marked and continued decreased exposure to oestrogens, starting in utero for women with trisomy 21 and lasting all over life.

INTRODUCTION

À la suite des premières observations qui ont mis en évidence un excès de leucémies chez les personnes porteuses d’une trisomie 21 [1, 2], il a été parfois considéré que ce risque accru concernait aussi les autres cancers [3]. Des études épidémiologiques récentes, rendues possibles par l’importante amélioration de l’espérance de vie des personnes avec trisomie 21 [4], montrent que cette élévation de risque ne s’applique pourtant pas à la majorité des tumeurs solides [5, 6]. On a même pu observer que certains cancers sont nettement moins fréquents dans la trisomie 21 que dans la population générale. C’est le cas des tumeurs embryonnaires de l’enfant, comme les neuroblastomes [7] et les néphroblastomes [8] et de la majorité des carcinomes de l’adulte [6, 9]. L’enquête que nous présentons montre que le cancer du sein, qui est au premier rang des cancers féminins par son incidence et la mortalité qu’il entraîne, est étonnamment rare dans la trisomie 21. Cette situation, très favorable sur le plan carcinologique, pourrait résulter principalement d’une importante réduction de l’exposition aux hormones sexuelles féminines, probablement en conjonction avec la surexpression de gènes protecteurs du cancer situés sur le chromosome 21.

MODE DE SÉLECTION DES SUJETS

L’étude, utilisant les fichiers de décès par cancer de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), a porté sur l’ensemble de la population française féminine vivant sur le territoire de métropole pour une période de 24 années consécutives de 1971 à 1994. Le nombre de décès par cancer mammaire observé dans la trisomie 21 a été obtenu en croisant le code chiffré « cancer du sein » de la classification internationale des maladies (CIM)-7 et (CIM)-8 : 174 et le code chiffré « syndrome de Down » ou « trisomie 21 » : 758.

MÉTHODES UTILISÉES

Le nombre de décès par cancer du sein attendu pour la population féminine avec trisomie 21, rapporté par tranches d’âge de 10 années, a été calculé à partir de la
mortalité de la population générale féminine en tenant compte d’une part de la prévalence de la trisomie 21 à la naissance, d’autre part de l’espérance de vie des personnes atteintes de trisomie 21. La prévalence de la trisomie 21 à la naissance a été évaluée à 13 pour 10 000 naissances, soit 1 pour 769 naissances à partir de données épidémiologiques européennes au cours des années 1974 à 1988 [10]. En l’absence de tables de survie pour la trisomie 21 dans la population française, nous avons utilisé les données d’une étude canadienne effectuée en Colombie britannique [11]. Le nombre de décès par cancer du sein attendu dans la trisomie 21 a été obtenu en multipliant le nombre de décès par cancer dans la population générale par la prévalence de la trisomie 21 à la naissance et, pour chaque tranche d’âge, par le pourcentage de personnes avec trisomie 21 encore vivantes. Les valeurs observées et attendues ont été comparées par le test statistique basé sur la distribution de poisson et la valeur associée du p . À titre de comparaison, et afin de vérifier que l’enregistrement des décès par cancers est effectif pour les personnes avec trisomie 21 et que la mention « trisomie 21 » est bien indiquée dans les enregistrements, nous avons recherché les décès par leucémies dans la population avec trisomie 21 pour la même période et le même territoire.

RÉSULTATS

Au cours de la période 1971 à 1994, 90 231 décès par cancer du sein ont été enregistrés dans la population féminine âgée de moins de 65 ans, résidant en France métropolitaine. Dans l’hypothèse de l’égalité des risques, 68,98 décès de même cause étaient attendus dans le groupe des personnes avec trisomie 21. L’enregistrement observé pour cette période est de 5 décès par cancer mammaire pour les patientes avec trisomie 21 (Tableau 1, Fig. 1). Le test basé sur la distribution de poisson indique que la différence entre la valeur attendue et la valeur observée est hautement significative ( p < 0,00005). Ainsi, le risque de décéder par cancer du sein pour une personne avec trisomie 21 est environ 14 fois plus faible que pour une personne dans la population générale.

Cette enquête a révélé un total de 137 décès par cancers, tumeurs solides et leucémies confondues, avant 65 ans pour femmes trisomiques 21. Les tumeurs mammaires représentent 3,6 % des décès par cancer pour les femmes avec trisomie 21 alors qu’elles réalisent 19 % des décès par cancer dans la population générale française [12]. Ces données montrent que la rareté des décès par cancer du sein dans notre étude n’est pas liée à une sous-représentation de l’ensemble des cancers mais concerne plus particulièrement la localisation mammaire. Dans les deux sexes, tous âges confondus, l’enquête a retrouvé 289 cancers parmi lesquels 175 leucémies (60,6 %). Notre étude de mortalité a donc bien retrouvé l’excès classique de leucé- mies dans la trisomie 21. De façon intéressante, la proportion observée de leucémies est similaire à celle fournie par une enquête danoise récente d’incidence des cancers dans la trisomie 21 [6].

FIG. 1. — Décès par cancer du sein chez les femmes avec trisomie 21 en fonction de l’âge, de 1971 à 1994, en France métropolitaine.

TABLEAU 1. — Décès par cancer du sein observés et attendus chez les femmes avec trisomie 21, de 1971 à 1994, dans la population française métropolitaine.

Nombre de Nombre de Nombre Nombre de Nombre décès par Probabilité décès par cumulé de décès par cumulé de cancer du sein de survie dans cancer du sein décès par cancer du sein décès par Age dans la la attendu dans la cancer du sein observé dans la cancer du sein population trisomie 21 trisomie 21 par attendu dans la trisomie 21 par observé dans la générale tranche d’âge trisomie 21 tranche d’âge trisomie 21 < 1 an 17 0,877 0,01 0,01 0 0 1-4 ans 9 0,854 0,01 0,02 0 0 5-14 ans 13 0,802 0,01 0,03 0 0 15-24 ans 80 0,768 0,07 0,10 0 0 25-34 ans 2 217 0,750 2,16 2,26 0 0 35-44 ans 12 179 0,730 11,55 13,81 2 2 45-54 ans 30 550 0,668 26,52 40,33 2 4 55-64 ans 45 166 0,488 28,65 68,98 1 5 DISCUSSION

Analyse des résultats

Le faible nombre de décès par cancer du sein chez les personnes avec trisomie 21 tel que nous le présentons pourrait résulter soit d’une réelle diminution du risque, soit d’une absence de diagnostic de ces tumeurs chez ces personnes ou d’un défaut d’enregistrement au niveau des certificats de décès ou encore d’un taux de guérison supérieur à celui de la population générale.

Un défaut de diagnostic

Cela nous semble peu probable : les cancers du sein sont d’accès facile à la palpation pour le clinicien, et plus aisés à mettre en évidence qu’un cancer profond, abdominal par exemple. Le suivi médical des personnes avec trisomie 21, vivant dans leur famille ou en institution, est bon. De plus, ce diagnostic ne nécessite pas d’examens complémentaires sophistiqués pouvant être difficiles à réaliser lorsque, pour certaines personnes, le handicap mental est important.

Un défaut d’enregistrement de la tumeur ou de l’état trisomique

Cela nous paraît aussi peu probable puisque, au cours de la même période, 133 autres décès par cancer ont été recensés dans la population féminine trisomique montrant que les autres tumeurs solides et les leucémies, ainsi que l’état trisomique, sont bien répertoriés.

Un meilleur taux de guérison

Il pourrait rendre compte d’une diminution de décès par cancer du sein dans la trisomie 21. Ceci n’a pas été rapporté à notre connaissance. Au contraire, des difficultés thérapeutiques, en rapport avec des problèmes de toxicité médullaire et digestive des médicaments anticancéreux [13, 14] et des difficultés de compliance à certains traitements comme la radiothérapie [15], sont rencontrées. Elles incitent parfois à réduire les doses normalement prescrites et à se priver de certaines possibilités thérapeutiques suggérant plutôt que le taux de guérison pourrait être plus faible que dans la population générale.

Limites de notre étude

Cette étude comporte des points faibles liés à l’évaluation de la survie des patients avec trisomie 21 puisque la table utilisée ne concerne pas la population française mais canadienne. Cependant, la prise en charge des personnes avec un handicap mental et le niveau économique de la France et du Canada étant comparables, l’utilisation de cette table ne nous paraît pas être la source d’importantes erreurs d’appréciation de survie.

Avantages de notre étude

Nous tenons à souligner les points forts de cette étude qui résident dans l’importance numérique de la population étudiée, la couverture complète du territoire français de métropole et dans la durée s’étendant sur 24 années consécutives.

L’enquête a utilisé les données anonymes des statistiques de mortalité du service commun SC8 de l’INSERM. La qualité des informations fournies par ces enregistrements utilisant la cause principale de décès, comme dans notre étude, est bonne puisque dans 95 % des cas, la notion de cancer y est retrouvée. De plus, la localisation mammaire est au deuxième rang pour les concordances entre le siège du cancer tel qu’il figure sur le certificat de décès et tel qu’il est mentionné sur le dossier médical
[16]. Enfin, l’enquête que nous présentons tire sa cohérence et sa pertinence du fait que les mêmes sources ont été utilisées pour la population étudiée et la population de référence.

Revue de la littérature

À notre connaissance, cette étude est la première enquête épidémiologique spécifiquement consacrée au cancer du sein dans la trisomie 21. Nos constatations sont tout à fait concordantes avec les rares données de la littérature sur le sujet. Nous n’avons trouvé que quatre cas publiés de tumeurs mammaires malignes chez des femmes avec trisomie 21 [5, 17, 18] alors que d’autres tumeurs normalement moins fréquentes dans la population générale, comme les lymphomes et les tumeurs germinales, sont plus largement rapportées [9]. Dès 1975, Oster et coll. [19] notaient la rareté des cancers mammaires. Scholl et coll. [5], en analysant les causes de décès dans la trisomie 21 pour l’année 1976 aux États-Unis, ne recensaient qu’un seul décès par tumeur mammaire alors que 11,65 étaient attendus. Enfin, récemment, Hasle et coll. [6], dans une étude danoise d’incidence du cancer dans la trisomie 21 ne trouvent aucun cancer du sein alors que 7,32 sont attendus. Seule une courte publication mentionne un possible excès de cancer du sein chez les femmes avec un handicap mental, mais non limité à la trisomie 21. De plus, les auteurs n’apportent aucun argument chiffré à l’appui de leur point de vue [20]. Cet ensemble de données incluant notre étude permet de conclure que les femmes porteuses d’une trisomie 21 ont un risque très nettement abaissé, au moins dix fois moindre, de développer et de décéder d’un cancer mammaire, et ceci pour une raison actuellement inconnue.

À la recherche des mécanismes protecteurs

On a mis en évidence dans la trisomie 21 plusieurs dysfonctionnements biochimiques, cellulaires et tissulaires, en partie interdépendants qui ont été évalués comme autant de facteurs de risque carcinogènes. Le Tableau 2 rassemble quelques-uns de ces dysfonctionnements, dont l’impact est variable selon les tissus. Il est donc probable que les mécanismes protecteurs, qui non seulement compensent ces alté- rations mais aussi aboutissent à un effet protecteur net contre la majorité des carcinomes et des tumeurs embryonnaires, sont de puissants facteurs antitumoraux.

À ce titre, ils ne peuvent que retenir toute notre attention.

Les risques carcinogènes sont répartis en deux grandes catégories : les risques d’origine génétique et les risques de nature environnementale et liés au mode de vie.

Les facteurs environnementaux sont actuellement considérés comme largement déterminants, particulièrement pour les carcinomes ou tumeurs épithéliales de l’adulte qui surviennent sur des tissus exposés pendant de longues périodes aux agents exogènes [35, 36]. Une publication récente de Lichtenstein et coll. [37] établit, après analyse d’une très grande population de jumeaux, que les cancers les plus fréquents de l’adulte sont dus pour 2/3 des cas à des facteurs externes. Pour la

TABLEAU 2. — Différentes perturbations cellulaires, tissulaires et humorales favorisant la carcinogenèse chez les personnes avec trisomie 21 Importance de Anomalies cellulaires, Impact sur l’anomalie tissulaires ou humorales la carcinogenèse dans la trisomie 21 Anomalies de réparation de l’ADN ++ [21] + [22] Vieillissement prématuré ++ [23] +++ [24] Stress oxydatif ++ [25] +++ [26] Sensibilité aux agents carcinogènes +++ [27] + [28] Déficit immunitaire ++ [29] + [30] Déficit en folates + [31] + [32] Déficit en sélénium ++ [33] + [34] localisation mammaire, ils évaluent à 73 % la proportion des cas d’origine environnementale. Ceci rejoint les conclusions tirées d’une étude sur les femmes migrant depuis les pays asiatiques où le taux de cancers mammaires est parmi les plus faibles, vers les États-Unis d’Amérique où le taux est particulièrement élevé, environ six fois plus important [38]. Après deux ou trois générations, ces femmes et leurs descendantes atteignent progressivement des taux proches à ceux du pays hôte, démontrant l’importance primordiale du mode de vie et de l’environnement dans la genèse des cancers du sein. Malheureusement, les principaux facteurs qui induisent ces variations ne sont pas encore connus et, actuellement, seule une faible proportion de cancers mammaires sont expliqués par les facteurs de risque connus [39].

Facteurs exogènes

Pour ce qui concerne les facteurs exogènes, certaines caractéristiques du comportement alimentaire des personnes avec trisomie 21 les rendent théoriquement plus vulnérables aux cancers mammaires. L’ingestion calorique globale non excessive, mais qui n’est pas compensée par une dépense énergétique suffisante du fait d’un métabolisme de repos à un bas niveau et d’une activité physique réduite [40, 41], favorise la carcinogenèse mammaire [39]. La réduction de consommation de fruits et légumes, constatée chez les personnes avec trisomie 21 [41] a les mêmes conséquences [42]. D’un autre côté, l’excès de radiographies thoraciques auxquelles sont exposés les enfants et adolescentes avec trisomie 21 parce qu’elles ont une sensibilité particulière aux infections respiratoires [43] est un autre facteur de risque de cancers mammaires [44] . En revanche, les très faibles consommations de tabac et d’alcool, l’utilisation très réduite de contraceptifs oraux [45, 46] et de traitements hormonaux féminins substitutifs réduisent le risque carcinogène mammaire par rapport à la population générale [47].

À côté de ces expositions postnatales, il faut faire une place particulière et importante aux expositions anténatales. Il est établi que le taux maternel élevé d’œstrogè-
nes circulants en cours de grossesse favorise la carcinogenèse mammaire de la femme à naître [48, 49]. Il est donc très intéressant de noter que le taux sérique maternel en œstriol est significativement abaissé lors des gestations de fœtus trisomiques 21 [50].

Facteurs endogènes

Les nombreuses données biologiques qui documentent l’impact d’un chromosome 21 supplémentaire sur un organisme humain peuvent être réparties en observations physiopathologiques d’ordre général et en informations sur les gènes présents sur le chromosome 21 et leurs actions.

Dans le premier groupe, on peut tout d’abord signaler la petite taille et la tendance à l’obésité [51] qui sont identifiées, l’une comme un facteur de protection, l’autre comme un facteur de risque de cancer mammaire en période post-ménopausique [52]. Un modèle de carcinogenèse mammaire défend l’idée que le risque pour une femme donnée est proportionnel au nombre de cellules épithéliales mammaires [53].

À cet égard, il est notable que les fœtus trisomiques 21 des deux sexes ont des bourgeons mammaires de taille significativement réduite [54]. Chez les jeunes filles avec trisomie 21, à l’adolescence, le développement mammaire est significativement retardé [55]. Chez les hommes avec trisomie 21, la gynécomastie est plus rare que dans les autres situations de handicap mental [56]. Les lésions mammaires bénignes, notamment celles qui nécessitent une biopsie, sont un facteur de risque [57], mais leur incidence n’est pas connue dans la trisomie 21. Les éléments de la vie reproductive figurent parmi les facteurs de risque les mieux établis de cancer du sein. Ainsi, une absence de gestation ou une grossesse tardive après 30 ans sont accompagnées par un risque relatif de 1,3 à 2,2 selon les études [57]. Ceci concerne les femmes avec trisomie 21 qui sont exceptionnellement gestantes. Une puberté précoce et une ménopause tardive augmentent le risque de cancer du sein [57]. Dans la trisomie 21, l’âge de la puberté est variable, précoce, normal ou tardif [58] et la ménopause anormalement précoce, ce qui correspond à un facteur protecteur [59]. De plus, les taux sériques d’œstradiol sont significativement abaissés à toutes les phases du cycle menstruel [60]. Ces réductions de durée d’exposition et surtout des taux sériques en hormones ovariennes sont considérées comme un important facteur de protection contre les cancers mammaires [53, 61, 62]. Ainsi, dès avant la naissance et tout au long de leur vie, les personnes du sexe féminin avec trisomie 21 sont exposées à des taux d’œstrogènes nettement inférieurs à ceux de la population générale.

Différentes études, aux résultats contradictoires, n’ont pas permis d’établir si les cancers sont plus fréquents chez les proches parents des personnes avec trisomie 21 [63, 64]. L’impact d’antécédents familiaux de cancer mammaire, qui est un facteur de risque important [57], ne peut donc être évalué pour l’instant. Actuellement, on estime que 5 à 10 % des tumeurs mammaires surviennent dans un contexte héréditaire [65]. L’ensemble des situations où un facteur génétique est impliqué déborde ce cadre, et l’importante étude de Liechtenstein et coll. [37] évalue qu’un mécanisme génétique intervient dans la genèse de 27 % des cancers du sein. Ces tumeurs ont été largement explorées sur le plan génétique et plus d’une quinzaine de gènes suppres-
seurs pouvant intervenir dans les cas sporadiques ou familiaux sont recensés [65].

Aucun de ces gènes n’est situé sur le chromosome 21. D’un autre côté, l’effet protecteur que confère la trisomie 21 nous paraît trop fort pour s’expliquer par les seuls facteurs exogènes et hormonaux cités plus haut. En fait, plusieurs travaux d’hybridation génomique comparative [66] et de perte d’hétérozygotie [67, 68] suggèrent la présence d’anti-oncogènes pour les adénocarcinomes mammaires sur le chromosome 21. Le séquençage de l’acide désoxyribonucléique (ADN) du chromosome 21 a permis de compter 225 gènes parmi lesquels 127 sont connus [69]. Selon l’hypothèse la plus largement admise [70], les différentes perturbations dans la trisomie 21 résultent de l’effet de dosage génique : chaque gène du chromosome 21, présent en trois exemplaires, est surexprimé, théoriquement à 150 % de son taux normal (mais en fait avec une amplitude variable). Dans cette situation, un gène potentiellement bénéfique surexprimé de façon modérée mais continue pourrait maintenir des cellules dans un état biochimique peu propice au développement d’une tumeur mammaire. Selon Ohgaki et coll. [68], le gène ANA, qui a une activité antiproliférative [71], pourrait être l’un de ces gènes suppresseurs. Nous proposons aussi le gène Ets 2 : sa surexpression peut inhiber la transcription des oncogènes Neu-ErbB-2 et Ras [72], tous deux impliqués dans la carcinogenèse mammaire [73].

De plus, une hyperexpression de Ets 2 peut inverser la transformation cellulaire passant par la voie Ras [72]. Un troisième gène, TIAM 1 inhibe le caractère invasif des cellules épithéliales transformées alors qu’il favorise l’invasion des cellules lymphoïdes [74]. Un quatrième gène , possiblement protecteur, est S100 bêta. Son produit, la protéine S100B interagit avec la protéine p53 suppresseur de tumeur qu’elle fait pénétrer dans le noyau, restaurant son activité [75]. Les cancers mammaires comme les neuroblastomes sont à la fois des tumeurs très rares dans la trisomie 21 et des tumeurs pour lesquelles, dans une importante proportion, la protéine p53 est inactivée par séquestration cytoplasmique [76, 77]. L’hypothèse du possible rôle protecteur de S100B est renforcée par la constatation que la protéine, abondante dans le tissu mammaire normal et les tumeurs bénignes du sein, devient très rare dans les cancers intra-canalaires ou invasifs du même organe [78, 79]. Le possible rôle d’autres gènes déjà connus ou à découvrir et impliqués dans les phénomènes de prolifération, différenciation, survie et mort cellulaire ou dans les réactions immunitaires comme par exemple les gènes du système interféron, dont quatre sont situés sur le chromosome 21, est aussi à envisager.

CONCLUSION

Notre enquête et les données concordantes de la littérature montrent que l’état trisomique 21 est un puissant facteur de protection contre le développement d’un cancer du sein chez la femme. L’exposition réduite aux oestrogènes de façon continue dès la vie intra-utérine et la surexpression de gènes impliqués dans les phénomènes de prolifération, différenciation, survie ou mort cellulaire, nous semblent jouer un rôle déterminant dans ce contexte. Ce modèle qui met l’accent sur les
modifications constitutionnelles se démarque des conceptions actuelles pour lesquelles le rôle des agents externes est prédominant dans le cancer du sein. Les résultats que nous rapportons et notre approche ne nous semblent pas contradictoires avec ce qui est actuellement connu mais complémentaires, inhérents à un modèle génétique très particulier. Leur analyse pourrait mener, par une voie diffé- rente, aux mêmes mécanismes qui favorisent le cancer du sein dans la population générale et peut-être permettre de révéler des systèmes de protection s’opposant à la carcinogenèse mammaire.

REMERCIEMENTS

Cette étude a été soutenue par la Ligue nationale de lutte contre le cancer, Comité de la Corrèze, et par la Fondation Jérôme Lejeune. Nous remercions Marie-Claude Gillet, Mary Renaud et Delphine d’Harcourt pour la préparation du manuscrit ainsi que Véronique Benhaïm-Luzon pour le graphisme.

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DISCUSSION

M. Maurice TUBIANA

Existe-t-il, dans les rares cas constatés, des facteurs familiaux ?

Il semble que oui. Les quatre cas rapportés dans la littérature ne sont pas documentés sur ce plan. Les cinq cas de notre enquête ne sont, bien sûr, pas accessibles. En poursuivant les investigations nous avons pu trouver trois cas de tumeurs mammaires chez des trisomiques 21 en France. Deux d’entre eux ont une histoire significative de cancer familial et le troisième est une exceptionnelle association trisomie 21-neurofibromatose de type I. Ce point est très important : les rares cancers du sein que nous avons pu trouver chez des femmes trisomiques 21 se sont développés dans le cadre d’une prédisposition génétique. Nous sommes en train de les explorer pour tenter de mieux comprendre les mécanismes de protection de la trisomie 21 contre les cancers du sein.

M. Roger NORDMANN

J’ai été très intéressé par votre exposé établissant la rareté des cancers du sein chez les femmes atteintes de trisomie 21. En effet, cette affection se caractérisant par un surdosage génique en superoxyde dismutase (SOD), il en résulte une hyperproduction de peroxyde d’hydrogène non accompagnée d’une élévation parallèle des enzymes impliqués dans la destruction de ce peroxyde d’hydrogène et, par conséquent, un stress oxydatif. Un tel stress est généralement considéré comme perturbateur de la signalisation cellulaire et favorisant la cancérisation. Dans cette optique la constatation de la rareté des cancers du sein chez les trisomiques apparaît quelque peu paradoxale. Pourriez-vous nous préciser si cette rareté est spécifique du cancer du sein (ce qui favoriserait l’hypothèse du rôle essentiel de facteurs hormonaux) ou si elle est retrouvée pour d’autres variétés de cancers solides (ce qui conduirait à envisager le rôle paradoxalement protecteur du stress oxydatif et peut-être (?) l’utilisation de SOD pour freiner l’évolution de cancers du sein avérés) ?

Effectivement il n’existe pas dans la trisomie 21 d’augmentation parallèle des enzymes impliqués dans la destruction des peroxydes d’hydrogène, mais une faible augmentation réactionnelle de l’activité de la glutathion-péroxydase qui est loin de compenser l’excès de stress oxydatif lié à un surdosage génique en SOD . Dans la trisomie 21 les tumeurs 1 solides sont globalement plus rares, cette rareté est plus marquée pour certains types comme les cancers du sein, de la prostate, des bronches et certaines tumeurs embryonnaires de l’enfant comme les neuroblastomes et les néphroblastomes. Il est probable que certaines tumeurs solides sont aussi fréquentes que dans la population générale, mais cela reste à déterminer précisément. Enfin quelques cancers solides sont plus fréquents, par exemple les tumeurs testiculaires. Pour ce qui concerne le rôle du SOD , comme possible 1 agent anti-tumoral dans le contexte de la trisomie 21, nous ne l’avons pas cité dans notre travail parce que d’autres gènes paraissent actuellement plus prometteurs. Mais en aucun cas nous n’éliminons l’hypothèse qu’il pourrait avoir une action anti-tumorale, peut-être en association avec d’autres gènes.

M. Pierre GODEAU

Dans ce groupe de trisomiques, l’âge de la mère à la naissance étant statistiquement élevé, a-t-on étudié la fréquence du cancer du sein chez les femmes non trisomiques nées d’une grossesse tardive ?

Le docteur Annie Sasco, épidémiologiste au Centre International de Recherche sur le Cancer de Lyon, nous a donné des éléments de réponse à cette question. De rares études, menées notamment en Chine et aux États-Unis, ont montré un léger excès de cancers du sein dans le groupe des femmes non trisomiques nées d’une grossesse tardive.

Mme Marie-Odile RETHORÉ

Que pensez-vous de la surveillance axée surtout sur l’échographie mammaire en ne faisant une mammographie que s’il y a une inquiétude à l’échographie ? Il existe un excès de séminomes. À ma connaissance, c’est la seule tumeur fréquente chez les trisomiques 21.

Qu’en est-il des myélomes ?

La surveillance échographique plutôt que mammographique, du moins en première intention, paraît effectivement la solution la plus sage. Si les facteurs génétiques familiaux jouent le rôle important que semblent indiquer les cas cités en réponse au professeur Tubiana, il faudra cependant envisager une surveillance au moins aussi étroite que dans la population générale pour les femmes trisomiques 21 ayant une histoire familiale de cancer du sein. Les tumeurs testiculaires germinales sont effectivement la seule tumeur solide pour laquelle l’augmentation du risque par rapport à la population générale est prouvée. Pour d’autres tumeurs, par exemple les lymphomes, les tumeurs germinales extragonadiques, les rétinoblastomes, les tumeurs de l’ovaire et peut-être les tumeurs des voies biliaires le risque est suspecté, et n’est pas encore établi. Au sujet des myélomes il est actuellement difficile d’évaluer s’il existe ou non un déficit par rapport à la population générale. Aucune observation n’est publiée, nous avons connaissance de deux cas : l’un suivi médicalement au Centre Médical Jérôme Lejeune, l’autre recensé dans l’enquête de mortalité menée à l’aide des fichiers de l’INSERM. Il nous semble intéressant de noter à cet égard qu’une étude récente a suggéré l’existence sur le chromosome 21 d’un gène capable de restaurer la dépendance d’un hybridome vis-à-vis de l’interleukine 6, ce gène pouvant être regardé comme un potentiel gène suppresseur de tumeurs à l’égard des plasmocytomes (Ebeling SB et coll. — Cancer Research, 1998, 58 , 2863-2868).

M. Claude SUREAU

Au sujet de l’influence protectrice de l’insuffisance oestrogénique, qu’en est-il chez les trisomiques soumises à un traitement oestrogénique en raison d’une ménopause, éventuellement précoce, si tant est que de tels traitements soient parfois institués ?

Le professeur Marie-Odile Rethoré nous a répondu que les traitements œstrogéniques ne sont pas couramment donnés aux femmes trisomiques après la ménopause. De plus pour les très rares cas de cancer du sein trouvés dans la littérature (4 cas) ou que nous connaissons plus directement (3 cas) il n’y a pas de notion de prise médicamenteuse hormonale contenant des œstrogènes. L’hypothèse du rôle de ces hormones dans la genèse des cancers du sein observés chez les femmes trisomiques 21 est donc fortement concurrencée par l’hypothèse qui favorise le rôle des facteurs génétiques.

M. Claude DREUX

Compte tenu des facteurs de « protection » des cancers du sein : petite taille, faible imprégnation ostéogénique, ménopause précoce… Existe-t-il une ostéoporose précoce chez les trisomiques 21 avec augmentation des fractures ?

Le professeur Marie-Odile Rethoré, qui a une très grande expérience du suivi de ces personnes aux différentes périodes de leur vie, nous répond qu’il existe effectivement une ostéoporose précoce dans la trisomie 21. Elle ne s’accompagne pas d’un excès de fractures des os, peut-être parce que le mode de vie de ces personnes les expose moins à ce type de complication.

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 7, 1239-1254, séance du 2 octobre 2001