Résumé
L’encéphalite limbique est une affection inflammatoire portant théoriquement sur le grand lobe limbique défini en 1878 par Broca, cependant tantôt limitée à des lésions de l’hippocampe, tantôt comportant des lésions à distance, limbiques ou extra limbiques. Elle se manifeste essentiellement par l’apparition soudaine de troubles de la mémoire à court terme, de désordres cognitifs, de crises épileptiques temporales. Des lésions hippocampiques sont souvent détectées par l’imagerie cérébrale. Les causes en sont variées et se sont récemment multipliées. Les premières connues ont été des atteintes infectieuses comportant une participation limbique, surtout l’encéphalite herpétique. Mais ces caractères cliniques pathologiques évolutifs ne justifient pas une étude détaillée dans le cadre des encéphalites limbiques. Le terme d’encéphalite limbique a été proposé pour isoler les encéphalites paranéoplasiques parmi les autres encéphalites temporales notamment infectieuses. Ont ensuite été décrits les anticorps onconeuraux, antiHu, ANNA3, antiMa2, antiCV2. Toutefois, ils n’étaient pas détectés dans 40 % des cas. Dans l’ensemble, le pronostic de ces formes était peu favorable. Les canalopathies potassiques voltage-dépendants sont dues à une dépolarisation prolongée, elle-même liée à un dépot d’anticorps inactivant les canaux potassiques. Les mutations du gène des sous unités Kv11 et Kv12 sont à l’origine de syndromes entrant dans le groupe Shaker : neuromyotonie, maladie de Morvan, ataxie épisodique de type 1, encéphalite limbique caractérisée par des troubles psychiatriques, des crises d’épilepsie, une hyponatré- mie dont la correction associée à l’immunothérapie est très efficace. Les formes dont les anticorps précédents n’ont pas été détectés, ont été alors considérés comme en relation avec les antigènes antineuropile de l’hippocampe. En particulier, la présence d’anticorps antiré- cepteurs de N-methyl D-aspartate s’accompagne d’une sémiologie particulière et apparaît causée par un tératome de l’ovaire chez la femme jeune. Ainsi on a pu proposer la séparation d’une part des formes à antigènes intracellulaires, par exemple paranéoplasiques, de mau* Membre de l’Académie nationale de médecine ** Neuropathologie, Faculté de Médecine de la Timone, Boulevard Jean Moulin — 13005 Marseille Tirés à part : Professeur Georges Serratrice, 19, rue Daumier 13000 Marseille Article reçu le 21 avril 2008, accepté le 13 octobre 2008 vais pronostic d’autre part celles à antigènes réagissant avec les membranes cellulaires (canalopathies potassiques, anticorps antineuropile) sensibles à l’immunothérapie et de pronostic favorable. Enfin, les encéphalites limbiques révélant une maladie d’Hodgkin sont authentifiées par un certain nombre d’observations dont une personnelle.
Summary
Limbic encephalitis is an inflammatory disease localized to the ‘‘ grand lobe limbique ’’ defined by Broca in 1878, sometimes restricted to the hippocampus, but sometimes including extralimbic abnormalities. The main features are subacute onset, short-term memory disorders and cognitive impairment, temporal seizures, and hippocampic changes on MRI. A list of underlying causes has recently been published. Infectious causes used to be frequent (mainly herpes simplex virus). Paraneoplastic limbic encephalitis is characterized by the presence of various onconeural antibodies, such as AntiHu and ANNA3 (bronchial small cell carcinoma), AntiMa2 (testicular tumor), AntiCV2 (lymphoma, thymoma,…). No such antibodies are detected in 40 % of patients. The prognosis of these forms is poor. Voltage-gated potassium channel-associated limbic encephalopathies are due to antibodies targeting potassium channels. Mutations of the genes encoding the Kv11 and Kv12 subunits are responsible for several Shaker syndromes, including neuromyotonia, Morvan’s disease, type 1 episodic ataxia, and limbic encephalitis with hyponatremia. Plasma exchanges and immunotherapy are effective. In patients without detectable antibodies, hippocampic antineuropil antibodies should be sought, particularly those targeting N-methyl-D-aspartate receptors. Ovarian teratoma is the usual cause of this type of encephalitis. Surgery and immunotherapy are effective. These disorders have been categorized into those associated with antibodies targeting intracellular antigens (poor-prognosis paraneoplastic encephalitis) and those associated with antibodies targeting antigens reacting with cellular membranes (potassium channelopathies and antineuropil antibodies), which respond to immunotherapy and carry a better prognosis. Limbic encephalitis can also reveal Hodgkin’s disease, as in a case observed by the authors.
INTRODUCTION
Le terme d’encéphalite limbique correspond à des atteintes inflammatoires et immunologiques de l’encéphale portant ou prédominant sur le grand lobe limbique, tel qu’il fut conçu par Paul Broca [1] en 1878, réunissant plusieurs structures notamment l’hippocampe. Ce terme d’encéphalite limbique tel qu’il fut proposé par Corsellis ultérieurement [2] est à la fois trop général et trop restrictif. Trop général puisque les lésions prédominant sur l’hippocampe s’étendent parfois au gyrus cingulaire, et au noyau amygdalien par exemple ; trop restrictif puisque dans nombre de cas elles s’étendent à des structures extra limbiques notamment le cervelet, le cortex frontal et orbitaire, certains nerfs crâniens, l’hypothalamus, le tronc cérébral, les nerfs périphériques. On doit ainsi conserver la notion d’un caractère souvent plus diffus qu’initialement estimé des encéphalites limbiques qu’elles soient ou non paranéoplasiques.
Les caractères sémiologiques les plus saillants sont une installation aiguë en quelques jours ou en quelques semaines, d’altérations de la mémoire à court terme, de
Tableau 1. — Anticorps intracellulaires : onco-neuraux (Inspiré de Graus et al 2004, Dalmau et
Rosenfeld 2008, mais excluant les anticorps associés uniquement à une dégénérescence cérébelleuse ou à une manifestation extra limbique.) principaux symptomes et anticorps cancer signes cliniques associés à l’encéphalite limbique 1. onconeuraux Anti HU Bronchique à petites Neuropathies sensitives, syndrome (Anna 1) cellules cérébelleux, pseudo-obstruction intestinale Anti Ri Sein, Bronchique Syndrome cérébelleux, Opsoclonus (Anna 2) Anti MA2 Testicule Troubles hypothalamiques, Narcolepsie, (anti TA) cataplexie, hyperphagie, déficit hypophysaire, dystonie gluco-faciale Anti CV2 Thymomes Chorée, ataxies cérébelleuses, ou anti CRMP 5 Bronchiques neuropathie sensitive, neuropathie optique (Collapsin response Mediator Protein) Antiamphiphysine Bronchique, sein Homme raide, myélopathie Anti TR (mGlur1) Hodgkin spécifiquement cérébelleux 1 cas de LE non détaillé 2. anticanal Habituellement non Neuromyotonie potassique néoplasique Morvan voltage 20 % de tumeur Hyponatrémie dependant bronchique 3. antineuropile Anti récepteurs Tératome ovarien Hallucinations NMDA Confusion, panique, catatonie Troubles respiratoires, hyperthermie troubles cognitifs, de crises épileptiques temporales. L’imagerie cérébrale découvre des lésions limbiques spécialement hippocampiques. Les causes en sont variées et se sont récemment multipliées.
ÉVOLUTION DES CONCEPTS
Diverses encéphalites et encéphalopathies comportant une atteinte limbique prédominante ont été observées naguère, au premier chef, l’encéphalite herpétique comportant des lésions de nécrose aiguë fronto-temporale, d’une extrême sévérité, fatale dans 70 % des cas en l’absence des traitements actuels. On en rapproche chez les sujets immunodéprimés des formes dues au VIH ou se produisant après transplantation de cellules souches. Ces diverses formes diffèrent des encéphalites limbiques par leur étiologie, leur évolution, leurs lésions et ne sont pas analysées ici.
La première avancée importante a été l’individualisation progressive de formes paranéoplasiques [2] et surtout la découverte ultérieure d’anticorps anti onconeuraux de plus en plus nombreux — bien qu’absents dans 40 % des cas.
Très différente est apparue la notion de canalopathie potassique à l’origine d’encéphalites limbiques curables [3] et de sémiologie particulière.
Récemment, une meilleure connaissance des formes à anticorps intracellulaires négatifs a débouché sur la notion d’anticorps dirigés contre la neuropile hippocampique [4] puis d’anticorps anti récepteurs NMDA, spécialement leurs sous-unités NR2B [5] propres, à des formes ayant l’intêret d’être sensibles à un traitement immunologique et aboutissant à séparer un groupe de formes traitables.
Parmi ces dernières se sont peu à peu fait jour des encéphalites limbiques révélatrices de maladie d’Hodgkin favorablement influencées par le traitement de cette dernière.
Ainsi l’encéphalite limbique paraît de plus en plus révélatrice de causes « expansives » [6]. Ce sont surtout ces formes dont le démembrement est le plus récent qui sont détaillées ici. D’autre part, le terme de limbique reste parfois ambigu si la localisation n’est pas certaine sur l’imagerie. Le nom de l’anticorps individualisé, par exemple anti NMDA, pourrait corriger cette ambiguité.
ENCÉPHALITE LIMBIQUE PARANÉOPLASIQUE
L’association d’une encéphalite limbique à une tumeur à distance, cancer bronchique à petites cellules, tumeur testiculaire, lymphome, est connue depuis Brierley et al [7] et surtout depuis Corsellis et al [3]. L’encéphalite précède le diagnostic de cancer six fois sur dix avec une durée moyenne de trois mois et demi.
La sémiologie [8] s’installe sur une période ne dépassant pas douze semaines marquée par des troubles de la mémoire à court terme, des altérations cognitives, des manifestations psychiatriques, des crises d’épilepsie. L’électroencéphalogramme est anormal (foyers d’ondes lentes, associés à des pointes), le liquide céphalorachidien comporte une hyperalbuminose et une lymphocytose. L’imagerie encéphalique montre des altérations temporales avec dans 80 % des cas des hyper signaux intenses dans la partie médiane d’un ou des deux lobes temporaux et des altérations limbiques. Les anticorps onconeuraux, analysés plus loin, sont absents dans 40 % des cas. Le cancer se développe dans les cinq ans, les métastases sont rares. Le diagnostic est souvent malaisé en raison de symptômes identiques dans d’autres complications neurologiques liées à un cancer (métastases, thérapeutiques, Herpès).
La recherche d’une tumeur nécessite des examens détaillés : scanner corps entier (thorax, abdomen, pelvis) ultrasons testiculaires, mammographie [9]. La camera à positrons corps entier avec fluorodesoxyglucose [10] serait l’examen le plus performant.
La recherche d’anticorps onconeuraux (Tableau 1), c’est-à-dire s’adressant aux antigènes neuraux exprimés par la tumeur s’est peu à peu développée [11, 12]. Les anticorps antiHu (ANNA1) s’accompagnent, après un début d’encéphalite proprement limbique, de signes de dissémination : neuropathies sensitives, pseudo obstruction intestinale, épilepsie partielle, état de mal notamment. L’origine est un cancer bronchique à petites cellules. Les anticorps antiHu ne sont présents que dans la moitié des cas et leur présence est de mauvais pronostic. Les anticorps anti CV2 (anti CRMP5) sont souvent associés à des signes extra limbiques (chorée, ataxie cérébelleuse, névrite optique, neuropathie sensitivo motrice, troubles cognitifs et du comportement. L’origine est le plus souvent un cancer bronchique, un thymome.
Les anticorps anti Ma2 [13] comportent, à côté d’une atteinte limbique, des troubles provenant de l’hypothalamus et du tronc cérébral. Les conséquences en sont tantôt une somnolence extrême avec narcolepsie, cataplexie, anomalies du sommeil paradoxal, hyperphagie, diminution d’hypocrétine dans le LCR, déficit hormonal hypophysaire. D’autres fois il s’agit de paralysie de la verticalité ou encore de dystonie bucco faciale. L’origine en est habituellement une tumeur testiculaire. Ces divers anticorps ne sont pas détectés dans 40 % des cas. Cette éventualité s’ajoute aux cas décrits sous le terme de polio-encéphalites sans cancer [14] réunissant quatre observations personnelles et dix de la littérature comportant troubles mnésiques et neuropathie périphérique avec des lésions limbiques, cérébelleuses et bulbo-pontospinales. De « nouveaux anticorps » ont été plus récemment individualisés.
Un dernier caractère est l’effet supérieur du traitement de la tumeur primitive à celui de l’immunosuppression. Le pronostic est dans l’ensemble réservé. L’évolution est en effet peu favorable. Les résutats de la thérapeutique chrirugicale sont variables, l’immunothérapie associée est sans grand effet.
Les lésions, principalement hippocampiques sont faites de raréfaction neuronale, d’infiltration lymphocytaire péri vasculaire et de prolifération micro gliale réactionnelle.
Le mécanisme de production des lésions est incertain. L’encéphalite apparaît dysimmune mais les anticorps onconeuraux pourraient n’être que des marqueurs sans rôle pathogénique. Une réponse immune contre le cancer pourrait résulter de réactions croisées avec des épitopes exprimés dans le système nerveux.
ENCÉPHALITE LIMBIQUE ET CANALOPATHIE POTASSIQUE VOLTAGE-DÉPENDANT
Un blocage par facteur auto-immun des canaux potassium voltage-dépendant est à l’origine de troubles de la repolarisation membranaire. A l’état normal la prolongation du potentiel d’action génère une dépolarisation qui entraîne l’ouverture des canaux sodium voltage-dépendant avec brève entrée de sodium dans le neurone puis leur inactivation, enfin l’ouverture des canaux potassium voltage-dépendant avec sortie rapide du potassium conduisant à une repolarisation membranaire. On peut donc imaginer que des anticorps inactivant les canaux potassium voltagedépendant (et favorisant l’entrée de calcium voltage-dépendant) empêchent la repolarisation et entraînent une dépolarisation prolongée après le passage du potentiel, d’où hyperexcitabilité nerveuse.
Cette anomalie est présente dans le groupe dit Shaker, du nom de la drosophile « Shaker » ou « agitée » qui porte un gène muté d’une sous-unité du canal potassique voltage-dépendant (sous-unité Kv11). Les mutations ponctuelles du gène de cette sous-unité sont à l’origine de syndromes assez différents, isolés ou associés, comme les syndromes neuromyotoniques, avec le syndrome crampes-fasciculations, la maladie de Morvan ou l’ataxie épisodique type 1 [15, 16]. La connaissance d’anticorps anticanal potassique voltage-dépendant au cours de la maladie de Morvan, accompagnée de troubles cognitifs, de dysautonomie et de neuromyotonie a été à l’origine de la recherche de ces anticorps au cours des encéphalites limbiques.
Ainsi les encéphalites limbiques avec anticorps anticanaux potassiques [3, 17] sont caractérisées par des troubles de la mémoire avec confusion et désorientation dûes à la dysfonction fronto-temporale, par des crises d’épilepsie avec anomalies encéphalographiques focales, d’anomalies temporales sur l’imagerie cérébrale, avec parfois extension frontale, cérébelleuse ou insulaire, exceptionnellement par une neuromyotonie. Une insomnie rebelle avec perturbation du cycle du sommeil, proche de l’insomnie de la maladie de Marfan pourrait être d’origine hypothalamique. Un caractère particulier est l’hyponatrémie par troubles de la sécrétion de l’hormone anti-diurétique. Le liquide céphalo-rachidien comporte hyperalbuminose et lymphocytose modérées. Les anticorps sont présents dans le sérum et le liquide cephalo-rachidien. Ils se lient aux canaux potassiques présents dans la couche moléculaire de l’hippocampe. Les mutations de la sous-unité Kv11 sont souvent associées à des crises d’épilepsie rebelles. Un thymome a été rarement observé.
Tandis que l’encéphalite limbique est reliée à la sous unité Kv11, la maladie de Marfan et la neuromyotonie sont plutôt reliées à la sous unité Kv12. Les canaux potassiques règlent l’excitabilité des neurones hippocampiques en modulant la libération des neuro transmetteurs, les réponses post-synaptiques aux influx excitateurs les décharges neuronales. Six sous-types (de Kv11 à Kv16) sont exprimés dans l’hippocampe. Kv11 et Kv12 sont concentrés dans les axones terminaux excitateurs, dans la couche moléculaire du gyrus dentelé (correspondant à la terminaison de la voie perforante), dans la zone de projection des fibres moussues de CA3, et à la terminaison des fibres de Schaffer dans CA1et CA3. Kv11 est spécialement exprimé dans ces deux dernières régions.
Les anticorps du groupe Shaker sont associés à trois syndromes : neuromyotonie, maladie de Morvan, encéphalite limbique. Le sérum du patient porteur d’encéphalite limbique marque particulièrement les sous-unités Kv11 des zones hippocampiques (tiers interne de la couche moléculaire, fibres moussues de CA3). Au contraire le sérum des neuromyotonies et de la maladie de Morvan marquent plus intensément les sous-unités Kv12 [16]. Ainsi cette spécificité antigénique peut être à l’origine des manifestations cliniques de ces syndromes, en particulier la localisation de Kv11 dans les régions hippocampiques impliquées dans l’excitabilité et la
Tableau 2. — Caractères et évolution des encéphalites limbiques (Selon Ances 2005 modifié) Anticorps Anticorps anticanal Antineuropile onconeuraux potassique récepteurs NMDA Neuropathies sensitives Neuromyotonie Hallucinations, Principaux signes et chorée Maladie de Morvan Confusion, symptomes extra Atteintes Panique, catatonie, limbiques cérébelleuses Troubles Pseudo obstruction respiratoires intestinale, etc..
LCR inflammatoire ++ Rare ou modéré ++ Hyponatrémie — ++ — Tumeur Bronchique Rare Tératome ovaire Testiculaire Parfois Thymome Thymome Lymphomes, Thymomes Traitement Immunosuppression Immunosuppression Immunossupression Tumorectomie ++ + Tumorectomie efficaces Évolution Progressive Favorable Favorable parfois stabilisation Rechutes Rechutes Mort Persistants Disparition en Diminution et Devenir des (mois ou années) quelques mois disparition en anticorps quelques mois mémoire pourrait expliquer que la dysfonction des canaux Kv11 se traduise par des troubles mnésiques, des troubles épileptiques, une agitation et des hallucinations.
Des échanges plasmatiques, les immunoglobulines par voie veineuse, la correction de l’hyponatrémie entraînent une amélioration importante, les anticorps disparaissent en quelques mois.
LES ESSAIS DE DÉMEMBREMENT DES FORMES SANS ANTICORPS DÉTECTÉS
Les anticorps antineuropile (c’est-à-dire réagissant avec des zones d’antigènes dendritiques de haute densité ou riches en synapses de l’hippocampe et du cervelet) ont paru caractériser des formes avec une intense réactivité spécifiquement hippocampique [4]. Le phénotype est marqué par des troubles du comportement et par une épilepsie sans hyponatrémie, par les altérations du liquide cephalo-rachidien et le peu de modification de l’imagerie. Une tumeur causale tératome de l’ovaire et parfois thymome est habituelle. Le traitement de la tumeur et l’immuno-suppression sont très efficaces notamment sur les rechutes. Les anticorps disparaissent en quelques mois. Ces particularités apparaissent sur le tableau 2.
La présence d’anticorps antirécepteurs de N-Methyl-D-aspartate ou NMDA [5] caractérise un tableau assez spécifique chez la jeune femme après des prodromes fébriles. Les symptômes psychiatriques sont au premier plan avec des hallucinations, une confusion mentale, des accès de panique, parfois une catatonie. Les troubles de la mémoire à court terme sont présents ainsi que les crises d’épilepsie. Une hyperthermie et des troubles respiratoires importants nécessitent une ventilation assistée.
La résonance magnétique de l’encéphale montre une hyperdensité médiane du lobe temporal. Les images ne se limitent à ces altérations hippocampiques habituelles que rarement (un quart des cas). Dans les autres cas s’observent des zones hyper intenses dans le cortex frontal ou pariétal, dans le cervelet, dans la moelle épinière.
L’imagerie est normale chez trois patients sur douze [5].
Un tératome de l’ovaire est habituellement en cause. La chirurgie et l’immunothé- rapie entraînent la guérison. Le pronostic est très supérieur à celui des encéphalites paranéoplasiques. Dans ces formes associées à un tératome les anticorps des neurones hippocampiques (les anticorps antineuropile non détectables par immunoblot, le sont par immunohistochimie photonique) sont des sous unités NR1 et NR2 des récepteurs NMDA. Le sérum et le liquide céphalo-rachidien réagissent avec les membranes de l’hippocampe du rat, principalement les sous unités NR2B qui se lient au glutamate, médiateur de l’exotoxicité. Il est possible [5] que l’expression des sous unités NR2B soit lié au tissu nerveux contenu dans le tératome. Les anticorps anti NR2B (GluR2) ont été observés dans diverses éventualités comme l’encéphalite de Rasmussen, certaines épilepsies rebelles ou des accidents vasculaires cérébraux.
Ils ont peu de spécificité. De rares cas, sensibles à l’immunothérapie sont connus chez l’homme [18]. Ils justifient l’utilisation des immunoglobulines chez des sujets avec antigènes anti NR1 et anti NR2, indemnes de cancer et potentiellement curables.
Ainsi s’est fait jour (Tableau 3), en addition aux antigènes intracellulaires, le plus souvent de mauvais pronostic, la notion d’antigènes associés à des encéphalites limbiques non néoplasiques (canalopathie potassique) sensibles à l’immunothérapie et aussi d’antigènes antineuropile (avec des nouveaux antigènes non encore déterminés) révélateurs habituellement de tératome de l’ovaire ou de thymome, également très sensibles à l’immunothérapie [19].
Dès lors [20] se séparent deux groupes de signification pronostique différente : celui des anticorps réagissant avec les antigènes intracellulaires, par exemple les encéphalites paranéoplasiques, de mauvais pronostic ; d’autre part, celui des anticorps réagissant avec les structures membranaires cellulaires (canalopathie potassique, anticorps antineuropile), traitables et de pronostic favorable.
Tableau 3. — Signification pronostic des variétés d’encéphalites limbiques.
1. Formes à antigènes neuronaux intra cellulaires Encéphalites paranéoplasiques : Hu, Ma2, CRMP5, Amphiphysine Pronostic défavorable 2. Formes avec antigènes neuronaux de surface cellulaire :
Anticorps anticanaux potassiques voltage-dépendant Anticorps antirécepteurs NMDA Traitables, de pronostic favorable Tableau 4. — Cas d’encéphalites limbiques associées à une maladie d’Hodgkin (NP : non précisé) Auteur Patient Traitement Évolution Carr 1982 Fille 10 ans Radiothérapie Disparition des Chimiothérapie troubles mnésiques Duykaerts et al 1985 Homme 36 ans Corticothérapie Décès Plieger et al 1990 Homme 37 ans Chimiothérapie Amélioration Deodhare et al 1996 NP NP N Bernal et al 1997 Homme 1 cas NP Régression possible cité par mi 28 patients avec anti corps anti Tr Rosenbaum et al 2 filles 10 ans NP N 1998 Bernard et al 2003 Femme 59 ans Chimiothérapie Régression Cas personnel Homme 75 ans Chimiothérapie Guérison Évolution récurrente Radiothérapie ENCÉPHALITE LIMBIQUE REVELANT UNE MALADIE D’HODGKIN
Ce qui paraissait une association fortuite décrite comme « syndrome d’Ophélia », du nom de la fille de l’auteur de l’article [21, 22] a, peu à peu, été considéré comme en relation directe depuis une observation anatomoclinique [23] et des cas ultérieurs [24-26] (Tableau 4). Le résumé d’une observation personnelle s’inscrit dans ce cadre : un homme de 75 ans avait présenté quatre épisodes de confusion avec troubles de la mémoire à court terme, méningite fébrile, imagerie cérébrale normale, absence d’anticorps onconeuraux. L’imagerie montrait des adénopathies abdominales dont une biopsie affirmait la nature hodgkinienne. Un traitement par Bléomycine, Vincristine, Dexamethasone, radiothérapie entraîna la récupération des fonctions cognitives et la guérison de la maladie d’Hodgkin [29].
Enfin la présence dans le sérum et le LCR d’un anticorps dénommé anti Tr (anti mGluR1) [27] est signalée [28] chez vingt-huit patients dont vingt-cinq avaient une maladie d’Hodgkin, vingt-sept un syndrome cérébelleux paranéoplasique et un seul présentait le tableau possible d’une encéphalite limbique dont les détails ne sont pas indiqués. Les anticorps anti Tr disparurent après traitement de la maladie d’Hodgkin.
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DISCUSSION
M. Jean-Jacques HAUW
Faut-il encore faire la distinction entre les encéphalites limbiques comportant des anticorps antirécepteurs de NMDA affectant habituellement les adultes et les encéphalites de Rasmussen de l’adulte comportant les mêmes récepteurs puisque les unes et les autres peuvent être bilatérales ?
Je n’ai pas l’expérience de l’encéphalite de Rassmussen de l’adulte et je ne connais que la référence de Takabashi et al (2005) et une remarque de Dalmau indiquant que les anticorps de l’encéphalite de Rassmussen ont une « faible spécificité » et sont détectables par immunoblot (à la différence des anti NR1/NR2).
M. Christian NEZELOF
L’auto-immunité hormonale est bien documentée. Et concernant l’immunité cellulaire, laquelle est souvent impliquée dans les réactions auto-immunitaires ?
On connaît en effet des réponses immunes dirigées par les lymphocytes T probablement contre les antigènes ciblés des anticorps accompagnant. Une auto-immunité due aux lymphocytes T a été observée dans le liquide céphalo-rachidien des patients avec anticorps anti Hu.
M. Bernard PESSAC
Les cellules affectées dans l’hippocampe sont-elles seulement des neurones ou également des cellules microgliales ?
L’immunothérapie est surtout représentée par l’utilisation d’immuno globulines par voie veineuse à doses élevées pendant des périodes de trois à quatre jours séparées par un à deux mois d’intervalle. Diverses modalités de chimiothérapie selon le type d’anticorps antineuraux, sont également utilisées dans le cancer. Quant aux cellules affectées dans l’hippocampe elles sont à la fois des cellules gliales et des neurones.
M. Bernard HILLEMAND
Les phénomènes pseudo-occlusifs évoqués dans certaines formes ne correspondraient-ils pas à des mégasplanchnies digestives fonctionnelles aiguës rentrant dans le cadre des perturbations digestives fonctionnelles neurogènes décrites par Pierre Hillemand. Le système limbique étant hautement impliqué dans le circuit de ‘‘ récompense ’’, y a-t-il chez les patients dont l’état leur permettrait de les acquérir, des phénomènes d’addiction ?
La pseudo-obstruction digestive est un accident dont on parle peu mais qui est dramatique. Toute tentative d’alimentation est impossible par l’accumulation des aliments dans le tube digestif. Ce phénomène est parfois mal connu des gastro-entérologues qui, dans mon expérience préconisent des perfusions d’erythromycine. L’addiction peut concerner en effet le système limbique au sens large et chez l’animal par exemple on connaît les expériences d’autostimulation « de plaisir » M. Géraud LASFARGUES
Quels sont les signes cliniques en faveur d’une atteinte limbique au cours des encéphalites l ?
Les signes cliniques évocateurs d’une encéphalite limbique sont la survenue aiguë ou sub-aiguë, en quelques jours ou quelques semaines d’altération de la mémoire à court terme, de crises d’épilepsie temporale, de troubles du sommeil, de troubles cognitifs. A ce noyau sémiologique s’ajoutent selon les cas des signes d’extension extra-limbique ayant pu faire qualifier certaines formes de syndromes « limbico-diencéphalo-mésencé- phaliques » (avec anticorps anti Ta) ou encore de pseudo maladie de Devic (formes avec anticorps anti CRMP5) parmi plusieurs autres exemples.
Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 8, 1531-1542, séance du 4 novembre 2008