Communication scientifique
Session of 27 mars 2001

Le rôle possible de la glande pinéale dans la pathogénie de la scoliose idiopathique. Études expérimentales et cliniques

MOTS-CLÉS : épiphyse (glande). mélatonine.. scoliose
Possible role of pineal gland in pathogenesis of idiopathic scoliosis. Experimental and clinical studies
KEY-WORDS : melatonin.. pineal body. scoliosis

J. Dubousset, M. Machida

Résumé

Conscients de son importance et vérifiant la découverte de Marie-Jeanne Thillard qui, en 1959, constate que la pinéalectomie est suivie chez le jeune poussin de l’apparition de déformations vertébrales, les auteurs démontrent dans une deuxième série d’expériences que l’injection à doses différentes de mélatonine, faite un même temps que l’exérèse de l’épiphyse, permet de limiter et même de prévenir ces déformations. Il est aussi démontré que chez le rat pinéalectomisé, la scoliose n’apparaît que si cet animal a été contraint à la bipédie par une excision précoce de ses membres antérieurs. Il est constaté enfin, dans la scoliose humaine progressive, un abaissement du taux nycthéméral de mélatonine plasmatique. Cette notion est à rapprocher de la constatation d’autres auteurs que la calmoduline plaquettaire, physiologiquement modulée par la mélatonine, est augmentée chez les enfants atteints de scoliose progressive. Un désordre génétique des neurotransmetteurs, d’origine neuro-hormonale, pourrait être responsable dans la condition de verticalité bipédique, du déséquilibre neuromusculaire à l’origine de la scoliose humaine.

Summary

The unexpected finding in 1959 by Marie-Jeanne Thillard that pinealectomy in young chickens gives way to spinal deformities was confirmed by the authors. In another experiment they found that injected melatonine to the chick at adequate dose and at the same time as surgery, lessen or even totally prevents the occurrence of deformities. On the other hand, * Hôpital Saint-Vincent-de-Paul — Université Réné Descartes, Département de Chirurgie orthopédique, 74-82 avenue Denfert Rochereau — 75674 Paris cedex 14. ** Nihon University — Tokyo — Japon. Tirés-à-part : Professeur Jean DUBOUSSET, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 12 décembre 2000, accepté le 12 février 2001 . at too low dose or delayed after pinealectomy melatonine injection, may not prevent the deformity which will be persisting or even increasing. In a subsequent series of experiments on the rat, pinealectomy results in decreasing the plasmatic amount of melatonine as well as giving way to spinal deformities. The nature of these deformities observed here is dependant on the stature between of the animal. The normal quadrupede rat develops after pinealectomy a standard scoliosis. Inversely the scoliotic deformity occurs when the animal has been forced to a bipede condition, which may be achieved by removing its forelimbs when baby, then forcing it to stand and remain in erect posture by high enough feeding. Melatonine depressing and erect position are in two conditions, when associated, likely to give way to experimental scoliosis. In human, a low nycthemeral level of plasmatic melatonine is correlated with progressive scoliosis. The level of platelets calmoduline, when is normally modulated by melatonine, has been proved by Kindsfater to be increased in progressive scoliosis. Then raises the hypothesis that human idiopathic scoliosis may be due to an inherited disorder of neuro-transmitters from neuro-hormonal origin, associated with bipedal condition, where an horizontal localized neuro-muscular imbalance starts and produces the scoliotic deformity of the fibro-elastic and bony structures axial spinal pilar.

La découverte fortuite par Marie-Jeanne Thillard, en 1959 [6], de l’apparition de déformations de la colonne vertébrale chez le poussin épiphysectomisé à l’âge de 2 à 4 jours avait été longtemps oubliée, bien que rapportée à cette époque dans les comptes rendus de l’association des anatomistes. Nous avons étudié à nouveau cette expérimentation dès 1982, puis refait personnellement les expériences en 1987 et depuis 1990 en collaboration avec le docteur Machida de Tokyo, d’une part chez le poussin que l’on peut assimiler à un oiseau bipède, d’autre part chez les rats qui sont des mammifères quadrupèdes. Enfin nous avons commencé à mesurer chez les enfants scoliotiques les neuro-hormones en relation avec cette glande. Ce sont les résultats de ces études que nous nous proposons de présenter dans cette synthèse.

MATÉRIEL, MÉTHODE ET RÉSULTATS

Expérimentation chez le poussin

Ayant constaté l’existence de déviations droites et gauches sur les spécimens de l’expérience initiale que nous avions pu retrouver dans son laboratoire, nous avons demandé en 1982 à l’initiatrice, Marie Jeanne Thillard elle-même, de faire une étude des coupes histologiques des cerveaux de poussins épiphysectomisés selon qu’ils présentaient une scoliose à convexité droite ou gauche, ce qui n’avait pas été remarqué lors de l’expérimentation initiale. Cette étude a pu être effectuée sur 30 spécimens scoliotiques où les 30 coupes des cerveaux correspondant ont pu être parfaitement corrélées. Une relation croisée entre côté de lésion cérébrale prédominante sur le toit du 3ème ventricule et côté de la convexité scoliotique a pu être
démontrée dans 28 cas sur 30. Dans les 2 derniers cas, la lésion cérébrale a été considérée comme bilatérale [2].

En 1987 lors d’une année sabbatique d’études et de recherches aux États-Unis, à l’université de Miami, nous avons démontré sur 78 cas de poulets mâles épiphysectomisés entre 1 et 6 jours, dont 58 ont survécu, que l’expérience initiale était parfaitement reproductible (Fig. 1) puisque 82 % des poussins ont développé une scoliose avec torsion rachidienne tout à fait similaire à la torsion observée dans la scoliose idiopathique humaine. D’autre part, sur 8 cas de poussins femelle épiphysectomisés, les 8 ont développé une scoliose. Aucun des cas témoins, 28 mâles et 2 femelles, n’a développé de scoliose. Enfin au cours de cette même expérimentation, nous avons testé la transmission des potentiels évoqués somesthésiques après stimulation du nerf tibial postérieur sur 20 de ces animaux d’expérience. Les 11 cas scoliotiques utilisables ont démontré une latence dans la transmission droite/gauche au niveau du cerveau par rapport aux animaux témoins, où aucune latence n’était observée.

En 1990, les expérimentations sont poursuivies au Japon par le docteur Machida (avec lequel nous restons en relation constante). Elles retrouvent la même reproductibilité de la méthode et nous décidons de réimplanter la glande pinéale dans les muscles de l’abdomen après l’avoir extraite du cerveau chez le poussin. Nous observons alors que sur 30 cas de pinéalectomie avec réimplantation, seulement 3 ont développé une scoliose (soit 10 %) contre plus de 95 % des cas où la réimplantation n’était pas effectuée après la pinéalectomie.

Bien évidemment l’étape suivante a consisté à injecter quotidiennement par voie générale, dès le moment de la pinéalectomie, les produits excrétés par la glande pinéale. D’une part, la sérotonine précurseur de la mélatonine où nous avons obtenu des scolioses dans 23 cas sur 30, soit 73 %, d’autre part la mélatonine elle-même à la dose de 100 mg/jour où il n’y a que 6 cas sur 30 où se développe une scoliose, soit 20 % [4].

L’expérimentation suivante a consisté à injecter la mélatonine, non plus dès le jour de la pinéalectomie, mais à des dates de plus en plus retardées. On constate alors que plus la date de l’injection de mélatonine est retardée, plus le nombre de scolioses est élevé. Ainsi, avec 2 semaines de retard pour les injections, il n’y a que 2 scolioses sur 10 cas, mais 7 sur 10 après 3 et 4 semaines et 10 sur 10 après 5 semaines.

Il est vérifié ensuite que l’injection simultanée d’hormone de croissance accentue les déformations rachidiennes obtenues après pinéalectomie, de manière bien corrélée avec l’accentuation du développement de la taille des cartilages de croissance des membres de ces poussins d’expérience par rapport aux témoins normaux.

Expérimentation chez le rat

Le but de l’expérimentation chez cet animal était de vérifier si l’on obtenait chez un mammifère quadrupède des déformations identiques à celles obtenues chez un oiseau bipède.

FIG. 1 — Poussin pinéalectomisé à l’âge de 3 jours, il y a 3 mois. Noter la scoliose structurale avec torsion du squelette costal, vertébral et pelvien, très voisin de ce que l’on observe dans la scoliose idiopathique humaine.

L’épiphysectomie a été effectuée chez 10 rats quadrupèdes. Aucun d’entre eux n’a développé de scoliose malgré des taux sériques de mélatonine extrêmement bas, voire nuls.

En revanche, l’épiphysectomie effectuée chez 20 rats rendus bipèdes par amputation des membres supérieurs effectuée à l’âge de 3 semaines et accoutumance ou « dressage » à la bipédie par alimentation placée de manière appropriée, a montré que la déformation scoliotique apparaissait dans les 20 cas, alors que chez les rats bipèdes non épiphysectomisés (5 cas), seule une déformation lordotique globale était démontrée.

Mesures en clinique humaine

La mesure du taux nycthéméral de mélatonine et d’hormone de croissance chez les enfants scoliotiques a été effectuée à Saint-Vincent-de-Paul en 1994. Il s’agissait de 2 enfants d’âge voisin (12 ans) porteurs d’une scoliose dont l’une déjà très évoluée puisqu’en phase immédiatement préopératoire, mais qui était déjà réglée depuis presque 2 ans et qui avait terminé sa poussée de croissance pubertaire. L’autre du même âge, non réglée, était au début de sa poussée de croissance pubertaire avec une scoliose de degré moindre, mais d’aggravation rapide. Ces mesures nycthémérales (toutes les 3 heures, à l’abri de la lumière, mesurant le taux plasmatique en picogrammes par ml de plasma) a montré une courbe très nettement diminuée, en particulier au moment du pic de sécrétion nocturne, comparée à la courbe normale observée sur le malade porteur de la scoliose ayant terminé son évolution. Ceci était d’ailleurs corrélé avec le taux d’hormone de croissance plus élevé aussi dans la forme débutant sa poussée pubertaire (Fig. 2).

Ces dosages ont été effectués ensuite au Japon sur 30 scolioses idiopathiques parmi lesquelles 18 étaient considérées stables (c’est-à-dire ne s’étant pas aggravées de plus de 10° en un an) et 12 progressives (c’est-à-dire s’étant aggravées de plus de 10° au cours de la dernière année), et sur 15 enfants ou adolescents du même âge, qui n’étaient pas porteurs de scoliose. Ce groupe contrôle a montré une sécrétion nycthémérale tout à fait normale avec, en particulier, le pic de sécrétion nocturne à 3 heures du matin. Le groupe des 18 non progressifs a montré des courbes tout à fait voisines de cette normale. En revanche, le groupe des 12 scolioses progressives a montré une sécrétion nycthémérale diminuée de manière tout à fait significative (p < 0.05).

Il est aussi intéressant de constater que 2 scolioses du petit enfant (infantiles) ont eu des dosages de mélatonine nycthémérale. Pour l’un le taux était tout à fait normal et la scoliose s’est avérée être régressive spontanément, pour l’autre le taux était très bas, la courbure était déjà importante et elle s’est avérée être très progressive.

FIG. 2. — Mesure nycthémérale des taux plasmatiques de l’hormone de croissance et de la mélatonine chez deux enfants scoliotiques du même âge chronologique. L’un (PAI), scoliose progressive, montre un effondrement de la sécrétion nocturne de mélatonine. Pour l’autre (NOU), qui présente une scoliose stable non progressive, la courbe de sécrétion est normale.

Synthèse des résultats

On peut donc constater :

— qu’il est facile de reproduire l’expérience initiale de la pinéalectomie chez le poussin en obtenant de 80 % à 100 % de déformation scoliotique qui miment très bien les déformations observées en clinique humaine dans la scoliose idiopathique ;

— que l’on peut empêcher l’apparition de ces déformations chez l’animal pinéalectomisé par administration de mélatonine à dose suffisante dès le moment de la pinéalectomie ;

— que l’administration de mélatonine effectuée avec retard après la pinéalectomie n’empêche pas l’apparition de la scoliose, qui est d’autant plus importante que le retard est plus grand ;

— que chez l’animal quadrupède, malgré des taux de mélatonine très bas, la déformation scoliotique n’apparaît pas après pinéalectomie alors que chez ce même animal rendu bipède, une lordose se développe, mais ne devient scoliose que si l’on pratique la pinéalectomie.

Ainsi peut-on se poser la question de la relation entre bipédie, mélatonine, rachis, et station érigée.

Enfin, qu’en pratique humaine il semble bien qu’une scoliose évolutive progressive soit associée à une courbe nycthémérale de mélatonine plasmatique basse par opposition à une courbe normale chez un malade scoliotique, mais qui n’est plus progressive.

DISCUSSION

En 1982, à la suite de notre présentation initiale à la

Scoliosis Research Society à

Denver du travail princeps de Marie Jeanne Thillard et les relations secondairement exploitées entre le côté de la scoliose et le côté de la lésion cérébrale des poussins expérimentaux et de nos premiers travaux en collaboration avec Masafumi Machida, de nombreuses équipes ont utilisé ce modèle expérimental.

Toutes ont obtenu des déformations scoliotiques, mais avec des fréquences souvent nettement moindres (55 % à 65 %). Peut-on incriminer un problème technique opératoire ? Ou bien un problème de définition et de mesure de la scoliose sur animal vivant ? Après sacrifice ? Quelles conditions ont été réalisées pour la prise de radiographies ? Les travaux des autres équipes sur les quadrupèdes rats, hamsters, ont confirmé nos propres résultats à savoir que l’on ne peut obtenir de scoliose chez ces animaux avec une pinéalectomie. Le fait le plus important de ces travaux expérimentaux rapportés dans nombre de publications est que le taux plasmatique de mélatonine est tout aussi bas chez les poussins pinéalectomisés scoliotiques ou non scoliotiques. Ceci démontre seulement que le taux bas de mélatonine n’est certainement pas l’unique raison de voir se développer une scoliose. Qu’en est-il de l’état
strictement neurologique, en particulier dans la transmission thalamique droitegauche ? Qu’en est-il des récepteurs de la mélatonine observés au niveau de la moelle dorsale ?

En 1994 Kindsfater [3] constatait l’existence d’une augmentation de la calmoduline plaquettaire dans les cas de scoliose progressive de plus de 10° par an, alors que ce taux était normal dans les groupes contrôles ou témoins lorsque la scoliose ne progressait pas. Il démontrait aussi que ce marqueur était complètement indépendant du test de Risser, qui est un test de maturation squelettique. Il est intéressant de constater que les études actuelles ont montré que l’action de la calmoduline est en réalité modulée et régulée par la mélatonine [1].

De sorte que dans la scoliose idiopathique, on avait une augmentation du taux de calmoduline, mais une diminution du taux de mélatonine dans les formes progressives, la calmoduline jouant le rôle de récepteur pour la mélatonine. Il n’est pas impossible que cette action se passe par l’intermédiaire des ions calciques, qui agiraient sur l’activation de l’actomyosine et donc indirectement sur la contraction musculaire pouvant expliquer ce déséquilibre neuromusculaire qui peut être la cause du démarrage scoliotique.

Ceci est d’autant plus troublant que des expérimentateurs de Hong-Kong [5] ont isolé des récepteurs de la mélatonine dans la moelle thoracique haute et moyenne. Il faut se rappeler aussi qu’il y a certaines scolioses dont l’étiologie paraît bien être connue, en particulier quand elles sont associées à une syringomyélie. Ce type de scoliose, à ce moment-là, est dû manifestement à un trouble du déséquilibre musculaire qui de temps en temps peut régresser lorsqu’on a pu traiter la cause de cette syringomyélie, en particulier un syndrome de Chiari. C’est ce qui expliquerait pourquoi un certain nombre de scolioses parfaitement établies avec gibbosité ont pu régresser spontanément après la disparition de la syringomyélie obtenue grâce à un agrandissement du trou occipital et une plastie duremérienne permettant d’améliorer la circulation du liquide céphalo-rachidien.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Donc, on en arrive à l’hypothèse pathogénique suivante des scolioses idiopathiques.

Il s’agirait d’un trouble probablement génétique d’origine neuro-hormonale en relation avec la mélatonine ou l’un de ses précurseurs qui, en relation avec la bipédie, entraînerait un déséquilibre musculaire horizontal de type torsionnel. Celui-ci se trouvant entre la direction 3D des épaules et la direction 3D du bassin, donc vers ce niveau jonctionnel D4 D5 qui est souvent retrouvé dans la scoliose idiopathique thoracique. De sorte qu’aujourd’hui notre hypothèse est que la courbure d’une scoliose idiopathique est une courbure de la colonne vertébrale, probablement un phénomène compensatoire de maintien ou de restauration de l’équilibre sensoriel postural consécutif à ce trouble de torsion pour conserver le meilleur équilibre possible.

Avec la maturation du système nerveux, si la sécrétion de mélatonine reprend normalement et si la scoliose n’a pas atteint un degré mécanique tel que la régression n’est plus possible, la scoliose sera résolutive. Si au contraire la déformation a atteint un degré mécanique tel qu’elle ne peut pas revenir en arrière, la scoliose sera progressive mécaniquement tout au long de la croissance, en particulier la poussée pubertaire, etc… Si on a pu intervenir très jeune et corriger cette déformation avant la fermeture du cartilage neurocentral, c’est-à-dire avant l’âge de huit ans, on pourra, si cette maturation du système nerveux est bien survenue, obtenir des régressions comme on l’a observé avec certaines scolioses infantiles. Au contraire, si le déficit neuro-hormonal n’est pas corrigé, la scoliose s’aggravera mécaniquement de manière inéluctable et aboutira aux déformations que l’on connaît et que l’on essaye de corriger de manière symptomatique par les plâtres, les corsets, ou l’arthrodèse qui n’est en fait qu’un rattrapage de la conséquence, c’est-à-dire la déformation, mais certainement pas un traitement de la cause.

C’est pourquoi nous pensons qu’il faut poursuivre ces travaux, en particulier chez l’homme, pour essayer de répondre à ces questions :

— est-ce que le dosage de mélatonine plasmatique nycthéméral, associé à celui de l’hormone de croissance, permet de faire la différence entre scoliose progressive et scoliose non progressive par un seul examen biologique à la place de plusieurs examens radiographiques successifs (ce qui se passe actuellement le plus souvent) ?

— est-ce qu’un essai thérapeutique peut être justifié, par exemple en séparant les scolioses progressives en deux groupes, l’un qui recevra 3 mg de mélatonine par jour, l’autre qui recevra un placebo. Le traitement orthopédique symptomatique étant le même pour chacun des deux groupes, soit rien du tout et observation, soit corset orthopédique. Tous les malades seront suivis jusqu’en fin de croissance. Ce travail est prévu pour un délai de 3 ans, au terme duquel j’espère venir en rapporter les résultats devant l’Académie.

BIBLIOGRAPHIE [1] BENITEZ KING G., RIOS A., MARTINEZ A. et al . — In vitro inhibition of Ca++ calmodulin dependent Kinase II activity by Melatonin.

Biochim. Biophys. Acta, 1996, 1290 , 191-196.

[2] DUBOUSSET J., QUENEAU P., THILLARD M.J. — Experimental scoliosis induced by pineal and diencephalic lesions in young chicken — Its relation with clinical findings in idiopathic scoliosis.

Orthop. Trans., 1983, 7 , 7.

[3] KINDSFATER K., LOWE T., LAWELLIN D. et al. — Levels of platelets calmodulin for the prediction of progression and severity of adolescent idiopathic scoliosis . J. Bone Joint Surg. ( A ), 1994, 76 , 1186-1192.

[4] MACHIDA M., DUBOUSSET J., IMAMURA Y., IWAYA T., YAMADA T., KIMURA J. — Role of melatonin deficency in the development of scoliosis un pinealectomized chickens. J. Bone Joint Surg. ( B ), 1995, 77 , 134-8.

[5] QI W., SHIN FUN P. — Segmental coronal and subcellular distribution of 2-(125 I) iodomelatonin binding sites in the chicken spinal cord. Neuroscience Letters , 1994, 180 , 253-256.

[6] THILLARD M.J. — Déformations de la colonne vertébrale consécutives à l’épiphysectomisé chez le poussin. Extrait des Comptes Rendus de l’Association des Anatomistes, 1959, 46 , 22-6.

DISCUSSION

M. Michel ARTHUIS

Collaborant avec Jean Dubousset depuis plus de 30 ans, je voulais souligner l’importance de ses travaux et rappeler tout ce qu’il a fait pour les enfants atteints de scolioses idiopathiques.

Il y a longtemps que Jean Dubousset me dit que la scoliose idiopathique est d’origine « neurologique ». Il avance aujourd’hui que l’on parviendra un jour à la prévenir par un traitement médical. C’est une excellente annonce pour les enfants à venir et je souhaite qu’on lui donne les moyens de poursuivre ses travaux.

Il est vrai que c’est le but poursuivi car on ne peut pas dire que d’arthrodéser 7, 8 ou plus, niveaux normalement mobiles pour traiter chirurgicalement une scoliose, soit le traitement idéal et que de conserver un organe dans la situation la plus proche possible de la normale est un des buts essentiels de la médecine.

M. Claude-Henri CHOUARD

L’IRM permet-elle d’observer des anomalies morphologiques de la glande pinéale chez les enfants présentant une scoliose congénitale … ?

Je ne pense pas que ce travail ait été réalisé. On doit dire que les enfants présentant une tumeur (pinéalome) et ayant subi l’ablation de cette glande pinéale tumorale, n’ont pas développé de scoliose. Peut-être est-ce une question d’âge ou peut-être existe-t-il d’autre tissu pinéal, à côté de celui tumoral, capable de sécréter de la mélatonine.

M. Jacques CAEN

L’excès de calmoduline plaquettaire dans les scolioses idiopathiques mérite d’être étudié par Jocelyne Enouf, unité 348 de l’INSERM (Directeur, Sylviane Levy-Toledano). Les diffé- rents canaux calciques mériteraient un plus ample inventaire.

C’est pour moi une excellente nouvelle que j’ignorais et je vais me mettre en rapport avec elle pour voir si l’on peut poursuivre cette recherche, en France en particulier, pour les scolioses des jeunes enfants.

M. Jean CAUCHOIX

Comment ne pas déplorer que vos recherches capitales et originales sur le mécanisme des scolioses idiopathiques n’aient pu, faute de crédits, être réalisées en France et qu’un séjour à Miami ait été pour cela nécessaire, alors que les applications cliniques et thérapeutiques,
tout aussi capitales, n’aient pu trouver qu’au Japon les supports financiers nécessaires.

Qu’en est-il en France de l’attribution des crédits de recherche ? A propos du signe de Min Mehta qui repose sur l’aspect des 12èmes côtes sur une radiographie de face et qui permet de prévoir la nature régressive ou progressive de la scoliose, ce signe est-il en concordance avec les éléments du pronostic que l’on peut tirer des variations de la mélatonine sérique ?

J’avais en effet par deux fois fait une demande de recherche à l’INSERM sans succès, probablement par ce que je ne m’étais pas adressé au bon laboratoire. Pour ce qui concerne le signe de Min Mehta qui mesure la différence entre l’angle costo-vertébral concave et convexe et qui, s’il est inférieur à 20°, est le signe d’une forte probabilité de régression, la concordance avec les taux de mélatonine sérique est en effet parfaite dans les deux cas de scoliose infantile étudiés à Saint-Vincent-de-Paul.

M. Maurice MERCADIER

Quelle est le traitement que vous proposez pour agir sur une scoliose idiopathique chez une adolescente ? Quelle place accordez-vous à l’orthopédie, au traitement biochimique, à la prise en compte du comportement psychologique de l’adolescent ? J’ajouterai une remarque.

Elle concerne les difficultés que vous avez rencontrées pour obtenir des crédits, refusés en France, mais octroyés sans difficulté aux États-Unis et au Japon. Pouvez-vous en expliquer les raisons ?

Les difficultés rencontrées pour l’obtention des crédits sont probablement venues de mon ignorance des circuits adéquats et de la bonne porte à laquelle il fallait frapper. Une fois qu’il est décidé, le traitement, qu’il soit orthopédique ou chirurgical, doit effectivement s’entourer de précautions psychologiques, non seulement vis-à-vis des parents, mais surtout vis-à-vis des enfants, en particulier des jeunes filles qui veulent affirmer leur personnalité et se détacher de l’emprise familiale. Il faut leur parler directement, parfois en dehors des parents, car s’il n’y a pas d’adhésion parfaite au traitement orthopédique, par plâtre ou corset par exemple, le résultat risque d’être médiocre et sera considéré comme un échec. On peut dire qu’il n’y a pas un traitement à tout faire, ni un corset à tout faire, et que celui-ci doit être adapté à chaque cas. Il est très important que le patient soit parfaitement informé de la durée prévisible du traitement en fonction de la croissance résiduelle qu’il faut savoir apprécier avec le patient lui-même. C’est dire que l’introduction d’un traitement adjuvant biochimique (actuellement en expérimentation au Japon) devra être effectué avec toutes les précautions scientifiques et psychologiques nécessaires s’il s’avère efficace sur cette première expérience.

M. Claude DREUX

Avez-vous étudié les cycles nycthéméraux de la sérotonine et de la mélatonine chez vos malades, à la fois dans le sang total et les plaquettes ? Des biochimistes parisiens seraient-ils capables de réaliser ces études ?

C’est effectivement des dosages nycthéméraux qui ont été effectués sur la plupart des malades, avec beaucoup de précautions vis-à-vis de la lumière qui peut fausser de manière importante les résultats, ce qui oblige à faire des prélèvements nocturnes dans l’obscurité. Je suis bien sûr très intéressé à rencontrer les biochimistes parisiens qui pourraient effectuer ces dosages à la fois dans le sang total et les plaquettes car nous pourrions établir une recherche parallèle à celle effectuée au Japon, notamment sur des enfants plus jeunes que ceux qui sont étudiés à Tokyo.

M. Georges DAVID

A-t-on étudié l’influence sur le développement du rachis d’une perturbation des alternances éclairement-obscurité, qui conditionnent la sécrétion circadienne de la mélatonine ?

Je ne pense pas que ce travail ait été effectué. En revanche, je dois dire qu’il est exceptionnel de rencontrer une scoliose chez les malades atteints de cécité congénitale.

M. Patrice QUENEAU

Dans le droit fil du débat concernant les variations nycthémérales, existe-t-il des variations circannuelles de l’évolutivité de telles scolioses iodiopathiques, qui puissent être notamment rattachées aux variations circanuelles de la luminosité ?De même, les taux de la mélatonine et de la calmoludine présentent-ils des variations circannuelles en relation avec la luminosité, comme pourrait le faire évoquer, par exemple, l’existence de dépressions saisonnières dont certaines sont réputées photo-sensibles ?

Je ne pense pas que ce point ait été particulièrement étudié dans l’épidémiologie des scolioses et je n’ai pas souvenir d’une quelconque allusion à ce sujet dans tout ce que j’ai pu lire. Par ailleurs, les découvertes relatives à l’implication de la calmoduline plaquettaire et de la mélatonine sérique sont trop récentes pour qu’une telle recherche ait été déjà faite.

M. Gabriel BLANCHER

A t-on utilisé, à titre thérapeutique, des extraits totaux de la glande pinéale ?

A ma connaissance cela n’a jamais été utilisé et on ne peut affirmer, en effet, que la mélatonine soit le seul produit de sécrétion de cette glande.

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 3, 593-604, séance du 27 mars 2001