Résumé
L’Agence de la biomédecine a été créée en mai 2005, suite à la révision en août 2004 de la loi de bioéthique. Elle succède à l’Etablissement français des Greffes, créé par la première loi de bioéthique de 1994. Si elle conserve toutes les attributions de l’EfG dans le domaine du prélèvement et de la greffe d’organes, de tissus et de cellules, ses compétences sont cependant étendues à l’assistance médicale à la procréation, au diagnostic prénatal, à la génétique humaine et à la recherche sur l’embryon. L’Agence de la biomédecine est dotée de missions larges dans ces domaines : la loi lui demande de « suivre, évaluer et contrôler » les activités ainsi définies. Plus généralement, l’Agence de la biomédecine contribue à l’élaboration de la réglementation, à l’amélioration de la qualité des pratiques et de la prise en charge des patients, à la sécurité des soins. Elle a également pour objectif de développer la transparence sur ces activités en élaborant et en diffusant des données sur l’AMP et ses résultats, et en développant l’information du public. Enfin, elle est dotée de compétences régaliennes, délivrant les agréments des praticiens qui exercent dans les domaines de l’AMP, du diagnostic prénatal et de la génétique, donnant également certaines autorisations d’activité. Dans ce cadre, l’Agence de la biomédecine est dotée d’une mission d’inspection. Dans ces nouveaux domaines, l’Agence a complété son expertise interne et externe en s’appuyant très directement sur les professionnels et leurs sociétés savantes. Elle a ainsi procédé à la création de nombreux groupes de travail composés de praticiens qui lui apportent leur expérience et leur connaissance des difficultés concrètes d’exercice afin de faire progresser la réglementation et la qualité des pratiques. Enfin, pour encadrer son développement, l’Agence de la biomédecine a conclu un contrat de performance avec le ministère de la santé. Ce contrat, qui porte sur les années 2007 à 2010, définit avec précision les objectifs stratégiques et les actions menées par l’Agence, objectifs qui sont assortis d’indicateurs de suivi et d’une évaluation indicative des moyens dont l’Agence doit disposer pour mener à bien ses missions. L’Agence de la biomédecine s’appuie également sur les associations de patients et d’usagers, notamment dans le domaine de l’information donnée au grand public.
Summary
The French Biomedicine Agency was created in May 2005 by the August 2004 revision of the Bioethics Law. The Agency replaced the French Transplant Establishment, itself created by the first bioethics law in 1994. The Biomedicine Agency took over responsibility for organ, tissue and cell harvest and transplantation, but its remit now also covers medically assisted reproduction, antenatal diagnosis, human genetics, and embryo research, which it is required to ‘‘ monitor, evaluate and control ’’. More generally, the Biomedicine Agency contributes to establishing regulations and to improving the quality and safety of healthcare practices and patient management. It is also responsible for promoting transparency in these fields, by preparing and distributing data on medically assisted reproduction and its results, and by keeping the public informed. Finally, the Agency licenses and inspects healthcare professionals working in the fields of medically assisted reproduction, antenatal diagnosis and genetics. The Agency has bolstered its internal and external expertise in these new areas by calling on healthcare professionals and their scientific societies. It has thus created several task forces of healthcare professionals, who contribute their experience and their knowledge of day-to-day issues, with the aim of improving both regulations and practices. Finally, in order to constitute a solid framework for its development, the Agency has signed a performance contract with the ministry of health. This contract, covering the period 2007 to 2010, precisely defines the Agency’s strategic objectives and actions, indicators for follow-up, and assessments of the means the Agency needs to carry out its missions. The Biomedicine Agency also actively seeks input from patients and user associations, especially with respect to the information it provides to the public.
Contribuer à l’amélioration des conditions de prise en charge de l’AMP
L’Agence de la biomédecine a eu pour premier objectif de procéder à la révision des règles de bonnes pratiques en AMP qui dataient de 1999. Ce travail, qui avait démarré sous l’égide du Ministère de la santé avant la création de l’Agence, a été enrichi et finalisé. Des exigences concernant le management de la qualité ont été introduites, alors que dans le même temps une plus grande latitude était laissée aux équipes médicales dans leurs choix thérapeutiques. Une large place a été faite à l’information des patients. L’accent a enfin été mis sur le caractère multidisciplinaire de la prise en charge des couples. Certaines activités spécifiques ont été introduites :
l’AMP en contexte viral, l’accueil d’embryon.
L’Agence de la biomédecine travaille également sur des situations particulières. Elle a par exemple dressé en 2007, pour le Ministère de la santé, un état des lieux de l’AMP dans le contexte d’un risque viral. Elle réfléchit actuellement, avec l’Institut National du Cancer (INCa), au problème de la prise en charge des patients exposés à des traitements potentiellement stérilisants.
L’Agence de la biomédecine développe également des outils de formation destinés aux praticiens, notamment pour les aider à développer le management de la qualité dans les laboratoires ou à faire certifier leur service (centres de conservation des œufs et du sperme — CECOS).
Elle a également mis en place les compétences nécessaires pour mener une réflexion sur les aspects médico-économiques de l’AMP, outils tarifaires, connaissance des coûts, équité d’accès aux soins.
Améliorer la sécurité des pratiques
L’Agence de la biomédecine a mis en œuvre en 2007, conformément à la loi de bioéthique, un dispositif national d’AMP-vigilance qui est articulé avec les autres vigilances légales, notamment la matério-vigilance. Ce dispositif est actuellement testé auprès des centres volontaires et devrait ultérieurement être généralisé par décret. Il a d’ores et déjà permis de procéder au recueil de certains incidents graves, notamment des accidents d’hyper-stimulation ovarienne, ce qui démontre son utilité.
Améliorer la transparence sur les activités d’AMP et leurs résultats
L’Agence de la biomédecine développe dans le domaine de l’AMP, comme elle l’a fait dans le domaine de la greffe, des outils d’évaluation performants permettant de mieux connaître les activités d’AMP et leurs résultats. Elle est ainsi destinataire de tous les rapports annuels des cent-cinq centres cliniques et des deux-cent-cinq laboratoires autorisés. Elle s’assure de la qualité et de l’exhaustivité des informations et publie désormais chaque année les données essentielles permettant de décrire les activités d’AMP. Elle édite également des « fiches régionales » qui permettent aux décideurs locaux, notamment les Agences régionales de l’hospitalisation, de connaî- tre les forces et les faiblesses de ces activités dans leur région.
Mais l’Agence de la biomédecine souhaite développer les études épidémiologiques dans ce domaine et ne peut pour cela s’appuyer sur les seuls rapports annuels des centres d’AMP dont les données sont agrégées. Aussi, avec l’accord de la CNIL, elle a mis en place en 2007 un registre national des tentatives de fécondations in vitro (FIV), dont les données, après consentement express des couples concernés, peuvent être nominatives. Ce registre, qui fait bien entendu l’objet de mesures de protection importantes destinées à assurer sa confidentialité, devrait constituer, en assurant le suivi des couples tout au long de leur parcours d’AMP d’un centre à l’autre, une source précieuse de données pour étudier les facteurs de succès ou d’échec des FIV.
La loi de bioéthique confie également à l’Agence de la biomédecine la mission de suivre l’état de santé des enfants nés d’AMP. Cet objectif, difficile à mettre en œuvre sans risquer des stigmatiser ces enfants et leur famille, est en cours de réflexion.
Contribuer à l’application et à l’évolution de la réglementation
L’Agence de la biomédecine participe activement à l’élaboration des textes d’application de la loi de bioéthique, en s’appuyant sur les professionnels. Elle délivre ainsi les agréments de tous les praticiens qui participent à l’activité d’AMP, cliniciens et biologistes, et a publié plus de mille décisions individuelles depuis la parution du décret qui lui en donne la compétence. Elle donne également des avis aux Agences régionales de l’hospitalisation sur toutes les autorisations d’activité d’AMP. Elle délivre elle-même les autorisations d’activité des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal et des centres de diagnostic préimplantatoire (DPI). Elle délivre enfin les autorisations de double diagnostic « DPI-HLA » dans le cadre des dispositions spécifiques de la loi de bioéthique permettant de sélectionner dans le cadre d’un DPI un embryon HLA compatible avec un aîné malade, devant recevoir une greffe de cellules souches hématopoïétiques prélevées dans le sang du cordon de l’enfant à naître.
L’Agence représente également ces activités dans un certain nombre de groupes de travail européens. A signaler, dans le cadre de l’European society for human reproduction and embryology (ESHRE), le groupe « European IVF monitoring » qui tente de mettre en place des référentiels communs permettant de comparer les résultats des FIV dans chaque pays membre de l’Union, ce qui est impossible aujourd’hui compte tenu des différences importantes dans les indications et les pratiques.
Assurer l’accompagnement permanent de ces activités par une réflexion éthique appropriée
L’Agence de la biomédecine est dotée d’un conseil d’orientation composé de vingt-cinq membres, présidé par Alain Cordier, représentant tout autant les disciplines médicales que les sciences humaines, les grandes institutions de la République ou les associations de patients et d’usagers. Ce Conseil a déjà rendu à plusieurs reprises des avis relatifs à l’AMP. Ces avis sont publiés sur le site web de l’Agence.
L’Académie nationale de médecine en est destinataire.
Informer nos concitoyens
L’Agence a une mission d’information générale sur les activités de sa compétence.
A ce titre, elle rassemble et diffuse, sur son site web comme à l’occasion de l’édition de livrets d’information, les informations nécessaires aux couples qui entrent dans une démarche d’AMP. Elle vient à cet effet de publier une brochure de quarante pages qui sera remise au couple concerné par le médecin, lors de la première consultation d’AMP.
L’Agence a également en charge la promotion du don de gamètes. Elle va mener à ce titre en 2008 deux campagnes d’information, l’une au printemps sur le don d’ovo- cytes et l’autre à l’automne sur le don de spermatozoïdes, afin d’aider les centres à réduire la durée d’attente des couples ayant besoin d’un don de gamètes.
Créée par la loi de bioéthique du 6 août 2004, l’Agence de la biomédecine a également en charge, dans le cadre de la prochaine révision de cette loi, d’organiser en 2009 les états généraux de la bioéthique. Cette mission lui a été confiée par le ministre de la santé. Un des objectifs poursuivis sera de mieux informer et de sensibiliser nos concitoyens sur les enjeux actuels de la bioéthique.
DISCUSSION
M. Jacques MILLIEZ
Qu’attend-on, en France, pour imposer une politique de transfert d’embryon unique qui réduirait le taux excessif des grossesses multiples ?
Les grossesses multiples sont une préoccupation permanente des professionnels de l’assistance médicale à la procréation (AMP) et de l’Agence de la biomédecine. D’ailleurs l’Agence a soutenu une étude de l’association FIVNAT sur les indications et les résultats du transfert d’embryon unique sélectif, dont les conclusions sont en attente. Le transfert d’un seul embryon, appliqué à toutes les couples de façon systématique, risquerait d’entraîner une chute globale des chances de grossesse. Il devrait être réservé à une population particulière de patientes parmi les plus jeunes et les moins « infertiles » et qui reste à préciser. Il faut noter également que la politique de transfert embryonnaire évolue avec le recul sur les activités d’AMP ; il y a quelques années les recommandations portaient sur la limitation du nombre d’embryons transférés de trois à deux ; le projet de bonnes pratiques en AMP prévoit actuellement de le limiter à un seul embryon dans certaines situations.
M. Paul VERT
Les néonatalogistes sont souvent confrontés à des missions impossibles : sauver des enfants aux limites de la viabilité au prétexte qu’ils résultent d’une procréation médicalement assistée. Le risque est alors que ces familles aient à faire face à d’importants problèmes de santé de l’enfant. Ne serait-il pas souhaitable que les statistiques tiennent compte de la qualité des enfants, de leur âge gestationnel et de leur devenir ?
Les néonatalogistes font des choix thérapeutiques concernant des enfants de grande prématurité selon des critères précis et notamment selon les connaissances des consé- quences à long terme. Ils ne devraient pas tenir compte du mode de conception de ces enfants.
M. Jacques EUZÉBY
Qu’entend-on par « accueil des embryons » ? Y a-t-il un « numerus clausus » dans l’opération de fécondation in vitro ?
L’accueil d’embryons est le terme utilisé pour définir le « don » d’embryons. Concernant un « numérus clausus » des fécondations in vitro , je ne crois pas que ce terme soit utilisé, ni même applicable à la situation actuelle. Le nombre de tentatives effectuées en France, de l’ordre de cinquante mille par an, correspond bien aux besoins de la population. Il n’y a pas de liste des couples en attente. Quant au nombre de tentatives réalisées par un même couple, il est en général limité à quatre en raison du remboursement sous conditions des tentatives de FIV par l’assurance maladie.
M. Claude-Henri CHOUARD
L’embryon « donné », quand il sera adulte, pourra plus ou moins facilement retrouver ses parents génétiques : c’est pratiquement certain dans une vingtaine d’années. Pourra-t-il bénéficier de l’héritage de ceux-ci ? Quelles sont les complications du prélèvement d’ovule ?
Les règles de l’anonymat s’appliquent au « don » d’embryons, le couple « donneur » ne pouvant connaître l’identité du couple « receveur » et inversement. Par conséquent, les enfants issus de ce type de don ne pourront pas connaître le couple qui est à l’origine de la conception des embryons donnés. Les complications du don d’ovules sont rares : avant tout, les syndromes d’hyperstimulation mais les professionnels de l’AMP, qui connaissent bien cette pathologie, mettent tout en œuvre pour la prévenir et la traiter. Exceptionnellement, surviennent des complications liées au geste chirurgical de la ponction. A long terme, les études disponibles ne mettent pas en évidence de pathologie grave. Les chances de fertilité de la donneuse ne sont pas affectées par le don et l’âge de la ménopause n’en est pas modifié.
M. Georges DAVID
Quel est aujourd’hui le taux global d’enfants conçus par AMP ? Est-il susceptible d’augmenter du fait que l’âge à la première grossesse augmente régulièrement dans la population générale avec, comme conséquence, une baisse moyenne de la fertilité des femmes ?
En 2005, les techniques d’assistance médicale à la procréation ont conduit à la naissance de plus de dix neuf mille enfants, ce qui représente environ 2,4 % des naissances recensées en 2005. Effectivement, l’âge à la première grossesse augmente régulièrement dans la population générale. Il faut savoir cependant que, comme pour la fertilité naturelle, l’efficacité des techniques d’assistance médicale à la procréation diminue avec l’âge des femmes qui augmente.
* Directrice générale de l’Agence de la biomédecine, 1, avenue du Stade de France, 93212 SaintDenis La Plaine cedex Tirés à Part : Madame Carine CAMBY, même adresse
Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 1, 17-22, séance du 29 janvier 2008